République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 11 juin 2004 à 17h20
55e législature - 3e année - 9e session - 48e séance
PL 8853-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
Mme Marie-Françoise De Tassigny (R), rapporteuse. Ce rapport vous permettra de prendre connaissance de cette saga, qui a commencé le 14 novembre 2002 déjà, et s'est terminée le 29 avril 2004. La commission a dû travailler par saccades, puisque toutes les directives concernant les HES ont été assez régulièrement modifiées. Malgré ces modifications qui intervenaient au fur et à mesure de nos travaux, les membres de la commission de l'enseignement supérieur ont réussi à se mettre d'accord pour vous proposer un projet de loi qui a obtenu l'unanimité - ce que l'on peut relever. C'est en effet un projet extrêmement important pour l'avenir des HES.
M. Gabriel Barrillier (R). Mesdames et Messieurs les députés, à la lecture de ce projet de loi, mon attention a été attirée par un article extrêmement important, soit l'article 11, qui concerne la composition du conseil de la Haute école de Genève. Je me suis souvenu que les HES avaient trois objectifs importants: d'abord l'enseignement - cela tombe sous le sens - mais surtout la recherche appliquée et le développement, ainsi que le transfert de technologies. Or, quand j'ai regardé la composition de ce conseil, je me suis aperçu que, sur vingt-huit membres, on comptait au mieux cinq personnalités issues des milieux professionnels et des hautes écoles, nommées par le Conseil d'Etat, et deux désignées par les milieux professionnels employeurs. Mon sang n'a fait qu'un tour: je me suis dit que ces personnes allaient être minoritaires dans ce conseil...
J'avais donc l'intention - je dois le dire - de déposer un amendement pour rééquilibrer ce conseil. J'ai pris soin néanmoins de m'informer, et mes collègues m'ont confirmé qu'il y avait eu une très large discussion au sein de la commission de l'enseignement supérieur, et que précisément cet article - la composition du conseil - avait retenu l'attention des commissaires pendant plusieurs séances. Par ailleurs, j'ai compris aussi que si l'on ne votait pas rapidement cette révision de la loi sur l'enseignement professionnel, le canton de Genève allait prendre du retard dans l'exécution de ses obligations par rapport au concordat qui a été ratifié.
J'ai préparé cet amendement, mais - je vous rassure tout de suite - je ne vais pas le déposer. J'aimerais simplement vous dire très clairement - et j'attends des garanties de la part du chef du département - que je peux accepter ce projet de loi, mais que j'attendrai de voir, dans les mois qui suivront, si ce conseil fonctionne correctement et si, à l'intérieur de ce conseil, les quelques représentants des milieux professionnels et les représentants des entreprises qui devront collaborer avec les HES y trouvent leur compte. En d'autres termes, nous verrons si cette synergie entre les HES, l'industrie et les entreprises fonctionne, car, si tel n'est pas le cas, nous déposerons un nouveau projet de loi pour rééquilibrer ce Conseil.
Présidence de Mme Janine Hagmann, deuxième vice-présidente
M. Souhail Mouhanna (AdG). Comme Mme la rapporteuse vient de le dire, ce projet de loi est le résultat de très longues discussions, mais aussi d'ajustements qui ont répondu plus ou moins bien aux attentes des uns et des autres. Je comprends que M. Barrillier s'inquiète d'un seul article, soit celui de la composition du conseil, mais j'aimerais lui rappeler plusieurs choses. Premièrement, les vrais pouvoirs se trouvent ailleurs, c'est-à-dire au niveau de la HES-SO, dont fait partie la Haute école de Genève et où le monde économique est prépondérant. Deuxièmement, le transfert de technologies et la recherche appliquée, Monsieur Barrillier, ne se font certainement pas au niveau des responsables des grandes fédérations patronales, mais au sein des filières de formation et de concert avec des entreprises qui, justement, en sont les partenaires. Par ailleurs, vous savez bien qu'il existe ce qu'on appelle des commissions consultatives, dans lesquelles les représentants de l'économie, partenaires des différentes filières, sont fortement majoritaires. Or, concernant ce que vous évoquiez, c'est là que les choses doivent se passer !
Pour une fois qu'un projet de loi aussi important est voté à l'unanimité, il faut marquer le coup et faire en sorte que des conclusions de ce type-là soient obtenues un peu plus souvent dans ce Grand Conseil. C'est la raison pour laquelle j'insiste pour que ce projet de loi soit déposé tel quel. Si, Monsieur Barrillier, vous estimez par la suite que le monde professionnel, le monde des entreprises n'est pas assez impliqué, je puis vous dire que nous serons nous aussi, en tout cas en ce qui concerne ces écoles, extrêmement heureux que le monde des entreprises s'intéresse à la formation professionnelle, qu'il s'y implique et défende les filières de formation à Genève plutôt que n'encourage des suppressions - mais je ne crois pas que c'est votre cas, Monsieur Barrillier.
L'Alliance de gauche votera donc ce projet de loi tel quel.
M. François Thion (S). Le parti socialiste se félicite également du consensus qu'a trouvé la commission de l'enseignement supérieur sur les lois HES. Je crois qu'il faut tout de même rappeler quelles écoles genevoises sont comprises dans ces hautes écoles spécialisées: la haute école spécialisée de Suisse occidentale, dite HES-SO, comprend les écoles d'ingénieurs de Genève et de Lullier, la haute école de gestion et d'information documentaire de Genève et la haute école d'arts appliqués de Genève; quant à la haute école spécialisée en santé sociale, dite HES-S2, elle comprend la haute école de travail social IES et la haute école de santé de Bon-Secours.
Je crois qu'il faut le rappeler, parce que nous sommes tout de suite partis dans des explications très techniques, alors qu'il convient d'abord de situer le débat. Pour l'année 2003, cela concerne environ 2660 étudiants genevois - si j'ai bien compté.
Cela n'a pas été facile de travailler sur ces HES, car nous étions à la fois dans un domaine fédéral, avec des directives qui viennent de la Confédération et, notamment ces derniers temps, des directives qui prônent toujours plus d'économies; nous avons aussi des directives intercantonales, avec une direction romande à Delémont, mais il y a aussi les Hautes écoles genevoises, avec une direction générale à Genève. Les choses sont donc assez compliquées, et lorsqu'on siège à la commission de l'enseignement supérieur, il faut d'abord comprendre comment ce système fonctionne et, comme c'est un système en constante évolution, il faut aussi suivre cette évolution.
Nous sommes heureux d'être arrivés à ce consensus, même si certaines inquiétudes pour l'avenir subsistent. Lorsqu'on voit ce que nous prépare la Confédération dans ses plans pour le futur, j'ai peur - et il faudra faire très attention - que des écoles soient obligées de fermer par manque d'élèves, ou qu'on augmente les effectifs d'élèves par cours, peut-être jusqu'à cinquante ou soixante élèves - ce qui se ferait bien sûr au détriment de la qualité de la formation.
Nous resterons donc attentifs à tout cela. Les socialistes aimeraient aussi que les taxes que doivent payer les étudiants à l'heure actuelle ne subissent aucune augmentation, comme certains l'ont proposé ces dernières semaines. Pour le moment, nous sommes contents. Monsieur Barrillier, je vous remercie de ne pas avoir proposé d'amendement sur cet article 11, car nous avons passé des heures à en discuter avant d'atteindre un consensus. Je vous remercie donc d'attendre et de nous laisser voter cette loi telle quelle.
M. Gabriel Barrillier. Si vous pouviez être aussi raisonnable...
M. Bernard Lescaze (R). Je ne vais pas répéter ce qu'ont dit les précédents orateurs. C'est une loi importante, c'est une loi nécessaire, c'est une loi qui aurait pu venir un peu plus vite - sous la présidence active de M. Albert Rodrik, nous étions à bout touchant - mais les conseillers d'Etat suisses romands se sont réunis et ont décidé de prendre des orientations légèrement différentes, notamment dans les cantons de Vaud et de Genève, où les responsables venaient de changer. Il s'agissait probablement, d'ailleurs, d'orientations plus proches du terrain, plus proches de la réalité, mais peut-être un peu moins ambitieuses.
Toujours est-il que cela a retardé le projet de loi d'une année, mais que cela a permis - il faut le dire - une belle et heureuse unanimité. Pourvu que ça dure ! - comme disait la mère de Napoléon. Je pense que pour l'instant, ça commence bien. Alors que certains milieux professionnels souhaitaient une plus grande représentation dans le conseil - ils n'avaient pourtant pas demandé à être auditionnés auparavant ! - ils ont compris que, face à cet accord qui s'était dégagé entre tous les partis, il convenait d'observer un temps, pour voir comment tout cela fonctionnerait.
M. Thion a très justement rappelé qu'en ce qui concernait les hautes écoles spécialisées, nous étions encore plus corsetés que, par exemple, pour les universités. Tout le financement de ces écoles est déterminé sur le plan fédéral d'une manière extrêmement complexe, à tel point que nous avons demandé - à juste titre ! - que le conseil des HES n'approuve pas le budget, mais en prenne seulement connaissance. La latitude qu'il a de modifier ce budget est en effet extrêmement réduite, puisque tout est décidé d'une manière certes rigide, mais qui permet en même temps, sur le plan prévisionnel, de très bien calculer ce budget.
Il aurait été stupide de faire croire à des gens qu'ils pouvaient modifier des choses qu'en réalité ils devaient simplement ratifier. Je m'arrête là pour dire que la rapporteuse mérite aussi des éloges, pour avoir très rapidement rendu un rapport sur un sujet complexe, alors que, même si on y a travaillé près de deux ans, elle a été désignée assez tardivement. Je vous recommanderai enfin, comme le fera le groupe radical, de voter également à l'unanimité ce projet.
M. Patrick Schmied (PDC). Madame la vice-présidente, Mesdames et Messieurs les députés, presque tout a été dit. A notre tour maintenant de nous réjouir de cette belle unanimité autour de ce projet de loi ! Les commissaires, en bons politiciens, ont passé énormément de temps à discuter des questions de pouvoir, de répartition des compétences. C'est ce qui nous a le plus longtemps occupés et nous a d'ailleurs valu d'intéressantes discussions autour du nombre de représentants de chaque groupe. M. Barrillier a aussi compris qu'il fallait être raisonnable - c'est bien.
Mais ce qui importe, c'est qu'à l'arrivée - et ça vaut la peine d'en parler à ce stade - nous avons des élèves pour lesquels les HES sont globalement un succès: le nombre d'étudiants augmente chaque année. Cela est très réjouissant, et il faut absolument aller dans le sens de ce succès-là, car la formation - on le dit assez dans les discours politiques - est le seul espoir pour notre pays de continuer à être compétitif et donc de survivre. Un acte de foi comme le vote de ce projet de loi - sachant que les choses vont être compliquées, qu'elles vont changer, évoluer - est donc extrêmement important, c'est pourquoi nous vous encourageons à le faire. Quant aux contraintes supposées de la Confédération, personnellement - mais cela n'engage que moi - je fais confiance à la capacité de résistance du canton de Genève, qui a démontré maintes fois par le passé qu'il était parfaitement capable de résister aux pressions fédérales.
Mme Nicole Lavanchy (AdG). Souhail Mouhanna a déjà annoncé que l'Alliance de gauche saluait ce projet de loi, un ouvrage qui a beaucoup occupé la commission de l'enseignement supérieur, c'est pourquoi je ne reviendrai pas sur ses propos. Ce qu'il m'intéresse de dire ici, c'est qu'il faut quand même que tout le monde se rende compte de la dimension que sous-entend ce projet de loi pour toutes les écoles et instituts de formation qui y sont impliqués. Il s'agit, dans le canton de Genève, de rapprocher deux mondes qui ne se côtoyaient pas beaucoup, à savoir la santé et le social, participatifs des sciences de l'humain, avec ce qui relève de la HES-SO, qui participe plus particulièrement des sciences de la technique. Ce sont donc des cultures de métiers très éloignées les unes des autres, de sorte que rapprocher, dans un même projet de loi, des écoles qui ont des histoires aussi divergentes que l'humain, la technologie ou la production, est quelque chose d'essentiel.
Ce qui est également essentiel de comprendre, c'est qu'il faut justement que les écoles gardent les différentes entités-métiers, et que cette nouvelle structure, qui se fait dans le cadre de la restructuration romande, ne prenne pas administrativement le pas sur ce que les écoles doivent enseigner comme métiers. C'est là un souci des gens de terrain: avoir une hiérarchie cantonale trop lourde, qui donne des adjonctions d'harmonisation trop fortes, risquerait de faire oublier l'essence même de ce qu'on doit enseigner dans les écoles.
Je crois que ce n'est pas rien que de rapprocher ces mondes-là, et ce n'est pas le projet de loi mais sa mise en oeuvre qui risque aujourd'hui d'inquiéter les personnes qui doivent enseigner dans ces écoles. C'était là un premier point que je voulais relever.
Le deuxième point à souligner est que les écoles ont déjà commencé à travailler. Cela fait longtemps que ces écoles sont en lien avec la Romandie, qu'elles ont fait des plans-cadres de formation avec les écoles romandes. Le canton est un peu affaibli - c'est vrai - d'un point de vue législatif, mais il y a un renforcement des identités-métiers au niveau des cantons, en tout cas au niveau de la HES-S2. Je ne sais pas ce qu'il en est de la HES-SO, mais, en ce qui concerne la HES-S2, le rapprochement intercantonal a été bénéfique pour réfléchir sur les identités-métiers.
Il y a encore autre chose qui me tient à coeur, c'est la question des éventuelles coupes budgétaires. Vous avez dit que vous n'aviez pas pu le faire en commission des finances, car le concordat romand ne le permettait pas. Je vous promets que, connaissant la structure de la HES, il faut absolument, pour mettre en oeuvre un projet de loi comme celui-là avec un concordat romand, que les besoins financiers soient alloués aux écoles. Sinon, on ne peut rien faire.
C'est vrai qu'il était un peu choquant de lire dans la «Tribune de Genève», en tribune, que la commission des finances du canton voulait couper dans les budgets des HES-S2 et HES-SO. Si l'on met en place un tel projet de loi, il faut de l'ambition, mais aussi un financement. C'est vrai que la Confédération, de même, avait promis de financer les HES qu'elle voulait mettre en place, et qu'elle a ensuite coupé dans leur budget. Attention donc à ne pas se tromper de cible ! Ces HES sont importantes, elles vont qualifier des gens pour des métiers différents et éminemment porteurs pour l'économie, mais aussi pour le social et la santé. N'ayez pas l'idée de couper à ce niveau-là. Les moyens sont déjà très limités pour mettre en place des nouveaux plans de formation et pour se conformer, en 2006 ou en 2007, aux accords de Bologne. Cela veut dire que les plans devront alors être revus dans leurs fondements. Or, revoir des plans de formation, que ce soit pour les HES ou pour l'université, demande des moyens financiers. C'est un appel pour que ne soient pas coupés les moyens financiers des HES, notamment dès qu'on mettra en place de nouveaux programmes de formation.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Les Verts, qui ont soutenu avec force le principe des hautes écoles spécialisées dans le sens d'une uniformisation et d'une standardisation des écoles visant à améliorer la formation des jeunes, ont forcément accepté ces projets de lois et les voteront avec plaisir. Ils reconnaissent également que l'amendement du département a permis de renforcer le pouvoir cantonal et d'élargir la concertation. On sait très bien que c'est avec la concertation qu'on pourra harmoniser ces écoles de types très différents et en améliorer la qualité.
Cependant, ces projets de lois sont surtout d'essence légale et structurelle, or nous aimerions attirer votre attention sur le fait qu'il ne faut pas oublier le contenu de ces écoles. Nous voudrions ainsi rester attentifs à ces questions qui ne sont pas encore réglées. Si nous sommes prêts à mettre en place des systèmes complexes, à supporter les contraintes de la Confédération avec son pénible corset, c'est pour au final avoir une formation de qualité. Selon nous, une formation de qualité doit présenter un équilibre entre l'écologie et l'économie. Nous voudrions que les jeunes qui passent par ces écoles apprennent de nouvelles technologies, afin d'aborder une société de plus en plus difficile dans un monde de plus en plus compétitif, et qu'ils sachent utiliser ces outils pour offrir à tous une vie de meilleure qualité et de plus longue durée.
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
M. Pierre Weiss (L). J'aimerais tout d'abord partager l'opinion exprimée ici par notre collègue Souhail Mouhanna, qui a dit qu'il était rare que nous soyons unanimes dans une commission. Nous l'avons été, et il serait dommage qu'à cette occasion nous nous départissions de cette unité. De ce point de vue là, les débats qui ont eu lieu jusqu'à présent - y compris la sagesse avec laquelle Gabriel Barrillier a abordé la question de la représentation des milieux professionnels dans le conseil de direction - montrent que nous continuons dans cette voie. Néanmoins, à l'usage et en fonction de la marche de ces HES, il faudra évidemment se demander si ce conseil est suffisamment représentatif ou s'il n'est pas excessivement hors sol. Après une année ou deux, il sera donc peut-être temps de revenir sur la composition du conseil, telle qu'élaborée après de longues discussions, puisque cela a été, en fait, le point essentiel sur lequel nous n'avons pas tout de suite été d'accord.
Il s'agira au final, dans cette affaire, de se demander si les choses fonctionnent. A titre personnel, je souhaiterais toutefois remarquer ici que j'ai des doutes - comme d'ailleurs j'en avais pour le conseil de l'université - sur l'importance numérique des membres de ce conseil. Je crois qu'il s'agit, pour faire fonctionner à satisfaction des institutions aussi importantes, de prévoir les moyens. Or, les moyens passent par une réduction du nombre de membres.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le débat sur les Hautes écoles spécialisées est un débat ô combien difficile, ô combien passionnant, parce qu'il est non seulement le présent, mais qu'il doit surtout être synonyme d'avenir. La difficulté pour les Hautes écoles spécialisées est de concilier le pragmatisme de la démarche et l'audace du but. Et le projet de loi que vous avez traité en commission montre bien la difficulté de joindre l'un à l'autre.
En premier lieu, je souhaiterais insister sur un aspect qui me semble essentiel, à savoir le rythme des travaux de la commission, ou plutôt ce qui l'a bousculé - je veux parler des travaux aux niveaux fédéral et intercantonal. Au niveau fédéral, il convient de noter que la fin du premier semestre et la fin du deuxième semestre 2003 ont été marquées, respectivement, par la consultation sur la nouvelle loi intégrant le social et la santé, et par le débat autour du mode de gouvernance au niveau intercantonal, devant notamment répondre aux exigences posées par la Confédération en matière d'autorisation d'exploitation d'une HES. Il est clair qu'à ce niveau-là il y a eu un léger changement de ligne par rapport au projet initial, conçu à Delémont, au siège de la HES et, simplement, hors de toute consultation avec les magistrates et magistrats. C'est un premier élément qu'il convient de noter. A cet égard, les chefs de département de l'instruction publique des sept cantons - associant ainsi le canton de Berne - se sont unanimement opposés à voir la structure publique être gérée par une structure à majorité privée, coupant tout lien avec le canton. Je peux même dire que l'ensemble des magistrates et magistrats qui ont siégé bien avant moi, déjà du temps de ma prédécesseure, n'ont eu aucune peine à changer, de façon unanime, la direction proposée par Delémont. Il n'y a donc pas eu de rupture au sein du comité stratégique de la HES, il y a eu au contraire continuité.
Ce qui a pu, à un moment, poser un problème de ligne - ou plutôt de fléchissement de la ligne - c'est la question des deniers publics. La Confédération, dans le cadre de la loi qu'elle avait mise en consultation, avait dicté que contrairement à ce qu'elle avait initialement promis, elle ne participerait pas aux frais, comme pour la HES-SO, à hauteur de 30%, mais seulement à hauteur de 10%. Ce qui revenait à dire que les problèmes, du point de vue financier, devenaient plus lourds au niveau intercantonal, et que les questions cantonales devenaient forcément plus pesantes.
Mais qu'il me soit permis de dire ici, en ce qui concerne ces travaux, d'abord que le canton de Genève doit à ma prédécesseure un engagement téméraire, courageux et compétent. Elle a pu le faire à une place que, malheureusement, je ne peux pas occuper - mais il faut savoir être modeste - puisqu'elle a présidé ce comité et qu'elle a pu largement orienter les travaux. Cela a été une excellente chose pour le canton de Genève. (Applaudissements.)Les problèmes qui sont venus par la suite sont donc le fait des rapports à la Confédération, et non pas d'un problème de ligne ou de succession à l'intérieur du département de l'instruction publique - je tenais à être clair à cet égard.
Vous me permettrez, Monsieur le président, d'être un peu long et de déborder sur mon temps de parole, car je tenais à dire aussi que dans ce débat difficile, le Conseil d'Etat a tenu à rendre un rapport dont la commission puisse prendre connaissance, de manière à pouvoir intégrer dans la loi genevoise le social et la santé, principalement, ainsi que le mode de gouvernance. Vous avez accepté cette demande du département, comme le fait que celui-ci veuille procéder à un amendement relativement important pour poursuivre les travaux. Je vous en remercie vivement, parce que cela a permis de mettre en phase les travaux aux niveaux national, intercantonal et régional.
Il faut également relever un autre point important, soit la volonté de l'ensemble des chefs de département de trouver un intérêt cantonal, non pas pour réduire la dimension régionale, mais en veillant à ce que le développement intercantonal coïncide avec certains intérêts cantonaux, loin du corporatisme et proche des régions, notamment pour le tissu économique.
J'ajouterai ceci: j'aimerais que vous notiez que la gouvernance est un des débats les plus difficiles, d'abord parce qu'il concerne l'équilibre des pouvoirs entre l'intercantonal, le régional, la direction générale et le conseil. En outre, il a fallu trouver un mode de gouvernance qui permette à sept écoles de coexister, qui permette la participation du corps intermédiaire, du corps professoral et des étudiants, qui tienne compte de la participation extérieure des syndicats, du patronat, mais également des représentants du milieu économique; il fallait assurer un équilibre, une représentativité, et en même temps une capacité de compétence. C'est une alchimie extrêmement précieuse qui a été trouvée, grâce à une unanimité et un investissement particulièrement important de chaque groupe. J'aimerais vous en remercier vivement aujourd'hui.
Dernier point par rapport aux préoccupations de M. Barrillier: je crois que celles-ci sont essentielles, car le développement des HES en lien avec le domaine professionnel ne peut avoir de sens que si la proximité avec les besoins économiques est établie. Nous devons prendre le pari que la dose de représentativité de ces milieux permettra d'atteindre cet objectif. Et je me permets de dire qu'étant donné, notamment, la volonté du corps professoral et des directions des écoles d'aller dans ce sens, je suis sûr que nous trouverons satisfaction. J'en veux pour preuve le fait que les écoles ont demandé à rencontrer très prochainement les milieux économiques, dans le domaine industriel notamment, avec le département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures et le DIP, de manière à proposer une formation plus en phase avec les besoins économiques.
Je termine, Mesdames et Messieurs, par mes remerciements réitérés à toutes et tous, d'avoir fait en sorte que Genève, devant le rêve de ces HES et devant les difficultés qu'elles posent, ait retrouvé une unanimité. Ce cadre, c'est non seulement l'équilibre des travaux intercantonaux, mais également celui posé par le vote populaire, au moment où l'initiative a été rejetée au profit du contre-projet. Je remercie aussi celles et ceux qui avaient lancé l'initiative, pour avoir rendu possible ce contreprojet et marqué certaines préoccupations, dont le rapprochement entre le tissu économique et l'offre de formations. Merci, Madame la députée et rapporteuse, d'avoir agi aussi promptement, et de manière aussi efficace. (La sonnerie d'un téléphone portable provoque des interférences.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat, vous terminez votre discours vraiment au bon moment pour répondre au téléphone... La parole n'étant plus demandée, nous passons au vote.
Les lois 8853, 8854 et 8856 sont adoptées en trois débats par article et dans leur ensemble.