République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 10 juin 2004 à 17h
55e législature - 3e année - 9e session - 45e séance
PL 8012-A
Premier débat
Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse. Le hasard voulant que le premier rapport à l'ordre du jour soit un rapport de la commission fiscale, je voudrais dire, à titre personnel, combien j'ai apprécié la présidence de M. Claude Blanc, qui n'est malheureusement plus avec nous ce soir. Il a en effet présidé la commission fiscale avec perspicacité, subtilité, clairvoyance, sagacité, mais, aussi, avec une pointe d'humour. Il a surtout voulu que la commission fasse de l'ordre, et il a fallu rechercher tout ce qui traînait sous les piles... C'est pourquoi nous vous présentons ce soir un projet de loi datant de 1999, qui aurait en fait dû être retiré de la circulation, parce qu'il n'a plus de raison d'être...
Ce projet de loi avait été élaboré pour améliorer la transparence fiscale des contribuables. Mais, au moment où la commission fiscale a travaillé la LIPP, surtout la loi de procédure fiscale, elle a intégré l'examen de ce projet de loi. Elle est d'ailleurs arrivée - après pas mal de discussions, il est vrai - à une conclusion satisfaisant tout le monde, à savoir que les communes, qui étaient les plus intéressées à davantage de transparence en la matière - j'ai eu le plaisir de l'apprendre par le bulletin des communes du mois de février 2004 - ont toutes obtenu gain de cause.
Je vous lis le texte qui figure dans ce bulletin d'information: «Pour répondre aux demandes des communes relayées par l'ACG, l'administration fiscale cantonale vient de mettre en place une attribution automatique des contribuables à leur commune de domicile. Ainsi, le numéro de commune est désormais porté automatiquement sur les déclarations fiscales, sur la base des adresses privées des contribuables personnes physiques, en utilisant les données du système d'information du territoire genevois. Un contrôle sera également effectué lors du retour de ces déclarations. Cette mesure permettra assurément d'améliorer l'attribution des contribuables à leur commune de domicile, spécialement lorsque celle-ci est différente de celle figurant sur l'adresse postale.»
D'autre part, je ne voudrais pas outrager les signataires du projet de loi en leur rappelant que ce sujet est passé en votation populaire en 1994 et qu'il a été refusé dans un rapport de deux tiers un tiers...
Je vous propose donc de suivre la majorité de la commission et de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi.
Mme Michèle Künzler (Ve). Pour nous, l'amélioration de la transparence fiscale reste un objectif valable, qu'il faudrait poursuivre...
Nous avons compris que nous ne serions pas soutenus sur ce point, même si d'autres cantons ont obtenu cette transparence sans problème. Payer ses impôts est un acte éminemment citoyen et solidaire, et nous ne craignons pas une curiosité maladive ou malséante à ce sujet.
Nous nous engageons vraiment en faveur de cette transparence. Nous verrions que les apparences sont parfois trompeuses, et ce projet permettrait de découvrir ceux qui manoeuvrent habilement pour arriver à ne pas payer d'impôts.
M. Robert Iselin (UDC). La situation fiscale d'un contribuable - c'est l'opinion de l'UDC - est une question purement personnelle... Il est évident que la fraude fiscale ne devrait pas être pratiquée. Et contrairement à ce que de nomreuses personnes pensent, elle ne l'est pas beaucoup.
L'UDC s'opposera donc à ce projet de loi.
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
M. Christian Grobet (AdG). Contrairement à ce que vient de dire M. Iselin, la déclaration d'impôt n'est pas du tout une question personnelle... Elle concerne bel et bien directement l'Etat, puisque celui-ci ne peut pas fonctionner sans bénéficier des recettes de ses contribuables.
Un des principes fondamentaux de notre Etat de droit suisse est l'égalité du citoyen devant la loi. Or, ce principe de l'égalité du citoyen devant la loi, et plus particulièrement devant l'impôt, n'est malheureusement pas appliqué en matière fiscale, précisément en raison du secret qui plane sur les déclarations d'impôts des contribuables. Mme Künzler a rappelé tout à l'heure qu'un certain nombre de cantons considéraient comme tout à fait normal que le rôle des contribuables soit public, ce qui permet, à vrai dire, de savoir ce que chacun déclare. Cette question me semble fondamentale et mérite qu'on trouve une solution, comme cela a été le cas dans d'autres cantons. En effet, le fait de payer ses impôts est un acte de civisme, et il faut réagir vis-à-vis des quelques citoyennes et de citoyens de notre pays qui ne payent pas correctement leurs impôts. Mais il faut bien reconnaître que la plupart des citoyens suisses ont conscience qu'il doivent remplir correctement leur déclaration d'impôt. Quoi qu'il en soit, certains - même si c'est une minorité - ne déclarent pas leurs revenus.
Nous avons eu connaissance, même dans ce Grand Conseil, de personnes extrêmement fortunées - ou, en tout cas, qui mènent un train de vie important, qui roulent dans des grosses voitures, par exemple en Ferrari... (L'orateur est interpellé.)Je ne pense pas que la personne que vous citez roule dans une voiture qui a été mise au nom d'une tierce personne ou qui lui a été prêtée - prétendument - par une tierce personne ! En ce qui me concerne, je fais totalement confiance à votre collègue ! Donc, malheureusement, je le répète, certains citoyennes et citoyens ne remplissent pas leur devoir de contribuable. C'est choquant, quelle que soit la situation du contribuable, mais ça l'est d'autant plus quand il s'agit de personnes très aisées. Or, d'après les statistiques - cela se calcule assez facilement en fonction de l'impôt anticipé qui n'est pas remboursé - la fraude fiscale représente une somme élevée - très élevée - en Suisse.
Par voie de conséquence, il faut arriver à amener ces citoyens à déclarer correctement leurs revenus et leur fortune ! On parle beaucoup de transparence, mais en matière de fiscalité on voit bien que la droite n'y est pas favorable ! Cette même droite qui veut voter des privilèges fiscaux, qui mène une politique des caisses vides, caisses qui sont d'autant plus vides que certains citoyennes et citoyens ne font pas leur devoir de contribuables !
Personnellement, j'estime que cette loi doit être votée et que nous devons nous aligner sur les cantons qui se sont souciés de transparence en matière de fiscalité.
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Notre débat sur ce projet de loi est pratiquement plus long aujourd'hui, en séance plénière, qu'il ne l'a été en commission fiscale - où nous avons malheureusement dû déplorer l'absence des représentants de l'Alliance de gauche... Ils auraient éventuellement pu, s'ils avaient été là, présenter un amendement, par exemple pour ne garder qu'une partie de leur projet de loi relatif au rôle des contribuables... Je propose donc aux représentants de l'Alliance de gauche, s'ils le désirent, de présenter un nouveau projet qui corresponde davantage à leur vision actuelle, projet qui pourra être traité directement en commission, en espérant, cette fois-ci, qu'ils seront présents... (Brouhaha.)
Ce projet de loi a deux objectifs, dont le premier concerne le rôle des contribuables. Il semble que des discussions ont eu lieu avec les communes et que des arrangements sont en cours ou ont été trouvés... Ce premier objectif est donc déjà atteint.
Pour ce qui est de la transparence fiscale, la position du peuple est très claire. En effet, il y a quelques années, nous avons pu nous prononcer sur une loi à ce sujet, qui a été refusée ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Et les Genevois n'aiment pas l'esprit de délation qui sous-tend cet article... Par conséquent, nous vous proposons suivre le préavis unanime de la commission fiscale et de rejeter ce projet de loi.
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous faire voter sur la prise en considération de ce projet de loi. La majorité de la commission suggère de ne pas entrer en matière sur le projet de loi 8012, proposition que je vous soumets au moyen du vote électronique.
Celles et ceux qui acceptent la proposition de la commission et refusent l'entrée en matière voteront oui, les autres voteront non... (Exclamations.)Madame la députée, si vous n'êtes pas contente, nous en discuterons plus tard ! Nous sommes en procédure de vote ! (Brouhaha.)S'il vous plaît ! (Le président agite la cloche.)Je prie celles et ceux qui refusent l'entrée en matière de voter oui, les autres voteront non ou s'abstiendront. Le vote est lancé. (Le président est interpellé.)Soyez attentifs ! Je l'ai déjà dit trois fois.
(Le tableau électronique affiche le résultat de 38 oui contre 29 non.) (Exclamations.)
Mesdames et Messieurs les députés, je dois vous dire qu'il est parfois difficile de présider ! Nous avons eu l'occasion, à plusieurs reprises... (Brouhaha.)Madame Schenk-Gottret, s'il vous plaît, écoutez-moi, au lieu de hurler dans la salle ! Donc, nous avons déjà eu l'occasion, quelques fois, de procéder à des votes de refus d'entrée en matière... Et la première fois que je vous ai soumis ce vote, j'ai fait comme d'habitude, j'ai dit: «Je prie celles et ceux qui acceptent l'entrée en matière de voter oui, les autres voteront non.» Et personne ne m'a compris ! Alors, j'aimerais bien savoir comment faire pour que tout le monde comprenne, parce que ce n'est visiblement pas le cas ! (Le président est interpellé.)
En l'occurrence, la majorité de la commission n'a pas été suivie... (Le président est encore interpellé.)Non ! Mais non ! La commission propose de ne pas entrer en matière ! Et vous, vous acceptez l'entrée en matière ! (Exclamations.)
Des voix. Non !
Le président. Monsieur Luscher, vous avez la parole.
M. Christian Luscher (L). Monsieur le président, il faudrait repasser la bande sonore et écouter comment vous avez posé la question ! Vous avez dit: «Ceux qui sont d'accord avec le rapport de la commission, qui propose de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi, voteront oui...». C'est la raison pour laquelle les députés des partis qui avaient refusé l'entrée en matière en commission ont voté oui. Et je crois que le vote a été compris dans ce sens par l'ensemble du parlement, sauf par vous, Monsieur le président !
Par conséquent, vous voudrez bien ne pas nous donner de leçon sur ce point ! Chacun a voté en comprenant très bien ce qu'il voulait voter ! (Exclamations.)
Le président. Merci, Monsieur le député ! Madame la rapporteure Janine Hagmann, vous avez la parole.
Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse. Monsieur le président, M. Luscher ayant dit exactement et clairement ce que je voulais dire, je peux arrêter là mon intervention... A la table des rapporteurs, j'ai prêté attention à ce que vous disiez, et vous nous avez bien demandé si nous acceptions le vote de la commission.
Le président. Merci, Madame la rapporteure. Monsieur le député Antonio Hodgers, vous avez la parole.
M. Antonio Hodgers (Ve). Merci, Monsieur le président. Je vous invite à consulter l'article 132, alinéa 3, de notre règlement, qui indique, à propos du premier débat: «La question est posée de façon que les partisans du projet initial ou du texte remanié par la commission aient à se prononcer affirmativement.» Par conséquent, vous devez mettre aux voix le projet de loi. Si le parlement le refuse, il vote non; il n'y a pas d'entrée en matière et le débat est clos. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Madame le sautier, puis-je lire cette disposition, s'il vous plaît ? (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Madame le sautier, je vous remercie de me montrer le règlement. (Le président prend connaissance de l'article 132, alinéa 3.)
Bien ! Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous faire voter à nouveau, il n'y aura ainsi pas de contestation. Nous allons voter comme d'habitude: je prie celles et ceux qui acceptent l'entrée en matière de voter oui; les autres voteront non ou s'abstiendront. Le vote électronique est lancé.
Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat par 40 non contre 33 oui.
Le président. Voilà ! Voilà ! Il est 18h, et je suis déjà fatigué, Mesdames et Messieurs les députés ! Nous passons maintenant au point suivant de notre ordre du jour, soit le point 35.