République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 27 août 2004 à 16h20
55e législature - 3e année - 10e session - 64e séance
PL 8567-A
Premier débat
Le président. Je répète ce que j'ai dit tout à l'heure: je souhaite que nous puissions nous épargner le débat général sur la police pendant la discussion de ce projet de loi. Vous voterez ce dernier si vous le jugez utile, et le débat général aura lieu tout à l'heure, comme convenu lors de la séance du Bureau et des chefs de groupe.
Monsieur le rapporteur de majorité, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport ? Vous êtes inscrit, vous avez la parole...
M. Christian Luscher (L), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président... Je suis content que vous rappeliez le principe qui veut que nous parlions uniquement d'un problème extrêmement limité, puisqu'il s'agit de fixer dans la loi le nombre de postes de gendarmerie ainsi que leur localisation. C'est l'unique sujet de ce projet de loi de l'Alliance de gauche.
La majorité de la commission judiciaire a suggéré de ne pas entrer en matière pour divers motifs. D'abord, parce que ce serait, à notre avis, une erreur fondamentale de fixer de manière définitive dans une loi une question qui doit être traitée avec beaucoup de souplesse et qui doit pouvoir donner lieu à des réactions beaucoup plus vives que ne le permettrait un changement législatif. On voit bien aujourd'hui - la démonstration est déjà faite - qu'il est difficile de modifier la loi sur la police en raison de la lourdeur et de la rigidité parlementaire. En effet, entre le moment où un projet de loi est présenté et le moment où il est adopté par le parlement, il s'écoule une période de deux ans. Il n'est tout simplement pas possible, dans un domaine comme celui-ci, d'attendre aussi longtemps pour réagir à des problèmes qui doivent être traités avec beaucoup de rapidité.
La question du nombre de postes de police et leur localisation doit ainsi être résolue par le Conseil d'Etat, par voie de règlement, voire par le chef de la police lui-même, dans le cadre de mesures prises rapidement.
C'est la raison pour laquelle la commission judiciaire a estimé qu'il était totalement inopportun de faire figurer dans la loi le nombre de postes de police ainsi que leur localisation.
J'aimerais ajouter la chose suivante. Dans le rapport de minorité - et j'invite tous les députés à le lire... - il n'y a pas une ligne - pas une ligne, Monsieur le président ! - sur la question des postes de police. En réalité, ce rapport de minorité est un rapport de minorité sur la grande loi, c'est-à-dire la modification à la loi sur la police qui a été suggérée par le Conseil d'Etat. Et on essaye de faire rentrer par la bande un rapport de minorité qu'on n'a pas eu le courage de présenter devant ce parlement dans le cadre de la grande loi... J'insiste, vous pouvez lire ce rapport de minorité à l'envers et à l'endroit, il n'y a pas une ligne sur le sujet qu'il est censé traiter !
Quoi qu'il en soit, Monsieur le président, pour les raisons de souplesse et de flexibilité que j'indiquais tout à l'heure, la majorité de la commission judiciaire suggère de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Je vois que M. Luscher fait le contraire de ce qu'il dit, puisqu'en fait il commence le débat de fond maintenant... Mais, il faut bien le dire, M. Spielmann l'a déjà entamé tout à l'heure, en développant son interpellation adressée à Mme la conseillère d'Etat, Micheline Spoerri. Nous sommes donc dans le débat de fond... D'ailleurs, je ne vois pas la différence...
Le président. Monsieur le député, j'ai été très clair... Vous connaissez les règles depuis le début... Vous avez été d'accord avec ces règles, aussi je vous prie avec insistance de vous limiter au projet de loi dont nous sommes saisis: soit de fixer dans la loi le nombre de postes de police !
M. Rémy Pagani. Monsieur le président, je respecte votre volonté... Seulement, je trouve tout de même normal de pouvoir répondre à M. Luscher - si vous le permettez - qui affirme que nous n'avons pas eu le courage de déposer un rapport de minorité au projet de loi du Conseil d'Etat... Cela me semble la moindre des choses, sur le plan de l'honnêteté intellectuelle, de pouvoir rétablir certaines choses. Au niveau des faits, je dois rappeler à M. Luscher que nous avons examiné ensemble en commission le projet de motion que nous allons traiter, le projet de loi fondamental de réforme de la police, ainsi que ce projet de loi. Je ne vois donc pas quelle distinction devrait être faite aujourd'hui ! Je lui rappelle en outre que notre formation a été très correcte - on nous le reproche aujourd'hui... En effet, nous avons tout fait pour trouver un consensus, et c'est dans cet objectif que nous avons pensé nous abstenir sur le projet de loi de fond - du reste, c'est ce que nous ferons ce soir - et exprimer nos désaccords sur quelques volets qui nous paraissent particulièrement importants mais qui ne semblent pas remettre fondamentalement en cause la réforme de la police. Nous ne sommes pas d'accord, notamment, avec ce premier volet sur la question des postes de police, que je vais aborder - c'est le projet de loi dont il est question maintenant - ni avec le deuxième volet sur l'inscription dans la loi des salaires des policiers, parce que cela nous paraît un problème essentiel. Nous présenterons donc un deuxième amendement dans le débat suivant.
En ce qui concerne ce projet de loi, nous avons déposé un amendement - une fois de plus, l'honnêteté intellectuelle de M. Luscher me semble un peu aléatoire, puisqu'il vient d'oublier cet élément essentiel pour nous... Nous estimons en effet que le nombre de postes de police doit être fixé par notre parlement et que trois postes de police suffisaient: un au centre, un sur la rive gauche et un sur la rive droite, ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre. M. Luscher est passé comme chat sur braise sur cet aspect de la question, qui est essentiel pour nous: les citoyens doivent pouvoir faire appel à la police vingt-quatre heures sur vingt-quatre. D'ailleurs, les pharmacies se sont organisées dans ce sens. Et il n'y a pas de raison que les citoyens ne puissent pas bénéficier de la protection de la police ou déposer plainte. Je le répète, il faudrait trois postes: un au centre, un sur la rive gauche et un sur la rive droite. Cela nous semble être le minimum, car c'est un service public auquel les citoyens ont droit. Et il ne faut pas faire semblant d'ouvrir des postes de police, en ne les rendant accessibles qu'à certaines heures ! Si vous avez été agressé et que vous appelez la police, ce doit être angoissant d'entendre un répondeur dire qu'il faut vous adresser à un autre poste parce que celui-ci est fermé... Surtout, si le deuxième poste auquel vous téléphonez vous répond la même chose ! Nous estimons qu'un tel service public n'est pas approprié et ne répond pas aux besoins de la population étant donné la violence qui règne le soir dans notre cité. Il n'est que de voir le nombre de personnes victimes d'agressions !
Je trouve donc essentiel de revenir sur l'amendement que nous avons proposé, qui se trouve à la fin de mon rapport de minorité et qui vous sera soumis ce soir. Il propose que trois postes de police restent ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans notre canton. Cela nous semble normal, et c'est le minimum. C'est le cas dans les autres cantons, et nous ne voyons pas pourquoi il n'en serait pas de même à Genève.
Par ailleurs, M. Luscher dit que c'est au chef du département ou au chef de la police de déterminer où les postes de police doivent être ouverts... Je trouve que cela relève de notre responsabilité ! Décider du lieu précis où un poste de police doit être ouvert n'est pas de notre ressort, mais c'est à nous de décider dans quel secteur les postes ouverts au public vingt-quatre heures sur vingt-quatre doivent être situés. Et nous donc pensons qu'il en faut au moins un au centre, un sur la rive gauche et un sur la rive droite. Ensuite, c'est au gouvernement de déterminer à quel endroit exactement ces postes doivent être ouverts. Ce sera tout pour l'instant, Monsieur le président.
M. Jean Spielmann (AdG). J'ai exprimé tout à l'heure notre volonté de fixer le nombre de postes de gendarmerie dans la loi... Eu égard, comme je l'ai dit tout à l'heure, à la fermeture partielle ou totale des postes de police - certains postes de quartier ont même été vendus - il est évident que le Grand Conseil, responsable de la dotation budgétaire et de l'orientation politique prise dans ce canton, doit absolument se prononcer aujourd'hui. Une fois que nous aurons déterminé formellement combien de postes de police de quartier quels effectifs nous voulons - il s'agit, bien sûr, d'un minimum - et ces éléments seront fixés dans la loi, nous devrons donner à la police les moyens de remplir sa mission. Mais le rôle de la police doit être défini très précisément, c'est très important pour la sécurité, pour l'indépendance de la police, pour la justice.
Face aux décisions prises par le Conseil d'Etat de fermer des postes de police, face aux restrictions budgétaires, il faut changer de cap ! Changer de cap, via ce Grand Conseil, c'est effectivement fixer dans la loi le nombre minimum de postes de police ouverts non-stop que nous voulons à la disposition de la population. J'insiste: ces éléments doivent être inscrits dans la loi.
Vous nous dites, Monsieur Luscher, que c'est compliqué de la modifier... Mais on ne peut que constater aujourd'hui que les besoins de la population ne sont pas couverts, que la fermeture de ces postes et que le changement d'orientation de la police posent des problèmes importants au bon fonctionnement de notre société ! Par conséquent, il faut absolument que ce Grand Conseil se prononce ! Vous dites que ce n'est pas notre rôle, que c'est au Conseil d'Etat de fixer le nombre de postes de police... Mais vous avez entendu tout à l'heure les réponses qui ont été données à mon interpellation ! Ce Grand Conseil doit fixer dans la loi le nombre minimum souhaité de postes de police - trois, je le répète: un au centre, un sur la rive gauche et un sur la rive droite - de même que les effectifs suffisants pour que ces postes soient ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre, à la disposition de la population, et il doit accepter ce projet de loi qui ne demande rien d'autre.
Pour que les choses soient claires, je rappelle encore ceci: si ce Grand Conseil devait refuser de prendre ses responsabilités, c'est-à-dire donner une autre orientation visant à mettre en place une police de proximité et à doter la police de moyens suffisants pour faire son travail, eh bien, nous lancerions une initiative populaire ! Parce qu'en définitive nous sommes persuadés que la population est d'accord avec ce que nous proposons. La police doit jouer un autre rôle que celui auquel elle est malheureusement confinée par le Conseil d'Etat et par la hiérarchie de la police aujourd'hui.
M. Christian Grobet (AdG). Cela fait environ trois ans que ce projet de loi de l'Alliance de gauche a été déposé... Pour des raisons que j'ignore, le texte du projet de loi annexé au rapport de M. Luscher n'indique pas, comme cela se fait usuellement, la date de dépôt du projet de loi, mais je crois bien que cela fait trois ans...
La moindre des choses aurait été, bien sûr, qu'il soit traité simultanément avec le projet du Conseil d'Etat, dont nous avons été saisis il y a environ dix-huit mois, sauf erreur, visant à régler les négociations qui ont eu lieu entre le Conseil d'Etat et les syndicats de police, en ce qui concerne plus particulièrement le traitement des policiers. Ce serait en effet parfaitement logique, Monsieur Luscher, parce que le second volet du projet de loi du Conseil d'Etat concerne l'augmentation des effectifs de la gendarmerie: cent vingt-sept gendarmes supplémentaires ! Nous sommes favorables à cette augmentation des effectifs non seulement de la gendarmerie mais aussi de la sûreté - il me semble qu'il s'agit de la création d'une soixantaine de postes d'inspecteurs supplémentaires. Car il est vrai que la police n'est pas en mesure d'assumer les tâches qui sont les siennes, en particulier sa présence sur le terrain: on voit de moins en moins de policiers dans les rues ! La police de proximité que nous souhaitons n'existe quasiment pas. Certes, une espèce de brigade d'intervention, qui ne se justifie pas, a été mise sur pied... A mon avis, elle passe beaucoup de temps à ne rien faire... Et puis, elle envisage l'action de la police plutôt sous un cadre répressif, alors que, comme M. Pagani l'a dit, l'aspect préventif est fondamental. On ne peut que constater l'insuffisance des effectifs - et vous le savez, Mme Spoerri - pour maintenir les postes de police ouverts non seulement la nuit mais aussi la journée. Il m'est arrivé de téléphoner une fois ou l'autre au poste de police de Plainpalais... Je suis tombé sur un répondeur qui m'a indiqué qu'il n'y avait personne, qui m'a renvoyé au numéro du poste principal qui m'a indiqué que la raison pour laquelle je téléphonais n'était pas de sa compétence mais de celle du poste de quartier... Alors, à qui faut-il s'adresser finalement ?! Et je vous assure... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)... que les citoyennes et les citoyens, au même titre qu'ils réagissent contre la fermeture des offices postaux, réagissent contre la fermeture des postes de police.
Vous nous avez donné quelques explications concernant le poste de police du Bourg-de-Four, que je ne mets pas en doute, Madame Spoerri, mais je constate simplement que les gens de la Vieille-Ville ont le sentiment que leur poste de police est fermé. Et puis, il est quand même question de fermer le poste de police d'Onex... Je connais des gens qui habitent du côté de Vésenaz... Eh bien, le poste de la Pallanterie qui a été créé pour la rive gauche est inexistant sur le plan pratique !
On peut donc tout de même considérer que l'augmentation des effectifs devrait permettre de donner la priorité au bon fonctionnement des postes de police. Nous avons modéré le projet de loi par rapport à son texte initial; nous avons renoncé à fixer la localisation des postes de police; nous avons limité à trois le nombre de police qui devraient rester ouverts durant la nuit - ce qui est la moindre des choses pour une agglomération de quatre cent mille habitants... Par voie de conséquence, nous sommes aujourd'hui favorables à l'augmentation des effectifs, mais nous souhaitons qu'elle permette de maintenir un service essentiel à la population, lequel, malheureusement, s'est fortement dégradé ces dernières années en raison, précisément, des effectifs insuffisants qui n'ont pas permis de maintenir les postes de police ouverts la nuit.
J'ajouterai ceci, Monsieur Luscher, puisque vous avez quelque peu polémiqué sur le fait de savoir s'il fallait aborder cette question ou non dans le cadre du projet de loi du Conseil d'Etat... Etant donné que nous sommes saisis d'un projet de loi visant à modifier la loi sur la police, c'est à mon avis l'occasion - en dehors, évidemment, du problème des traitements et des effectifs - de se demander si ce n'est pas le moment de la mettre au goût du jour. Car un certain nombre de dispositions nous semblent un peu dépassées et, surtout, nous aimerions voir des choses nouvelles comme, par exemple, la commission d'enquête, que nous avons suggéré de créer pour qu'une autorité véritablement indépendante puisse examiner les cas de dérapages, avérés ou non, et fasse des rapports qui nous seraient remis.
Et puis, il faudrait savoir qui décide de quelles armes la police est dotée... J'ai du reste été effaré, Madame Spoerri, d'apprendre qu'un gendarme portait sur lui une sorte de dague interdite et que le commandant de la gendarmerie disait que ce n'était pas très grave... Eh bien, non ! je ne suis pas d'accord que des agents de police portent des armes interdites ! Vous avez du reste très bien réagi, Madame Spoerri, s'agissant des récents débordements... Il est certainement difficile d'exercer le métier de gendarme - dans une société où de plus en plus de gens «s'en foutent», où chacun fait ce qu'il veut... Entre parenthèses, je trouve remarquable que nos agents de police se soumettent à une certaine discipline. Mais il faut des règles bien définies: c'est un domaine dans lequel on ne peut pas rester dans le flou.
Eh bien, Monsieur Luscher, étant donné le temps qu'il a fallu pour aborder le projet du loi du Conseil d'Etat, sur les salaires et autres... Et vous savez très bien pourquoi...
Le président. Vous devez conclure, Monsieur le député !
M. Christian Grobet. Je ne vais pas aborder ce point en séance plénière, mais nous avons rencontré de gros problèmes pour connaître la situation réelle des traitements... Au passage, je remercie Mme Spoerri d'avoir fait le nécessaire pour nous fournir des renseignements sur la situation.
Alors, à un moment donné, nous avons décidé - nous avons même fait une motion d'ordre, Monsieur Luscher - qu'il fallait d'abord terminer d'examiner le projet de loi du Conseil d'Etat, qui était prioritaire, et que nous reprendrions, dans un deuxième temps, le problème qui nous préoccupait. Nous avons dit dès le début que nous étions d'accord de laisser de côté nos préoccupations, mais que, par contre, nous voulions qu'une décision soit prise s'agissant des postes de police. Et nous avons avec correction joué le jeu en commission, comme l'a dit M. Pagani.
Le président. Merci, Monsieur le député. Madame Loly Bolay, vous avez la parole, exclusivement sur ce projet de loi...
Mme Loly Bolay (S). Tout à fait, Monsieur le président, je ne parlerai que de ce projet de loi !
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha.)
Le président. Laissez parler Mme Bolay, s'il vous plaît !
Mme Loly Bolay. Les socialistes partagent entièrement les soucis de l'Alliance de gauche... Cela dit, en commission, le parti socialiste n'a pas souscrit à ce projet de loi pour deux raisons évidentes. Tout d'abord, pour nous, il est aléatoire d'inscrire dans la loi les lieux géographiques des postes de police, car ces implantations risquent - c'est évident, et on l'a vu par le passé - d'évoluer dans le temps.
Nous avons également été sensibles à un argument du chef de la police qui nous a dit que la police comptait actuellement sept cent cinquante et un gendarmes, dont quatre cent cinquante sont désignés aux postes de police. Pour répondre aux besoins de la population avec une police de proximité - et c'est le chef de la police lui-même qui nous l'a indiqué - il faudrait ouvrir un poste pour vingt mille habitants dans les zones urbaines et un poste pour trente mille habitants dans les zones rurales. C'est dire qu'il faudrait doubler les effectifs de la police pour bien faire ! Par conséquent, il faudrait neuf cents gendarmes ! Même si nous votons la loi 8887 tout à l'heure, les effectifs seront insuffisants...
De plus, et nous l'avons dit en commission, nous, les socialistes, sommes très attachés à une police citoyenne, à une police de proximité, à l'îlotage, et au fait que les gendarmes soient présents sur le terrain. Mais, comme nous l'avons vu tout à l'heure, les problèmes de circulation que nous connaissons à Genève exigent aussi la présence de la police.
Ce sont les raisons pour lesquelles le parti socialiste n'a pas souscrit à ce projet de loi.
Je rappellerai aussi que, dans la motion qui est jointe à ce rapport, nous avons demandé qu'il y ait un poste de police sur chaque rive, ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre. On pourrait aussi parler de la problématique du poste de police de l'aéroport - qui a été soulevée par mon collègue, Sami Kanaan - poste qui ferme à 19h, alors que la police de la sécurité internationale n'est pas habilitée à enregistrer de plaintes. Et il pourrait sembler utile que ce poste de police reste ouvert tant que l'aéroport l'est.
Voilà, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ce que le parti socialiste avait à dire sur ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. C'est moi qui vous remercie, Madame la députée. Monsieur Gilbert Catelain, je vous donne la parole.
M. Gilbert Catelain (UDC). Je serai bref. Le groupe UDC s'est effectivement opposé à ce projet de loi initié par l'Alliance de gauche, pour la simple et bonne raison que, en tant que parlementaires, nous sommes dans l'incapacité de dire où et combien de postes il faut ouvrir. Ce n'est pas notre tâche. Et en matière de police de proximité, les choses sont beaucoup plus compliquées que ce que l'on veut bien penser. Le chef de la police a d'ailleurs déclaré dans une revue immobilière, il y a un certain temps que: «La territorialisation de l'action policière nécessite des effectifs supplémentaires. Nous sommes un peu plus de mille cinq cent: nous devrions être environ trois mille.» Je le répète, c'est une déclaration du chef de la police. Aussi, l'orientation budgétaire qui a été donnée, notamment par l'Alliance de gauche ces dernières années, nous a conduits à la situation que nous connaissons aujourd'hui, à savoir que nous avons une dette phénoménale et un budget déficitaire. Nous n'avons donc plus les ressources budgétaires pour financer des effectifs supplémentaires - malheureusement, et je suis le premier à le regretter.
Mme la cheffe du département a également dit que, sauf erreur, le 3 juin 2004 a eu lieu un forum sur la police de proximité, au cours duquel un certain nombre d'expériences ont été recueillies. Il est intéressant d'en relever les résultats qui nous montrent ceci en matière de police de proximité: les deux priorités sont la rapidité d'intervention en situation d'urgence et la patrouille pédestre - entre parenthèses: visibilité. Le poste de quartier vient loin derrière !
En résumé, je crois que vous visez à côté de la cible. Laissons cette compétence aux gens qualifiés; laissons cette compétence au Conseil d'Etat ! Je n'ai pas vu dans les autres lois cantonales que l'on fixait le nombre de postes de police qui, je le rappelle, s'élève à quatorze dans votre projet de loi, malgré vos amendements. D'ailleurs, l'augmentation d'effectifs que nous allons voter tout à l'heure permettra tout juste d'assurer le bon fonctionnement des postes de police actuels.
M. Antonio Hodgers (Ve). Notre groupe partage, sur le fond, les propos de M. Grobet: ses sentiments, ses questionnements et une grande partie de ses conclusions.
Cependant, en ce qui concerne la forme de ce projet de loi, nous n'estimons, comme la plupart de mes prédécesseurs, pas opportun d'insérer dans la loi des chiffres et des lieux précis, s'agissant des postes de police.
Nous souhaitons que la police évolue et qu'elle s'adapte rapidement aux besoins et à la réalité du moment. Dès lors, une loi - rigide par définition - ne doit pas être un frein. La loi doit fixer le cadre général des objectifs, et il appartient au Conseil d'Etat d'agir pour les atteindre.
M. Jean-Michel Gros (L). Le groupe libéral se rallie à la majorité de la commission et aux arguments qu'ont fort bien avancés plusieurs des préopinants et le rapporteur de majorité, M. Christian Luscher.
Nous sommes d'avis que l'implantation des postes de police doit être définie par règlement, voire sur l'impulsion du chef de la police qui est le mieux à même de juger où il est important d'établir des postes de police. La souplesse doit être maintenue, car les besoins des quartiers évoluent très rapidement.
Mesdames et Messieurs, qui aurait supposé, il y a une douzaine d'années, que le quartier de la Jonction deviendrait un quartier à risque ? Eh bien, il y a des quartiers, comme cela, qui deviennent risqués et d'autres qui connaissent moins de problèmes avec le temps ! Alors, il y a lieu d'en tenir compte de manière très rapide, et seul le Conseil d'Etat, sur l'impulsion du chef de la police, peut réagir de cette manière.
D'autre part, nous partageons l'avis de M. Catelain qui a évoqué la police cantonale vaudoise: poste de police ne veut pas forcément dire police de proximité. Monsieur Grobet, vous citiez des amis à vous qui habitent Vésenaz et qui étaient très heureux d'avoir à leur disposition le poste de la Pallanterie... J'ai habité Vésenaz... J'habite maintenant Satigny, où il y avait aussi dans le temps un poste de gendarmerie... M. Pagani évoquait les personnes qui se faisaient agresser en ville... Il me semble qu'en cas d'agression mon premier réflexe ne serait certainement pas de me rendre au poste de police, mon premier réflexe serait de sauter sur un téléphone pour composer le 117 ! D'ailleurs, je ne me suis jamais souvenu du numéro du poste de police de la Pallanterie lorsque j'habitais Vésenaz et je n'ai jamais su le numéro du poste de Satigny... Par contre, tout le monde connaît le 117. Et, comme le disait M. Catelain, c'est la rapidité d'intervention qui importe !
Par ailleurs, les postes de police centralisés ne sont pas contradictoires avec la police de proximité. J'ai été magistrat dans ma commune, et nous avions affaire au poste de Blandonnet, qui est un grand poste de police, chargé de la zone de Dardagny à Versoix. Eh bien, nous étions systématiquement en contact avec les mêmes policiers, que nous rencontrions parfois tous les quinze jours ou, en tout cas, toutes les trois semaines pour exposer tout ce qui n'allait pas dans la commune. Et les communiers connaissaient très bien ces policiers, puisqu'en général le poste de Blandonnet prenait le soin d'envoyer toujours les mêmes policiers dans notre commune. Ils avaient, en somme, valeur d'îlotiers.
Poste de police n'est donc pas forcément synonyme de police de proximité. Je ne reviens pas sur les problèmes d'effectifs qui ont été largement évoqués...
Voilà les raisons pour lesquelles, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral votera la version de la majorité.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Je trouve ce débat assez paradoxal... En effet, chacun ici explique, la bouche en coeur, qu'il est favorable à la police de proximité, qu'il faut pouvoir répondre aux besoins des citoyens... M. Gros rappelle son expérience de magistrat pour relever les bons contacts qu'il avait avec la police... Mais quand il s'agit de passer aux actes, tout le monde se débine, en disant que ce n'est pas nécessaire, que ce n'est pas cette police qu'on souhaite ! Parce qu'il faut le reconnaître: dans les faits, ce n'est pas ce type de police que vous voulez ! Vous voulez une police, à l'image de la police en France, à Paris: des policiers cantonnés dans des cars, qui attendent Dieu sait quoi pour pouvoir intervenir ! (Exclamations. Le président agite la cloche.)Un débat de fond doit avoir lieu pour clarifier les choses à ce sujet. Certains savent très bien ce qu'ils veulent, mais ils ne le disent pas et, surtout, ils ne veulent pas assumer !
Alors, soit vous dites que vous voulez une police de répression, et vous en tirez les conséquences - c'est en fait ce qui va se passer - soit vous annoncez que vous voulez une police de proximité qui agisse davantage sous l'angle de la prévention, en étant à l'écoute des citoyens - comme nous le voulons - mais, à ce moment-là, le débat n'est plus le même.
En ce qui nous concerne, nous proposons un amendement très clair - et nous devons débattre sur ce point ce soir - je le cite: «Le nombre de postes de gendarmerie est fixé à quatorze au moins pour l'ensemble du canton, six d'entre eux, dont celui de la gare Cornavin, sont situés en Ville de Genève, trois sur la rive gauche, trois sur la rive droite du lac et du Rhône...» Est-ce un mal de dire dans quels secteurs nous voudrions que ces postes soient situés ? M. Gros nous dit que le quartier de la Jonction est un quartier à risque... J'y habite... (Exclamations.)Permettez-moi de rire, parce que, vraiment, s'il y a un quartier où on peut se promener sans risque et où les policiers sont suffisamment présents sur le terrain... (Brouhaha.)...c'est bien celui-là ! M. Gros n'a pas donné un bon exemple ! Il devrait mieux se renseigner !
Cela étant, nous n'indiquons pas de manière précise la localisation des postes. C'est le rôle du Conseil d'Etat et du chef de la police de le déterminer. Nous voulons simplement donner une indication générale pour dire combien de postes de police nous estimons nécessaires et dans quels secteurs. Je poursuis: «Les huit autres postes, dont celui de l'aéroport de Cointrin, sont répartis à raison de trois postes sur une rive du lac et du Rhône et quatre sur l'autre rive; trois postes devront être situés dans les secteurs de Collonge-Bellerive, de Versoix et de la Champagne.» Nous disons ensuite: «Le Conseil d'Etat fixe la localisation des postes de police en veillant à ce qu'ils soient dotés d'effectifs tenant compte du nombre d'habitants dans le secteur qui leur est attribué.» Nous terminons ainsi: «Au moins un poste sur chaque rive est ouvert au public vingt-quatre heures sur vingt-quatre.»
Cela me paraît un minimum, Mesdames et Messieurs les députés, pour être en mesure d'appliquer le principe de proximité mais aussi de prévention, plutôt que de répression ! C'est facile, bien sûr, de faire jouer la matraque... Cela résout prétendument tous les problèmes... Pourtant, n'importe quel sociologue, n'importe quel spécialiste de la répression vous dirait le contraire ! Du reste, M. Pedrazzini nous disait, à la commission judiciaire, à quel point la prévention, l'esprit de proportion et, surtout, l'intelligence étaient nécessaires dans l'action de la police. Je trouve un peu facile, une fois de plus, que la majorité - la quasi-totalité de ce parlement - prêche la bonne parole.. Mais quand il s'agit de passer aux actes, c'est autre chose !
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Sont inscrits M. Spielmann et M. Kunz. Les rapporteurs pourront prendre la parole s'ils le souhaitent, de même que le Conseil d'Etat. Ensuite, nous passerons au vote.
M. Jean Spielmann (AdG). Le débat a au moins le mérite de clarifier les positions. Certains ont l'honnêteté de reconnaître les motifs qui les animent... Et c'est le cas du représentant de l'UDC qui disait tout à l'heure - à tort, d'ailleurs - que l'Alliance de gauche était responsable de la situation budgétaire... Je me permets de vous rappeler que ce n'est pas nous qui avons voté les derniers budgets et que vous étiez dans chaque mauvais coup à faire... La dette qui résulte de la politique menée par la droite n'est donc pas la nôtre, Monsieur Catelain !
Par contre, vous avez eu l'honnêteté de dire que ce problème-là était prioritaire pour vous. Comme vous avez déjà dit ce matin, d'ailleurs, que la police privée travaillait mieux que la police de l'Etat... (L'orateur est interpellé.)Vous l'avez dit textuellement: vous relirez le Mémorial ! Alors, bien sûr, ce n'est pas le problème de la sécurité qui est au centre de vos préoccupations. Votre priorité, c'est de réduire la capacité de l'Etat à remplir son rôle social et de convivialité !
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, le problème se pose très simplement aujourd'hui... Nous, nous pensons qu'une police de proximité est nécessaire; il faut que les gens puissent avoir un contact avec la police pour cela, or certains d'entre vous - M. Gros l'a dit tout à l'heure - pensent que le téléphone suffit... Moi, je vous renvoie au débat budgétaire ! Vous avez présenté un amendement supprimant la centrale téléphonique nouvelle et le personnel pour répondre au téléphone... Dans la mesure où l'on fermait les postes de police, on a pensé qu'il était judicieux de créer un centre d'appels... Eh bien, dans le budget, vous avez supprimé la centrale ! Vous me direz: comment la maintenir si les moyens financiers ne suivent pas...
D'autre part, vous vous dites favorables à une police de proximité... Comment est-ce possible sans postes de police de quartier - et, de surcroît, ouverts à toute heure ?
Mme Bolay nous a également indiqué qu'il ne fallait pas compliquer la loi en y fixant trop d'impératifs précis... Mais, Mesdames et Messieurs, il faut être clairs ! Ceux qui veulent des postes de police de quartier, une police de proximité, seront d'accord avec le projet de loi que nous avons déposé, qui fixe un minimum de règles. Contrairement à ce qu'a expliqué le rapporteur de majorité, les objectifs sont clairement fixés dans le rapport de minorité de M. Pagani, et, de plus, nous avons diminué nos exigences par rapport au projet de loi initial !
Mesdames et Messieurs les députés, il me semble tout de même que la solution que nous proposons est réaliste et qu'elle permet de répondre aux besoins de la population. Si vous ne voulez pas fixer dans la loi le nombre de postes de police de quartier, c'est parce que vous ne voulez pas augmenter les effectifs de la police pour qu'elle puisse jouer son rôle de police de proximité ! Pourquoi ne voulez-vous pas fixer ce nombre minimum de postes alors que cela permettrait à la police de fonctionner ? Et comment se fait-il que les socialistes soient d'accord avec cette vision des choses ?
Pour ma part, je suis sidéré de voir à quel point vous méprisez le rôle de prévention que devrait avoir la police, en étant présente sur le terrain, en étant conviviale et ouverte à la discussion dans les quartiers. La police ne peut pas jouer ce rôle si vous ne lui en donnez pas les moyens et si vous ne fixez pas - c'est un minimum - ces chiffres dans la loi ! S'ils sont sont fixés dans la loi, il est clair que l'étape suivante consistera à doter la police d'effectifs suffisants pour qu'elle puisse accomplir sa mission. Et puis, nous pourrions aussi définir, avec le nombre de fonctionnaires de police dont nous disposons, quel rôle nous voulons leur attribuer et quelles sont les tâches qu'ils doivent accomplir...
Votre priorité est-elle de mettre en place une police de proximité, présente sur le terrain, dans une optique de prévention ou d'encaserner les gendarmes en tenue de combat pour qu'ils puissent intervenir à tout moment dans une optique de répression ? Vous êtes en train de commettre une faute politique grave ! Vous contribuez à la violence de notre société ! (Exclamations.)Vous ne répondez pas aux besoins de la population ! Ceux qui voteront contre le minimum que nous demandons, c'est-à-dire un nombre de postes de police clairement défini dans la loi, engageant la responsabilité du parlement de doter la police des effectifs nécessaires pour qu'elle puisse jouer un rôle de police de proximité, éluderont leurs responsabilités ! Vous suivrez le Conseil d'Etat qui s'est orienté vers la fermeture des postes de police de quartier, en restreignant les possibilités pour la population d'avoir accès à la police, en mettant en place une police de répression. C'est ce type de société que vous êtes en train d'instaurer... Nous n'en voulons pas, et nous nous y opposerons par tous les moyens !
M. Pierre Kunz (R). La faute politique grave, c'est de présenter un projet de loi anachronique ! D'un autre âge !
Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui, une police moderne, c'est une police de proximité moderne. C'est une police mobile, capable d'intervenir très rapidement. Ce n'est pas une police retranchée dans des postes ! Le débat de fond réclamé par M. Pagani tout à l'heure est celui des modernes et des anciens ! (Rires et exclamations.)Les radicaux qui sont autant pour la modernité que pour la vraie proximité ne peuvent pas accepter votre projet de loi. (Exclamations.)
M. Rémy Pagani (AdG). D'un point de vue formel et pour être clair - je le répète - on pourrait considérer le projet d'amendement que nous avons présenté comme un amendement général au projet de loi que nous avons déposé et qui fait l'objet de ce débat.
Cela étant, je reviens sur les propos de M. Kunz - qui emploie toujours des mots qui laissent assez bien imaginer ce qui risque de se passer... Mesdames et Messieurs, êtes-vous d'accord que la police moderne, que M. Kunz souhaite, consiste à ce que les gendarmes restent confinés dans des voitures de police à journées faites - ce qui est le cas actuellement - et n'en sortent, comme des pantins de leur boîte, que pour intervenir de manière répressive ? J'estime pour ma part que c'est une mauvaise solution et que ces conditions ne sont pas les meilleures permettre à des êtres humains de bien fonctionner... Si les gendarmes disposaient d'un certain nombre de postes de police, non seulement pour rédiger les rapports mais pour recevoir la population dans de bonnes conditions - ce qui semble le minimum - cela leur permettrait d'appréhender des situations très difficiles et de percevoir le citoyen d'une autre manière.
Ce débat, Mesdames et Messieurs les députés, me rappelle étrangement le débat que nous avons eu à propos des ambulances... On a retiré aux policiers une des activités qui leur permettait d'avoir un autre rapport avec la population: un rapport de commisération, de soutien, par le biais duquel ils leur était possible de connaître les citoyens autrement, dans une situation différente, alors que, souvent, l'image qu'ils en ont est négative car des personnes les agressent ou les insultent. De ce point de vue, je trouve cette orientation extrêmement dangereuse, Mesdames et Messieurs les députés ! Il n'est pas normal de confiner des policiers dans des voitures - ni dans une caserne - car on sait combien c'est difficile pour eux. Il n'y a qu'à discuter avec des chauffeurs de taxis pour savoir combien il est stressant de conduire une voiture dans la circulation. Et eux, en plus, ont le stress lié à l'action répressive ! Je le répète, je trouve cela extrêmement dangereux. Pour éviter ce danger, nous pensons qu'il est nécessaire de créer des postes de police où les citoyens pourront se rendre et avoir une relation de confiance et non d'affrontement à la police.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, nous votons sur l'entrée en matière. Comme le règlement l'impose, il y a lieu de poser la question de manière que les partisans du projet puissent se prononcer affirmativement. Oui, Monsieur le rapporteur de minorité, vous demandez le vote nominal... Etes-vous soutenu ? C'est le cas. Le vote est lancé.
Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 8567-A est rejeté en premier débat, par 66 non contre 10 oui et 7 abstentions.