République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 24 juin 2004 à 20h30
55e législature - 3e année - 10e session - 51e séance
PL 9264-A
Premier débat
Le président. Nous allons donc passer au traitement du budget, comme nous l'avons décidé à 17h. Vous avez trouvé sur vos places un petit résumé de la procédure définie par le Bureau et les chefs de groupe. Ce soir, aura lieu le premier débat sur le projet de loi 9264-A, qui est le budget au sens strict. Si nous y arrivons - ce que je souhaite - nous engagerons aussi le débat d'entrée en matière sur les projets de lois 9077-A, 9265-A et 9266-A.
Les règles du jeu ont été définies pour ces premiers débats par le Bureau et les chefs de groupe lors de leur séance de 16h.
Pour le projet de loi 9264-A, qui concerne donc le budget, un temps de parole de dix minutes par groupe a été accordé, comme chaque année. Les groupes s'organiseront donc comme ils le souhaitent: un député peut parler dix minutes, ou deux députés cinq minutes chacun; vous répartissez ce temps de parole comme vous le souhaitez.
Ensuite, nous passerons aux trois autres projets, pour lesquels nous avons décidé d'accorder cinq minutes par groupe pour chaque projet.
Nous commençons donc par le débat d'entrée en matière sur le projet de loi 9264-A relatif au budget. Je prie les personnes qui souhaitent s'exprimer de s'inscrire, car je ne vois d'inscrit pour l'instant que M. le président du Conseil d'Etat. Si cela vous convient, Monsieur le président du Conseil d'Etat, je pense vous donner la parole à la fin. Voilà, les gens s'inscrivent gentiment... La parole est à M. le député Gilbert Catelain, pour le groupe UDC.
Des voix. Les rapporteurs, d'abord !
Le président. Oui, Le rapporteur de majorité est M. Guy Mettan, le rapporteur de minorité M. David Hiler. Je précise d'abord que le Bureau et les chefs de groupe ont décidé que les interventions des rapporteurs compteraient parmi celles des groupes auxquels ils appartiennent. (Exclamations. Protestations.)
Je vous prie de vous calmer ! Personnellement, cela ne me pose aucun problème de laisser les rapporteurs s'exprimer comme ils le souhaitent. Mais si le Bureau et les chefs de groupes se mettent d'accord sur une procédure, il serait bon qu'elle puisse être respectée et qu'il n'y ait pas d'histoires ensuite ! Alors, j'ai tout mon temps, j'ai même toute la nuit, toute la journée de demain et encore la nuit... Si vous le souhaitez, je donne la parole aux rapporteurs, qui prendront la parole d'entrée de jeu. (Protestations.)
Monsieur Glatz, vous voulez vous exprimer à ce sujet ? Je vous donne la parole.
M. Philippe Glatz (PDC). Monsieur le président, vous ne pouvez pas confondre le rôle des rapporteurs et le rôle des groupes. Les rapporteurs sont censés représenter une majorité ou une minorité et ils doivent faire la synthèse des travaux qui ont eu lieu en commission. Ils ne s'expriment donc pas au nom d'un groupe ! Si vous comptez les interventions des rapporteurs parmi celles des groupes, cela voudra dire que les groupes dont sont membres les rapporteurs seront désavantagés, puisque les rapporteurs doivent faire la synthèse d'un travail de commission, selon une majorité et une minorité. Au nom du groupe PDC, dont est membre l'un des rapporteurs, et probablement au nom des Verts, je demande que l'on revoie cette règle, qui frustre deux groupes de prises de positions pourtant essentielles puisqu'elles concernent le budget.
M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le président, j'abonde dans le sens des propos de M. Glatz et je pense que ce que vous proposez ce soir - au nom d'un Bureau qui, évidemment, ne représente qu'une seule tendance de ce parlement - constitue un précédent extrêmement grave ! Si on l'applique pour le budget, pourquoi ne pas le faire dans tous les autres débats ? J'en suis navré, mais malgré tout mon respect à l'égard de M. Hiler, ce qu'il va dire ne va pas forcément dans le sens de ce que la formation politique dans laquelle je siège a l'intention d'exprimer. Et M. Glatz a raison de dire que c'est un exercice difficile pour les rapporteurs de majorité et de minorité de parler au nom de différents groupes, car ils ne peuvent pas toujours parler stricto sensuau nom de tous les groupes, puisqu'il y a forcément des divergences au sein de la majorité comme de la minorité. Cela est tout particulièrement vrai sur le débat du budget.
Là, vous êtes obligé, Monsieur le président, d'appliquer le règlement, sans quoi je vous demanderai de faire approuver une motion d'ordre qui devra être acceptée aux deux-tiers.
Le président. Merci, Monsieur le député. M. Charbonnier souhaitait encore s'exprimer sur cet objet. Je suggère quand même de ne pas passer trop de temps sur cet incident, sans quoi nous en aurons jusqu'à 23h avant d'aborder le fond du problème.
M. Alain Charbonnier (S). Je partage l'avis de mes préopinants. A la réunion entre les chefs de groupe et le Bureau, on a parlé des groupes, mais pas des rapporteurs, ni des conseillers d'Etat. Pour moi, cela allait de soi de ne pas inclure le temps de parole des rapporteurs dans celui de leurs groupes, puisqu'ils défendent une majorité ou une minorité, mais pas leurs groupes.
Le président. Bien ! Mesdames et Messieurs les députés, devant cette belle unanimité, nous procéderons comme vous l'entendez. Je dois tout de même vous dire - même si vous avez raison, Messieurs Grobet et Glatz - que je ne suis pas très content qu'on traite ainsi des décisions prises entre le Bureau et les chefs de groupe. Nous avons été très clairs lundi, lors de notre séance. Cela ne me dérange pas que les gens changent d'avis, mais il ne faut pas me mettre cela sur le dos ! Les gens doivent avoir l'honnêteté de reconnaître qu'ils changent d'avis, ce qui ne pose aucun problème.
Madame Künzler, je vous donne la parole.
Mme Michèle Künzler (Ve). Je vous remercie, Monsieur le président, mais je crois que nous n'avons jamais changé d'avis. Cette question n'a même jamais été effleurée ! (Protestations.)Mais oui, c'est absolument vrai ! Nous n'avons pas parlé des rapporteurs, car cela paraissait évident pour tout le monde. Je trouve normal que les rapporteurs s'expriment, et chaque groupe après eux ! On a décidé d'accorder dix minutes à chaque groupe, on s'est canalisé sur ce sujet, et je pense qu'à aucun moment les rapporteurs n'ont été évoqués, Monsieur le président !
Le président. Les rapporteurs ont été évoqués lundi. Si vous étiez attentive lors des séances, vous le sauriez. (Exclamations.)
Une voix. C'est inacceptable !
Le président. La parole est au rapporteur de majorité Guy Mettan, puis ce sera le tour de M. Hiler.
M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, je crois que pour l'unique fois aujourd'hui nous serons tous d'accord sur ce que je vais vous dire, même si - je vous l'indique tout de suite - ça ne va pas durer. Nous serons tous d'accord sur le fait que le budget qui nous est proposé ce soir est mauvais.
Il est mauvais, il est même très mauvais. Pourquoi ? Et c'est là que nous allons commencer à diverger... Selon nous, le déficit qui nous est proposé, soit 392,6 millions, est encore beaucoup trop élevé pour un Etat comme celui de Genève, qui peut se permettre, s'il en a le courage, d'équilibrer ses comptes. Pourtant, nous allons quand même voter ce budget, parce qu'il correspond au meilleur compromis possible. Et j'aimerais ici paraphraser Churchill. En novembre 1947, Churchill a déclaré: «Personne n'a dit que la démocratie est parfaite... En fait, on peut dire que la démocratie est la pire forme de gouvernement, à l'exception de toutes celles qu'on a essayé d'expérimenter jusqu'à maintenant.» Je dirais simplement ceci: le budget dont il est question ce soir, personne n'a dit qu'il était parfait. On peut même affirmer qu'il est mauvais, mais c'est le moins pire de tous, à l'exception de tous ceux qui nous ont été proposés jusqu'ici. C'est pourquoi nous allons nous battre pour qu'il soit voté tel quel.
Pourquoi ce budget n'est-il pas bon ? Si je lis le rapport de la minorité, je constate que dans tout le rapport, comme durant toutes les discussions que nous avons eues à la commission des finances sur ce budget, à aucun moment le mot «dette» n'est mentionné, à aucun moment le mot «déficit» n'est mentionné, alors qu'il s'agit du problème numéro un de notre Etat ! Ces deux mots capitaux ne sont jamais mentionnés. C'est un scandale pour ceux qui se préoccupent de gérer de façon responsable les finances publiques.
Ensuite, on vient nous expliquer que les amendements auxquels nous avons procédé veulent démanteler l'Etat, veulent ceci et cela... Ce n'est tout simplement pas vrai ! C'est un pur exercice de propagande, qui tend à escamoter le vrai problème, qui est celui du déficit de 392 millions et de l'augmentation de la dette qui, je le rappelle, s'élève à 2,366 milliards entre l'exercice 2003 et le budget 2004. Mais, de cela, personne n'en parle à l'Alternative ! Personne ne suggère le plus petit moyen pour lutter contre l'explosion de ces déficits et l'explosion de la croissance de la dette. Et ça, Mesdames et Messieurs, nous ne pouvons pas l'accepter ! C'est pourquoi l'Entente a décidé de vous proposer ce nouveau budget, qui suggère une amélioration de 63 millions par rapport à l'effort déjà consenti par le Conseil d'Etat. Nous tenons d'ailleurs à saluer ici l'effort du Conseil d'Etat, qui a fait un exercice méritoire puisqu'il a réussi à abaisser le déficit à 392 millions de francs. Quant à nous, nous souhaitons compléter cet effort de 63 millions, pour donner ainsi un signe clair au contribuable que nous allons mettre un terme à l'explosion de ce déficit et de cette dette.
Songez qu'en deux ans - et je l'ai écrit - nous avons augmenté la dette de 25 000 francs par jeune à Genève. Comment peut-on être un politicien responsable, quand on lègue à la future génération de citoyens et citoyennes un fardeau de ce genre ? Cela n'est tout simplement pas pensable ! C'est pourquoi - et je ne serai pas plus long - je vous invite à suivre le conseil de Churchill et à voter ce budget, parce qu'il est le moins mauvais de tous. (Applaudissements.)
M. David Hiler (Ve), rapporteur de minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'aurais pu être ému par les propos responsables de M. Mettan, malheureusement - et contrairement à certains, semble-t-il - j'ai un peu de mémoire. Pourquoi n'avez-vous pas tenu ces propos avant de retirer 500 millions de recettes fiscales ? Pourquoi ne vous êtes-vous pas dit qu'il fallait d'abord diminuer la dette avant d'envisager une diminution d'impôts ? Vous ne l'avez pas fait ! Vous avez fait des propositions de diminution d'impôts, et vous avez dit au peuple qu'elle n'aurait pas de conséquences. Le peuple a eu envie de vous croire - ce qu'on peut concevoir, personne n'aime payer des impôts - mais la facture est là aujourd'hui, dans ce déficit et dans cette dette qui augmente.
Cela nous préoccupe aussi, et la divergence - vous le savez bien, d'ailleurs ! - porte sur la méthode à utiliser pour revenir à l'équilibre. Dans le budget du Conseil d'Etat, ce qui a choqué toute l'Alternative, c'est d'abord le retour aux expédients. Qui consistent à dire qu'il faut, puisqu'on a un problème, commencer par prendre quelques dizaines de millions sur la rémunération contractuelle des salariés de la fonction publique. Cela est détestable pour deux raisons: premièrement, parce que suite aux accords qui ont été signés ou non - et il y a eu des accords ! - les salariés du secteur public du canton de Genève sont ceux qui, en Suisse, ont en fait cédé le plus de pouvoir d'achat au cours de la crise des finances publiques et de la crise économique des années 90. En outre, cela est détestable, parce que c'est laisser imaginer comme signal politique que l'on peut diminuer des impôts; prendre des engagements - notamment envers ces personnes à qui l'on promet un statut dans trois ans lorsqu'on les engage comme auxiliaires; maintenir un ensemble de prestations tous azimuts; ou encore ne pas tenir compte des recommandations de l'ICF sur la définition d'indicateurs - c'est ce qui a été fait entre 2001 et ce jour - tout cela pour finalement régler les problèmes en disant qu'il suffit de réduire le pouvoir d'achat des salariés du secteur public... C'est un double oreiller de paresse ! Oreiller de paresse quant à la réorganisation de l'Etat, et oreiller de paresse pour ne pas avoir, comme conseillers d'Etat, dit la vérité aux gens lorsqu'il y a eu votation sur les impôts.
Pour le reste, Mesdames et Messieurs les députés, l'Alternative souhaite ce soir qu'il y ait un débat dur - c'est vrai - mais correct, pour que l'on arrive, après de très longues heures, à un vote, et que la démocratie soit respectée. Ce message signifie que nous nous battrons, amendement après amendement, mais que notre but n'est évidemment pas de faire de l'obstruction.
Pourquoi nous battrons-nous ? En particulier parce que nous avons dû, en commission, affronter une série d'amendements mal préparés, souvent illégaux, pour lesquels nous avons dû batailler - aux côtés du Conseil d'Etat, il faut bien le dire ! - et il y a un certain nombre de choses aujourd'hui, dans le budget amendé, qui sont simplement insupportables. Insupportable, la coupe faite à l'Hôpital ! Au moment où l'on sait que, pour des raisons qui n'ont rien à voir avec l'organisation de l'Etat, avec la qualité des soins ou avec la qualité de l'organisation, l'Hôpital est littéralement assailli de demandes pour la chirurgie ambulatoire, auxquelles il doit faire face, parce que personne d'autre à Genève n'accepte d'y répondre depuis que le nouveau TarMed est en vigueur. Certaines cliniques se sont retirées de certains marchés - et ça, c'est un vrai problème. Et on ne parle pas là de confort, mais bel et bien de gens qui doivent attendre des opérations. Leur vie n'est pas en danger, mais les douleurs existent, et six mois de douleurs ne sont pas égales à un mois.
La deuxième chose qui nous a paru très peu acceptable, c'est la cosmétique. On a, dans ce budget, des exemples de fausses diminutions qui tournent à la pure falsification... Lorsque, concernant l'Hospice, où jamais les comptes n'ont été meilleurs que le budget, on propose une coupe de 4,5 millions alors que la Constitution garantit le déficit de l'Hospice, on fait un faux calcul ! On pourrait même écrire zéro, de toute façon, au moment des comptes, les coûts seront les mêmes. Et clairement, la droite se réjouit d'avoir retiré quelques dizaines de millions, alors que sur ces dizaines, il y a au moins 10 millions - et nous le démontrerons amendement après amendement - où l'économie n'est pas réelle, mais existe seulement sur le papier ! Et je ne doute pas que le Conseil d'Etat aidera à cette démonstration.
Pour le reste, je pense que le climat qui s'est instauré, avec un débat gauche-droite extrêmement fort, a en réalité empêché de poser les vraies questions, à savoir: quelles sont les priorités communes à nos partis et y en a-t-il ? Quelles sont les positions des différents groupes sur la modernisation de l'Etat et quelles économies réelles peut-on en attendre ? Parce qu'une partie de la modernisation consiste à améliorer les prestations, et non pas à économiser. Enfin, à quel rythme déciderons-nous de retourner à l'équilibre ?
Il est vrai que tous les groupes de gauche pensent que si le Conseil d'Etat avait accepté, quand il a supprimé l'indexation semestrielle - ce n'est qu'un exemple - de dire que l'indexation annuelle de novembre à novembre, celle que tout le monde reçoit, serait versée l'année prochaine, cela aurait été un peu plus facile... Nous pensons qu'il aurait été relativement facile pour le Conseil d'Etat de trouver les trente postes qui auraient donné quelques satisfactions aux gens qui travaillent dans les écoles.
Pour finir, j'aimerais dire ceci: le métier d'enseignant, le métier d'infirmier, le métier de médecin, le métier de travailleur social sont différents d'il y a vingt ou trente ans. Le travail est devenu beaucoup plus dur, car l'ensemble de ce qui ne va pas dans notre société se retrouve là. On peut regretter qu'il faille de si petits groupes dans les classes, mais tant qu'une partie des enfants arrivent à l'école avec un degré d'éducation - et pas d'instruction - aussi limité, il faut essayer de limiter la casse. Nous aimerions qu'il n'y ait pas 10 ou 15% d'exclus, car nous aurions en effet besoin de moins de travailleurs sociaux. Malheureusement - et le modèle que vous défendez y contribue - leur nombre augmente sans cesse depuis les années 80.
Nous aimerions aussi - mais là, c'est la nature qui nous arrête - que le fait de vieillir n'exige pas plus de soins, mais tel n'est pas le cas. La réalité est qu'une population vieillissante a besoin de plus de soins, qu'il s'agisse de l'hôpital, de l'aide et des soins à domicile ou des EMS.
Nous avons une satisfaction - une seule - c'est que, sur l'ensemble des folies qui ont été proposées, les plus folles ont été rejetées. Il en reste encore un certain nombre à éliminer de ce budget, et c'est à cette tâche que nous nous attellerons au cours des dix ou quinze prochaines heures. (Applaudissements.)
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Mesdames et Messieurs les députés, ce débat sur le budget, le groupe socialiste l'attend depuis des mois. Malheureusement, ce n'est pas sur ce projet de budget-ci que nous aurions souhaité débattre, mais sur le premier projet de budget, qui avait été présenté par le Conseil d'Etat en automne dernier.
Nous l'avons affirmé à plusieurs reprises: nous ne sous-estimons pas les difficultés financières dans lesquelles l'Etat se trouve. Mais nous tenons à rappeler que la conjoncture nationale et internationale n'est pas la seule responsable du marasme économique que nous vivons. On ne répètera jamais assez que les baisses d'impôts successives, proposées de façon irresponsable par les libéraux et les autres partis de la droite, ont gravement compromis l'équilibre financier de l'Etat, puisque l'on enregistre une diminution des recettes d'environ 500 millions par année, qui correspond au déficit prévu dans le premier projet de budget.
De plus, pour les socialistes, il est hors de question de reporter la charge des cadeaux fiscaux, consentis aux contribuables les plus aisés de notre canton, sur la fonction publique - d'autant moins que cela a été décidé sans aucune négociation ! Les partis de l'Alternative l'ont fait savoir dans une lettre qui a été diffusée il y a quelques semaines, mais le Conseil d'Etat n'en a pas tenu compte. Vouloir réformer l'Etat dans ces conditions n'est pas la bonne méthode. Quant aux promesses qui avaient été faites par les partis de l'Entente et qui ont certainement pesé lourdement dans le choix des citoyens au moment des votations sur les baisses d'impôts - on les attend toujours... La stimulation de l'économie qui devait en résulter, on l'attend également !
Je laisserai mes collègues de la commission des finances commenter les travaux qui ont été faits et me bornerai encore à quelques remarques d'ordre général. Pour reprendre les propos du rapporteur de majorité, émaillés de références «footballistiques», on peut dire que ce rapport de majorité est un véritable autogoal. Oser prétendre que le budget sorti de la commission, concocté sans réflexion et à coups de machettes, fait partie du plan de développement durable, c'est faire preuve d'une extrême mauvaise foi et d'une certaine amnésie. Pour reprendre l'exemple du développement durable, il faut dire aussi que la modeste rubrique budgétaire, affectée précisément à des activités de développement durable, a été tracée d'un coup de crayon, sans beaucoup d'états d'âme, par les partis de l'Entente. Ces messieurs-dames de l'Entente oublient aussi un peu rapidement que, depuis des décennies, ce sont eux qui sont aux commandes de l'Etat, tant au niveau du Grand Conseil que du Conseil d'Etat, à l'exception des quatre ans de majorité de l'Alternative, où les choses se sont un peu mieux passées, où, en tout cas, on arrivait à voter des budgets qui étaient convenables. (Protestations.)Couper 20 millions dans les dépenses des Hôpitaux universitaires, 2 millions pour les soins à domicile, quelque 4,5 millions pour l'Hospice général, cela serait faire preuve de développement durable ?!? C'est du développement durable peut-être pour les quelques privilégiés de notre canton, mais pas pour les plus démunis qui attendent autre chose des prestations de l'Etat !
Cette méthode dénote aussi un mépris certain pour les personnes qui attendent justement ces prestations d'un Etat redistributeur et social, et pour ceux qui administrent ces prestations. Et tout cela sans tenir compte de l'augmentation sensible de la population genevoise, des problèmes de vieillissement, des problèmes sociaux auxquels nous sommes confrontés et que M. Hiler a très bien décrits tout à l'heure... A titre d'exemple, s'agissant de l'Hospice général, si l'on ouvre le rapport de majorité à la page 59, on peut lire: «La majorité des commissaires ont pris note de l'augmentation du nombre de dossiers, et donc du nombre de personnes en détresse dont l'Hospice général doit s'occuper, mais elle a estimé que le budget de l'Hospice général ayant énormément augmenté durant les années précédentes, une stabilisation de sa subvention à quelque 147 millions en 2004 était possible sans entraîner de dommages sociaux.» L'on sait pourtant que le budget de l'Hospice général est régulièrement sous-estimé et qu'en plus, on lui reproche ensuite de l'avoir dépassé... Si cela n'est pas de la mauvaise foi, je ne sais pas ce que c'est ! S'agissant du rapporteur de majorité et du slogan du PDC «L'humain au centre», on se dit qu'ils devraient peut-être changer de slogan pour la prochaine campagne électorale...
Bref, durant ces derniers mois, la droite nous a donné un spectacle désolant de son incapacité à gérer le canton, bien qu'elle dispose d'une majorité confortable tant au Grand Conseil qu'au Conseil d'Etat. Ce faisant, elle a pris la responsabilité de provoquer une grave crise institutionnelle. Nous l'avons dit: pour nous également, la situation financière est à prendre au sérieux, mais le retour à l'équilibre à marche forcée n'est pas une solution. Ce n'est pas comme ça qu'on arrivera à associer les représentants de l'administration à la réforme de l'Etat.
Le groupe socialiste maintient donc les termes de sa lettre, en tout cas en ce qui concerne le respect des accords avec les HUG, la nécessité de négocier avec la fonction publique, la réintroduction des postes qui étaient prévus par le premier projet de budget 2004; quant au plan financier quadriennal qui prévoit une limitation trop drastique du retour à la croissance, nous le contestons également. Vous l'avez compris, nous soutiendrons le rapport de minorité ainsi que les amendements qui ont été prévus, et nous en présenterons d'autres lors de notre débat de ce soir et demain concernant le budget. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Vous avez parlé pendant six minutes cinquante-cinq; le solde sera bien évidemment attribué à votre collègue Mme Grobet-Wellner qui s'est inscrite. La parole est donnée à M. Patrick Schmied pour le groupe PDC.
M. Patrick Schmied (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe PDC vous recommande d'accepter les travaux de la commission des finances. Le combat dans cette commission - et M. Hiler en a parlé - a été loyal, chaque camp votant pour ou contre des propositions concrètes. En somme, un travail parlementaire normal. Et je me réjouis d'entendre que les uns et les autres ont l'intention de continuer sur cette lancée, ici, ce soir et demain.
Comme vous le savez, les deux précédents budgets avaient été acceptés par le PDC, en ronchonnant - si j'ose dire - et sous la promesse que les suivants seraient meilleurs. En septembre, fâchés, nous nous sommes ralliés à ceux qui refusaient le budget tandis que, en avril, le nouveau budget qui nous était présenté par le Conseil d'Etat, avec les mesures de redressement qui l'accompagnaient, nous convenait mieux. Je note d'ailleurs avec un certain amusement que l'Alternative se rallie aujourd'hui sans condition à ce budget du Conseil d'Etat, après l'avoir refusé alors.
Pour nous, ce budget allait donc dans la bonne direction. Ce que nous demandons aujourd'hui, c'est simplement d'aller un peu plus vite, et d'assurer ainsi que le budget 2005 parte d'une bonne base et qu'il ne risque pas d'emblée, avant même d'avoir commencé, de glisser lui aussi vers des déficits inacceptables, comme nous l'avons vu toutes les années précédentes.
Je prie donc ceux qui nous abreuvent de discours-fleuves sur le démantèlement des prestations, de revenir à la réalité des choses. Les coupes sauvages qu'ils annoncent ne sont pour la plupart que des diminutions d'augmentations; le personnel de l'Etat augmente de 500 postes, sans licenciement, et ces postes sont concentrés dans les postes de terrain, c'est-à-dire qu'il s'agit en particulier de postes d'enseignants, dont on parle si souvent - évidemment, du côté de l'administration, on en a parlé un peu moins.
Enfin, je vous rappelle que nous risquons, ce soir et demain, de nous écharper et de nous dire des choses définitives, pour 1% du budget.
En conclusion, pour nous, ce budget permet parfaitement à l'Etat de Genève de remplir ses missions, et s'il n'y avait qu'une seule raison à notre détermination aujourd'hui d'infléchir l'évolution inquiétante des finances de l'Etat, c'est que pour nous, démocrates-chrétiens, il est impensable de laisser à nos enfants une dette pareille - ce serait faire preuve, nous politiciens, d'une paresse coupable. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député, vous avez parlé deux minutes quinze. La parole est à M. Pierre Weiss pour le groupe libéral.
M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, la discussion sur le budget 2004 est unique à au moins trois égards: d'abord, par le renvoi au Conseil d'Etat d'un premier projet de budget peu rigoureux, à 550 millions de déficit et dénué de toute mesure de redressement structurel; ensuite, par le dépassement de l'Alternative sur sa gauche par le Conseil d'Etat, pour annuler nos amendements... (Rires.)... enfin, par le soutien rigoureux et inflexible que manifestent au projet de budget amendé les libéraux, l'Entente et, en fait, toute la droite. Ces insuffisances sont moindres que le prolongement des douzièmes, synonyme de non-gouvernement, prétexte possible à une ultérieure détérioration de la notation du canton par Standard & Poors, et donc à une augmentation du coût de la dette.
Pour la première fois une majorité s'est faite où l'Entente et l'UDC se sont retrouvées unis pour refuser le budget d'un Conseil d'Etat en majorité composé de magistrats issus des rangs de l'Entente. A juste titre ! 550 millions de déficit étaient en soi inacceptables, démontrant l'incapacité du gouvernement à prendre des mesures pour assainir les finances cantonales. Avec nos moyens modestes, nous ne disposons pas de staff pendant les week-ends, mais avec une détermination inébranlable, l'Entente s'est accordée sur un objectif clair: tendre vers un déficit moins déraisonnable, de l'ordre de 250 millions.
Aujourd'hui, après des discussions serrées en commission des finances, le budget qui vous est présenté offre une diminution raisonnable et équilibrée du déficit - sans tabou et non linéaire. J'insiste sur ces points.
Cette diminution est de plus de 60 millions par rapport au budget d'avril, ce qui ramène le déficit à 329 millions, et de plus de 220 millions par rapport au premier projet renvoyé au Conseil d'Etat - un montant loin d'être négligeable. C'est certes insuffisant; certains en prennent même prétexte pour jeter le budget avec le déficit des économies. Ce résultat fait même injure à la loi sur la gestion administrative et financière, car elle nous imposait de rétablir l'équilibre des finances cantonales en 1997. Le plan financier quadriennal n'y arrivera que dix ans plus tard. Mais cet effort mérite d'autant plus d'être soutenu, vu l'étrange alliance qui s'est formée entre le Conseil d'Etat et l'Alternative pour résister à nos efforts d'économie. (Protestations.)
C'est là la deuxième singularité de cette discussion. En effet, que l'Alternative s'oppose à presque tous les amendements issus de nos rangs, certains de ceux concernant le DAEL et l'Université exceptés, n'est que logique; mais que le Conseil d'Etat se range de factoà ses côtés montre qu'à l'heure du faire et du prendre, le gouvernement - ou en tout cas sa majorité - préfère dépenser l'argent des contribuables, plutôt qu'économiser 60 millions de plus. Les électeurs pourraient s'en souvenir l'an prochain, sans même que nous ayons besoin de le leur rappeler. (Exclamations. Le président agite la cloche.)
Les libéraux s'opposeront sans exception à tout amendement qui aurait pour conséquence d'augmenter le déficit, quelle qu'en soit la provenance. A 329 millions de déficit - un montant qui reflète concessions et compromis réciproques au sein de l'Entente - notre marge de manoeuvre est épuisée. Mais si, par malheur, l'un ou l'autre amendement venait à être accepté, nous ne manquerions pas, selon son ampleur, de soutenir des mesures compensatoires, voire d'en tirer les conséquences au moment du vote final du budget. Chacun doit en être conscient. C'est à cette condition seulement de non-accroissement du déficit que les libéraux voteront le budget issu des débats de la commission des finances, un budget dont il relève au passage la part trop faible laissée aux investissements pour le futur de Genève, en raison de coûts de fonctionnement gloutons de l'Etat.
La discussion sur ce budget connaît une troisième particularité: si, au terme de nos débats, ce budget venait à être refusé, nous mettons d'ores et déjà en garde les artisans de cette crise institutionnelle et financière durable, parce que les douzièmes seraient alors pérennisés pour le reste de l'année. Il faut courir, par conséquent, le risque d'un refus possible des douzièmes par les libéraux. En tout état de cause, notre conception de l'Etat, qui se doit d'être prévisible, nous impose d'ores et déjà de préciser que les artisans des douzièmes seront concrètement les responsables de licenciements d'auxiliaires, auxquels le Conseil d'Etat devra se résoudre, de même que du non-engagement des quelque 90 nouveaux collaborateurs - y compris au DIP - prévus par notre projet de budget amendé. Martine Brunschwig Graf l'a confirmé à deux reprises à la commission des finances, et je crois qu'ici, c'est le cas de le dire: «A démantèlement, démantèlement et demi !»
On ne dira jamais assez, à ce sujet, combien la population a été désinformée, inquiétée, divisée par certains. C'est ainsi que les montants accordés aux subventions connaissent une hausse par rapport à 2003, c'est ainsi que le cycle de Drize ouvrira ! (Protestations.)Mais, dans le même temps, les douzièmes réussiront l'exploit de faire dépenser davantage - une quarantaine de millions au moins - que le budget qui vous est présenté. Pour ces deux raisons, en conclusion, il faudra donc tout faire - et nous le ferons - pour empêcher au cours des débats à venir la perpétuation de l'absence de gouvernement et pour adopter le budget dont l'Etat a besoin. Tel est le sens de l'action politique de l'Entente, et en son sein, voire en son centre, des libéraux, tant nous avons oeuvré pour rapprocher les points de vue des uns et des autres. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député, vous avez parlé cinq minutes cinquante. La parole est à Mme Morgane Gauthier pour les Verts.
Mme Morgane Gauthier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts ont exprimé à de multiples reprises leurs inquiétudes concernant le projet de budget 2004 deuxième version du Conseil d'Etat, et nous sommes encore plus inquiets avec la version du budget telle qu'elle ressort de la commission des finances. En l'état, le groupe des Verts refusera le projet de budget.
J'ai entendu dans la bouche de mes deux préopinants les notions de durabilité, de dette, et de dette que l'on laisse à nos enfants... Mais permettez-moi de rappeler notre débat d'il y a deux semaines sur le CO2 et le climat, n'oubliez pas la dette environnementale que nous laissons à nos enfants. S'il y a effectivement une dette économique, n'oublions jamais la dette que nous leur laisserons avec une planète dont l'état ne cesse de s'aggraver.
Concernant le traitement de la fonction publique, les Verts constatent qu'après une perte de 12% du pouvoir d'achat des fonctionnaires dans les années 90, c'est à nouveau eux qui voient leur salaire attaqué. Le signal que nous donne le Conseil d'Etat, qui consiste à faire payer les baisses d'impôts aux employés de l'Etat, est absolument inacceptable ! C'est la même recette que celle utilisée il y a dix ans, et elle est particulièrement malvenue. La baisse des impôts de 12%, proposée par les libéraux et acceptée par le peuple, était éventuellement supportable et absorbable dans les années de bonne conjoncture. En revanche, dans les périodes difficiles, cette baisse de rentrées fiscales a des conséquences désastreuses, qu'il est très compliqué de contrer - la crise budgétaire actuelle en est une démonstration.
Depuis quelques années, la population augmente dans notre canton autant que dans la ceinture franco-vaudoise. De plus, nous devons faire face à un vieillissement de la population. Il existe donc des besoins qui sont clairement identifiés et qui impliquent un engagement fort de l'Etat. L'enveloppe de 390 millions, destinée aux investissements, est pour nous largement sous-dotée. Il est des investissements que nous devons faire aujourd'hui; les reporter ne ferait qu'accentuer les problèmes et en aucune manière baisser les coûts. Il s'agit, par exemple, des bâtiments scolaires pour faire face à l'augmentation des élèves; du bâtiment des lits, à l'Hôpital, qui nous semble être aussi une priorité pour accueillir dignement les malades; des EMS pour accueillir les personnes âgées; ou encore d'un équipement informatique, pour avoir un Etat qui fonctionne de façon performante. Mais, pour cela, il faut suffisamment de personnel sur le terrain, qui soit en prise directe avec les réalités de la population et puisse faire face à ces besoins. Par exemple, nous n'accepterons pas une augmentation du nombre d'élèves par classe ou encore la diminution d'encadrement des élèves. Dans les Hôpitaux universitaires de Genève, nous connaissons tous les problèmes consécutifs à l'introduction du TarMed, or nous ne tolérerons pas un allongement continuel des files d'attente aux urgences ou encore de devoir attendre des mois avant de se faire opérer - car c'est dans cette direction que nous allons très clairement aujourd'hui.
Concernant la suite à donner à ce budget, les Verts prennent la crise que nous vivons très au sérieux et prennent leurs responsabilités. Bien que nous soyons dans la minorité, les Verts acceptent certaines économies qui sont justifiées. Il serait démagogique de refuser certaines coupes simplement sous prétexte que nous ne sommes pas dans la majorité; c'est en cela que notre discours est clair et que nous affichons clairement nos priorités: il s'agit de la santé, du domaine social, de l'éducation et de la protection de l'environnement. Les Verts sont d'avis que l'administration centrale peut et doit être modernisée, mais cela prend du temps, et cela est la tâche du Conseil d'Etat. Nous attendons un travail sur le fond, département par département, service par service, et non pas des coupes aveugles de la part de l'Entente et de l'UDC, qui ne modifient en rien les problèmes structurels de l'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il ne sert à rien de couper, il faut gérer à temps ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée, vous avez parlé quatre minutes zéro six. Je remercie Mme Janine Hagmann, deuxième vice-présidente, de la précision de son chronomètre. La parole est à M. Gilbert Catelain pour l'UDC.
M. Gilbert Catelain (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe UDC accorde peu de crédit à un budget dont on sait qu'il ne sera pas respecté. La situation financière de ce canton est similaire, toutes proportions gardées, à celle de la Confédération, respectivement à celle qui prévalait dans le canton de Berne en 1998. La différence entre ces trois situations semblables réside dans le degré de volonté des exécutifs d'inverser la tendance, et dans le degré de responsabilité des partenaires sociaux de participer à l'effort d'assainissement des finances publiques.
Alors que le Conseil d'Etat bernois a introduit successivement neuf plans d'assainissement des finances publiques et a supprimé 2000 postes de travail entre 1998 et 2004, avec à la clef un retour de l'équilibre budgétaire, notre canton a depuis plusieurs années réévalué les fonctions du personnel, réintroduit les mécanismes salariaux coûteux et accru la dette. Dans le même temps, la Confédération, dont la dette s'est accrue de 85 milliards de francs en treize ans, a enfin pris la mesure de l'abysse devant lequel elle se trouvait, et a élaboré en quelques mois deux plans d'assainissement budgétaire et un plan d'abandon des tâches. Ceux-ci se traduiront à terme, d'ici 2008, par la suppression de 5000 postes de travail sur un effectif de 34 000 et la non-indexation des salaires en 2005.
M. le conseiller radical Mertz a vendu sa stratégie d'assainissement des finances aux syndicats, notamment le 18 juin. A cette occasion, il a déclaré: «Nous devrons exiger du personnel de la flexibilité d'esprit, de la disponibilité, ainsi que, le cas échéant, de la mobilité géographique.» Il s'agit, par conséquent, de réduire les prestations de service; l'administration doit soumettre d'ici au mois d'octobre un plan d'abandon des tâches. En conclusion, il dit: «Il n'est aujourd'hui tout simplement plus possible de financer tout ce qui est nécessaire, donc encore moins le souhaitable.»
Dans ce domaine, ce qui vaut pour la Confédération - à situation semblable - vaut aussi pour Genève. Mesdames et Messieurs les députés, nous n'assainirons pas les finances du canton de Genève sans procéder à une réévaluation en profondeur des tâches que nous confions à l'Etat. Le budget qui nous est proposé ce soir est certes insuffisant - tout le monde l'a dit - il est néanmoins la prémisse d'une dynamique de changement, initiée par la majorité de ce Grand Conseil et indispensable à l'assainissement des finances publiques. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Vous avez parlé deux minutes trente-huit. La parole est à M. Robert Iselin, toujours pour le groupe UDC.
M. Robert Iselin (UDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ouvrant la 55e législature de ce parlement, le porte-parole de l'UDC, avançant avec prudence car il était bien neuf, appelait timidement à la retenue en matière financière. Il débarquait frais émoulu dans un monde qu'il avait jusqu'alors observé du dehors - on peut le comprendre. Aujourd'hui, ses plus sombres imaginations sont hélas largement dépassée, et les ricanements qui avaient accueilli son discours semblent dérisoires... Ce gouvernement, ce parlement et - faut-il le dire ? - ce corps de nos fonctionnaires dont un bon nombre sont de fidèles serviteurs de l'Etat, doivent accepter de regarder la situation telle qu'elle est, et non pas telle qu'ils voudraient qu'elle soit.
Le principe est simple, mais on s'en est moqué depuis trente ou quarante ans: il faut accepter qu'on ne peut pas, à longue échéance et de manière répétée - comme cela se produit dans cette République - dépenser l'argent qu'on n'a pas ! Nos compatriotes de certains cantons s'en sont rendu compte depuis quelques années. Pourquoi cette République, qui a tant fait au cours des siècles parce que ses finances le permettaient, ne mettrait-elle pas en ordre ses finances pour reprendre, dans l'équilibre, ce rôle éminent et bien dans l'esprit de la personnalité puissante et imbue du bien de son prochain qui a forgé son âme il y a quatre cent cinquante ans ?
Non, je ne vous emmènerai pas dans les méandres du rapport Andersen, tant décrié par certains, mais que tous devraient lire et relire. Non, je ne vous rappellerai pas le contenu de cette perle publiée par le Conseil d'Etat en février 1997, pour se donner bonne conscience, intitulée - tenez-vous bien ! - «La réforme de l'Etat de Genève», et qui est restée pratiquement lettre morte. Car si elle avait été appliquée, ne serait-ce qu'à moitié, nous n'en serions pas où nous en sommes. Quoique ici, je ne puis m'empêcher d'en citer un passage figurant sous le titre: «Démarches de mise en oeuvre de la réforme»: «Tout projet de réforme de l'administration sera mis en oeuvre sans tarder. Il appartiendra au collège des secrétaires généraux d'en piloter l'exécution et de veiller à la coordination des projets retenus. Chaque groupe d'exécution proposera un rapport de progression et le soumettra au collège des secrétaires généraux et à la direction de la réforme.»
Qu'est-il resté de toutes ces belles paroles ? Pourquoi s'est-on assis sur le rapport Andersen, voté - rappelons-le - par le peuple ? A agir de cette manière, Genève ira à la ruine - pour ne pas dire qu'elle y est déjà. Et tous les ténors et plus petits rôles de la gauche, qui ne voient pas qu'ils enfoncent leurs propres troupes dans le désastre et semblent s'acharner à faire le malheur de ceux qui les suivent, seraient bien inspirés de réfléchir et de regarder plus loin que ce qu'ils croient être leur intérêt le plus direct. Parce que, quand cela ira vraiment mal, les fortunés de ce monde s'en tireront toujours, et les petits, les humbles, les laissés-pour-compte, qui ont droit à notre aide, paieront, et paieront très cher !
Celui qui vous parle ne peut pas croire que cette République veut suivre ce chemin, avec le cortège d'injustices et de duretés que cela signifiera. L'UDC attend du gouvernement qu'il empoigne la situation. C'est la dernière minute - croyez-moi ! A observer les sept qui nous régissent et qui devraient regarder les faits en face et les voir tels qu'ils sont, on ne peut que les comparer à ceux qui réarrangeaient les chaises longues sur le pont du «Titanic». Et il est dix heures du soir !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je vais essayer de temporiser un peu pendant que ma deuxième-vice présidente fait le calcul... Monsieur Marcet, vous avez la parole pendant trois minutes vingt.
M. Claude Marcet (UDC). Je reprends Churchill, qui a dit à Daladier ou peut-être à Chamberlain - je ne m'en souviens plus très bien - au retour d'un entretien avec un très vilain monsieur: «Entre la honte et la guerre, vous avez choisi la honte, mais vous n'échapperez pas à la guerre.» Ici, je vous le dis, entre l'aveuglement de ce gouvernement et d'une partie de ce parlement vis-à-vis de la calamité des budgets régulièrement présentés, à laquelle s'ajoute la calamité de la situation financière de ce canton qui conduit Genève à sa ruine, d'une part, et l'impérieuse nécessité d'opérer sans délai une refonte drastique et en profondeur des méthodes de gouvernement, notamment des méthodes de gestion financière et administrative de cet Etat, d'autre part, c'est la calamité et la ruine qui ont été choisies. Mais que ceux qui ont fait ce choix par manque de courage, de compétences, ou par une volonté électoraliste le sachent: ils n'échapperont pas à une refonte en profondeur des méthodes de gestion et de gouvernement, refonte qui sera d'autant plus dure et draconienne pour certains qu'elle interviendra plus tard.
Il ne s'agit pas d'une crise des recettes, mais bien des dépenses.
Une voix. C'est faux !
M. Claude Marcet. Tous les exemples et tous les indices le prouvent, mais certains ne veulent pas voir cette évidence. Nous avons ainsi plus de fonctionnaires que dans toute la Suisse, les mieux payés, les plus râleurs. Mais Genève fait-elle plus que dans toute la Suisse pour le citoyen ? Non, et nous dépensons pour tout et n'importe quoi sans nous soucier de l'utilité de la chose, et même si nous pouvons financièrement le faire. Combien de collectivités de quelque 400 000 habitants comme nous ont un budget de 6 milliards de dépenses ? Je n'en connais qu'une: Genève ! Elle qui veut aussi être le DIP, l'Hospice général et l'hôpital du monde entier, sans savoir si elle en a les moyens. Il suffit de comparer Genève à différentes normes pour savoir que nous sommes déjà allés trop loin. Nous sommes le plus mauvais élève de la Suisse, probablement le canton où la productivité est la plus faible, et l'assistanat le plus grand.
Dans «Le Temps», il y a une semaine, des comparaisons ont été effectuées. Certains ne les ont peut-être pas très bien comprises. Je rappellerai donc que les cantons ne devraient pas avoir un endettement de plus de 20% de leur PIB. Pour Genève, cela fait quelque 4 milliards, or nous en serons à trois fois plus à la fin de l'année. Cela veut aussi dire que nous ne devrions pas avoir de déficit budgétaire.
Nous allons maintenant nous envoyer des vilenies pour des broutilles, alors que l'important et le fond du problème sont ailleurs. Je vous le prédis, la fin du jeu est proche; elle viendra lorsque les bailleurs de fonds fermeront le robinet. Et ce sont ceux que vous représentez, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, qui souffriront le plus, car vous n'avez pas su où était leur véritable intérêt. Cette fin de jeu pourrait être beaucoup plus proche que vous ne le pensez, car - certains le savent - les indices économiques ne sont pas aussi favorables que d'aucuns le prédisent. C'est sur ce message annonciateur de tempêtes futures, inéluctables si rien ne change, que je voulais ouvrir ce débat sur ce budget, sur lequel nous nous prononcerons à l'UDC en fonction de l'intérêt supérieur de l'Etat, et uniquement en fonction de celui-ci. L'UDC votera l'entrée en matière. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Vous et vos collègues avez été d'une ponctualité tout à fait helvétique, puisque vous avez parlé durant dix minutes, quasiment à la seconde près. La parole est à M. Souhail Mouhanna pour l'AdG.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, en écoutant les groupes parlementaires de droite s'exprimer, on a vraiment l'impression que ce sont les coupables qui jugent leurs victimes. Que n'a-t-on pas entendu par rapport à la dette, par rapport au déficit ? Si je reprends le rapport de majorité, je vois que M. Mettan a eu la délicatesse de photocopier l'évolution de la dette depuis 1970. Voyons ce qui se passe: en 1970, la dette était de 778 millions de francs; en 1998, elle a atteint 10,152 milliards. Monsieur Mettan, qui était au pouvoir pendant toute cette période ? C'est vous, c'est l'Entente ! Le déficit, d'ailleurs il y avait des bonis à un moment donné, a continué à augmenter sous votre gouvernement. Vous étiez majoritaires au Grand Conseil, majoritaires au Conseil d'Etat.
Que s'est-il passé depuis 1998 ? Eh bien, en 1999 la dette est tombée à 9,624 milliards; en 2000 elle était de 9,524 milliards, et en 2001 de 9,203 milliards. C'est-à-dire plus d'un milliard de diminution, malgré la diminution de l'impôt dont parlait M. Mettan. Or M. Mettan prétend, sans l'indiquer aussi directement dans le rapport, que l'augmentation des recettes en 2000 et 2001 est due à la baisse d'impôts. Mais, Monsieur Mettan, lorsqu'on donne des chiffres, et surtout des leçons, il faut être honnête ! Je vois qu'en 2001 les recettes étaient de 4,533 milliards. Ce sont les chiffres du département des finances, que vous avez reproduits. Or, en 2002, on est passé à 4,450 milliards, soit 83 millions de moins, et en 2003 à 4,152 millions, soit 300 millions de moins. Si, véritablement, la baisse d'impôts était - comme vous l'avez prétendu - à l'origine de l'augmentation des recettes pendant la période 1998-2000, cela devrait continuer, or ce n'est pas le cas ! Pour vous, ce n'était pas la conjoncture, non, ce n'était pas ça. Eh bien figurez-vous que j'ai fait le calcul: il y a eu, rien qu'entre 2002 et 2003, 19'000 contribuables de plus, et pourtant 300 millions de recettes en moins ! Vos millionnaires, apparemment, ne sont pas venus; les recettes ont diminué. Et si vous additionnez ce que représente l'augmentation du nombre de contribuables et la baisse des recettes, vous trouvez - et nous l'avons toujours dit - entre 400 et 500 millions de baisse des recettes due à la baisse d'impôts. Et vous venez nous donner des leçons ?!? Alors que vous êtes responsables de la dette, responsables du déficit, responsables justement de la situation de précarité dans laquelle Genève se trouve de plus en plus plongée !
Et je trouve fort de café la lettre que nous venons de recevoir de la part de M. Yvan Pictet, président de la Fondation Genève Place Financière. J'aimerais en lire un extrait, où il dit: «Genève Place Financière, les banques et les sociétés d'assurance attendent du secteur public qu'il consente des efforts courageux dans l'intérêt de la collectivité et de l'avenir du canton». Mais que dit-il juste avant ? «La place financière a été confrontée ces dernières années à une conjoncture difficile, ses acteurs - notamment les banques, les sociétés financières, les compagnies d'assurance - ont dû prendre des mesures souvent douloureuses pour assurer leur pérennité.» Mais douloureuses pour qui ? Vous tous connaissez les chiffres, vous savez bien, quand vous dites qu'il n'y a pas d'argent, Mesdames et Messieurs les députés de droite, que la Suisse gère à peu près le tiers des fortunes mondiales, le tiers des fonds mondiaux. Il y a 1500 milliards dans la place financière genevoise ! (Protestations.)Rien que les deux principales banques ont fait 11 milliards de bénéfices l'année dernière, et pourtant elles ont supprimé des milliers d'emplois ces dernières années ! (Brouhaha.)Alors, quand on dit «douloureuses» ,c'est douloureux pour qui ? (Le président agite la cloche.)
Mais vous n'aimez pas la vérité ! Là, vous vous enflammez, parce que vous n'êtes que les tontons macoutes de ces gens-là. Et vous le savez ! (Protestations. Applaudissements.)Ces suppressions d'emplois ont été douloureuses pour ceux qui n'ont pas retrouvé d'emploi. Et aujourd'hui, on veut appliquer à l'Etat cette même politique désastreuse ? Et les mêmes viennent dire à l'Etat d'être courageux, autrement dit de supprimer des emplois, d'embaucher moins, de dégrader les prestations, de s'attaquer au personnel... Alors, ce mépris pour le personnel, ce mépris pour la population, eh bien, la population vous le fera payer très cher un de ces quatre !
M. Marcet a parlé tout à l'heure des bailleurs de fonds. Mais enfin, Monsieur Marcet, nous avons entendu tout à l'heure des prestations de serment, vous étiez présent et vous savez que la souveraineté appartient au peuple. Et le peuple fera payer ces bailleurs de fonds, parce que ceux-ci enlèvent beaucoup d'argent au peuple et aux travailleurs ! Les travailleurs finiront par leur réclamer ce qu'ils doivent recevoir, d'une manière juste et correcte, un salaire pour la peine qu'ils se donnent dans leur activité. Et le peuple finira par faire payer ceux qui ont confisqué une grande partie des richesses produites par les travailleurs !
Monsieur Mettan, vous vous permettez de donner certains chiffres dans votre rapport de majorité... Je vais maintenant les compléter concernant le nombre de postes, que vous considérez seulement depuis 1996. Prenez le grand livre que vous avez là, et voyez qu'au DIP, en 1991, on comptait 9347 postes, y compris l'Université et tout le reste. En 2003, Monsieur Mettan, on compte 9220 postes, soit 127 postes de moins rien qu'au DIP, malgré 50 000 habitants de plus et 5000 à 10 000 élèves de plus. Vous nous racontez n'importe quoi ! Pendant des années, vous avez géré l'Etat comme un groupe de petits copains, vous vous êtes arrangés pour que l'Etat ait le moins possible de recettes - et vous l'avez toujours dit - pour qu'au nom du déficit que vous générez, au nom de la dette que vous générez, vous puissiez vous attaquer aux prestations sociales, à l'Etat social, au personnel de la fonction publique, parce que, justement, vous ne voulez pas qu'il y ait le moindre exemple positif pour les travailleurs du secteur privé ! Ce que vous voulez, c'est infliger à la fonction publique les pires mesures qu'on puisse imaginer pour un travailleur, pour que vous puissiez appliquer les mêmes au niveau du secteur privé et augmenter toujours le profit de ceux qui confisquent les richesses produites par les travailleurs ! (Protestations.)
Je prends maintenant, Mesdames et Messieurs, les charges du personnel, que M. Mettan donne d'ailleurs dans son rapport. En 1992, les charges du personnel étaient de 1,552 milliard - je parle du petit Etat - et en 2003, elles étaient de 1,888 milliard. Si vous faites le calcul, vous verrez qu'il y a eu 18% d'augmentation de l'indice du coût de la vie pendant cette période, et 12,5% d'augmentation de la population, ce qui signifie que les charges du personnel ont diminué de 12% à 13% en francs constants. (Protestations.)En francs constants ! Et vous pouvez dire ce que vous voulez, ce qui vous intéresse, c'est le démantèlement - M. Marcet n'aime pas ce mot - de l'Etat social, c'est toujours plus de profit pour vos maîtres à penser, pour ceux qui dépensent des centaines de milliers, voire des millions pour vous faire élire, pour que vous soyez là, Mesdames et Messieurs les députés de droite ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, l'Alliance de gauche s'opposera à toute atteinte à l'Etat social, aux prestations à la population, s'opposera à toute atteinte aux travailleurs, du secteur public comme du privé. Nous refuserons tous vos amendements, nous en ferons d'autres, pour que l'Etat social puisse fonctionner et que le personnel des services publics soit respecté !
Je dirai encore au Conseil d'Etat que je trouve inadmissible et inacceptable que malgré toutes les attaques de cette droite haineuse à l'égard de la fonction publique... (Protestations.)... il n'y a pas eu un seul mot de défense des travailleurs du service public de la part du Conseil d'Etat. C'est honteux ! Il n'y a pas eu la moindre négociation, et cela aussi est vraiment honteux ! J'attends de vous entendre tout à l'heure, car la dignité des travailleurs, qu'ils soient du secteur public ou du privé, l'honneur de ces travailleurs mérite beaucoup plus que ce que vous avez fait, Mesdames et Messieurs du Conseil d'Etat !
Nous refuserons donc un budget qui ne respecte pas les gens, qui ne respecte pas les travailleurs et qui n'assure pas les prestations à la population. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député, vous avez parlé durant neuf minutes et cinquante-huit secondes. (Exclamations. Vifs applaudissements.)La parole est à M. le député Philippe Glatz, pour le PDC. Monsieur Glatz, il vous reste sept minutes quarante-cinq.
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
M. Philippe Glatz (PDC). Mesdames et Messieurs, je crois que les gens qui nous ont élus et qui nous regardent ce soir méritent un débat qui s'élève au-dessus des slogans, au-dessus des pseudo-arguments, des contre-vérités et des mensonges. On ne fait pas un débat avec des slogans, «la droite haineuse», «les tontons macoutes du capitalisme international», cela ne signifie rien.
Il s'agit aujourd'hui d'examiner quelle est notre situation à Genève. Et la situation de Genève est préoccupante, vous le savez, nous le répétons depuis plusieurs années. La préoccupation principale est liée à la dette que connaît le canton de Genève, je le rappelle: entre 12 et 14 milliards d'ici la fin de cette année, soit, Mesdames et Messieurs et pour tous ceux qui nous écoutent, l'équivalent d'environ 35 000 francs par tête d'habitant. Pour une famille de quatre personnes, cela fait déjà une dette de 140 000 francs.
Aujourd'hui, nous présentons un budget qui reste déficitaire de l'ordre de 330 millions, ce qui représente un accroissement de cette dette de l'ordre de 850 francs par personne, soit, pour une famille de quatre personnes, de 3400 francs. Nous ne pouvons pas continuer à vivre indéfiniment au-dessus de nos moyens. Les gens qui nous écoutent et qui ne jonglent pas, eux, avec les millions et les milliards, savent bien ce qu'est un budget. Un budget, c'est l'art de faire en sorte de concilier les recettes que l'on obtient avec les dépenses que l'on peut se permettre. Tous nos concitoyens sont appelés à faire des budgets - et eux se creusent la tête pour équilibrer. Nous-mêmes, élus par eux, nous conduirions-nous comme des irresponsables à continuer à dépenser et à vivre au-dessus de nos moyens ? Non, ce n'est pas raisonnable. Ce n'est pas responsable - comme l'a dit tout à l'heure M. Mettan au nom de la majorité - et ça ne correspond pas du tout au concept de développement durable tel que nous l'adoptons. En effet - et vous l'avez dit - le développement durable, c'est se préoccuper de ce que vont vivre les générations futures. Alors, Madame Gauthier, vous l'avez dit, il faut se préoccuper des conditions environnementales. Mais il faut aussi se préoccuper des conditions financières que nous allons laisser aux générations futures ! Une dette de 140 000 francs pour une famille de quatre personnes, je trouve que ce ne sont pas des conditions acceptables et qu'il nous faut aujourd'hui remonter la pente.
Nous le disions déjà au sein de cette enceinte en 1993. La dette n'était que de la moitié de ce qu'elle sera à la fin de cette année, soit de 7 milliards, et tout le monde s'accordait pour trouver cela très préoccupant. Aujourd'hui nous avons doublé cette dette, et nous n'avons rien fait. Pour la première fois, effectivement, la majorité de ce parlement, l'Entente, la droite tout ensemble a décidé d'infléchir la courbe. C'est un signe constructif et positif, bien que ce budget ne reste pas satisfaisant, puisqu'il reste déficitaire. Mais nous avons commencé à infléchir la courbe et espérons bien revenir à l'équilibre. Je vous assure que nous allons travailler sur les budgets de 2005 et de 2006 de manière que ceux-ci soient équilibrés.
Nous avons de la chance à Genève, car nous sommes un canton riche. Et cette richesse nous donne des responsabilités, parce que nous n'avons en effet pas le droit de creuser la dette. Et vous le savez, Mesdames et Messieurs de l'Alternative ! Nous n'en avons pas le droit parce qu'une dette, c'est aussi des intérêts qu'il faut payer. Or il est éminemment préférable, plutôt que de payer des intérêts à des établissements capitalistes, bancaires ou autres, de redistribuer le produit des impôts qui aura été récolté. Aujourd'hui, nous risquons, en cas d'élévation d'un point des taux d'intérêts, de devoir consacrer des sommes faramineuses au paiement des intérêts, au détriment de la population et des citoyens de ce canton.
En conséquence, Mesdames et Messieurs, j'appelle ici à de la raison ! Nous présentons un budget avec un déficit de l'ordre de 330 millions. Ce n'est pas une situation confortable - je le sais - c'est une situation difficile, mais il faut aujourd'hui donner ce signe, infléchir la situation et aller vers la recherche de l'équilibre. C'est pour cela que nous voterons ce budget volontiers, car il est un signe constructif et positif pour les générations futures. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le député, vous avez parlé cinq minutes dix. Je donne la parole à M. Hugues Hiltpold.
M. Hugues Hiltpold (R). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais rappeler, en préambule, que les parlements ont été créés dans le but premier et unique de doter l'Etat d'un budget qui lui permette de fonctionner. Toutes les autres fonctions de notre parlement ne sont que des dérivés de cette tâche faîtière. Genève ne fait pas exception à la règle, et c'est dans cet esprit d'attachement aux institutions que les radicaux apprécieront les débats que nous aurons dans cette enceinte.
Genève, je vous l'ai dit, doit avoir un budget. Il en va de sa renommée et de sa stabilité. Poursuivre la politique des douzièmes provisoires ne peut avoir des conséquences que dramatiques tant sur l'image que sur la comptabilité. Cela étant dit, n'importe quel budget n'est pas acceptable. Le budget du Conseil d'Etat de septembre 2003, qui présentait un déficit de plus d'un demi-milliard, n'était pas acceptable, pas plus que le budget proposé en avril 2004 et qui présentait un déficit de pratiquement 400 millions. Le Conseil d'Etat n'a pas su saisir le signal qui a été donné en septembre par le législateur. C'est la raison pour laquelle la majorité de l'Entente a réalisé un accord qui prévoyait de réduire le déficit. Cette réduction était prévue selon trois axes: le premier concernait les dépenses générales; le deuxième concernait le personnel et, finalement, le troisième concernait les subventions. Le postulat de base était de dire qu'aucun engagement de poste supplémentaire n'était admis; deuxièmement, que les dépenses générales, qui avaient fortement crû les deux années précédentes, étaient ramenées au niveau de 2002; enfin, que certaines des subventions qui avaient crû de façon plus conséquente étaient ramenées à leur niveau de 2003.
Les différents amendements présentés à la commission des finances, tant en ce qui concernait les dépenses générales que les subventions, ont finalement permis d'obtenir 55 millions d'économies. En outre, les amendements qui ont été présentés concernant le personnel ont permis de n'engager que 522 postes au lieu des 600 prévus. Il n'y a rien d'autre qu'une réduction des engagements de l'ordre de 78 postes. Les économies réalisées grâce à cette modification-là sont de l'ordre de 7,5 millions. Au bout du compte, la réduction du déficit avoisine les 63 millions et constitue un premier pas. Nous disons que cela est bien, mais que cela n'est pas suffisant.
Nous demandons que les mesures d'économie engagées soient poursuivies dans les exercices suivants, d'abord dans le projet de budget 2005 qui va nous parvenir dans deux mois - parce que c'est là qu'est le véritable enjeu - et ensuite dans le projet de budget 2006, pour lequel nous demandons que l'équilibre budgétaire soit atteint.
Cela étant, nous ne pouvons que déplorer le comportement du Conseil d'Etat qui n'a su saisir le signal du parlement dès septembre 2003. Il n'a pas pu donner satisfaction dans sa deuxième mouture du projet de budget, ce qui a engendré toute une série d'amendements que l'Entente a présentés et que la majorité de la commission des finances a votés. Nous déplorons également que le Conseil d'Etat ne reste pas neutre dans ce débat, comme nous le sommes aujourd'hui, et qu'il affirme urbi et orbi, par le biais de contre-amendements, vouloir revenir à son projet de budget initial. Les conséquences, Mesdames et Messieurs, sont qu'à ce train-là le risque est grand que nous n'ayons aucun budget à l'issue de nos travaux. C'est là une situation que le groupe radical ne peut pas admettre.
Je conclurai en rappelant simplement qu'il n'y a aucun démantèlement social à déplorer dans ce projet de budget. Il s'agit simplement d'une réduction de l'accroissement, ni plus ni moins. Et je pense que, objectivement, réduire les charges de 63 millions sur 6,332 milliards, soit de moins de 1%, ne semble pas friser l'indécence. En revanche, décréter ne pas pouvoir faire fonctionner la République avec plus de 6 milliards ne me paraît pas du tout raisonnable. Il s'agit en effet de près de 14 000 francs par personne pour l'ensemble de la population.
Le groupe radical, Mesdames et Messieurs les députés, vous demande de voter - la mort dans l'âme, c'est vrai - ce budget tel qu'il ressort des travaux de la commission, budget qui n'est certes pas idoine, qui est même mauvais selon l'avis du rapporteur, mais dont Genève a cruellement besoin. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le député, vous avez parlé durant quatre minutes quarante. La parole est à Mme Grobet-Wellner. Madame la députée, vous avez trois minutes cinq.
Mme Mariane Grobet-Wellner (S). Merci, Madame la présidente, je vais essayer de faire cela en trois minutes cinq.
Je voudrais juste dire quelques mots sur la façon dont les travaux sur le budget 2004 se sont déroulés en commission des finances. Depuis sept ans que je siège, je n'ai jamais rien vu d'aussi désolant que le spectacle auquel on a eu droit de la part des députés de la droite.
Précédée par des déclarations tonitruantes dans la presse, la majorité actuelle s'est montrée incapable de présenter une quelconque proposition et a même refusé d'examiner le projet de budget que le Conseil d'Etat avait présenté en septembre 2003. Devant ce triste spectacle, les députés de l'Alternative ont proposé à maintes reprises de commencer le travail sur le budget au début de cette année. Peine perdue: les représentants de la droite ont persisté dans leur refus de faire leur travail de députés.
Ce n'est qu'au tout dernier moment, il y a quelques semaines, qu'ils sont enfin sortis du bois. Et qu'ont-ils proposé ? Devinez ! Tout simplement que le Grand Conseil renonce à établir un budget et donne carte blanche au Conseil d'Etat pour établir les priorités à l'intérieur d'une enveloppe globale. En d'autres mots, à quelques jours du vote final, tout ce qu'ils ont trouvé à dire était qu'ils renonçaient à établir un budget et préféraient une enveloppe globale, avec laquelle le Conseil d'Etat se débrouillerait...
Les commissaires de l'Alternative et le Conseil d'Etat ont finalement réussi, non sans peine, à leur expliquer la totale illégalité de leur proposition, aidés du professeur Knapp. Je relève en passant que le rapporteur de majorité se contente de dire ceci: «Un avis de droit avait été demandé au professeur Knapp, qui ne donnait toutefois pas de réponse claire». Je me permets de dire que la réponse était parfaitement claire, et vous l'avez comprise ! Que s'est-il passé ? On a assisté à ce qu'on peut qualifier de massacre: la droite s'est mise à couper dans les dépenses aveuglément, à la hache, de façon totalement absurde.
Mesdames et Messieurs les députés, j'ose espérer que vous allez enfin reprendre vos esprits pour faire un travail sérieux et responsable, travail que vous devez à la population qui vous a élus et qu'elle est en droit d'attendre. La fonction publique doit pouvoir bénéficier de conditions de travail décentes, pour qu'à la population tout entière soient assurées des prestations de qualité, aussi bien au niveau de l'enseignement, des soins...
La présidente. Il faut conclure, Madame Grobet-Wellner !
Mme Mariane Grobet-Wellner. J'y arrive, Madame la présidente ! En d'autres mots, il faut préserver tout ce qui fait la qualité de vie de notre canton, voulue par la population et patiemment construite depuis des décennies. Je vous remercie, Madame la présidente. (Applaudissements.)
La présidente. Le temps de parole du parti socialiste est épuisé. Nous donnons la parole à M. le député Alain Meylan, à qui il reste quatre minutes dix.
M. Alain Meylan (L). Merci, Madame la présidente. On l'a assez dit, mais je vais le répéter: nous avons amélioré le premier budget de 220 millions, et c'est la première fois, à ma connaissance, qu'aux travaux du Conseil d'Etat - qu'il faut quand même relever dans un premier temps - et de la commission des finances a succédé un acte législatif qui devrait être réservé au parlement, mais qui a permis d'améliorer ce budget d'encore 60 millions.
Certes, nous aurions pu réaliser encore, de ci de là, quelques coupes, mais nous y avons renoncé, de façon que Genève puisse se doter d'un budget essentiel à son activité économique.
Relevons encore, pour les pro-Européens qu'il y aurait dans cette salle, que nous sommes totalement en dehors des critères de Maastricht. Et si nous nous comparions aux pays européens, nous serions derrière l'Italie, pourtant bonne dernière de l'Europe, selon le critère du rapport entre l'endettement et le PIB. C'est vous dire si nous avons encore des efforts à fournir pour rétablir les finances ! C'est ce que nous avons cherché à faire tout en demeurant raisonnables, dans la mesure où nous procédons quand même à plus de 500 engagements, alors que partout ailleurs - certains l'ont dit - on a procédé à des licenciements. Nous avons également maintenu un niveau d'investissement qui reste intéressant, même s'il n'est peut-être pas suffisamment élevé.
Pas de démantèlement donc, puisque nous renonçons uniquement à des augmentations de subventions. Et à ceux qui seraient tentés de dire qu'il est difficile de renoncer à ces augmentations au milieu de l'année, je répondrai que ceux qui auraient utilisé ces augmentations auraient violé le principe des douzièmes provisoires actuellement en activité.
L'Etat a encore de grands progrès à faire en contrôle de gestion, afin d'utiliser les moyens à disposition de façon plus efficace au niveau du budget. Il y a là aussi, à notre sens, des sources d'économie et d'efficacité à rechercher. C'est aussi un signal clair que nous tentons de donner à travers ce budget, qui n'est certes pas parfait, mais qui doit aller dans la voie d'une restructuration de l'Etat, à travers un questionnement sur les méthodes et les raisons d'une telle restructuration.
Enfin, si M. Mouhanna a le respect de certains travailleurs, je l'ai aussi, quels qu'ils soient, travailleurs publics ou privés. Mais j'ai aussi - et c'était le mot d'ordre du groupe libéral - le respect de ceux qui paient des impôts et qui donnent les moyens aux fonctionnaires et à l'Etat social de fonctionner. Ce respect-là, j'aimerais bien qu'on l'ait aussi de temps en temps dans cette enceinte. (Applaudissements.)
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
Le président. Merci, Monsieur le député, vous avez parlé deux minutes quarante-cinq. La parole est donnée à M. Bernard Lescaze pour le parti radical, qui a cinq minutes vingt à disposition.
M. Bernard Lescaze (R). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, qui veut gagner des millions ? Non, nous ne sommes pas à ce jeu télévisé ! Nous sommes ici dans un débat budgétaire et, il faut le dire, nous sommes mécontents.
Le groupe radical est en effet mécontent de la présentation d'un budget par le Conseil d'Etat, qui est un budget d'expansion et non de rigueur, comme un titre trompeur le prétendait. Cette position du Conseil d'Etat n'annonce vraiment rien de bon pour 2005, et encore moins pour la suite, pour le retour à l'équilibre du budget de fonctionnement prévu en 2006. Nous avons entendu ce soir des attaques injustifiées contre les prétendues volontés de démantèlement de l'Etat. Il faut bien le préciser: sur 25 000 fonctionnaires, depuis 1998, 3400 postes ont été créés. Il est vrai qu'une partie de ces postes étaient une récupération de ceux qui avaient disparu lors de la grave crise économique qui ne dépendait pas de Genève, mais était une crise mondiale. Mais nous ne démantelons pas l'Etat, puisque nous acceptons, au contraire, plusieurs centaines de postes nouveaux !
En ce qui concerne les investissements que le rapporteur de minorité trouve insuffisants, les prêts de 400 millions prévus sont en fait à peine inférieurs aux 550 millions d'investissements de Zürich, lequel est trois fois plus peuplé que le canton de Genève. Et qu'on ne vienne pas me dire que Zürich, c'est la brousse, et qu'il ne s'y fait rien ! En lisant le rapport de minorité, on a l'impression que ce canton n'a rien fait ou presque depuis quelques années. C'est faux ! D'ailleurs, les conseillers d'Etat de l'Alternative - comme ceux de l'Entente, on n'arrive plus à les distinguer - ont contribué au développement de Genève. Et je dois dire qu'il est particulièrement peu responsable de la part du Conseil d'Etat - même s'il croit à son budget ! - de présenter cent un amendements pour le budget de fonctionnement, sans compter sept amendements pour le budget d'investissement. Et je ne parle pas de la petite pluie d'amendements de l'Alternative...
On assiste à une sainte alliance entre l'Alternative et le Conseil d'Etat, mais cette sainte alliance, c'est le mariage de la carpe et du lapin: de la carpe-Alternative - quelque peu silencieuse ce soir dans ses critiques vis-à-vis du Conseil d'Etat que, mystérieusement, elle s'est mise à soutenir - et des sauts du lapin-Conseil-d'Etat qui essaie de nous sortir de je ne sais quel chapeau des miracles. (Applaudissements.)
En réalité, on prétend qu'il s'agit d'une crise des recettes et que, grâce à une baisse d'impôts - appuyée, approuvée, adoptée par les électrices et les électeurs - l'Etat aurait perdu près d'un demi-milliard de recettes... Mais c'est faux, Mesdames et Messieurs ! Vous le savez bien ! Si cet argent avait été dans les caisses de l'Etat, il serait aujourd'hui complètement dépensé, et le déficit ne serait pas de 300 millions, mais de 800 ! (Applaudissements.)L'économie, je n'y crois pas, de la part de nos magistrats. (Brouhaha.)
En réalité, il s'agit bien ici d'une crise de la dépense. Effectivement, l'Etat de Genève dépense trop: 7 milliards pour 430 000 habitants ! (Le président agite la cloche.)Quelle collectivité au monde - je ne parle pas de notre pays - dispose d'autant d'argent sur un si petit territoire et pour une population relativement modeste ? Il est vrai que cette collectivité est prospère, et Mme Fehlmann Rielle nous en a donné tout à l'heure la raison: elle nous a dit que c'était parce que nous étions au pouvoir. Oui, Madame ! Nous sommes au pouvoir depuis un certain temps, et Genève est prospère! (Protestations.)Mais ce n'est pas grâce à vous... Et si, aujourd'hui, nous voulons maintenir cette prospérité genevoise, il faut en effet voter un budget. Ce budget doit être celui de la majorité parlementaire, et il faut reconnaître que le Conseil d'Etat - dont je ne sais sur quelle majorité il s'appuie et il s'appuiera - n'a pas beaucoup contribué à l'adoption de ce budget. Si, dans deux jours, nous arrivons à un budget, on pourra dire que c'est malgré le Conseil d'Etat, et non pas grâce à lui.
Mesdames et Messieurs, que vous veniez de l'Alternative ou de l'Entente, vous ne devriez pas oublier qu'il s'agit de travailler tous ensemble pour le bien commun ! C'est pour ce «bien commun» - un mot qui semble oublié à gauche, à droite, au centre, un peu trop souvent - que nous voulons pendant ces deux jours travailler pour le budget de Genève, c'est-à-dire pour l'avenir de Genève. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Vous avez parlé cinq minutes, il reste donc vingt secondes pour le parti radical. (Rires.)Je crois qu'il serait plus sage d'en rester là, Monsieur Froidevaux, à moins que vous ne vouliez juste nous dire bonjour et au revoir... Non ? Alors, je vous donne la parole pour vingt secondes.
M. Pierre Froidevaux (R). Monsieur le président, chers collègues, le dernier budget que j'ai voté était le budget 2003. J'étais intervenu auprès de la présidente du département, devenue entre-temps conseillère fédérale...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député... (Rires.)
M. Pierre Froidevaux. Vous n'allez pas interrompre une conseillère fédérale !? Je lui avais dit qu'on ne pourrait pas avoir autant de revenus que ceux qui étaient prévus dans le budget. Elle m'avait répondu: «L'on ne peut guère dire que le Conseil d'Etat fait preuve d'inconséquence dans l'inscription des recettes. Ainsi, si j'étais à votre place, Monsieur Froidevaux, je ne me ferais pas de souci. Je n'ai d'ailleurs jamais eu pour habitude de surestimer les recettes, l'on m'a plutôt reproché de les sous-estimer systématiquement.»
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît, vous en êtes à quarante secondes !
M. Pierre Froidevaux. J'aimerais en fait que le Conseil d'Etat puisse persuader la forte minorité du parti radical qui a de sérieux doutes sur le budget, que le travail sera fait sérieusement ces prochains jours. Je compte donc sur vous pour un travail des plus profitables. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Vous avez parlé une minute, vous avez donc triplé le temps de parole à disposition. La parole est à M. Renaud Gautier, qui dispose d'une minute vingt-cinq.
M. Renaud Gautier (L). Tout est question d'habitude, Monsieur le président, au fil des années, je me suis fait à ce traitement...
«Ma petite entreprise ne craint pas la crise», chante Alain Bashung. C'est un peu le sentiment qu'on a pu avoir en lisant ce matin les considérations du Conseil d'Etat sur le projet de budget - la petite entreprise de l'Etat de Genève ne craint pas la crise. Les propos qui ont été tenus appellent de ma part deux remarques, moi qui ai eu le privilège et la difficulté de gérer la «Nef des fous» - tout le monde ayant dit que le travail de la commission avait été lamentable, j'en prends donc pour mon grade, comme les autres.
D'abord il m'apparaît que peu de choses ont été dites ce soir sur le fait que - et fort longtemps, cela n'existait plus - le législatif a repris le pouvoir qui était le sien, à savoir de s'occuper de son grand oeuvre: le budget. Cela peut effectivement décevoir certains, mais je trouve regrettable qu'on ne prête pas plus d'attention au fait que pour une fois, le législatif a cru nécessaire de dire: «Ce budget n'est pas celui que nous voulons.» Ne pas le reconnaître et dire simplement: «Nous voulons un budget qui est celui que nous avons déposé, ni plus ni moins.» m'a l'air d'être une mauvaise perception de la réalité des choses.
Ma deuxième remarque est la suivante: lorsque le Conseil d'Etat vient nous dire, hier en conférence de presse, qu'il veut son budget, ni plus ni moins, je me demande quant à moi comment ce budget va être adopté ! L'Alternative l'a dit plus d'une fois: elle ne veut pas de ce budget. Et l'Entente l'a dit plus d'une fois: elle ne veut pas de ce budget. Alors, si le Conseil d'Etat veut «son» budget, je ne peux que tirer comme conclusion que le Conseil d'Etat préfère les douzièmes provisionnels. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député, vous avez conclu au moment où j'allais vous demander de conclure. Merci infiniment d'avoir joué le jeu ! La parole est à M. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat.
M. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, cela fait partie de ce genre de phrases que l'on entend rituellement dans le parlement: le vote du budget constitue l'acte le plus important qui marque l'année parlementaire - en tout cas quand il n'y a pas de match de football en même temps.
Cela dit, et pour exprimer les choses de façon plus sérieuse, le vote du budget est effectivement un acte important. C'est tout d'abord - et vous l'avez rappelé, Monsieur Hiltpold - par le vote du budget que le Grand Conseil donne la possibilité au Conseil d'Etat d'appliquer les lois adoptées, que ce soit directement, par la mise en oeuvre de l'administration cantonale, ou indirectement, à travers les institutions subventionnées. Le vote du budget, c'est également l'occasion d'un arbitrage concernant les différentes prestations de l'Etat, qu'il s'agisse des prestations relatives à des tâches d'autorité ou qu'il s'agisse de prestations en faveur de la collectivité. Enfin, le vote du budget est l'occasion de s'assurer que celui-ci tient compte des ressources de l'Etat. Il serait en effet irresponsable d'accepter que l'Etat soit durablement confronté à des charges supérieures à ses revenus, en d'autres termes qu'il recourt à un endettement qui limitera d'autant les choix offerts à nos successeurs.
C'est en tenant compte de toutes ces contraintes que le Conseil d'Etat a proposé, avec le concours de l'administration et à la demande du Grand Conseil, la deuxième mouture du budget 2004. Ce projet de budget tient d'abord compte de l'impérieuse nécessité d'appliquer les exigences des législations cantonales et fédérales, avec la contrainte supplémentaire qu'il s'agit d'un budget élaboré en cours d'exercice, c'est-à-dire à un moment où les dépenses sont déjà engagées. Et tout à l'heure, dans le débat que nous aurons, amendement après amendement, on verra qu'il y a bien des cas où il serait tout simplement impossible de respecter les exigences légales avec les amendements proposés par la commission des finances, c'est à dire que les dépassements sont inéluctables, parce qu'au fond ils sont déjà inscrits dans ces amendements.
Ce budget proposé par le Conseil d'Etat est également un budget qui est respectueux de la volonté exprimée par la majorité du Grand Conseil, lorsqu'il nous a été renvoyé. Par une maîtrise supplémentaire des charges - parce que c'est là-dessus qu'a porté l'essentiel de l'exercice - qui exigera un effort considérable, ce budget constitue une étape importante dans un processus permettant de retrouver durablement un équilibre budgétaire et financier. Pour parvenir à ce résultat, le Conseil d'Etat, collégialement, a procédé à des arbitrages en se fixant des priorités. Ces priorités sont de ne pas péjorer la situation dans le domaine de la sécurité, dans le domaine de l'éducation et dans celui de la santé. Dans ses choix, le Conseil d'Etat a été soucieux de préserver la cohésion sociale et des conditions de travail acceptables pour les collaboratrices et collaborateurs de l'administration. Ce seront les premiers artisans de la mise en oeuvre du redressement des finances de l'Etat. A cet égard, Monsieur Mouhanna, je dois vous dire que le Conseil d'Etat qui, pour sa part, n'est pas épargné par les critiques, ne peut que déplorer celles dont la fonction publique peut faire l'objet.
Enfin, le Conseil d'Etat a voulu que les actions entreprises s'inscrivent dans la durée. Il a ainsi adopté un plan financier quadriennal qui fixe les étapes du rétablissement des finances publiques et, au-delà du retour à l'équilibre budgétaire, un plan qui vise à la diminution de la dette. Le Conseil d'Etat a proposé au Grand Conseil un projet de loi de frein au déficit qui renferme les bases durables des règles qui devraient présider à l'équilibre budgétaire. Le Conseil d'Etat a enfin initié le processus GE-pilote, dont la mise en oeuvre et le calendrier ont été récemment approuvés par le Grand Conseil par voie de résolution. Il s'agit - car c'est presque là le plus important - par une démarche engageant l'entier des collaboratrices et collaborateurs de l'Etat, de mettre en place les outils nécessaires et de procéder à une identification et à une évaluation des prestations publiques. L'objectif est la mise en oeuvre d'un budget par prestation, qui améliorera considérablement le processus de décisions politiques du Conseil d'Etat et du Grand Conseil.
Les mesures adoptées par le Conseil d'Etat ne pourront être mises en oeuvre de façon adéquate que si elles bénéficient d'un large soutien. Les différentes consultations auxquelles le Conseil d'Etat a procédé lui ont permis de s'assurer que dans leur principe, elles étaient attendues aussi bien par les partenaires économiques que par la population.
Le moment est venu de conclure, et je vous dirai simplement que le Conseil d'Etat souhaite qu'au-delà des clivages partisans le programme cohérent qu'il propose collégialement au Grand Conseil trouve son soutien dans la période d'incertitudes et de difficultés que nous traversons à bien des égards. Le concours de chacune et de chacun est plus que jamais indispensable et, à vrai dire et indépendamment des propos fort critiques qui nous ont été adressés sur tous les bancs de ce parlement, j'ai le sentiment que nous sommes réellement sur le chemin d'y parvenir. (Quelques applaudissements suivis de protestations. Le président agite la cloche.)
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande un peu de silence ! Le débat d'entrée en matière étant terminé, nous passons au vote sur l'entrée en matière du projet de loi 9264. Nous procédons par vote électronique.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 63 oui contre 25 non et 1 abstention.
Suite des débats: session 10 (juin 2004) - séance 52 du 24.06.2004