République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9116
Projet de loi de Mme et MM. Gilbert Catelain, Jacques Baud, Robert Iselin, Caroline Bartl, Jacques Pagan, Pierre Schifferli, Claude Marcet modifiant la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux (B 5 05) (Suppression de l'obligation de domicile)

Préconsultation

M. Gilbert Catelain (UDC). Ce projet de loi est encore plus convivial que le précédent, parce qu'il n'a pas été repris dans la liste des revendications des syndicats qui nous a été présentée hier...

De quoi s'agit-il ? La loi actuelle oblige les membres du personnel de l'Etat à avoir leur domicile et leur résidence effective sur le territoire de la République et canton de Genève... C'est le principe, mais il y a les exceptions... Cela veut dire que le principe de base est très restrictif: c'est une obligation de domicile. La loi a un peu vieilli, et on peut effectivement se demander si cette obligation légale a encore lieu d'être. D'autant qu'elle pénalise prioritairement les jeunes candidats à la fonction publique, qui ne trouvent pas de logement.

D'après les chiffres de l'office cantonal de la statistique, vingt mille personnes devraient être à la rue, si on tient compte du nombre de logements occupés, du nombre moyen de pièces par logement et du coefficient d'occupation par pièce, qui a été défini par cet office en 1990. Je le répète: ces considérations sont basées sur les chiffres de l'office cantonal de la statistique. Il y a donc un réel problème de logement à Genève - vous le savez mieux que moi - problème qui rejaillit sur l'Etat qui ne peut loger ses employés.

De plus, effectivement, comme vous l'avez dit tout à l'heure, cette exigence légale nous coûte cher, parce que, pour être plus attractif et pouvoir recruter, l'Etat a décidé d'embaucher dans la classe réelle du poste à pourvoir et non plus deux classes en dessous comme c'était le cas auparavant. L'Etat fait donc les frais de la pénurie de logements en devant engager les fonctionnaires dans la classe de base du poste à pourvoir.

Par ailleurs, cette exigence légale ne tient pas compte de l'évolution de la société. Il arrive de plus en plus fréquemment qu'au sein d'un couple la femme travaille dans le canton de Vaud et le mari dans le canton de Genève, ou inversement. La restructuration passée, et à venir, de la Poste est un exemple. Vous savez que, d'ici deux ans, le centre de Montbrillant sera quasiment fermé et que les employés devront probablement travailler dans le canton de Vaud, alors que leurs épouses continueront sans doute à travailler dans le canton de Genève. Et on ne pourra pas empêcher ces femmes de suivre leur mari dans le canton de Vaud ! (Commentaires.)

Le problème se posera aussi pour un employé de l'Etat marié, avec un enfant, qui vit dans un trois ou quatre-pièces, qui souhaitera obtenir un cinq-pièces lorsqu'il aura un deuxième enfant. Toujours d'après les chiffres de l'office cantonal de la statistique, les quatre et cinq-pièces représentent seulement 37% des logements. Il n'y a, par exemple, aucun cinq-pièces de libre sur la commune de Vernier... La seule solution pour cette famille type sera de quitter le canton de Genève, si elle veut absolument obtenir un cinq-pièces. (L'orateur est interpellé. Le président agite la cloche.)Ils sont de plus en plus nombreux !

En matière de recrutement du personnel, le critère principal ne doit pas être le lieu de résidence mais la concordance entre le profil du candidat et le cahier des charges. La situation actuelle privilégie l'engagement de collaborateurs fraîchement arrivés dans notre République, au détriment de ceux qui ont dû, malgré eux, quitter le canton de Genève pour déménager, par exemple, à Coppet, dans le canton voisin.

L'esprit de la modification légale qui vous est proposée est de transformer une tolérance en un droit, au même titre que les accords bilatéraux sur la libre-circulation des personnes ont transformé la tolérance pour un citoyen de l'Union européenne d'entrée en Suisse en un droit. D'ailleurs, l'adoption des accords de Schengen ouvrira ce droit d'entrée en Suisse, dès 2008, également à l'ensemble des ressortissants de pays tiers domiciliés dans l'Union européenne. Et, dans le même temps, ce canton voudrait que ses propres ressortissants fonctionnaires soient cantonnés, ad vitam aeternam, dans un mouchoir de poche ?

L'intérêt de notre République réside dans cette modification légale, et je vous invite à renvoyer ce projet de loi à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat.

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente,

puis présidence de M. Pascal Pétroz, président

La présidente. Monsieur le député, merci beaucoup. Vous avez parlé pendant 4'20'', malgré les allusions de certains... Monsieur Souhail Mouhanna, vous avez la parole. (Rires et exclamations.)

Une voix. 74 !

M. Souhail Mouhanna (AdG). 74 ! Merci, Monsieur ! J'apprends maintenant qu'il y a des 74 qui s'expriment... Mais il y a aussi de 1 à 95: ils sont internationaux !

Pour une fois, M. Catelain s'approprie une des anciennes revendications des syndicats de la fonction publique...

M. Claude Blanc. Les extrêmes se rejoignent toujours ! (Commentaires.)

M. Souhail Mouhanna. Monsieur Blanc, il y a des extrêmes qui sont tellement extrêmes qu'ils se trouvent de votre côté !

La présidente. Monsieur le député, il ne faut pas vous adresser à M. Blanc, mais à la présidence !

M. Souhail Mouhanna. Vous votez tout le temps ensemble depuis...

La présidente. Monsieur Mouhanna !

M. Souhail Mouhanna. Depuis que je suis là, je vous vois voter ensemble !

La présidente. Ne vous adressez pas à M. Blanc, si possible ! (Commentaires.)

M. Souhail Mouhanna. Bien ! En tout cas, ce qui me surprend, Monsieur Catelain, dans vos interventions sur tous les projets que vous signez, c'est que non seulement vous vous appropriez certaines revendications des syndicats de la fonction publique mais vous vous permettez de parler en leur nom ! A aucun moment, Monsieur Catelain, je ne vous ai entendu dire... Des milliers de personnes travaillent dans les services publics - comme vous le savez - et un certain nombre d'entre eux étaient dans la rue: dix à douze mille personnes...

M. Claude Blanc. Jusqu'à 17h. ! (Rires.)

M. Souhail Mouhanna. Mais, Monsieur Blanc...

La présidente. Monsieur Blanc, n'interrompez pas M. Mouhanna, s'il vous plaît !

M. Souhail Mouhanna. ...continuez à mépriser les gens: vous êtes leur meilleur mobilisateur ! Vous méprisez tellement les autres qu'ils finiront par vous remettre à votre place ! (Exclamations. La présidente agite la cloche.)Monsieur Catelain, à aucun moment je ne vous ai entendu dire que de tels éléments, qui concernent la vie des gens, devaient être discutés entre l'Etat patron et les personnes concernées !

Cela étant dit, nous sommes tout à fait favorables à ce que ce projet soit examiné dans une commission, mais, quoi qu'il arrive, notre position est claire: les éléments qui concernent la fonction publique doivent être négociés entre l'Etat patron, c'est-à-dire le Conseil d'Etat, et les représentants de la fonction publique.

Ce qui me surprend encore dans votre proposition, Monsieur Catelain, c'est ce que je lis... Je suppose que vous n'avez pas suivi les dernières nouvelles, selon lesquelles votre parti lancerait un référendum contre les bilatérales II. Vous dites, je cite: «Alors que le Conseil d'Etat ne cesse de marteler que nous vivons dans une région et que les frontières sont une entrave importante au développement de Genève, que ce même Conseil d'Etat a soutenu les accords bilatéraux, qui consacrent la libre circulation des personnes d'origine suisse et européenne et les espoirs qu'ils ont fait naître au sein de la population, le personnel de l'Etat de Genève reste confiné...» Vous parlez «d'espoirs», ce qui signifie que vous admettez déjà que la population nourrit beaucoup d'espoirs au niveau des accords bilatéraux... J'ai cru que vous exprimiez en quelque sorte l'avis de la population... Depuis le temps que vous vous exprimez au nom de la fonction publique, vous devez aussi vous exprimer au nom de la population ! Bientôt, vous vous exprimerez au nom du Grand Conseil et du Conseil d'Etat, et, ensuite, au nom de la galaxie !

Cela étant dit, Monsieur Catelain, nous attendons de voir sur quoi le Conseil d'Etat va pouvoir discuter avec le personnel. En tout cas, nous reconnaissons au Conseil d'Etat les prérogatives et la responsabilité de négocier, et c'est au personnel de dire s'il veut oui ou non de cette proposition, qui constitue comme je l'ai déjà dit, une ancienne revendication... (L'orateur est interpellé par M. Luscher.)Monsieur Luscher, vous êtes un avocat qui parlez beaucoup, et vous voulez encore empêcher les autres de parler ! Vous allez bien au-delà des plaidoyers que vous faites dans le cadre de votre profession: vous essayez de déstabiliser vos adversaires ! Vous ne réussirez pas avec moi, car je sais plaider, moi aussi, même si je ne suis pas avocat !

M. David Hiler (Ve). Il n'est pas utile de faire long sur ce sujet... L'évolution probable de ces prochaines années - c'est évident - fait qu'il n'est plus logique d'obliger les personnes qui travaillent pour l'Etat de Genève à résider dans le canton de Genève, d'autant plus que la loi comporte tellement d'exceptions - c'est toujours comme cela - que c'est se voiler la face de penser qu'on peut faire respecter une telle loi aujourd'hui. Les dérogations qui, il y a vingt-cinq ans, étaient accordées très parcimonieusement le sont maintenant plus que facilement. Je le répète, il n'y a pas lieu d'avoir un long débat sur cet objet: cela fait partie de la transformation structurelle de notre région.

C'est la raison pour laquelle nous acceptons volontiers le renvoi en commission de ce projet. Pour ce qui est de la négociation sur ce point précis, Monsieur Mouhanna, je crois qu'il faut surtout connaître le point de vue des organisations représentatives, pour pouvoir aller de l'avant sans perdre vingt-cinq heures de commission - en tout cas, je le souhaite !

M. Patrick Schmied (PDC). Ce projet de loi est en fait une très bonne surprise, de la part de l'UDC... Nous découvrons que ses membres parlent d'ouverture transfrontalière, des accords de Schengen: c'est un véritable plaisir !

Bien sûr, nous soutenons le renvoi de ce projet de loi en commission, parce qu'il faut bien reconnaître que cette clause est assez incroyable... Oubliez un moment que vous êtes Genevois et que vous habitez ici depuis longtemps, et imaginez que vous deviez expliquer à quelqu'un - il faut parfois se mettre à l'extérieur pour prendre du recul - qu'à Genève les fonctionnaires ne peuvent pas habiter ailleurs que dans le canton de Genève ! C'est tout de même assez étrange, surtout pour un canton qui ne cesse de se gargariser de son ouverture internationale et de donner des leçons, par ailleurs.

C'est une clause tout à fait archaïque, en dehors du fait, qu'il y aura toujours des exceptions liées à des fonctions bien particulières. Mais il faut inverser les exceptions plutôt que généraliser ce qui pourrait ressembler, si on regarde les choses avec un peu de recul, aux anciens passeports intérieurs, qui avaient cours dans l'ancienne Union soviétique.

M. Alain Charbonnier (S). Je voudrais revenir sur ce qui me semble être un paradoxe de la part de l'UDC, qui s'ouvre tout à coup aux accords bilatéraux, aux accords de Schengen... C'est merveilleux, c'est fantastique !

Je suis tout de même rassuré, si j'ose dire, par l'exposé des motifs, car ils n'ont pas oublié d'indiquer qu'un cas similaire s'est malheureusement déjà produit... De quoi s'agit-il ? Du cas d'un instituteur frontalier qui pourrait travailler à Genève ! L'UDC n'a pas changé: elle s'intéresse tout à coup aux Confédérés et au problème du logement à Genève, mais seulement pour les Confédérés ! Je le répète, je suis rassuré: l'UDC n'a pas changé !

Nous soutiendrons quoi qu'il en soit le renvoi de ce projet de loi en commission.

M. Pierre Weiss (L). Au Moyen-Age, le serf était attaché à la glèbe... Au XXe siècle, et au XXIe siècle encore, le fonctionnaire genevois est obligé, en tout cas selon la loi, d'habiter dans les 200 et quelque kilomètres carrés du canton ! Il ne peut légalement résider ni dans le canton de Vaud ni en France voisine. Voilà une disposition qui, je crois, paraît obsolète à chacun d'entre nous, et je suis heureux de constater que nous sommes d'accord, au moins sur ce point. Je suis d'autant plus heureux que je vois, comme l'a relevé mon collègue Schmied, une évolution significative de l'UDC sur ce sujet qui prend en considération l'importance à accorder aux relations transfrontalières, et, notamment, aux conséquences des accords de Schengen, qui ont été explicitement mentionnés.

L'égalité de traitement est chose importante, certes; il faut néanmoins considérer que certaines situations sont particulières... Je pense, par exemple, aux hauts fonctionnaires de l'Etat - je ne parle pas du chef du personnel de l'Etat, dans le passé - pour lesquels il est probablement préférable que leur conscience citoyenne leur dicte de résider dans ce canton... Ne serait-ce que pour en connaître les difficultés ! Ne serait-ce que pour avoir un lien plus étroit avec les citoyens qui y résident et qui rencontrent parfois ces mêmes difficultés ! De ce point de vue, je crois - sans vouloir maintenir les dispositions auxquelles il a été fait allusion - qu'il conviendrait toutefois de maintenir l'esprit de la loi et non la lettre. C'est une première raison qui me fait aborder positivement, mais tout de même avec quelques réserves, le projet de loi déposé par l'UDC.

Une deuxième raison me rend quelque peu prudent... Si, en ce qui concerne les fonctionnaires qui résident en France voisine, les conséquences fiscales sont mineures - il est même avantageux qu'ils résident en France - il n'en est pas de même pour ceux qui résident dans le canton de Vaud - et Mme Calmy-Rey l'a appris à ses dépens - car on sait qu'il n'y a aucune rétrocession fiscale. De ce point de vue, on voit bien que les conséquences seraient négatives pour les finances publiques, si, tout à coup, les fonctionnaires allaient s'établir en masse dans le canton voisin. Sans peindre le diable sur la muraille, je tenais à évoquer ce problème.

Avant de terminer sur le renvoi en commission, j'aimerais mentionner un point. Il serait bon que l'esprit citoyen de la résidence dans le canton anime non seulement tous les fonctionnaires mais aussi chacun des députés ou, en tout cas, chacun des candidats à ce Grand Conseil... (Exclamations.)On peut en effet avoir des doutes à cet égard !

Cela dit, Madame... Monsieur le président ! - je vois que vous avez repris votre place, Monsieur le président. Cela dit, je crois qu'il serait bon de renvoyer ce projet de loi à la commission ad hoc. Il s'intègre parfaitement au projet de loi plus général déposé par l'Entente. Je relèverai simplement encore au passage que cette commission risque bientôt d'être chargée de beaucoup de projets, si nous continuons à avoir autant d'imagination législative...

Le président. Merci, Monsieur le député. Je pars du principe que vous incluez Soral, bien évidemment, dans le canton de Genève... (M. Weiss répond hors micro.)Je n'en doutais pas un seul instant !

Ce projet est renvoyé à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat.