République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 17 décembre 2004 à 8h
55e législature - 4e année - 3e session - 12e séance
PL 9388-A
Suite du premier débat
La présidente. Veuillez, Messieurs les rapporteurs et Madame la conseillère d'Etat, avoir l'amabilité de vous réinscrire. Merci. M. Alberto Velasco, rapporteur de deuxième minorité.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de deuxième minorité. Je crois que, hier, l'ordre était ce qu'il était. Il y avait M. Lescaze, M. Mouhanna et à la fin, c'était moi.
M. Bernard Lescaze. Le rapporteur de majorité peut parler en dernier.
M. Alberto Velasco. C'est un droit de cuissage.
La présidente. Monsieur Velasco, vous êtes inscrit prioritairement dans ma liste et c'est à vous de prendre la parole. (Rires. Commentaires.)Monsieur Lescaze, ayez l'amabilité de vous taire, je passe la parole à M. Velasco.
M. Alberto Velasco. Merci, Madame la présidente. Au cours de l'intéressant débat d'hier, certains aspects ont été relevés, notamment par le PDC, qui nous a reproché notre attitude peu républicaine car, selon lui, nos propositions ne l'étaient pas. Monsieur Cavaleri, être républicain, c'est aussi avoir la conception grecque de la République: les Grecs pensaient que le rapport entre les riches et les pauvres devait se situer dans une proportion de un pour quatre. Aujourd'hui, ce rapport a une proportion de un pour dix mille. Je veux bien que l'on fasse contribuer les personnes à l'AI de 230 francs au rétablissement des deniers publics. Mais dans ce cas, il faudrait que les riches contribuent dix mille fois plus que cela. Et ce n'est pas le cas. Voilà ce qui serait républicain. Je pense qu'être républicain revient à ne pas admettre que ce soient toujours les plus démunis qui payent. Je pense aussi que cela revient à une répartition des richesses produites dans ce canton - chose qui ne se fait pas. Voilà ce que j'appelle une attitude républicaine. Nous sommes républicains: nous pensons que la richesse produite dans ce canton ne se répartit plus comme elle devrait l'être. Nous ne sommes donc pas d'accord avec vous.
Vous nous dites que 24% de la population sont exonérées d'impôts - d'ailleurs, le chiffre que M. Glatz a cité par la suite est en corrélation: le nombre des personnes à l'AI a augmenté de 71%. C'est vrai, Monsieur Glatz. Mais cela est dû au mécanisme suivant: les gens sont au chômage et se trouvent, pour des raisons d'ordre psychologique que vous connaissez bien, inadaptés au marché du travail. Ils sont ainsi renvoyés à l'AI parce que notre société ne peut pas les intégrer dans le monde du travail. Cela n'est pas le fait d'une politique généreuse. Une politique généreuse permettrait au contraire que ces gens puissent trouver un travail et payer leurs impôts. Je suis, sur ce point, tout à fait d'accord avec mes collègues du PDC: la dignité d'un citoyen revient à être contribuable de sa République. Il est plutôt indigne de ne pas pouvoir contribuer aux deniers de l'Etat par manque d'activité rétribuée. C'est malheureusement le cas aujourd'hui. Le nombre de ceux qui ne peuvent pas s'acquitter de l'impôt augmente dans notre République. Nous ne sommes pas d'accord avec cette situation et c'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas voter ce budget, parce que, tel qu'il nous est proposé, il ne résout pas ce problème.
Hier, j'ai entendu dire qu'une des propositions - celle qui consistait à s'attaquer aux charges - était acceptable puisque cela permettait une redistribution. Nous ne sommes pas non plus d'accord d'aller dans le sens d'une politique qui consiste à s'attaquer à l'administration de cette République, pour redistribuer aux plus démunis. Je ne pense pas que ce soit la solution. Nous pensons qu'il y a un problème de recettes. Le budget le démontre depuis trois années consécutives. Nous pensons qu'il faudra revoir cette fiscalité par le haut et il n'y pas de raison que les classes les plus démunies y participent.
Je tiens cependant à dire à M. Marcet que les personnes les plus riches de cette République - et de ce pays - ont continué à augmenter. La richesse de ce pays, Monsieur Marcet, en valeur absolue, a continué à augmenter. C'est donc la redistribution qui ne fonctionne pas. (L'orateur est interpellé.)Cela est votre problème. Votre politique consiste justement à favoriser cette classe précise, mais ce n'est pas notre politique. Notre politique consiste à dire que pour qu'un Etat se développe, il faut que l'on crée de la richesse. Nous serions donc d'accord de participer à un budget, pas celui que vous nous avez proposé, mais un budget qui s'attaque à cette problématique, ce, pas en trois ans, comme le souhaite le Conseil d'Etat, mais avec une marge un peu plus large pour une politique plus adéquate.
Nous n'en avons pas parlé hier, mais trois milliards sont programmés, d'ici 2009, selon le plan d'investissement des travaux, proposé dans le budget. A raison de 300 millions de francs par année, je vois difficilement comment on peut s'attaquer à ce retard en matière d'investissement. Or, vous savez très bien que la politique des investissements représente une part importante du développement économique dans notre canton. Il est important d'investir dans les infrastructures, notamment pour instaurer des conditions-cadre permettant à l'économie genevoise de se développer. Le niveau d'investissement à notre disposition est extrêmement bas, je ne vois pas comment nous pourrons, au cours des trois ou quatre années à venir, rattraper ce retard. C'est un des points sur lesquels nous devrions nous interroger. Personne, hier, lors du débat, ne l'a relevé. Nous, les socialistes, le relevons et disons que nous ne sommes pas d'accord avec cette politique.
Mesdames et Messieurs les députés, nous réitérons notre position: nous ne pourrons pas voter le projet de budget tel qu'il nous est proposé.
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de troisième minorité. Je m'apprêtais, hier, à 23h, à répondre à un certain nombre d'interventions de députés de la droite. Finalement, nos débats ont été interrompus. J'ai réfléchi, avant d'arriver ce matin, à ce que je pourrais dire aux uns et aux autres, après un certain nombre de déclarations qui sont absolument caractéristiques de la nature de ce débat. Il s'agit d'un débat qui oppose deux conceptions, deux visions de la société: cela confirme bien le fait que les projets de budget ne sont pas de simples alignements de chiffres. Il s'agit de choix de société et d'orientation, compte tenu de circonstances particulières, dans la plupart des cas. Hier, M. Weiss s'est permis de m'attribuer des déclarations que je n'avais pas faites. Il se croyait autorisé de critiquer mon intervention en utilisant des propos que je n'avais pas tenus. Mais il se trouve, heureusement, que nous sommes en démocratie et que je peux vous répondre de vive voix, Monsieur Weiss.
Vous avez dit, Monsieur Weiss, que j'avais prétendu que le 0,5% de baisse des charges représentait 500 postes voire 700 emplois. Non, Monsieur Weiss, j'ai textuellement dit, vous pourrez vous en référer au mémorial, que cette réduction de 0,5% que vous avez opérée, qui représente l'équivalent de vingt millions de francs - que M. Lescaze ramenait à 50 centimes pour 100 francs - cumulés à la réduction globale du Conseil d'Etat de 32,4 millions, Monsieur Weiss - le Conseil d'Etat lui-même, d'ailleurs, dit que la conséquence de tout cela sera que certains postes resteront vacants pendant un certain temps - font 52,4 millions. Vous pouvez vous-même faire le calcul, cela représente 500 postes à plein temps, et, compte tenu du temps partiel, cela représente l'équivalent de 700 emplois, Monsieur Weiss.
Vous avez ironisé, Monsieur Weiss, sur le fait que nous revenions à la charge pour augmenter les impôts, et qu'il serait intéressant de voir s'instaurer un débat sur l'augmentation des impôts, pendant cette année électorale. Monsieur Weiss, vous me donnez justement l'occasion d'expliquer de quoi il s'agit. Vous avez prétendu, lors de la campagne sur l'initiative 111 de baisses d'impôts, que cette baisse n'aggraverait nullement l'état des finances publiques, qu'elle ferait affluer les millionnaires et les gros contribuables, que les caisses de l'Etat se rempliraient et que nous pourrions sortir des déficits et rembourser la dette. La réalité est tout autre, puisque les recettes fiscales ont diminué de 400 millions. Non satisfaits, d'ailleurs, de cette diminution des ressources de l'Etat, vous avez à nouveau attaqué sur ce terrain, puisque vous avez également obtenu la suppression de l'impôt sur les successions en ligne directe. Cela équivaut à 450 voire 500 millions suivant les années.
M. Bernard Lescaze. Le peuple a voté !
M. Souhail Mouhanna. Oui, le peuple a voté. Nous n'avons jamais dit que le peuple n'avait pas raison. Mais il faut faire en sorte que le peuple ait encore plus raison, la prochaine fois. C'est ce que nous faisons. Nous avons quelques signaux positifs. Premier signal positif: l'acceptation, par le peuple, de notre initiative 113, sur l'imposition temporaire des grosses fortunes et des gros bénéfices réalisés. Il y a un autre exemple. Vous étiez tous engagés corps et âme dans la campagne électorale, dépensant des sommes considérables pour faire passer le paquet fiscal fédéral. Vous disiez à la population, comme avec «votre» 12%: «Cela va être très bien, vous allez pouvoir vous enrichir, nous pourrons baisser vos impôts.» Résultat: le peuple vous a renvoyés à vos études et ce paquet fiscal fédéral a été massivement refusé par les citoyennes et les citoyens genevois.
Vous avez pour habitude de considérer la population comme une entité incapable de réfléchir et de tirer des leçons de l'expérience. Nous sommes, pour notre part, convaincus que la population est une entité vivante qui est intelligente et qui réfléchit, qui est capable de tirer les enseignements qui s'imposent de l'expérience. Lesquels ? Nous voyons que lorsque vous avez obtenu cette baisse de 12%, qui représente - comme je l'ai dit hier et comme vous pouvez le calculer vous-même - un cadeau de plus de 106 000 F pour chaque millionnaire au revenu imposable. Pour la grande majorité de la population, c'est négligeable. Pour 57 000 contribuables, le «cadeau» représente 14 ou 15 francs - comparé aux 106 000 F, c'est dérisoire et on voit qui en profite. Les conséquences de cette mesure sont: la baisse des prestations, l'aggravation de la situation - M. Mettan expliquait hier que le nombre des personnes qui ne sont plus imposées est passé de 18 à 24%, mais c'est logique, puisqu'on a fait de tels cadeaux à ceux qui possèdent le plus que - c'est comme les vases communicants - un plus grand nombre de personnes se trouvent dans la précarité et la pauvreté.
M. Marcet nous a fait, hier, la leçon, c'est l'éternel chantage, concernant le départ des millionnaires si jamais on augmentait les impôts. Je ne sais pas jusqu'à quand vous allez pouvoir utiliser ce chantage, Monsieur Marcet. Car vous savez bien que les mêmes recettes seront utilisées ailleurs. C'est la martingale pour les uns et les autres: ou on baisse les impôts ou bien ils vont partir. Les autres disent la même chose. Mais ce que l'on voit aujourd'hui, c'est que partout où il y a eu cette baisse d'impôts, les finances publiques ont plongé. Regardez la France, qui applique une politique néolibérale, vous pouvez faire vos calculs par rapport à Maastricht.
La présidente. Monsieur le rapporteur, vous en êtes bientôt à sept minutes de temps de parole.
M. Souhail Mouhanna. Les sociodémocrates allemands ont plongé l'Allemagne dans les déficits et la dette, à partir du moment où ils ont commencé à appliquer les recettes du néolibéralisme. Voilà ce qui nous attend. Je ne peux pas ne pas répondre à M. Glatz qui, hier, s'étranglait d'indignation à l'idée de savoir que les mal lotis, les handicapés de notre canton...
La présidente. Monsieur le rapporteur, huit minutes.
M. Souhail Mouhanna. ...que les prestations complémentaires pour handicapés représentent 200 F de plus que les mal lotis de Zurich ou d'ailleurs. Mais M. Glatz ne s'indigne absolument pas du fait qu'il y ait de plus en plus de personnes précaires et pauvres, de chômeurs, qu'il y ait de plus en plus de riches et que les riches soient de plus en plus riches, et que l'on veuille encore faire des cadeaux à ceux qui en ont le plus. Non, Monsieur Glatz ne s'en indigne pas.
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur.
M. Souhail Mouhanna. C'est fini ?
La présidente. C'est fini, vous êtes à huit minutes, Monsieur le rapporteur.
M. Souhail Mouhanna. Ah. Excusez-moi. J'aurai toute la journée pour reprendre et compléter.
M. Bernard Lescaze (R), rapporteur de majorité. Le débat a été brusquement interrompu hier soir. Je vais donc rappeler, pour ceux qui l'ignoreraient encore, sans doute en dehors de cette salle, que la majorité de ce Grand Conseil souhaite un budget. Effectivement, comme vient de le rappeler le rapporteur de troisième minorité, un budget n'est pas un simple alignement de chiffres. Or je constate que la plupart des chiffres avancés par ce rapporteur sont faux, erronés ou utilisés à mauvais escient. Je n'en donnerai qu'un seul exemple. Hier, j'avais cru comprendre - mais le rapporteur de troisième minorité a corrigé - que les 17 millions de la coupe de 0,5% équivalaient à 700 postes, ce qui aurait fait que le poste à l'Etat serait payé, salaire brut, 24 280 F par an, chacun sait que tel n'est pas le cas. Même en rajoutant les 32 millions du turn over qui l'utilise autrement, cela voudrait dire que le poste à l'Etat - 49 millions, 700 postes - est à 70 000 francs bruts. Or, dans tous nos budgets, il est calculé entre 105 et 130 000 francs. (L'orateur est interpellé.)Vous l'avez dit deux fois, vous relirez votre intervention. Je passe à un second intervenant, qui oubliait, hier, de rappeler que, dans la période 93-98, le gouvernement avait dû faire face à une conjoncture économique extrêmement difficile, tout en devant assumer les investissements pharaoniques qui avaient eu lieu - notamment sous sa houlette, d'ailleurs - dans les années 80. Je rappellerai simplement, et vous tiendrez compte de l'inflation, M. Mouhanna vous le dira, des 250 millions pour un garage à trams au Bachet-de-Pesay ou du bâtiment pharaonique des Services industriels au Lignon. (Manifestation dans la salle. La présidente agite la cloche.)Quant à un troisième intervenant, qui prétendait, hier, que le gouvernement d'aujourd'hui... (La présidente agite la cloche.) ...dominé par une droite, prétendument antisociale, était incapable de gouverner, il aurait mieux fait de regarder dans son propre parti. Car deux des plus grands échecs en matière de gestion ces dernières années sont, je les nomme, le Stade de Genève et le Casino de Genève. (Exclamations.)Et comme par hasard, c'était un député de cet endroit. (Applaudissements.)Vous me laisserez parler, Madame la présidente, comme je vous laisse présider.
Troisième intervenant, et, extraordinaire, parce qu'il est Vert, c'est la volée de bois vert, précisément, qu'il a adressée hier au Conseil d'Etat. Je n'en croyais pas mes oreilles, je pense que l'assemblée non plus et je dois dire qu'il y avait une certaine injustice. Il y avait une certaine injustice parce que, pour ma part, je suis convaincu que le Conseil d'Etat est composé de femmes et d'hommes de bonne volonté... (Exclamations.)...et je dirai même plus, je dirai que probablement chez eux, la bonté l'emporte sur la volonté, et c'est bien pour cela que nous sommes, aujourd'hui, dans cette impasse. Pour rester sérieux, ce député attribuait tout à une crise de la recette - comme, d'ailleurs, la plupart de nos opposants. Mais c'est bel et bien à une crise de la dépense que nous avons affaire. Car, vous le savez bien, je ne vais pas parler ici des 60 millions de rabais que Mme Calmy-Rey a aussi fait. Nous ne sommes pas les seuls à avoir proposé des baisses de recettes fiscales. Mais si les 12% avaient été maintenus, l'Etat, aujourd'hui, n'aurait pas 12% de recettes en plus, parce que tout aurait été dépensé. Les budgets auraient été faits en fonction de ces 12% et nous serions dans la même situation. En réalité, ne revenez pas avec cela: quand il y a de l'argent à l'Etat, il est fait pour être dépensé et les merveilleuses théories sur les cycles économiques qui disent que quand les choses vont bien, on devrait faire des réserves, c'est pour les manuels d'économie, mais cela ne s'est jamais fait.
Mesdames et Messieurs les députés, «la majorité vote», comme le disait notre regretté collègue Balestra, «la minorité parle», mais il faut quand même que la majorité ne soit pas empêchée de voter, et c'est pour cela que je vous demande de voter l'entrée en matière de ce budget.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. En déposant son projet de budget 2005, le Conseil d'Etat affirmait une double volonté. Celle de respecter le plan financier quadriennal, d'une part, et celle d'accorder une priorité à la formation, l'encadrement éducatif, le social et la santé ainsi que la sécurité, d'autre part. Le plan financier quadriennal prévoit un retour à l'équilibre en 2007 et un déficit de fonctionnement qui ne dépasse pas 290 millions, en 2005. Le budget déposé en septembre respectait cet objectif, puisque le déficit s'élevait à 289,7 millions de francs avec 75 postes accordés au DIP; les montants nécessaires à l'application de la loi sur la police; les auxiliaires indispensables au bon fonctionnement de l'Etat étaient régularisés pour une dernière fois; et les montants consacrés à l'appui social augmentant globalement de 3,6%. Les dépenses essentielles étaient donc ainsi préservées. Par ailleurs, le Conseil d'Etat, en remettant son budget au Grand Conseil, l'a accompagné de modifications de lois permettant de respecter le cadre budgétaire fixé. Certaines visent une meilleure allocation des ressources en matière de politique sociale. C'est le cas de l'alignement des prestations AI sur les prestations AVS ou de la suppression de l'automaticité des subventions d'assurance-maladie aux jeunes de 18 à 25 ans. D'autres modifications visent à contenir les dépenses en matière de masse salariale. Ainsi, le gouvernement a-t-il dû, avec regret, décider d'une limitation de la progression des salaires réduite à la seule indexation plafonnée à 0,75%. Enfin, le gouvernement avait prévu une contribution des communes aux frais de l'OCPA pour un montant de 25% ou encore une suspension complète de la compensation de la progression à froid, pour l'année 2005. Aucune de ces mesures, vous le savez, n'a été proposée avec plaisir. Toutes l'ont été, en revanche, avec pour seul souci celui d'éviter des coupes brutales sur les dépenses, avant même d'avoir eu le temps d'effectuer l'évaluation des prestations dans laquelle l'Etat s'est engagé, à travers le projet GE-Pilote. Notre Conseil rappelait enfin, en présentant le budget 2005, la nécessité de respecter la cible de 290 millions, seuil au-dessus duquel l'Etat devait emprunter pour financer ses dépenses courantes. Le projet de budget n'a pas été accueilli avec grande satisfaction dans les différents groupes politiques, c'est peu de le dire. Comment s'en étonner, dès lors qu'il comporte son lot de sacrifices et d'efforts ? Et pourtant, le Conseil d'Etat tient à rappeler ici que son budget a été élaboré sur une base réaliste, y compris en ce qui concerne les recettes fiscales, puisque de tous bords, on a entendu des commentaires, pour les uns sous-évalués, pour les autres surévalués, tout simplement évalués à l'aune de ce que l'on connaît aujourd'hui de la conjoncture et de ce qu'elle pourrait devenir. Ce budget a été élaboré sans cosmétique et représente toujours, aux yeux du Conseil d'Etat, la solution préférable. Malheureusement, les premières décisions de la commission des finances ont conduit à un consensus, à savoir le rejet de deux mesures portant sur des recettes et un montant de 129 millions de francs. Ainsi, la quasi-totalité des commissaires ont-ils refusé la participation des charges de l'OCPA et la suspension des mécanismes de la progression à froid. Un tel refus faisait passer, de facto, le déficit budgétaire à 419 millions de francs, bien loin de la cible initialement fixée. Les travaux qui ont suivi et les amendements portés au budget qui vous est soumis aujourd'hui constituent la conséquence directe de cet état de fait. Constatant cela, et souhaitant limiter au maximum les effets liés aux coupures budgétaires qui ne pouvaient manquer de s'ensuivre, le Conseil d'Etat a proposé des amendements à la loi budgétaire, qui portent sur deux points. Concernant les recettes, pour un montant total de 65 millions. L'un d'entre eux prévoit une participation des communes réduite à un an et à 12,5% du total des dépenses de l'OCPA. Ce délai est lié à une condition, celle d'arriver à un accord de nouvelles répartitions des tâches et des responsabilités entre l'Etat et les communes.
Le second amendement prévoit un étalement sur deux ans, 2005 et 2006, de l'indexation des déductions et du rabais d'impôts, mesure prévue à l'origine sur 2005 seulement. Ainsi, l'indexation annuelle des barèmes est garantie, et l'indexation des déductions, jamais pratiquée jusqu'ici à Genève, est étalée sur deux ans au lieu d'une année.
Le Conseil d'Etat souhaite vivement au moins que ces mesures soient acceptées, si ces projets de lois devaient être refusés, elles tiennent compte des réactions politiques rencontrées, tout en assurant à l'Etat pour 2005, des moyens financiers qui lui sont indispensables. Nous ne pouvons, en revanche, soutenir les amendements portés au budget par la majorité, ils amputent les dépenses courantes de 0,5% et entraînent des effets non négligeables sur la gestion du personnel, alors que la réduction globale de 32,4 millions exige des efforts importants. Certains amendements sont contestés et contestables, sur le plan juridique. Nous aurons l'occasion de revenir sur ces points dans le courant du débat.
Enfin, le gouvernement déplore tout particulièrement l'amputation des montants consacrés à la solidarité internationale, dans la mesure où celle-là se fonde sur une loi adoptée par votre parlement, que les montants retranchés représentent les 70% du montant disponible pour les projets d'aide au développement, et d'autres engagements à respecter.
Le Conseil d'Etat ne déposera pas d'amendements sur tous les points contestés qui modifient son projet de budget. Il n'entend pas mener, ici, une guerre des tranchées qui n'ajoute rien à la dignité du débat. Il entend néanmoins faire entendre sa voix demain ou plutôt aujourd'hui je l'espère, sur les différents chapitres concernés. Par ailleurs, il présentera trois amendements qui ne modifient pas le solde du compte de fonctionnement mais qui permettent au moins de couvrir la part des engagements de la solidarité internationale, engagés d'ores et déjà pour 2005, engagements qui devraient être interrompus sinon.
Mesdames et Messieurs les députés, le canton de Genève a besoin d'un budget solide pour pouvoir fonctionner normalement et assurer sa crédibilité. Si celle-ci devait être entamée, l'Etat verrait rapidement se détériorer sa capacité d'emprunt et, surtout, les conditions consenties sur ces emprunts. Les charges d'intérêts supplémentaires qui en découleraient limiteraient encore davantage une liberté de manoeuvre déjà fort réduite. C'est le souci qui nous guide, à l'heure actuelle.
La présidente. Merci, Madame la présidente du Conseil d'Etat. M. Pascal Petroz ?
M. Pascal Pétroz. Madame la présidente, je demande l'appel nominal. (Appuyé.)
La présidente. Vous êtes soutenu. Nous allons procéder au vote de prise en considération de ce projet de loi par vote électronique. Ceux qui acceptent l'entrée en matière de ce projet de loi voteront oui, les autres voteront non ou s'abstiendront. Le vote est lancé.
Mis aux voix à l'appel nominal, ce projet de loi est adopté par 43 oui contre 31 non.
Deuxième débat sur le PL 9388-A: Session 03 (décembre 2004) - Séance 15 du 17.12.2004