République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 27 août 2004 à 8h
55e législature - 3e année - 10e session - 61e séance
PL 9109
Préconsultation
M. Alain Charbonnier (S). Ce projet de loi compte réglementer la procédure accélérée, dite «des extraits», en vigueur, selon un accord de chefs de groupe, depuis environ deux ans. Malgré l'instauration de cette procédure, on peut remarquer que 121 points sont encore à l'ordre du jour. Au mois de mai, il y en avait encore davantage - et l'on en aura peut-être encore plus le mois prochain... Il ne semble donc pas que cette mesure ait hâté le déroulement des débats autant que cela, malgré ce qu'indique l'exposé des motifs.
Et ce qu'il ne précise pas, c'est que cette procédure a introduit une nouvelle séance quasiment mensuelle dans notre parlement: on commence les séances le vendredi - soit à 14h, soit à 15h - ce qui était très rarement le cas auparavant. Sous prétexte d'une procédure accélérée, on nous fait donc venir à 14h ou à 15h le vendredi... Par ailleurs, on nous propose, avec l'instauration de cette procédure et sa base légale, de tronquer le débat dès 14h: c'est-à-dire que cela devient une séance au rabais dans les faits, puisqu'il ne sera plus possible de modifier l'ordre du jour en début de ces séances-ci...
Alors, pourquoi cette modification ? Comme je l'ai dit: parce que l'on compte instaurer une séance au rabais ! Ainsi, cela permettra à certains - là, je vise plutôt les occupants des bancs d'en face, malheureusement... Je crois qu'ils le reconnaissent d'ailleurs - pas tous, comme le dit Janine Berberat - mais une bonne partie, ce qui est tout à fait louable... Nous avons tous des activités professionnelles, il n'est pas facile de se libérer, et l'on constate que, très souvent, de nombreux députés désertent les bancs le vendredi après-midi. On nous propose l'instauration d'une séance au rabais ? Nous contestons donc cela formellement.
Par rapport au rythme normal du Grand Conseil - je siège depuis 1999, dont trois ans selon l'ancienne procédure, quand les extraits n'existaient pas - je pense que, comme lors d'un effort sportif, on a par moments besoin de respirer, de souffler... Et l'ancienne procédure, qui respectait l'intercalation de points moins importants - où des consensus se dégageaient - permettait d'avancer davantage qu'en regroupant ces points de consensus en une seule séance. Or maintenant, nous n'avons que des points qui se suivent dans les séances ordinaires - on peut le dire comme ça... - soit des objets d'importance soulevant une confrontation. Les points qui permettaient auparavant de «respirer» n'existent plus ! Il me semble donc que ce système va à l'encontre d'un bon rythme de travail de notre parlement.
C'est pourquoi nous nous réjouissons - enfin, c'est une manière de dire... - d'étudier ce projet de loi en commission, et nous tenterons de lui apporter toutes les modifications souhaitables.
Le président. Merci, Monsieur le député. Ce projet de loi ayant été déposé alors que l'ancienne loi était en vigueur, je rappelle que nous sommes en procédure de préconsultation et qu'un député par groupe peut s'exprimer durant cinq minutes.
M. Bernard Lescaze (R). Si ce projet de loi pouvait déplaire à certains, mais montrer son utilité... Il suffit simplement de constater que son dépôt date du 28 octobre 2003, soit il y a onze mois. Bien sûr, nous avons déjà pris des mesures pour éviter les manoeuvres dilatoires de certains qui, face à des projets de loi, empêchent au fond - par l'opposition de certains groupes, le parlement d'avancer dans ses travaux ! La première mesure a été ce projet de loi, d'inspiration radicale, pour supprimer le tour de préconsultation, et l'on constate que de nombreux projets sont arrivés beaucoup plus vite à l'étude en commission. Alors, c'est vrai que, sur certains projets très importants, la préconsultation était utile, mais on voit aussi l'immense gain de temps que vous n'avez pas pu empêcher ce parlement de réaliser.
Aujourd'hui, de quoi s'agit-il ? Il s'agit de formaliser une procédure qui existe dans de nombreux parlements - y compris, d'ailleurs, au parlement fédéral - et qui consiste, lorsqu'une commission s'est mise quasiment unanimement d'accord - ou tout unanimement d'accord - à permettre à ce Grand Conseil d'effectuer un traitement accéléré des dossiers. Et l'on comprend très bien que des gens, prétextant le démocratisme, luttent en fait contre les capacités du parlement à travailler - et l'on comprend très clairement aussi que les ennemis du parlement ne souhaitent pas un tel projet.
Mais nous proposons le renvoi de ce projet de loi aux droits politiques et nous espérons qu'il y sera rapidement traité. Je constate d'ailleurs - puisqu'un certain nombre de députés ne veulent pas écouter tranquillement nos arguments alors que nous avons écouté les leurs - que les signataires de ce projet sont sur tous les bancs du parlement !
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
Mme Salika Wenger (AdG). Depuis le début de la législature, on ne compte plus les projets de loi en vue de limiter le temps de parole ou même le fonctionnement du parlement. J'ai l'impression que certains d'entre nous ont oublié ce que signifiait le mot «parlement». L'idée, c'est d'y parler, d'échanger des idées... (L'oratrice est interpellée.)Non, non... entre autres ! «Parlementer», en effet, Monsieur Gros ! Or, pour cela, il faut pouvoir s'exprimer - et «parler» - à moins que vous ne puissiez «parlementer muettement», ce qui m'étonnerait beaucoup de votre part !
Donc, je suis stupéfaite de voir le nombre de projets de loi que vous avez essayé de faire accepter dans ce sens: gagner du temps ! Par conséquent, pour gagner du temps, on a d'abord commencé par supprimer les interpellations urgentes; on a supprimé les débats de préconsultation; on a limité le nombre d'intervenants par groupe... Et on arrive - royalement ! - à traiter... dix points par séance ! En ayant gagné beaucoup de temps... Ce système ne me semble pas très efficace. Et limiter le temps de parole n'est ni un acte démocratique ni un acte efficace dans la perspective que vous prétendez défendre !
Je me demande donc si nous avons encore besoin d'un énième projet de loi, qui va encore limiter la parole des députés. Surtout, comme le disait M. Charbonnier, qu'on est en train d'instaurer un parlement à deux vitesses: d'un côté un parlement où les députés, conscients de leur charge, viendraient siéger les après-midi - même quand certains points peuvent sembler mineurs à d'autres - et, de l'autre côté, un parlement dans lequel les ténors ne mettraient en exergue leurs discours que lorsque les débats leur sembleraient plus importants...
Je ne suis pas certaine que notre parlement aura quelque chose à gagner avec ce type de fonctionnement. Je trouve même cette démarche un peu honteuse ! Je me sens gênée par ce genre de comportement lorsque je pense que certains députés se sentiront de «deuxième zone» parce qu'ils auront fait leur travail et que les ténors n'apparaîtront que de temps en temps pour nous faire leur show sur les grands dossiers.
Je le regrette, je ne trouve pas que ce fonctionnement soit démocratique. C'est pourquoi je me réjouis - aussi - d'examiner ce projet de loi avec vous en commission.
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
M. Antonio Hodgers (Ve). Ce projet de loi, qui fait partie d'une série de textes proposés notamment par l'Entente, a pour objectif - je ne sais pas ce qu'il en est dans les faits - de gagner du temps dans notre parlement. Si certaines dispositions comme celle de la suppression des interpellations urgentes ou celle du débat de préconsultation sont discutables, parce qu'elles permettent effectivement de gagner un petit peu de temps - au mépris peut-être d'un débat plus serein ou plus démocratique - cette disposition-ci, Monsieur Lescaze, ne permet pas à ce parlement de gagner du temps, contrairement à ce que vous pensez ! Tout simplement pour une raison mathématique: si, auparavant, ce parlement traitait indifféremment, sans procédure d'extraits, de sujets sommaires et de sujets vastes, le fait de catégoriser les sujets sommaires d'un côté et les sujets vastes de l'autre ne nous fait pas atteindre une somme inférieure de minutes ! Ou alors, je retourne à mes cours de mathématiques.
Voici ce qui se passe: on a l'impression que l'on avance à grande vitesse, que l'on règle des dizaines de points... Ensuite, pouf ! on arrive à l'ordre du jour normal et l'on passe une quinzaine d'heures à traiter trois points seulement de cet ordre du jour. Et le résultat est le même ! Nous occasionnons simplement un moment plus convivial entre nous, puisque ce sont des sujets sur lesquels nous sommes unanimes... Ainsi, les vendredis après-midi sont plus détendus. Mais, lorsqu'on passe à l'ordre du jour véritable, alors là, on enchaîne point après point, on accumule conflit sur conflit, ce qui n'est pas favorable à la qualité de nos travaux !
Par conséquent, vous pouvez continuer à faire ce type de propositions, Mesdames et Messieurs les députés de l'Entente ! Vous pouvez mettre un emplâtre sur une jambe de bois... Concernant le règlement de ce Grand Conseil, nous avons d'autres objets de cette sorte en commission; vous verrez qu'ils ne servent à rien, vous verrez nous n'avons pas gagné de temps dans ce parlement depuis que vous appliquez ces mesures !
Je vous conseille plutôt de vous pencher sur des propositions comme celles que nous avons faites, soit: organiser nos travaux sur une journée; casser le rythme du fonctionnement actuel de notre Grand Conseil; inventer autre chose... Et l'on examinera si avec ce nouveau dispositif les députés adoptent une autre attitude et si ce parlement attire un autre genre de députés que ceux qui viennent - après une journée de travail ! - passer des heures ici en qualité de parlementaires de milice. Le fait de siéger durant une journée amènera peut-être aussi des personnes différentes: peut-être moins bavardes que nous.
M. André Reymond (UDC). Nous assistons à une discussion qui montre que ceux qui essaient de trouver des solutions pour hâter le rythme de nos débats sont, en fait, «contre»... Il est indéniable que plus nous avançons, plus il y a de projets de lois, plus les difficultés sont grandes - tout devient complexe.
Comme cela a été souligné tout à l'heure, le Bureau a proposé il y a plus d'une année ce projet de loi pour accélérer le déroulement des débats et pour que nous puissions, comme il est écrit dans le projet de loi, traiter rapidement tous les objets votés à l'unanimité en commission ou tous les autres ne nécessitant pas de discussion. Je constate que des partis opposés à ce système se font du souci quant à la présence des députés de la majorité... Alors, j'aimerais relever que vous ne proposez pas grand-chose, mais que vous contestez ce que nous avons essayé de mettre en place ! C'est regrettable, surtout lors des réunions de chefs de groupe - c'est vrai qu'au Bureau tous les partis ne sont pas représentés, en tout cas cela ne ralentit pas l'étude de l'ordre du jour. Mais c'est dommage quand on sait que, lors des réunions de chefs de groupe et du Bureau, des objets nécessitant une discussion peuvent être retirés des extraits; il en est de même quand on veut les traiter en urgence.
Alors, en fonction de ce qui a été fait, de ce que nous devons réaliser, et pour faire diligence - même si ce n'est pas la meilleure des solutions - j'aimerais aussi que vous, Mesdames et Messieurs de l'opposition, vous proposiez quelque chose de constructif ! Sinon, on attendra peut-être encore une année que ces extraits - qui, à mon sens, donnent satisfaction - puissent être discutés en commission.
Le groupe de l'UDC soutient le renvoi de ce projet de loi en commission, avec l'espoir de trouver une solution pour hâter les débats.
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
M. Patrick Schmied (PDC). Le groupe démocrate-chrétien est favorable au renvoi de ce projet de loi en commission. Favorable, il l'est, par ailleurs, à toutes les mesures permettant d'améliorer le fonctionnement de ce parlement, ce qui est un devoir vis-à-vis des gens qui nous ont élus - même si l'on peut effectivement regretter qu'il faille légiférer pour trouver un fonctionnement normal et raisonnable.
Le vrai débat ne consiste pas dans ces mesures que l'on prend à court terme pour escalader la montagne d'objets en souffrance qui concernent des projets et des gens - dont ces derniers ont besoin - le vrai débat tourne autour du parlement de milice. Et l'intervention de M. Hodgers est très claire à ce sujet: il y a une tendance évidente à supprimer les miliciens de ce parti... De ce parlement, excusez-moi ! (Rires.)Parce qu'ils ne sont pas, d'après M. Hodgers, en mesure de «tenir» une journée entière et de faire place à des parlementaires de métier. C'est cela, le vrai débat ! Nous l'aurons à nouveau, lors du prochain point à l'ordre du jour à propos de la journée bloquée.
Voici ce qu'il est important de savoir, Mesdames et Messieurs les députés: voulez-vous, oui ou non, un parlement de milice qui puisse traiter, dans des délais raisonnables, les objets concernant la population - pour que des projets ne meurent pas d'inanition, si j'ose dire - et que ce parlement de milice puisse le faire en se réunissant à des heures raisonnables ?
Ce projet est renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.