République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 11 juin 2004 à 15h
55e législature - 3e année - 9e session - 47e séance
P 1191-A
Débat
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur. C'est bien malgré moi que j'ai rédigé ce rapport, puisque cette pétition a été traitée lors de la législature précédente et que je n'ai pas participé aux débats qui ont eu lieu à son sujet. Il s'agit simplement de classer cette pétition. J'aimerais toutefois soulever un problème relativement important pour les chômeurs actuellement.
Vous l'avez constaté, Genève est le seul canton dans lequel le chômage ne diminue pas. C'est un canton frontalier qui connaît une série de problèmes intrinsèques non seulement au niveau de son développement économique, mais également au niveau de sa politique en matière de main-d'oeuvre. Lorsqu'on a discuté de la nouvelle loi déposée par les partis de l'Entente et l'UDC pour supprimer les occupations temporaires, et dont on débattra en septembre, nos travaux se sont basés sur un «chômeur-type» appartenant à un milieu plutôt défavorisé et se situant dans des classes de salaires relativement basses - hôtellerie, nettoyage, restauration. Aujourd'hui, et le conseiller d'Etat M. Lamprecht en a également fait les frais, la majorité des chômeurs a, bien malgré nous, changé de nature: comme on a pu le constater, ils proviennent des assurances, de l'informatique ou encore des banques. Les occupations temporaires coûtent par conséquent plus cher, et ce à raison d'un dépassement de budget de 26 millions. On y reviendra en septembre lorsqu'il s'agira de faire un sort - le sort que veut la droite ! - aux occupations temporaires.
Toujours est-il que, dans la situation actuelle, la politique visant à élargir les mailles du filet constitue une grave erreur: on devrait, au contraire, resserrer ces mailles compte tenu de la situation à venir - et, notamment, de la concurrence exacerbée sur le marché du travail, concurrence qui a débuté depuis le 1er juin.
J'ai simplement profité de cette pétition pour cadrer les discussions que nous aurons à la rentrée concernant la modification de la loi sur le chômage - discussions dont je me réjouis.
M. Pierre Kunz (R). Comme je n'ai pas non plus participé au débat qui fait l'objet du rapport, je me permets de m'exprimer car, comme disait l'autre: «Je n'y connais rien, mais j'en parle d'autant plus à propos»... (Rires.)
Cette pétition est tout à fait représentative des illusions que notre monde politique a fait naître depuis quelques décennies dans l'esprit d'une grande partie de la population: l'illusion générale de l'état-providence qui serait à même de résoudre, à la place des citoyens et mieux qu'eux, les problèmes économiques qui se posent à eux; l'illusion, notamment, que l'Etat serait en mesure, dans une économie libérale - parce que c'est bien dans ce type d'économie que nous nous trouvons - de créer les emplois attendus par les citoyens et par les chômeurs en particulier; l'illusion surtout, que, grâce aux collaborateurs des offices de l'emploi, de ceux que l'on appelle de manière si inadéquate les «placeurs» - quel terme ! - les chômeurs se verront toujours offrir l'emploi auquel, comme certains l'affirment: «ils auraient droit». Il faut honnêtement le dire - peut-être avec tristesse, c'est peut-être désolant, mais c'est ainsi, et il faut le répéter, notamment aux pétitionnaires: dans notre système économique et dans notre société fondée sur l'engagement et la responsabilité individuelle, l'Etat ne peut qu'apporter des allocations et une aide pratique. Seul celui qui recherche un emploi ou qui veut en changer peut le trouver grâce à son engagement, grâce à ses efforts, grâce à sa volonté. Prétendre le contraire est trompeur pour nos concitoyens. Voilà pourquoi il ne peut être question de donner suite à cette pétition.
Mais, et M. Pagani y a fait allusion, cette pétition met aussi en évidence une réalité de la loi cantonale sur le chômage, à savoir la contradiction essentielle, la contradiction insurmontable, l'incompatibilité entre, d'une part, une mesure de type économique exigeante pour le chômeur - à savoir, l'allocation de retour en emploi, ARE - et, d'autre part, une mesure purement sociale, prétendument subsidiaire à l'ARE selon les pétitionnaires - à savoir l'emploi temporaire. L'expérience de ces sept dernières années confirme sans contestation possible que l'emploi temporaire, qui ne présente aucun intérêt sur le plan de la formation, qui est cruellement contre-productif en termes de réinsertion, mais qui, évidemment, est financièrement très attractif pour les chômeurs, a rendu inopérante l'ARE. Cette pétition le relevait déjà en 1998. La pratique et les experts l'ont prouvé depuis: l'emploi temporaire est un piège favorisant le chômage de longue durée et l'exclusion, comme en témoignent les statistiques cantonales du chômage, dont nous avons reçu les derniers chiffres récemment. Pourtant, les travaux de la commission de l'économie l'ont mis en évidence, certains dans ce parlement veulent maintenir cette incompatibilité, cette contradiction, cette incohérence dans la nouvelle loi cantonale, succombant ainsi à ce que le grand juriste et professeur français Pierre Legendre appelait récemment dans un article du journal «Le Temps»: «L'engrenage gestionnaire des bons sentiments et des concessions sans fin».
En 1997 déjà, les radicaux avaient annoncé l'échec assuré de la loi actuelle, et en particulier des ARE. En dépit des améliorations notables apportées par la nouvelle loi déposée par la majorité en matière de formation et de réinsertion, les radicaux vous prédisent le même échec pour les ARE si les emplois temporaires subsistent dans la loi qui sortira de ce parlement - des ARE qui, améliorés, constituent pourtant, il faut que vous en soyez persuadés, la seule vraie mesure de réinsertion professionnelle. Les ARE sont en outre véritablement formatives puisqu'elles s'étalent, elles, sur un an. Le moment venu, Mesdames et Messieurs, les radicaux vous proposeront donc de supprimer les emplois temporaires.
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur. Comme d'habitude, M. Kunz fait preuve d'une extrême limpidité - et je le remercie pour la transparence de sa pensée. Il se montre très clair: il pose les choses crûment, et l'on doit se situer par rapport à cette idéologie - car il y a une idéologie derrière son discours, il y a une volonté politique consistant, prétendument, à responsabiliser les individus. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de nos concitoyens sont des individus responsables ! Ils élèvent des enfants, ils travaillent, ils essaient de vivre convenablement la vie qui leur a été donnée. C'est un peu à tort, j'imagine, que M. Kunz les a accusés d'être irresponsables. Actuellement, les 7,5% de la population active se trouvent au chômage. Cela signifie qu'il y aurait 7,5% d'irresponsables... C'est une erreur de croire cela ! La réalité est tout autre: le système dans lequel nous vivons - système dans lequel on trouve, d'un côté des financiers qui accumulent richesses et argent, de l'autre des individus qui vendent leur force de travail - ne fonctionne malheureusement pas à certaines périodes, puisqu'il met sur le carreau, puisqu'il laisse au bord de la route un certain nombre de personnes qui n'y peuvent rien. Il s'agit là d'une évidence depuis que le système capitaliste existe !
Ce discours infantilisant pouvait encore «passer» lorsqu'on avait affaire à des personnes qui ne disposaient pas forcément de la culture nécessaire pour trouver un emploi, qui n'avaient pas même l'imagination pour envisager de se lancer à leur propre compte. Mais il ne tient plus lorsqu'on a affaire à des gens hyperformés, au bénéfice de dix ou quinze ans d'activité dans le secteur bancaire, dans les assurances, dans l'informatique, et qui se retrouvent sur le carreau parce que des directeurs de multinationales ont décidé, pour une question de stratégie financière, de délocaliser en Chine ou en Inde le système informatique, le téléréseau ou Dieu sait quoi encore ! C'est ainsi que, à Genève, le groupe Helsana, qui est revenu à des bénéfices, délocalise et s'en va voir ailleurs !
Une voix. A Lausanne !
M. Rémy Pagani. Oui, notamment à Lausanne. J'ai pris cet exemple, mais il en existe des tonnes d'autres qui ne me viennent pas forcément immédiatement à l'esprit ! Toujours est-il que les chômeurs qui font les frais de cette logique n'y peuvent rien ! Il est irresponsable de leur faire croire que ce sont des incapables ! Ce n'est pas vrai, et vous le savez très bien: c'est le système que vous défendez qui les a mis sur la paille ! Il est inadmissible de faire ainsi peser cette responsabilité sur leurs épaules ! Ils ne sont pas responsables ! Leur seule responsabilité consiste à «se vendre» sur le marché du travail - et c'est ce que, de manière générale, ils font.
Dans cette situation, il n'y a pas trente-six solutions, Monsieur Kunz ! On peut décider de laisser ces personnes sur la paille - et c'est ce qui se passera en septembre. On laissera sur le pavé ces chômeurs de longue durée qui proviennent du secteur bancaire, qui ont été mis à la porte il y a deux ans et qui se retrouvent en occupation temporaire, puisqu'on ne leur offrira pas les moyens de se donner un nouveau droit au chômage et qu'on leur dira de se débrouiller. Pour ce qui est des femmes, M. Kunz envisage de les renvoyer dans leur «milieu familial»; quant aux autres personnes, elles iront à l'Hospice général. Est-ce cela que vous voulez ?! Pour notre part, nous nous y refusons ! Nous estimons que l'Etat doit pallier les déficiences du système que vous défendez en permettant à ces personnes de se maintenir dans une activité digne ! C'est pourquoi, même si les occupations temporaires sont critiquables - et nous sommes les premiers à penser qu'au bout de six mois les personnes devraient être placées sous condition de formation - nous estimons que les occupations temporaires sont une nécessité, compte tenu de la situation que traverse Genève.
Pour que l'Etat propose des ARE, encore faut-il que des employeurs soient prêts à engager des chômeurs - et non seulement à les engager pour une année en bénéficiant d'une subvention étatique, mais à les engager définitivement ! Or, vous savez comme moi que, encore aujourd'hui, certains employeurs ne sont pas prêts à engager des chômeurs - qui plus est, en fin de droit - pour leur permettre de bénéficier des ARE ! C'est donc un leurre que vous présentez à la population ! Ce leurre consiste à dire que l'on doit absolument voter les allocations de retour en emploi et casser le système d'occupation temporaire, car il s'agit de la seule manière de revitaliser les ARE.
La présidente. Je suis quelque peu effarée au vu du nombre important de députés inscrits, et cela alors que nous sommes en procédure d'extraits... Le Bureau a donc décidé de clore la liste des intervenants; le dernier sera M. Alain Charbonnier. Pour l'instant, la parole est donnée à M. le député Souhail Mouhanna.
M. Souhail Mouhanna (AdG). M. Kunz a commencé par dire que c'était parce qu'il ne connaissait rien qu'il intervenait à propos. J'ai l'impression que M. Kunz intervient souvent à propos d'objets dont il ne connaît apparemment rien... Le discours de M. Kunz est le suivant: non seulement il ne faut rien reprocher à ces entreprises actives dans le domaine industriel ou bancaire qui, en dépit des bénéfices qu'elles réalisent, licencient et transfèrent les charges économiques et sociales sur les collectivités publiques, mais il ne faut même pas que la collectivité assume les responsabilités qui sont les siennes vis-à-vis, précisément, des victimes d'une telle gestion de la part de certaines entreprises ! Cette attitude est complètement dépourvue de tout micron de solidarité ! J'ignore si M. Kunz fait partie de ceux qui n'ont aucun esprit de solidarité ni le moindre résidu de solidarité... Je le regrette car, lorsque M. Kunz intervient, il donne l'impression de croire fortement à ce qu'il dit. Mais qu'allez-vous donc faire de ces gens, Monsieur Kunz ?! De que j'entends et de ce que je lis de votre part, j'ai l'impression que votre idéal en matière de rapports de travail et d'économie est le suivant: que les gens s'entassent dans des camps extrêmement vastes en attendant qu'on les appelle pour gagner quelques sous et, pendant leur attente, qu'on leur serve un peu de soupe... Si telle est la société que vous souhaitez, Monsieur Kunz, les gens que vous voulez parquer dans les camps finiront, un jour ou l'autre, par prendre le pouvoir !
M. Christian Bavarel (Ve). En tant que président de la commission de l'économie, j'aimerais tout d'abord remercier M. Pagani pour avoir rédigé ce rapport alors qu'il ne siégeait pas en commission lors de ce débat.
La vivacité de notre discussion est simplement due au fait que le sujet est d'importance. Ce sujet, que nous retrouverons au mois de septembre, le chômage, concerne des êtres humains - des êtres humains qui se trouvent dans des situations plus ou moins difficiles. La cause du chômage, on peut toujours le dire sous forme de boutade, c'est qu'il n'y a pas de travail... Mais, à un moment donné, il faut déterminer les responsabilités des uns et des autres: est-ce le chômeur qui est responsable de sa situation ou est-ce parce qu'il a été licencié qu'il se retrouve au chômage ? Il faut, sur le plan philosophique, déterminer qui porte cette charge. ll me semblait que, dans une société comme la nôtre, organisée sur le modèle libéral, on devait accepter que les entreprises puissent licencier - ce qui peut, dans certains cas, s'avérer nécessaire pour permettre le développement desdites entreprises - mais que l'on instaurait en contrepartie un filet social et que l'on venait en aide aux personnes mises à l'écart. Nous avons constaté en commission de l'économie qu'il était beaucoup plus difficile de retrouver un emploi après s'être retrouvé un certain temps au chômage, et c'est pour cela que certains soutiens étaient prévus. Or, je constate que nous sommes en train de changer de philosophie: nous entrons dans un système qui cherche à punir les chômeurs, qui cherche à lutter contre les chômeurs - et non contre le chômage ! Je déplore cet état de fait.
Le débat politique est par ailleurs en train de se durcir: il nous entraîne dans un affrontement gauche - droite de plus en plus stérile, ce qui n'est guère constructif pour Genève. J'ai l'impression que nous ne trouverons aucune solution de cette manière et que nous nous dirigeons plutôt vers un affrontement ! Peut-être avons-nous besoin d'un temps d'affrontement pour repartir ensuite sur de nouvelles bases, mais je suis inquiet des événements qui se produisent actuellement dans notre canton.
M. Jacques Baud (UDC). Les chômeuses et les chômeurs sont des êtres humains - des êtres humains qui souffrent. J'en sais quelque chose: j'ai été suffisamment souvent au chômage pour savoir ce que sont cette souffrance et cette angoisse. Ce ne sont pas des pourcentages. J'aimerais que l'on s'en souvienne !
Je souhaite également rappeler la chose suivante: après l'âge de 50 ans, on ne retrouve plus de travail. Cela est dramatique pour beaucoup d'entre nous. J'ai l'espoir que la nouvelle loi que l'on nous concoctera en septembre tiendra compte du fait que l'on a affaire à des êtres humains, et non à des bestioles !
M. Alberto Velasco (S). M. Baud a raison, Monsieur Kunz: après 50 ans, une personne a très peu de chances de retrouver un travail. Et, Monsieur Kunz, vous avez lu la demande formulée par les chômeurs dans cette pétition. Sur plus de 2000 personnes en fin de droit inscrites au Service d'insertion professionnelle, seule une dizaine ont pu accéder aux ARE. Une dizaine seulement ! Vous avez indiqué tout à l'heure que la solution résidait dans les ARE. Je suis d'accord avec vous: il s'agit d'une solution intéressante, puisqu'elle insère ces personnes dans le marché du travail alors que celles-ci en sont bien souvent déconnectées pour une raison ou pour une autre. Mais c'est précisément ce que demande la pétition ! Vous ne pouvez donc qu'être d'accord qu'avec cette pétition !
Votre déclaration, Monsieur Kunz, est conforme à l'idéologie libérale de notre société. Selon cette idéologie, chacun doit se prendre en charge et le rôle de l'Etat se limite à faire la charité. Je ne partage pas cette idéologie: je pense que les individus doivent effectivement faire preuve de responsabilité en tant que citoyens, mais que l'Etat doit également faire preuve de solidarité avec les individus qui n'ont pas d'emploi. Les personnes qui ont un emploi doivent faire preuve de solidarité, et l'Etat doit répondre présent lorsque l'économie est incapable d'offrir un emploi à chacun. La question est là, Monsieur Kunz ! Supposons qu'il y ait, sur le marché du travail, 15 000 places vacantes pour 1000 chômeurs... Il est évident qu'il y aurait là des abus clairs, car il y a une adéquation entre la demande importante du marché et l'offre des personnes sans emploi. Mais c'est l'inverse qui se produit ! L'économie est incapable de fournir un emploi à tous ces gens ! Il y a quelque 12 000 personnes sans emploi et, grosso modo, entre 1000 et 1500 places - parfois 500 - dans notre canton ! Donc, le système économique n'est pas en mesure d'offrir à ces individus la possibilité de préserver leur dignité ! Voyez-vous, Monsieur Kunz, le travail, c'est l'insertion dans la vie, c'est l'insertion dans la société, mais c'est avant tout la préservation de sa dignité ! Le pire qui puisse arriver dans la vie, c'est de devoir vivre à l'assistance sociale ! Et je ne connais pas une seule personne à l'assistance sociale qui soit heureuse de cet état ! (Protestations.)Il est vrai qu'il peut y en avoir quelques-unes, mais il s'agit d'une infime minorité. Toute personne désire un travail !
Vous savez très bien, Monsieur Kunz, que, selon les études qui ont été réalisées, après six mois de chômage - je dis bien après six mois ! - une personne commence à être difficilement plaçable, parce qu'elle perd sécurité et savoir-faire. Et au bout de deux ans, elle ne possède plus l'assurance nécessaire pour assumer un emploi. Que se passe-t-il alors ? Elle dispose de deux possibilités. Elle peut trouver un emploi temporaire cantonal lorsqu'elle arrive en fin de droit. Cet emploi temporaire, qui ouvre un nouveau délai-cadre au bout d'une année supplémentaire, doit servir en priorité - et je vous accorde qu'il y a là des problèmes - à lui donner une nouvelle assurance, à lui donner confiance en ses connaissances, et parfois à lui offrir une autre formation. Si aucun emploi temporaire ne se présente, la seule ressource de cette personne consiste à se diriger vers le RMCAS. Trouvez-vous qu'il s'agit là d'une issue satisfaisante pour des milliers de personnes ? Moi, je ne le pense pas ! Aujourd'hui, le tiers des gens qui sont au RMCAS sont des universitaires ! Ce n'est donc pas une question de formation, c'est qu'il y a véritablement un problème de nombre de places !
Au vu des difficultés de notre économie à créer un nombre suffisant d'emplois, nous ne pouvons qu'accéder à la demande de cette pétition ! Je vous le répète, Monsieur Kunz, nous ne pouvons qu'accéder à cette demande ! Si vous pouviez me démontrer que vous êtes en mesure de placer ne serait-ce que 500 chômeurs, je comprendrais que vous refusiez cette pétition. Mais je ne pense pas que vous soyez capable de réussir un tel exercice. Je vous demande par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter cette pétition afin de préserver la dignité de ces personnes !
Mme Loly Bolay (S). Je regrette que cette pétition ait dormi aussi longtemps à la commission de l'économie. Le rapport aurait dû être fait depuis belle lurette. Cette pétition nous a beaucoup occupés au moment où elle a été soumise à ce parlement et examinée en commission de l'économie. Et là, je souhaite dire deux choses.
En premier lieu, pour parler du chômage, pour savoir ce que cela représente, il faut être passé par là ou connaître quelqu'un qui a été licencié. Je signale par ailleurs que tous les chômeurs licenciés n'ont pas cherché à être au chômage, mais qu'on les y a poussés.
En deuxième lieu, comme l'a relevé mon collègue Alberto Velasco, cette pétition demande le développement des ARE. M. le conseiller d'Etat Carlo Lamprecht avait en son temps reconnu que son département n'avait pas suffisamment mis l'accent sur les ARE et que cela avait été un handicap, puisque l'on s'était très rapidement rendu compte que les entreprises n'avaient pas connaissance de cet outil pour employer des chômeurs et des chômeuses. Comme cela a été dit, les ARE sont des outils de formation extrêmement pertinents pour aider des chômeurs - notamment de longue durée - à retrouver un emploi. Or, encore dernièrement, seules neuf personnes bénéficiaient de ces ARE ! Même M. Lamprecht nous a indiqué que les entreprises n'étaient pas preneuses de ces mesures. Alors, il conviendrait sans doute d'examiner la manière dont ces mesures sont vendues aux entreprises. (L'oratrice est interpellée par M. Meylan.)Mais oui, Monsieur Meylan, c'est ainsi, beaucoup d'entreprises ne sont pas preneuses des ARE ! C'est malheureusement ainsi ! Je tenais donc à rappeler que la pétition qui nous est soumise met précisément l'accent sur cette mesure.
J'aimerais également faire savoir à M. Kunz qu'à l'heure actuelle environ 1 500 personnes ayant dépassé le seuil de 50 ans ont été licenciées dans le secteur bancaire et sont dans l'incapacité de trouver un emploi puisque, comme vous le savez, pour être engagé dans une banque, il faut être titulaire d'un master et parler plusieurs langues - notamment l'anglais, l'espagnol et l'allemand. Or il s'agit de qualifications très pointues pour certaines personnes ayant dépassé le seuil de 50 ans. Quant aux occupations temporaires, que vous décriez souvent à la commission de l'économie, je ferai remarquer que certains services de l'Etat - comme, pour ne pas le nommer, le Palais de justice - ne pourraient tout simplement pas tourner sans ces occupations temporaires !
Mme Nicole Lavanchy (AdG). J'ai entendu Mme la présidente s'étonner qu'autant de personnes souhaitent intervenir à propos d'un rapport se trouvant dans les extraits. Cela n'est, de fait, pas si étonnant pour moi, car je viens de la commission de l'économie, où l'on a terminé de travailler sur un projet de loi qui sera débattu en septembre et où l'on a eu l'occasion de parler abondamment de ces mesures cantonales. On a eu l'occasion d'auditionner d'éminentes personnalités de ce canton, dont des économistes et des responsables d'associations pour chômeurs. Or, M. Kunz a systématiquement tenu le même discours: il s'est bouché les oreilles et il a usé du même leitmotiv. Lorsque j'ai entendu M. Kunz parler, je n'ai pas bronché, mais j'ai entendu mes collègues dire: « Ce n'est pas possible, un tel discours, un tel mépris à l'endroit des chômeurs». Pour ma part, je connaissais déjà la position de M. Kunz, puisque j'ai entendu ce dernier en commission de l'économie pendant au moins quatre mois.
Monsieur Kunz, vous êtes en train d'amener le débat sur la question qui sera discutée au mois de septembre. Vous tirez à boulets rouges sur les occupations temporaires, avec l'idée de supprimer le peu qu'il en reste dans le projet de loi qui sera déposé. Vous avez déclaré que ces occupations temporaires n'étaient absolument pas formatrices. Il est vrai que l'on a constaté que, sous leur forme actuelle, elles ne l'étaient pas. L'Alliance de gauche a toutefois proposé en commission des amendements sérieux pour rendre ces occupations temporaires formatrices, pour les mettre en lien avec une formation. Or vous avez systématiquement envoyé blackbouler nos amendements ! Et vous osez maintenant déclarer devant un public important que les occupations temporaires telles qu'elles seront présentées dans ce projet de loi ne seront pas formatrices et qu'il faudra les supprimer, faute de quoi les ARE ne fonctionneront pas ! C'est de la réduction de pensée ! Vous n'avez pas écouté les personnes qui ont été auditionnées ! Ces personnes éminentes qui siègent sur vos bancs ont déclaré que les occupations temporaires avaient un sens et qu'il fallait simplement les réaménager et leur donner un sens formatif. Vous n'avez pas voulu les entendre, et vous commencez déjà un plaidoyer contre ces occupations temporaires ! Je suis désolée mais, bien que l'on se trouve dans les extraits, je me suis sentie obligée de prendre la parole !
Je tiens à signaler un autre point extrêmement important - sur lequel je ne m'appesantirai pas trop, car il a déjà été évoqué dessus. Qu'allez-vous faire ? Supprimer les occupations temporaires, ne pas faire renouveler le droit aux indemnités fédérales ? Vous allez affaiblir encore davantage le marché de l'emploi ! Vous aurez les syndicats sur le dos - et c'est tant mieux, car je suis de leur côté ! Les conséquences en seront des emplois précaires et mal rémunérés, des conditions salariales déplorables et des gens qui se sentent dans une insécurité professionnelle permanente ! Qu'allez-vous faire ?! Des familles vont s'appauvrir - car tous ne se tournent pas vers l'Hospice général lorsqu'ils n'ont plus d'occupation temporaire. Certains devront vivre avec un seul revenu pour juste atteindre les minima des barèmes ! Des enfants seront touchés, des familles seront précarisées et vont s'endetter ! C'est scandaleux ! Vous participez à la précarisation de la classe moyenne et de la classe ouvrière de ce canton ! Vous savez fort bien que l'Hospice général connaît des difficultés - on en a abondamment parlé dans cette enceinte. Vous savez qu'elle doit faire face à une demande exponentielle. Or, la seule chose intelligente que vous parvenez à faire, c'est de renvoyer une grande partie des chômeurs en fin de droit à l'Hospice général tout en décriant cette institution, en déclarant qu'elle travaille mal, qu'il faut donner de l'argent, etc. ! Vous tenez là un discours extrêmement injurieux à l'endroit des chômeurs !
Je me suis permis de prendre la parole pour ouvrir ce débat qui sera poursuivi en septembre, car il est inacceptable que vous prononciez de telles paroles devant les chômeurs qui nous écoutent - puisqu'ils ont certainement le temps de regarder Léman Bleu ! (Applaudissements.)
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
M. Pierre Kunz (R). En premier lieu et à titre de rappel, je soulignerai que les emplois temporaires cantonaux n'existent nulle part ailleurs en Suisse. Et, que je sache, la paupérisation n'est pas plus forte ailleurs en Suisse qu'à Genève. Cela fait bientôt vingt ans que l'on a des emplois temporaires dans ce canton et, je le répète, si on les supprime, ce ne sera pas la paupérisation, Madame Lavanchy - pas plus que ça n'a été la paupérisation dans les autres cantons !
Il y a quelque chose de gênant dans ce parlement: chaque fois que l'on ose exposer sa pensée sans ambages, sans détour, on se fait taxer de fou, d'irresponsable et de méprisant ! Eh bien, aujourd'hui comme il y a dix jours, je vous mets en demeure de retrouver dans le Mémorial, quand il paraîtra, les expressions méprisantes et le terme d'«irresponsable» que vous avez utilisés, Monsieur Pagani - car ils n'y sont pas ! Ce ne sont pas les chômeurs, Monsieur Pagani, qui sont irresponsables, mais nous, les politiciens - et vous en particulier, qui tentez de masquer les réalités économiques, financières et sociales sous vos bavardages qui, eux, sont des leurres et des tromperies !
Monsieur Mouhanna... Je constate qu'il n'est plus là... Mais il m'a demandé ce que je ferais de ces gens-là. Et c'est lui qui prétend que je les méprise ?! Mais il n'ont pas besoin de moi, ces gens-là ! Vous, Mesdames et Messieurs, qui êtes tellement heurtés par mes propos, vous ne songez qu'à rendre plus dépendantes de la collectivité les personnes que vous prétendez défendre ! Moi, au contraire, je me rappelle que les chômeurs sont des êtres humains qui connaissent certes des problèmes, mais qui ont également du potentiel, de la flexibilité, de la résilience et de la volonté - la volonté, notamment, de s'en sortir ! Moi, je sais, Messieurs Pagani, Mouhanna et compagnie, que ces gens-là ne sont pas les zombies que vous nous dépeignez !
Notre société a évidemment le devoir d'aider ces personnes, de les rendre plus capables et plus en adéquation avec les demandes du marché. Et il est également de notre devoir de leur permettre de retrouver leur dignité et leur autonomie. L'emploi temporaire constitue toutefois précisément la mesure la plus contraire à cette ambition ! Votre démonstration l'a d'ailleurs implicitement indiqué, Monsieur Velasco ! Vous relirez dans le Mémorial les propos que vous avez tenus - car ce dernier est tout de même utile à quelque chose... Vous constaterez que vous avez tenu exactement les propos qu'il fallait pour démanteler les emplois temporaires !
Dernière chose, Monsieur Velasco: Genève crée plus d'emplois par habitant que partout ailleurs dans ce pays. Ce qui pose problème, ce n'est pas l'attitude des entreprises; ce qui pose problème, c'est l'inadéquation entre les exigences liées aux emplois offerts et les capacités des demandeurs d'emploi. C'est ce problème qu'il s'agit de résoudre ! Or, contrairement à l'ARE, l'emploi temporaire n'y parviendra pas !
M. Claude Aubert (L). Puisque les extraits sont devenus le lieu où l'on peut exposer nos opinions ou nos idéologies, je souhaite contribuer à ce dossier en rappelant un élément sur un autre plan. On a évoqué le chômage de longue durée et la très grande difficulté à reprendre un emploi. Je vous ferai remarquer qu'il se passe exactement la même chose lors des arrêts maladie ou accident de longue durée - et ce, indépendamment du diagnostic. Tout se passe comme si le fait d'arrêter le travail pendant une longue durée engendrait des effets extrêmement négatifs. C'est pour cela que l'on a attiré l'attention des médecins sur le problème des arrêts maladie. Il est bien entendu qu'à court terme il peut être très utile pour un patient d'arrêter son travail pendant un certain temps. On devient néanmoins de plus en plus conscient des impacts à long terme des arrêts maladie de longue durée. Ce problème n'est pas forcément lié au chômage, mais il est lié à une question beaucoup plus grave: il s'agit de la reprise du travail après une absence. De ce point de vue, ce débat me paraît plus compliqué que le ping-pong habituel auquel se livrent la gauche et la droite.
M. Alain Charbonnier (S). Je suis entièrement d'accord avec les propos de M. le député Aubert. On a constaté le même phénomène en médecine sportive: on ne met désormais plus un sportif en arrêt pendant des semaines, mais on le fait reprendre le plus vite possible. On s'est en effet aperçu que le mouvement, c'était la vie et que, quels que soient leurs problèmes, laisser des gens en arrêt ne constituait pas la solution adéquate.
D'ailleurs, vous vous trompez complètement, Monsieur Kunz, ce n'est pas vrai que l'on tient aux emplois temporaires cantonaux ! Si l'on pouvait s'en passer complètement, on le ferait du jour au lendemain ! Reste qu'aujourd'hui on prend connaissance des chiffres et l'on constate l'existence de chômeurs de longue durée. Qu'est-ce qu'un chômeur de longue durée ? Ce n'est pas une personne qui se trouve au chômage depuis deux jours, depuis deux semaines ou depuis six mois. Dans le cas précis, il s'agit d'une personne qui est au chômage depuis plus de deux ans !
M. Pierre Kunz. Depuis une année !
M. Alain Charbonnier. Depuis plus de deux ans, Monsieur Kunz ! On parle là des mesures cantonales, soit de l'allocation de retour en emploi et de l'emploi temporaire cantonal. Or c'est après deux ans de délai-cadre que ces mesures cantonales sont appliquées. Vous, vous voulez complètement supprimer ces mesures, dites-le franchement ! Vous avez déclaré qu'il fallait supprimer les emplois temporaires cantonaux car il s'agissait de la seule façon de favoriser les ARE... Mais c'est complètement faux, et vous le savez très bien ! Les chiffres nous ont été fournis par M. Lamprecht: il y a eu une cinquantaine d'ARE l'année passée - peut-être un peu plus, selon M. Meylan. Reste que cela ne dépasse pas les cent emplois. Vous rendez-vous compte ?! Cent propositions d'entreprises pour cent chômeurs de longue durée, alors qu'il y a actuellement entre 1600 et 1700 chômeurs de longue durée à Genève ! Commencez par encourager vos partenaires et vos petits copains ! On verra s'ils trouvent 1600 à 1700 places pour offrir à ces chômeurs une chance de retrouver du travail - ce que, je crois, nous souhaitons tous dans cette enceinte !
Une voix. Tu m'embauches ?!
M. Alain Charbonnier. Vous avez également évoqué l'inadéquation des travailleurs et le manque de formation... Très bien ! Mais qu'avez-vous fait pas plus tard qu'avant-hier soir ?! Vous avez retranché 2,5 milliards à la formation professionnelle !
Une voix. 2,5 millions !
M. Alain Charbonnier. Pardon, 2,5 millions ! Cela reste toutefois, à l'échelle...
M. Jean-Michel Gros. 2,5 milliards, ce sera la deuxième étape !
M. Alain Charbonnier. M. Gros déclare en rigolant que ce sera la deuxième étape... C'est révélateur !
Alors, vous n'avez même pas retiré cette pétition des extraits, puisque vous êtes si forts pour avancer rapidement dans tous les domaines... Vous avez estimé que cette pétition sur le chômage était de peu d'importance et qu'il convenait par conséquent de la laisser dans les extraits - car, d'habitude, vous retirez très rapidement tout objet au sujet duquel vous avez le moindre soupçon qu'un débat puisse s'engager...
Nous défendrons au mois de septembre les mesures cantonales dans leur ensemble - emplois temporaires cantonaux et allocations de retour en emploi. Même si le mouvement, c'est la vie, on s'est en effet aperçu que, en dépit de tout ce que vous pouvez nous raconter, l'emploi temporaire cantonal était un instrument de réinsertion pour certains chômeurs de longue durée. Les chiffres figurent dans différents rapports: cette mesure permet de réinsérer 35% des personnes qui en bénéficient dans les dix mois suivants. (Protestations de M. Kunz.)Vous reprendrez vos chiffres, Monsieur Kunz ! Vous ne les lisez pas et vous n'écoutez pas les informations qui nous sont fournies en commission ! Nous soutiendrons donc les mesures cantonales cet automne.
Bien qu'elle date de 1998, cette pétition tombe très bien. Elle est tout à fait d'actualité s'agissant du principal grief des chômeurs: il s'agit de l'inadéquation, non pas des chômeurs, mais de l'office cantonal de l'emploi. Il est dommage que M. Lamprecht soit absent, car il aurait entendu ce que je tiens à dire ici: le principal problème des allocations de retour en emploi, c'est l'inefficacité de l'office cantonal de l'emploi. Ce dernier ne fait pas son travail. Et je me demande s'il mène des recherches pour aider des chômeurs à bénéficier des ARE.
Le président. Merci, Monsieur le député. A ce stade, un petit rappel s'impose. En premier lieu, les points qui sont traités en extraits ne doivent pas être considérés comme n'étant pas importants. Et certains points sont tout aussi importants que ceux non traités en extraits... Si ces points sont en extraits, c'est que tout le monde est d'accord. Alors, la première considération qui s'impose, c'est qu'en règle générale, lorsque tout le monde est d'accord, on ne se livre pas à un débat d'une heure comme celui auquel nous venons d'assister !
En deuxième lieu, je tiens à vous rappeler que la procédure d'extraits est ainsi faite que n'importe quel chef de groupe peut demander qu'un point en soit retiré. Or, Monsieur le chef de groupe socialiste, vous n'avez pas demandé le retrait de cette pétition des extraits. Je pars dès lors du principe que vous êtes parfaitement d'accord avec le traitement de cette pétition en extraits. Je vous redonne rapidement la parole pour me répondre.
M. Alain Charbonnier. Je vous répondrai au point 47 de l'ordre du jour, qui porte sur la procédure des extraits que vous allez tenter d'instituer dans la loi. On vous dira tout le mal qu'on en pense. Effectivement, vu le nombre de députés généralement présents sur les bancs d'en face, on a l'impression que certains considèrent les extraits comme étant des sujets mineurs, et ce n'est pas notre cas ! C'est pour cela qu'en règle générale nous retirons peu d'objets de la liste des extraits.
Le président. Merci, Monsieur le député. Si cela peut vous rassurer, à mes yeux non plus, les extraits ne sont pas des points mineurs - ce d'autant moins que, lorsque je préside, je suis présent... La parole est à M. Rémy Pagani, rapporteur.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur. Je vois mal que vous ne soyez pas là lorsque vous présidez... Et inversement, Monsieur le président. Avant de revenir au sort qui devra être fait à cette pétition, je ferai remarquer à M. Kunz qu'il est facile de se cacher derrière l'artifice intellectuel qu'il utilise pour ne pas bafouer frontalement tous les chômeurs, mais pour le faire indirectement. C'est une méthode un peu facile... Son discours, qui consiste à dire aux chômeurs qu'ils n'ont pas besoin d'être aidés car ils sont suffisamment grands pour se débrouiller, les stigmatise en réalité de manière scandaleuse. Cela revient en effet à dire à tous les chômeurs de longue durée qu'ils n'ont pas pris leurs responsabilités. C'est ce discours-là que nous condamnons ! Vous ne dites évidemment pas explicitement cela: vous dites l'inverse mais, de fait, par la négation, cela revient au même.
Le droit au travail étant un droit fondamental, j'aimerais également répondre à un député qui a relevé qu'à partir de 55 ans, on n'avait plus droit au travail. Je dirai pour ma part encore plus, Monsieur Baud: ce n'est pas à partir de 55 ans, mais de 50 ans que l'on n'a plus droit au travail ! C'est ainsi qu'une offre d'emploi, qui a d'ailleurs été stigmatisée par la «Tribune de Genève», précisait: «Chômeur de plus de 50 ans s'abstenir». C'est dire à quel point le marché du travail exclut les personnes de plus de 50 ans ! (L'orateur est interpellé.)Oui, on y trouvait également la notion de six mois ! On est là devant un drame social, et la manière dont les gens traitent ce drame est scandaleuse ! Pourquoi un drame social ? Prenons l'exemple de la maladie. Je lutte aux côtés des salariés pour qu'ils bénéficient de davantage d'autonomie, et des patrons me tiennent le discours suivant: «On doit restructurer, mais on ne va pas mettre cette personne au chômage, car elle a 50-55 ans; si vous êtes d'accord, on la met à l'AI». C'est ainsi que l'on traite les gens ! Il ne s'agit pas de sportifs de haut niveau, il est question de restructurations qui ont été décidées aux Etats-Unis ou en Angleterre par des centrales financières qui décident de fermer des succursales à Genève ! Alors, on prend toutes les personnes âgées de plus de 50 ans et on essaie de les liquider: on prépare un plan social pour les uns, on met à l'AI ceux qui sont un peu malades... C'est inadmissible ! Voilà le drame social auquel on assiste ! Et vous, vous réagissez à ce drame en tirant encore davantage le tapis sous ces gens pour les faire tomber, puisque, après deux ans de chômage, vous refusez de leur offrir les moyens de se redonner un droit et de se former ! C'est inadmissible ! Mais arrêtons ici la polémique: c'est en septembre que l'on débattra de cette question qui nous divisera fortement.
S'agissant du sort à réserver à cette pétition, j'ai été interpellé quant à l'avenir de ce texte. Dans un premier temps, la commission avait décidé de substituer cette pétition par une motion. M. Didier Thorens, que je remercie ici, a cherché la motion qui devait remplacer cette pétition, mais il n'a rien trouvé. J'ai téléphoné à gauche et à droite pour savoir ce qu'il était advenu de ce texte, mais personne n'a été capable de me répondre. Puisqu'on a vu que cette pétition était tout à fait d'actualité, je vous propose de faire un geste symbolique en la renvoyant au Conseil d'Etat et en demandant à ce dernier de se prononcer sur cette question.
Le président. Monsieur le rapporteur, j'ai un petit souci: vous êtes rapporteur d'une commission qui a décidé, à l'unanimité moins une abstention, de déposer cette pétition sur le Bureau du Grand Conseil. Or vous rapportez devant nous et proposez maintenant le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat; j'ai quelque peine à comprendre ! Je passe la parole à M. le député Gros.
M. Jean-Michel Gros (L). Vous avez exprimé l'essentiel de ce que je voulais dire, Monsieur le président. Il est absolument scandaleux qu'un rapporteur donne un avis inverse à celui de l'unanimité de la commission !
D'autre part, Monsieur Pagani, quels députés, au sein de la commission, avaient été favorables au principe de déposer une motion ? Trois AdG, deux socialistes et un Vert ! Si ces mêmes personnes n'ont pas jugé nécessaire de déposer cette motion, c'est qu'elles devaient avoir de bonnes raisons. Dès lors, nous faire voter le contraire de la décision votée en commission constitue une attitude scandaleuse - mais qui ne nous étonne pas !
M. Alain Charbonnier (S). M. Gros a tout à fait raison, mais l'erreur est humaine. M. Pagani n'a pas agi avec malveillance ! (Protestations. Le président agite la cloche.)Je reprends donc à mon compte la proposition de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur. Je suis rapporteur, mais je n'ai malheureusement même pas été désigné pour faire ce rapport ! Je l'ai fait spontanément, car il nous fallait épurer le travail de la commission. La décision de la commission consistait à déposer la motion sur le Bureau du Grand Conseil, dans la mesure où cette motion était déposée. Mais personne ne sait si elle l'a été, puisqu'on ne l'a malheureusement pas retrouvée - on en a, du moins, pas retrouvé l'intitulé. Dès le moment où cette motion n'a pas été déposée, il me semblait aller de soi que la question du sort de cette pétition restait ouverte.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je vous donne lecture de l'article 172, alinéa 1, du règlement du Grand Conseil: «Après avoir délibéré sur le rapport de la commission, le Grand Conseil statue sur l'une des quatre propositions formulées par la commission». Suivent les quatre propositions: renvoi à une autre commission, renvoi au Conseil d'Etat, dépôt sur le Bureau à titre de renseignement ou classement de la pétition. Le règlement étant clair, je vous fais voter sur la proposition de la commission, à savoir le dépôt de ce texte sur le Bureau du Grand Conseil.
Des voix.Non, on n'est pas d'accord ! (Brouhaha.)
Le président. Lisez votre règlement ! Nous procédons au vote.
Mises aux voix, les conclusions de la commission de l'économie (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.