République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 22 avril 2004 à 17h15
55e législature - 3e année - 7e session - 39e séance
M 1585
Débat
Mme Morgane Gauthier (Ve). Je vais vous présenter cette motion... (Exclamations.)... en quelques minutes.
Elle concerne le bois de la Bagasse, qui se situe sur territoire français, dont environ 13% appartiennent à la Société immobilière Nord-Aviation. Ce bois est constitué de magnifiques chênes: c'est une chênaie à charmes.
Selon les prescriptions internationales en termes de sécurité aéroportuaire, seuls trente bouquets d'arbres crèvent le plafond de sécurité et posent problème. Nous ne nous opposons, pour notre part, absolument pas au respect des normes de sécurité aux abords de l'aéroport. Nous accepterions tout à fait que ces trente bouquets d'arbres soient abattus. Mais, suite à une visite sur place, nous avons constaté que la coupe des arbres ne concerne pas seulement les arbres incriminés mais bien davantage !
Le but de cette motion est de critiquer l'ampleur des abattages. Ces coupes sont disproportionnées en regard du but poursuivi... Effectivement, ces bois sont mal entretenus depuis ces dernières années et leur gestion est désastreuse.
Nous sommes en présence d'une aberration technocratique: on nous propose aujourd'hui de replanter sept mille arbrisseaux qui ne justifient en rien - en rien du tout - la coupe d'une forêt patrimoniale: cela va modifier l'écosystème et le biotope. De plus, on nous avait assuré qu'il n'y aurait aucun défrichement... Or une route traverse actuellement ces bois, et on parle bien de défrichement et d'abattage massif ! Il s'agit là d'un véritable massacre à la tronçonneuse !
Nous demandons que cette motion soit renvoyée d'urgence au Conseil d'Etat, sans passer par une commission. Nous demandons que les abattages stoppent immédiatement sur la parcelle appartenant à l'Etat de Genève, que les plans d'abattage et d'aménagement qui nous avaient été promis nous soient remis dans un délai le plus bref possible et que les préavis des services nous le soient également.
En conclusion, Monsieur Moutinot - je vous dis cela en toute amitié - je tiens à vous faire savoir que l'information que vous nous avez fournie n'était pas exacte ni exhaustive. Elle ne laissait en rien deviner l'ampleur de ces abattages... Je crois que vous n'avez pas joué le jeu ! Et je tiens à vous mettre en garde contre cette pratique, parce que, à l'occasion d'autres débats, nous pourrions penser que l'information que vous nous donnerez n'est pas exacte ni totalement complète.
M. Hugues Hiltpold (R). Il me semble important de rappeler en préambule que la sécurité aéroportuaire impose effectivement l'abattage d'un certain nombre d'arbres. On parle en l'occurrence de trente bouquets et non pas de plusieurs centaines. C'est le premier point.
J'imagine que le plan d'abattage correspondant à la mise en sécurité aéroportuaire a dû être établi par les propriétaires - soit une fondation de droit public - visé et approuvé par des services compétents, et, enfin, que la demande d'abattage sur territoire français a dû être effectuée sur la base de ce plan.
Si l'on se rend compte que l'abattage qui a lieu actuellement n'est pas conforme au plan qui a été approuvé pour améliorer la sécurité aéroportuaire, le Conseil d'Etat devra assumer la responsabilité qui est la sienne, car, si cet abattage est plus important que ne le prévoit ce plan, c'est un manquement grave, et il convient de le relever.
Cela étant, je dirai de la motion, telle qu'elle nous est présentée aujourd'hui, que les deux dernières invites sont parfaitement acceptables en l'état; par contre, la première ne l'est pas, dans la mesure où elle représente une ingérence de notre Grand Conseil genevois sur le territoire français. Mais l'on pourrait très bien imaginer spécifier qu'elle concerne uniquement la portion propriété de la fondation de droit public - en l'occurrence, l'Etat - et que l'abattage devrait être stoppé uniquement pour la partie qui sort de la mise en conformité de la sécurité aéroportuaire.
M. Sami Kanaan (S). Au-delà de l'appui que nous apportons à cette motion, j'aimerais insister sur l'amendement que nous avons présenté, qui répond précisément au souci de M. Hiltpold. Il modifie la première invite, car on ne peut effectivement pas demander au Conseil d'Etat de stopper des travaux, en l'occurrence sur le territoire français.
Cette invite indiquerait: «à tout entreprendre pour faire stopper immédiatement...», ce qui implique que le Conseil d'Etat accomplisse les démarches qu'il est en mesure d'entreprendre dans le cadre juridique existant.
En outre, nous vous invitons à voter le renvoi de cette motion ainsi amendée au Conseil d'Etat.
M. Claude Aubert (L). Il a été question tout à l'heure du niveau d'information qui a été donné concernant ces abattages... Ma question est relativement simple: d'où vient l'information selon laquelle quatre mille arbres vont être abattus ? (Commentaires.)
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés: je ne vous ai rien caché, je ne vous ai pas menti dans ce dossier. J'ai répondu certes rapidement dans le cadre d'interpellations urgentes... J'ai remis à ceux qui me l'ont demandé - apparemment, vous ne l'avez pas reçu, Madame Gauthier - le projet d'abattage. Bien entendu, il sera donné à tous ceux qui le veulent, au Grand Conseil in corpore. Et j'accepterai les invites 2 et 3 de votre motion.
Le projet d'abattage a été soumis par l'Etat français, en exécution de la convention qui oblige la France à limiter la hauteur des arbres. Ce projet a été préavisé favorablement par les services compétents en la matière, et, en tant que responsable des biens immobiliers de l'Etat, j'ai effectivement accepté qu'il soit exécuté.
Je dois ajouter deux éléments à ce débat. Le premier, c'est que ces abattages ne sont en aucun cas le prélude à une extension de la piste B ou à son bétonnage. Le deuxième, c'est qu'ils ne sont en aucun cas, non plus, le prélude ou les conditions nécessaires s'agissant du rectangle d'or. Ces deux points, qui font quelquefois l'objet de polémiques à ce propos, sont totalement hors du sujet.
Je me réjouis par ailleurs de vous fournir la totalité des documents de ce dossier pour vous démontrer que, contrairement à ce que vous avez dit, Madame Gauthier, je n'ai ni menti ni caché quoi que ce soit au Grand Conseil !
Par conséquent, j'accepte bien volontiers les invites 2 et 3. Pour ce qui est de la première invite, il ne me paraît pas envisageable que l'Etat de Genève revienne sur l'accord qu'il a donné en son temps aux autorités françaises.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais d'abord vous soumettre l'amendement proposé par MM. Sami Kanaan et Alain Charbonnier. Il vous a été distribué, il consiste à ajouter à la première invite «tout entreprendre pour faire», ce qui donne: «- à tout entreprendre pour faire stopper immédiatement tout abattage d'arbres...». Je vous soumets cet amendement au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 40 oui contre 1 non et 2 abstentions.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets maintenant l'adoption de cette motion et son renvoi au Conseil d'Etat, toujours au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.
Mise aux voix, la motion 1585 ainsi amendée est adoptée par 35 oui contre 7 non et 3 abstentions.
M. Rémy Pagani (AdG). Je suis très surpris de la position du conseiller d'Etat, M. Laurent Moutinot, qui vient de nous dire qu'il ne demanderait pas l'arrêt immédiat des abattages... En l'occurrence, vu le vote qui vient d'avoir lieu, il doit prendre acte de la position de la majorité de ce Grand Conseil... (Exclamations.)D'autant plus qu'un certain nombre de députés de droite s'y sont associés. J'espère donc que M. Moutinot nous donnera les plans d'abattage et se rendra sur les lieux, pour se rendre compte qu'il s'agit bien de l'abattage de plus de trois mille arbres: une bande de 500 mètres de large et d'un kilomètre de long ! Il ne s'agit donc pas seulement de l'abattage des arbres qui posent des problèmes de sécurité, mais, en réalité, de l'abattage du quart - ou presque - de cette forêt !
Le président. Monsieur le député, nous avons voté...
M. Rémy Pagani. Et je demande à M. Moutinot...
Le président. Le débat est terminé !
M. Rémy Pagani. ... de réfléchir, de ne pas se mettre en opposition totale avec ce parlement !
Le président. Bien, Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le cours normal de notre ordre du jour, avec le point 24 de notre ordre du jour, soit le projet de loi 9036-A. Vous vous rappelez sans doute que cet objet a été ajourné lors de nos séances des 1er et 2 avril.