République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 22 avril 2004 à 14h
55e législature - 3e année - 7e session - 38e séance
M 1559 et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Nous sommes en présence de quatre textes traitant d'un sujet commun, puisqu'ils concernent tous Palexpo. Nous évoquerons la problématique du centre de congrès, l'avenir de Palexpo ainsi que celui de Telecom. Je vous demande d'être attentifs, car je ne voudrais pas que, ne m'ayant pas écouté, vous exprimiez par la suite votre désaccord avec la procédure que je vous propose.
Ces quatre projets étant en étroite relation les uns avec les autres, il me paraît approprié de procéder à un débat groupé: chaque intervenant s'exprimera sur l'ensemble de ces textes, après quoi nous voterons successivement chacun de ces textes de manière à gagner un peu de temps. C'est la raison pour laquelle je donnerai la parole aux auteurs dans l'ordre où ils s'inscriront. Il se pourrait donc que l'un des auteurs du projet inscrit au point 119 ter s'exprime, par exemple, avant l'un des auteurs inscrits au point 119 bis. Etes-vous d'accord que l'on procède ainsi ? (Approbation de l'ensemble des députés.)Il en sera donc fait ainsi. La première personne inscrite est M. le député Blaise Matthey, à qui je donne la parole.
M. Blaise Matthey (L). Conformément aux voeux et directives que vous venez d'exprimer, mon intervention portera sur la proposition de résolution 486. Ce texte se veut davantage prospectif que rétrospectif ou introspectif. Je m'explique: nous savons ce qui s'est produit s'agissant de Telecom 2006. Nous avons eu l'occasion de prendre connaissance des problèmes rencontrés. Certains d'entre eux ont, manifestement, été exagérés. Il ne s'agit évidemment pas de nier ces problèmes, mais d'en faire la liste et d'attribuer à chacun d'entre eux le poids réel qui est le leur. Si l'on évoque par exemple les problèmes d'hôtellerie, il faut savoir que ces derniers n'ont joué, dans cette affaire, qu'un rôle mineur. Il faut en l'occurrence bien savoir de quoi l'on parle puisque, comme on le sait, il existe des intermédiaires - et ces intermédiaires sont peu scrupuleux. La cellule mise en place l'année dernière à l'occasion de Telecom 2003 avait dénombré 19 cas d'abus dans ce secteur dont, précisément, une majorité de cas concernant des intermédiaires. On ne peut donc pas accuser les hôteliers genevois d'être responsables du départ de Telecom.
Cela dit, des problèmes il y en a. Des problèmes, il y en a eu dans le passé. Je suis, depuis les premières éditions de Telecom, bien placé pour les connaître puisque j'ai eu l'occasion de me pencher sur la question des transports. Cette problématique ayant été largement traitée en concertation avec les milieux professionnels, nous étions parvenus à répondre aux demandes émises en son temps par l'UIT - demandes parfaitement fondées. Il y a certainement une série d'autres éléments à prendre en compte. L'exercice possède sans doute, de ce point de vue, un caractère quelque peu rétrospectif et introspectif.
Ne se livrer à la catharsis n'a toutefois de sens que si l'on se projette dans l'avenir. Or, l'avenir, c'est, avec le départ de Telecom, la possibilité d'accueillir d'autres expositions - car il y aura des plages disponibles et que le marché des expositions a considérablement évolué. Comme vous le savez, ce marché est, à l'heure actuelle, davantage un marché d'expositions spécialisées. Nous disposons, à cet égard, d'infrastructures que l'on nous envie ailleurs en Europe. Croyez-moi ! Ce n'est pas moi qui l'affirme, mais c'est un spécialiste anglais avec lequel j'ai récemment eu l'occasion de discuter. Ce spécialiste a relevé que les infrastructures dont nous disposions étaient extraordinaires - qu'il s'agisse du centre d'exposition, de l'aéroport, des chemins de fer, des autoroutes ou encore des infrastructures en matière d'accueil. Nous avons donc cette chance, et la pire des choses serait de la galvauder en ne permettant pas l'utilisation, dans le futur, de cette infrastructure pour d'autres expositions. Je sais pertinemment que l'on y travaille, mais il est temps de faire le point sur cette problématique. C'est à cela que vous invite cette résolution.
Cette résolution ne s'arrête cependant évidemment pas aux seules expositions: elle s'intéresse également à la réalisation du centre de congrès. Comme vous le savez, ce centre de congrès n'est pas lié à la seule exposition Telecom, mais il s'adresse également à une série d'autres manifestations, répondant ainsi à des besoins qui ne sont actuellement pas couverts dans la cité s'agissant d'un certain nombre de grands congrès. Il s'agit, là aussi, de faire le point sur la situation et de réfléchir aux manifestations que nous pourrions accueillir. Genève n'est pas la seule à vouloir attirer des congrès. Nous savons que des centres de congrès se sont construits ailleurs en Europe. Nous connaissons notamment les centres de Barcelone et de Valence, qui sont extrêmement bien conçus. Ceci étant, je vous assure que, si on les compare à celles des autres villes, Genève n'a pas à rougir de ses infrastructures ! Il nous manque cependant une partie de cette infrastructure - infrastructure qui ne pourrait que renforcer une Genève internationale que l'Entente appelle à faire preuve d'une plus grande dynamique et d'une meilleure coordination dans ses actions. Vous serez très prochainement saisis d'un rapport de commission à ce sujet.
Il faut aller de l'avant par rapport à ce centre de congrès; il faut achever le travail commencé en toute connaissance de cause. Il ne s'agit évidemment pas de nier les problèmes susceptibles d'être rencontrés, ni de cacher les chiffres - cela n'a jamais été l'intention ni des uns ni des autres. Mais il faut se donner les moyens de continuer à jouer le rôle qui est le nôtre sur le plan international. Sinon, alors oui, il est certain que nous ferons des centres de foires locales à Genève - ce que personne ne souhaite !
Je vous invite, Mesdames et Messieurs, à renvoyer la proposition de résolution 486 au Conseil d'Etat. Je vous invite à faire de même s'agissant de la proposition de motion 1582 déposée par les députés socialistes, car ce texte va également dans le sens de la réalisation du centre de congrès. Nous ne pourrons en revanche pas appuyer les motions 1584 et 1559, car ceux qui les ont déposées ne souhaitent pas la réalisation de ce centre de congrès. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Bien que nous traitions simultanément l'ensemble de ces points, je m'efforce, dans la mesure du possible, de donner en premier lieu la parole aux auteurs de ces divers projets. C'est la raison pour laquelle je donnerai la parole à M. le député Sami Kanaan, puis à M. le député Christian Grobet, de sorte que tous les auteurs auront pu s'exprimer. Voyez comme je respecte les droits démocratiques des députés ! Nous reprendrons ensuite la liste telle qu'elle s'inscrit sur vos écrans. La parole est à M. le député Sami Kanaan.
M. Sami Kanaan (S). Merci, Monsieur le président. Le climat printanier vous réussit ! Je m'inscris, sur de nombreux points, dans la prolongation des propos tenus à l'instant par notre collègue Blaise Matthey. Le fait que ce débat n'ait lieu qu'aujourd'hui - et non le 1er ou le 2 avril - possède un avantage: la passion est quelque peu retombée - ce qui est salutaire. Concernant Telecom 2006, personne ne conteste que des facteurs n'étant pas spécifiquement liés à Genève ont certainement pesé lourd dans la balance. Je pense en particulier aux perspectives offertes par les marchés asiatiques. Toutefois, attribuer l'entière responsabilité de la non-attribution de Telecom 2006 à des facteurs externes serait tout aussi hâtif, car des facteurs locaux ont certainement aussi joué un rôle.
Notre motion demande simplement que l'on nous fournisse quelques explications à ce sujet. A ce stade, on n'accuse personne. Au vu de la taille microscopique de Genève par rapport à d'autres agglomérations qui tentent d'attirer petites ou grandes conférences, il est néanmoins évident que, si nous ne tirons pas tous à la même corde, nous diminuons nettement nos chances.
M. Gabriel Barrillier. Ah ben ça, c'est bien dit !
M. Sami Kanaan. Or, l'on ne peut s'empêcher d'avoir l'impression que, dans ce dossier, nous n'avons pas tous tiré avec la même énergie, avec le même enthousiasme et avec la même franchise à la même corde. Cela mérite une explication car, si le secteur économique du marché des congrès et des séminaires est porteur pour Genève - et je suis d'accord avec ce point - on ne peut gagner sur ce marché que s'il existe une véritable unité de doctrine de la part de l'ensemble des secteurs concernés. Le hasard veut que la commission des transports ait le grand plaisir de traiter la problématique des taxis, ce qui nous enseigne une foule de choses sur certaines pratiques douteuses. Lorsqu'un homme d'affaires se retrouve avec une facture de 200 francs pour un trajet entre son hôtel cinq étoiles et l'aéroport, il ne discute pas le prix car il doit prendre son avion mais, il a beau en avoir des moyens, il quitte Genève et n'y revient plus. Il y a là deux ou trois éléments que nous aurions tous intérêt à ajuster.
S'agissant de Telecom 2006, on a parlé de drame et d'une perte de 250 millions. Nous aimerions disposer d'éléments plus objectifs permettant, au-delà des déclarations émotionnelles faites sur le moment, de mesurer ce que représente réellement la non-attribution de Telecom 2006. Cette non-attribution est-elle vraiment aussi grave - et, le cas échéant, pourquoi ? Les vieux problèmes liés à l'hôtellerie ont-ils été réglés ou non dans le dossier genevois ? Y a-t-il eu des manquements ? On a réellement besoin d'obtenir des réponses à ces questions, non pour régler des comptes, mais pour en tirer des leçons pour l'avenir.
Il est également possible que l'on ne discute pas suffisamment de politique économique dans ce Grand Conseil. En fin de compte, quel est notre intérêt ? Est-ce d'accueillir une mégaexposition comme Telecom qui, outre les bénéfices qui en sont retirés sur certains plans, génère également de nombreuses nuisances compte tenu de la petite taille de la collectivité genevoise ? Cet événement génère, par exemple, beaucoup de trafic - dont la gestion est toujours difficile, et ce sur tous les plans. Ou est-ce, comme l'a indiqué M. Matthey, de recevoir une succession de congrès et de séminaires professionnels qui attirent certes moins de monde, mais qui reviennent régulièrement ? Cela assurerait une certaine régularité dans l'utilisation de cette infrastructure et serait également symbolique du fonctionnement de l'économie genevoise: on serait moins dépendant des gros sous de l'économie mondiale si l'on assurait une plus grande stabilisation et une plus grande diversification de l'économie genevoise plutôt que de chercher à obtenir des grands raouts qui nous dépassent. Je ne fais là que poser une question dont je ne détiens pas forcément la réponse. Il est en tout cas certain que l'on doit développer une stratégie globale. Je vous donne un autre exemple: nous savons que notre offre hôtelière souffre d'une faiblesse chronique au niveau intermédiaire - niveau correspondant plus ou moins à des hôtels trois étoiles. Certaines chaînes commencent à s'établir à Genève - et c'est heureux -, mais il ne faut pas oublier qu'une bonne partie des participants à ces congrès et séminaires ne peuvent pas se payer le luxe d'hôtels cinq étoiles. Bref, il y a du travail dans ce domaine !
Nous souhaitons que le Conseil d'Etat nous fournisse les bases d'une discussion approfondie sur cette question. D'où notre motion, qui demande simplement un rapport circonstancié sur ces divers aspects. Nous pouvons également accepter le renvoi au Conseil d'Etat de la résolution de l'Entente. Cette résolution ne nous pose aucun problème à ce stade puisque nous sommes, a priori et sous réserve du projet qui sera présenté, favorables à la réalisation d'un centre de congrès. Nous ne sommes pas, non plus, opposés aux chiffres demandés par l'Alliance de gauche: il est légitime qu'avant de voter la construction d'un nouveau centre de congrès, on dispose de chiffres détaillés sur la situation actuelle. Je répète toutefois que nous sommes, a priori, favorable au principe de la réalisation de ce centre de congrès.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Christian Grobet.
M. Christian Grobet (AdG). Ce débat est évidemment en relation avec Telecom 2006. Certains s'étonnent que cet événement n'ait pas lieu à Genève. On évoque des arguments qui, selon moi, prêtent à sourire. Même si les hôteliers crachent quelque peu dans la soupe et que d'autres personnes ont profité de cette exposition, il faut cesser de divaguer: il est déjà miraculeux que cette exposition soit restée aussi longtemps à Genève ! Il ne faut pas s'étonner que cette exposition ait aujourd'hui lieu en Asie, et plus particulièrement en Chine.
Je puis vous assurer que, lors de la prochaine édition de Telecom à Hong Kong, il y aura une affluence tout autre que celle qu'il peut y avoir à Genève ! Il nous faut ouvrir les yeux et prendre conscience du fait que ce genre de manifestation passera désormais d'une ville à l'autre. C'est comme les Jeux Olympiques: qui accepterait que les Jeux Olympiques se déroulent tous les quatre ans dans la même ville ?! Tous les pays, en particulier les pays asiatiques, tenteront de s'arracher Telecom; les pays ayant encore plus besoin que chez nous d'installations téléphoniques portables joueront désormais un rôle extrêmement important.
Cela me permet de rappeler qu'il y a cinq ans déjà, nous avions mis en garde le Conseil d'Etat et le Grand Conseil sur l'extrême danger qu'il y avait à miser sur Telecom et qu'il fallait considérer la venue de cette manifestation comme aléatoire. Il est à cet égard réconfortant d'avoir entendu en commission des finances, dans le cadre de l'examen du projet de loi sur la privatisation de Palexpo, un expert immobilier, qui n'est pas du tout de notre bord, relever que Telecom n'offrait qu'un équilibre financier extrêmement fragile pour Palexpo et qu'il fallait précisément tenter de sortir de cette dépendance. Je précise que cette remarque a été faite avant que la décision d'organiser la prochaine édition de Telecom à Hong Kong ne soit prise. On sait, du reste, que tout fournisseur de prestations qui ne compte qu'un seul gros client prend des risques considérables lorsque ce client vient à le quitter. Je vous annonce déjà que nous nous opposerons formellement au projet de loi sur la privatisation de Palexpo - le cas échéant, par voie de référendum. Contrairement à ce que l'on peut en dire, il s'agit bien d'un projet de privatisation.
Je persiste à dire, au nom de l'Alliance de gauche, qu'une grave erreur a été commise il y a cinq ans en réalisant, à un coût faramineux, une extension du Palais des expositions afin de tenter de conserver Telecom dans notre canton. Depuis vingt-cinq ans, les pressions de la part de l'UIT ont été considérables; tous les huit ans, on a agrandi Palexpo pour les besoins de Telecom. Le premier agrandissement était de nature à rendre service, puisqu'il s'agissait de l'achèvement du bâtiment. Ce premier agrandissement était compréhensible. Avec la halle 7, on se trouvait déjà à la limite du raisonnable. Ce bâtiment est, du reste, totalement sous-utilisé et non rentabilisé. Quant à la halle 6, elle constituera un fardeau financier important dont il s'agira de voir comment il pourra être assumé.
Je précise immédiatement que l'on ne retire aucune satisfaction, bien au contraire, d'avoir a posteriori eu raison sur la fuite en avant préconisée par les dirigeants de Palexpo. Ces derniers n'ont malheureusement pas eu - et n'ont toujours pas - les pieds sur terre. On nous a affirmé que de grandes expositions se tiendraient dans la halle 6 - car Orgexpo et la Fondation du Palais des expositions ont dû admettre que cette halle ne pourrait pas être rentabilisée sans la venue de deux ou trois grandes expositions. Or, depuis les promesses faites il y a cinq ans de cela, non seulement aucune nouvelle grande exposition ne s'est déroulée à Genève, mais il ne nous a été donné aucune perspective d'en accueillir une !
Il est évidemment extrêmement difficile d'attirer des grandes expositions, quelles qu'elles soient, dans une ville - et plus particulièrement à Genève. Il est vrai que cette dernière jouit d'une bonne situation géographique, mais il ne faut pas oublier que le potentiel de visiteurs y est beaucoup plus faible que pour certaines grandes villes d'Europe. Ne parlons pas des villes chinoises: Shanghai compte 25 millions d'habitants, Pékin 15 millions, Hong Kong 12 ou 15 millions. Comment voulez-vous que l'on prétende accueillir de grandes expositions ?! Il me semble que l'on a totalement perdu le sens de la réalité !
Il est maintenant temps de réfléchir aux mesures à prendre. Je pense notamment au maintien du centime additionnel - qui était limité dans le temps - afin d'assurer l'amortissement de la halle 6. Cela constitue pour nous la priorité des priorités. Quant à s'engager dans la construction d'un centre de congrès, cela nous paraît totalement irréaliste. Les promoteurs de cette idée ont, du reste, admis devant la commission des finances de ce Grand Conseil que cette salle ne serait pas rentable. Chacun sait que, lors de congrès, il faut quasiment mettre les salles gratuitement à disposition. Ce qu'Orgexpo espère, c'est qu'en disposant d'une salle de congrès, on attirera ces fameuses grandes expositions que l'on nous promet depuis cinq ans.
Eh bien, je pense pour ma part que nous ne pouvons absolument pas prendre ce risque. Le coût de cette salle - 130 millions de francs - est totalement démentiel. On a déjà commis l'erreur de construire une halle de 20 000 mètres carrés seulement qui a, de fait, coûté 200 millions. Aucun centre d'exposition en Europe, que ce soit ceux situés à proximité d'Orly ou de Hanovre, ne construit des bâtiments à ce prix-là, avec un coût d'amortissement aussi insupportable. Il faut maintenant savoir raison garder. C'est pourquoi nous nous opposerons fermement à cette fuite en avant qui consiste à réaliser une hypersalle de congrès.
Genève dispose déjà d'un nombre important de salles de congrès. Ces salles ne peuvent peut-être pas accueillir 10 000 personnes, mais je vous signale que l'Arena a notamment été conçue pour recevoir des congrès. Or, Orgexpo a fait preuve d'une rivalité ridicule à l'encontre de cette salle qui, je vous le rappelle, est gérée par une fondation indépendante. Il serait possible d'utiliser l'Arena pour accueillir des congrès, mais l'enfant gâté qu'est Orgexpo se refuse à cela et réclame sa propre salle - ce qui revient à dédoubler les investissements. Tout cela est totalement déraisonnable !
Nous nous battrons contre cela ! Comme nous l'avons déjà annoncé, l'Alliance de gauche lancera un référendum, et ce pour lutter tant contre la privatisation d'Orgexpo telle que proposée par le Conseil d'Etat, que contre la construction d'une salle de congrès à un prix pharaonique. Nous avons déjà eu l'occasion de lancer un certain nombre de référendums et, jusqu'à présent, nous avons toujours réussi à récolter des signatures. Je ne pense pas que nous aurons beaucoup de difficultés à en récolter s'agissant de l'objet dont on discute aujourd'hui !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Patrick Schmied.
M. Patrick Schmied (PDC). Je m'exprimerai plus particulièrement sur la motion 1582 du groupe socialiste concernant Telecom. Je ne doute pas que le Conseil d'Etat n'aura aucune peine à répondre à toutes les invites de cette motion. Je ne doute pas non plus qu'il n'oubliera pas d'évaluer l'impact qu'ont eu sur cette décision certains propos irresponsables au sujet d'esclavagistes et autres grèves de policiers le jour de la manifestation. Au-delà de cette motion, il faut, comme l'indique l'exposé des motifs, que cet échec remplisse une fonction pédagogique. En d'autres termes, il doit nous inviter à nous livrer à un examen de conscience collectif. Dans cette perspective, j'ai été heureux d'entendre mon collègue Kanaan appeler à tirer à la même corde. Cet examen de conscience doit nous permettre de déterminer si les Genevois veulent que leur ville reste une ville d'accueil internationale, s'ils sont prêts à regarder au-delà de la frontière française et à prendre conscience de ce qui se passe dans ce vaste et brutal monde. Il s'agit de savoir si les Genevois sont prêts à fournir un effort pour conserver cette vocation de ville internationale d'accueil ou s'ils veulent continuer de se comporter comme des enfants gâtés dont la réputation est de vouloir à la fois le beurre et l'argent du beurre.
Pour le PDC, il convient, après cet échec, non pas de s'asseoir sur son derrière et de réfléchir dans une attitude défaitiste, mais de redoubler d'efforts pour que notre canton reste ce lieu d'accueil de qualité supérieure, garant qu'il est du bien-être de la population. Quant à savoir si l'on aurait dû payer plus ou moins cher pour la halle 6, il faut se souvenir que les conditions de réalisation de cette halle avaient été établies sur la base d'une erreur précédente, qui avait consisté à ne pas étendre Palexpo à un emplacement qui aurait été moins onéreux.
Le PDC propose de renvoyer directement la motion 1582 au Conseil d'Etat. Il soutient par ailleurs bien évidemment la résolution 486, qui demande un centre d'accueil à la hauteur des ambitions de Genève.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Loly Bolay.
Mme Loly Bolay (S). La perte de Telecom était-elle prévisible ? Etait-elle inéluctable ? On nous avait assuré que Genève avait un dossier béton. Mais notre canton pouvait-il faire face aux marchés porteurs d'Asie ? On nous a également fait savoir que Genève souffrait d'un maillon faible, à savoir la fibre optique. Dans ce domaine, peut-être Hong Kong dispose-t-elle d'une technologie beaucoup plus pointue ? Pourtant, des erreurs énormes et inacceptables ont été commises. Mon collègue Sami Kanaan a évoqué le mouton noir que sont les taxis. Il y a également eu le mouton noir de l'hôtellerie. C'est ainsi qu'au Grand-Saconnex certaines chambres d'hôtel ont triplé au moment de l'ouverture de Telecom ! Il s'agit là de comportements inadmissibles qui portent une atteinte considérable à l'image de Genève.
Je souhaite revenir sur les propos qui nous ont été tenus il y a cinq ou six ans: on nous avait déclaré que la halle 6 devait être construite pour les besoins de Telecom. Mais avait-t-on imaginé, à l'époque, que l'on pourrait perdre Telecom - ce dont la preuve est aujourd'hui faite ? Et avait-on prévu de compenser la perte de Telecom par d'autres grandes manifestations ? M. Carlo Lamprecht nous a fait savoir que 2004 et 2005 seraient des années fastes pour Palexpo. Alors, quelles sont ces grandes manifestations prévues ? On sait, par exemple, que le Salon de l'horlogerie s'y déroule à l'heure actuelle. Dans le domaine de la médecine, plusieurs séminaires importants auront également lieu à Palexpo cette année. Giardina est en outre prévu pour 2005. Toutes ces grandes manifestations pourront-elle cependant combler la perte des 250 millions engendrée par le départ de Telecom ?
On vous l'a dit, le parti socialiste n'est pas opposé à la construction d'une salle de congrès. Au préalable, des questions pertinentes ont toutefois été posées, et par la motion socialiste, et par la motion de l'Alliance de gauche: quelle est la rentabilité de la halle 6 ? Et comment financera-t-on les 130 millions nécessaires à la construction de la salle de congrès, sachant que l'on veut réaliser des économies et que l'on doit veiller à la situation financière du canton ? Il n'y a pas péril en la demeure s'agissant de la construction de la salle de congrès, mais certaines questions méritent au préalable d'obtenir des réponses.
Cela dit, j'aimerais conclure sur une note positive. On dit qu'à tout malheur, bonheur est bon. Peut-être la claque reçue par Genève est-elle une chance, car elle lui permettra de mieux rebondir en tenant compte de toutes les fautes commises par le passé et des erreurs contenues dans le dossier présenté par Genève !
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme la députée Sylvia Leuenberger.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). J'ai l'impression que l'on a, sous la pression économique, réalisé des projets très ambitieux dont la rentabilité a échoué parce que l'offre était trop ciblée par rapport à la clientèle. Je pense notamment à Telecom, qui n'a pas suivi. Dès lors, la prudence s'impose. Faut-il vraiment repartir immédiatement dans la réalisation de ce mégaprojet qu'est le centre de congrès ? Cela ne me paraît pas du tout judicieux. De peur que Genève ne soit pas compétitive sur le plan international, la droite veut foncer tête baissée en réalisant le plus rapidement possible ce centre de congrès. Or, comme l'a indiqué M. Grobet, il conviendrait plutôt de tirer un bilan de la situation actuelle et d'élaborer un véritable plan financier. Je rappelle qu'un projet de loi relatif à la restructuration juridique et financière du complexe Palexpo - halle 6 en vue de la construction d'un centre de congrès a été déposé l'an dernier par le Conseil d'Etat. Ce projet est actuellement à l'étude en commission de l'économie et, me semble-t-il, des finances. On ne pense pas que le fait de proposer une privatisation soit forcément la meilleure solution, mais cette proposition possède au moins le mérite d'ouvrir le débat et de fournir une base solide pour restructurer Palexpo - qui présente des problèmes depuis longtemps.
Je me demande par ailleurs, en tant que Verte, si ce n'est pas l'occasion de s'interroger sur ces mégaprojets. Sont-ils encore économiquement rentables ? Ecologiquement soutenables ? Et socialement indispensables ? Ne devrait-on pas commencer à réfléchir de façon novatrice, en se basant sur le principe de la diversité ? N'est-il pas préférable d'attirer un plus grand nombre d'expositions de taille plus modeste mais variées, qui tiendront le coup sur la durée, qui résisteront aux aléas économiques et qui relèvent du développement durable ? C'est dans cette direction que les Verts s'orienteront. Nous estimons qu'il n'y a, en l'état, aucune urgence à réaliser ce centre de congrès. Comme l'ont relevé mes préopinants, il convient d'analyser la situation financière de Palexpo et d'établir un plan financier quadriennal. Si l'on parvient à rentabiliser cette halle 6, on pourra, dans un deuxième temps, s'interroger sur la nécessité d'un centre de congrès et sur son éventuelle réalisation avec des partenaires multiples et variés.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Pierre Kunz.
M. Pierre Kunz (R). La perte de Telecom est certes un coup dur mais, pour tous ceux qui savent ce qu'est la concurrence, ce n'est pas une surprise colossale. Seuls les naïfs pouvaient en effet croire qu'il suffisait de construire la halle 6 pour que Genève garde Telecom pour toujours - au même titre que seuls les naïfs peuvent croire qu'il suffit de construire une université pour accumuler les prix Nobel... Et seuls les aveugles peuvent imaginer que nous ne subirons pas d'autres échecs, d'autres défaites, dans l'énorme redistribution qui se produit sous nos yeux depuis quelques décennies sur cette planète entre les pays nantis du Nord, les pays en développement du Sud et les pays émergents à l'Est. Comme l'a relevé M. Grobet et fort heureusement pour eux, le développement de ces pays, favorisé par la mondialisation - mais cela, il ne l'a pas dit - se poursuivra et continuera, il faut que nous l'acceptions, à bouleverser nos certitudes et à remettre en cause ce que certains s'évertuent à appeler encore nos «droits acquis». Le départ de Telecom constitue une démonstration éclatante du fait que c'est par leur travail, par leur ingéniosité et par leurs compétences que ces pays améliorent les conditions d'existence de leurs populations - souvent à notre détriment - bien plus que grâce à nos aides charitables. Le temps est bien fini où, grâce à notre protectionnisme, grâce à nos cartels, grâce à notre corporatisme, nous pouvions tout prévoir, tout calculer, tout accumuler et tout garder !
M. Pierre Weiss. A notre manque de libéralisme !
M. Pierre Kunz. Absolument ! Mais refusons de nous lamenter, de rechercher des coupables à tout prix et de nous focaliser sur les calculs d'apothicaire auxquels nous invitent les textes de l'Alliance de gauche ! Ces calculs et ces interrogations ne sont certes pas totalement inutiles, mais ils ne constituent pas une politique pour construire l'avenir de Genève - pas plus, d'ailleurs, que le pessimisme qui les entoure et qui a été exprimé par plusieurs des préopinants.
Palexpo et la halle 6 ne sont pas des erreurs ! Au même titre que notre infrastructure routière, que nos bâtiments scolaires, que notre université, que notre patrimoine historique, que notre cathédrale, ce sont des atouts dont les collégiens peuvent certes chiffrer la valeur comptable, mais dont la véritable valeur réside dans ce que nous voulons vraiment en faire, dans la manière dont nous entendons construire notre avenir. Elle réside dans la somme d'efforts et d'ingéniosité que nous sommes prêts à mettre en oeuvre pour cela.
S'agissant de cet avenir et de sa formulation, je ne peux m'empêcher de déplorer une fois de plus, au nom du groupe radical, le rôle quasiment inexistant du Conseil d'Etat. Depuis près de quinze ans, ce dernier s'est montré incapable de comprendre ce qui dans le monde change et nous chahute, d'en tirer les conséquences sociales, économiques et financières ainsi que les choix qui s'imposaient et de nous montrer pourquoi et comment nous devions rompre avec nos égoïsmes et nos faiblesses de nantis et, comme l'a dit M. Schmied, d'enfants gâtés.
La perte de Telecom n'est ni un drame, ni une catastrophe: c'est une épreuve. A nous de trouver des manifestations et des revenus de substitution, en retroussant nos manches et en continuant d'investir dans ce que nous savons mieux faire que d'autres - en particulier dans l'accueil des grands congrès. Les grandes épreuves, disait le poète, quand on n'en meurt pas, nous grandissent. Et de cette épreuve, Genève ne mourra pas. A nous et au Conseil d'Etat de faire en sorte que Genève en sorte encore plus forte et plus attrayante qu'avant ! Voilà pourquoi le groupe radical vous invite à adresser la résolution 486 ainsi que la motion 1582 au Conseil d'Etat et à rejeter les deux autres textes.
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Gilbert Catelain.
M. Gilbert Catelain (UDC). Je m'exprimerai sur la motion 1582 et sur la résolution 486. Concernant la proposition de motion 1582, le groupe UDC soutiendra son renvoi au Conseil d'Etat. Ce dernier risque toutefois d'être emprunté pour répondre à certaines des questions qui lui sont adressées dans la mesure où il est à la fois juge et partie.
A partir du moment où vous êtes candidat et que vous vous trouvez en concurrence avec d'autres villes, il faut accepter la défaite - et il ne suffit pas, comme l'a démontré Sion 2006, de posséder le meilleur dossier technique pour remporter la mise. Pour ceux qui connaissent Hong Kong, la démonstration sera rapidement faite que cette ville ne soutient pas forcément la comparaison avec Genève sur le plan technique. Les problèmes d'hôtellerie qui se sont posés à Genève risquent, au demeurant, de se poser également à Hong Kong. Je ne pense donc pas qu'il faille chercher là un facteur essentiel dans le choix de Hong Kong pour l'organisation de Telecom 2006. D'autres pistes devraient, en revanche, être explorées. Je crois savoir que le chef du département de l'économie s'est récemment rendu dans l'entreprise de production d'un grand groupe mondial de micro-électronique, STMicroelectronics. Vous savez que ces grandes entreprises sont très actives dans le domaine des télécommunications; STMicroelectronics fabrique, par exemple, des microprocesseurs - notamment pour les téléphones portables. On sait d'ailleurs que ce parlement n'est pas très favorable en matière de téléphonie mobile... Cette production, qui avait auparavant majoritairement lieu en Occident, s'est déplacée ces dernières années - notamment depuis l'an dernier - en Asie du Sud-Est, et ce pour une raison très simple: indépendamment de l'évolution favorable du marché dans cette région, toutes ces grandes entreprises facturent en dollars. Or, lorsque vous examinez le taux de change entre le dollar et l'euro - puisque ces entreprises produisent en euros -, cela commence à faire mal ! Il est probable que la cherté de l'euro - et, partant, du franc suisse, puisqu'il est calqué sur l'euro - ait pesé dans la balance. Je vous rappelle que la valeur de l'euro a considérablement augmenté ces deux dernières années. Or, on n'a, jusqu'à présent, pas voulu tenir compte de ce facteur.
Nous soutiendrons donc le renvoi de la motion 1582 au Conseil d'Etat, même si le Conseil d'Etat ne pourra probablement y répondre que de façon partielle. Je doute que l'UIT donnera les raisons de son choix en faveur de Hong Kong. Je ne pense donc pas que le Conseil d'Etat disposera de tous les éléments pour répondre aux questions qui lui sont posées dans cette motion. Il faut toutefois accepter le choix qui a été fait, et ne pas forcément l'interpréter comme un échec: on s'est mis sur les rangs et on a fait le maximum pour obtenir Telecom 2006, mais on n'a pas été choisi. Cela ne doit pas nous empêcher d'envisager une nouvelle candidature pour 2010.
Quant à la résolution 486, le groupe UDC la soutiendra, puisqu'il en est l'un des signataires. Le centre de congrès est un objet dont le coût tourne autour de 115 000 000 F. Or, ce parlement a voté des objets d'une importance financière beaucoup plus grande. Je pense notamment au CEVA, dont on sait qu'il sera déficitaire et dont on n'est même pas certain que la liaison ferroviaire sera fréquentée par un certain nombre de passagers. On souhaite néanmoins, à l'unanimité, réaliser ce projet - et ce alors qu'il nous faudra y consacrer au moins 400 000 000 F. On pourrait également imaginer que, si l'on repoussait le projet CEVA d'un ou deux ans, on pourrait construire en parallèle le centre de congrès.
Ceci mis à part, je rappelle que la réalisation d'un centre de congrès constitue un projet régional. Nous menons une politique régionale; on nous demande de penser régional, de penser international. La France étant intéressée par ce projet, peut-être devrions-nous intensifier les contacts avec nos voisins français de manière à permettre la réalisation de ce centre de congrès. Je rappelle également qu'une partie de l'infrastructure hôtelière liée à l'organisation de ces foires profite à la France. Il n'est que d'observer l'ensemble de l'infrastructure hôtelière qui s'est construite ces trois, quatre ou cinq dernières années autour de la couronne genevoise, dans la zone frontalière. Je pense que la France est tout aussi intéressée que Genève à la construction d'un centre de congrès. Le canton de Vaud l'est certainement également, car un tel centre aurait des répercussions positives sur son territoire. Je m'étonne toujours que l'on se borne à chercher des financements sur Genève alors que, dans le cas présent - comme cela avait été le cas pour la halle 6 - on pourrait s'adresser à la Ville de Genève, à la commune du Grand-Saconnex et à d'autres communes voisines, au canton de Vaud et, éventuellement, à la France puisque l'on dispose de structures permettant le développement de projets transfrontaliers. Ce projet doit, à mon sens, être considéré comme un projet transfrontalier d'importance régionale.
Je rappelle que Genève possède quatre pôles de compétence: la chimie, l'horlogerie, les banques et l'organisation de manifestations et de congrès. Il s'agit là d'un pôle d'excellence que nous devons développer - ou, du moins, maintenir. Pour cela, nous devons innover, nous devons entreprendre. Or, entreprendre signifie également prendre des risques. Il est clair que l'on ne peut pas forcément jouer gagnant. Je conviens que l'on n'est pas certain de pouvoir amortir le coût de ce centre de congrès. C'est pourquoi le groupe UDC sera très attentif au mode de financement de ce projet. Je rappelle toutefois que le CEVA n'est pas un projet rentable non plus. On le mène néanmoins à bien, car il possède un intérêt majeur au niveau de la politique des transports. Or, il existe également, en matière de politique économique, un intérêt majeur à la réalisation de ce centre de congrès. Efforçons-nous donc de nous rassembler autour de ce projet et de trouver diverses sources de financement afin de le faire aboutir et d'élargir notre offre ! Dans le cadre d'une candidature 2010, nous serions d'ailleurs certainement tous heureux de disposer de l'argument supplémentaire que constituerait un centre de congrès digne de ce nom.
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Stéphanie Ruegsegger.
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). M. Kunz l'a dit: la perte de Telecom est une épreuve pour Genève. Il ne s'agit toutefois pas seulement d'une épreuve. Il s'agit, peut-être, également d'une chance: une chance que de constater que rien n'est acquis et qu'il nous faut évoluer pour nous adapter. Le groupe démocrate-chrétien acceptera le renvoi de la motion socialiste - motion qui demande, en substance, que nous procédions à notre autocritique - au Conseil d'Etat. Nous demanderons toutefois à ce dernier de prendre cette motion dans un sens un peu plus large en procédant à une large autocritique. Il est certes nécessaire d'examiner les dysfonctionnements au niveau des acteurs économiques. Je pense notamment aux hôteliers et aux chauffeurs de taxis, qui auraient exagéré sur les prix. Comme M. Schmied l'a rappelé tout à l'heure, il est cependant également important de se pencher sur les dysfonctionnements relatifs à d'autres conditions-cadres. Je pense par exemple aux grèves de la police, qui n'offrent pas précisément une image positive de notre canton et qui ont perturbé la manifestation.
Nous ne sommes évidemment pas favorables à l'image décrite tout à l'heure par Christian Grobet, selon lequel nous devrions renoncer à toute manifestation d'envergure. Est-ce que, parce que nous avons perdu Telecom pour une édition, nous devons renoncer à tout ?! Nous ne le croyons pas ! Nous vous rappelons que les congrès... (Discussion sur les bancs des Verts.)Je remercie les Verts de se taire, car il n'est pas très agréable de parler lorsqu'il y a du brouhaha... Nous vous rappelons donc que les congrès se déroulant sur notre territoire engendrent un certain nombre de retombées pour Genève. Je pense non seulement à des retombées économiques et à des retombées en termes d'images, mais également à des retombées fiscales. Renoncerons-nous à ces retombées fiscales ainsi qu'à toutes les dépenses qu'elles permettent ? Souhaitez-vous vraiment que Genève, qui est certes une petite ville, soit considérée comme une ville de province qui ne compte plus - avec la politique de ville de province, et notamment les prestations sociales de ville de province, que cela implique ? Je ne pense pas que vous pourriez rejoindre une telle conception de notre ville ! Genève dispose d'atouts que nous devons exploiter. C'est pourquoi nous sommes favorables à la construction d'un centre de congrès. De même que M. Grobet, nous sommes opposés à la monoculture. Or, cette salle de congrès permettra, précisément, de se diversifier.
Je reviens maintenant sur la cherté de la halle 6 et sur le manque de vision dont auraient fait preuve les supporteurs de cette halle il y a quelques années. Je rappellerai, comme l'a du reste fait M. Schmied tout à l'heure, que, si la halle 6 a coûté cher, c'est parce que nous avons dû la construire à cet endroit et, si nous avons dû la construire à cet endroit, c'est parce que l'on a autorisé la construction d'un hôtel à proximité de Palexpo - ce qui a, de fait, empêché le développement latéral de Palexpo. La personne ayant à l'époque autorisé cette construction possédait certainement une vision de Genève, mais cette vision consistait à ne rien développer sur le canton. Nous ne partageons pas cette vision !
J'aborde maintenant la motion de l'Alliance de gauche. Nous sommes d'accord avec certaines des invites, notamment avec celle demandant des éclaircissements concernant les finances de Palexpo. Certains éléments de cette motion sont, en revanche, inacceptables. Je pense notamment à l'état d'esprit de fond de cette motion - état d'esprit se retrouvant à l'invite 2, qui nous demande de renoncer à la réalisation d'un centre de congrès. On le voit: ce groupe fait preuve d'une certaine constance dans sa vision du développement de Genève. Cette vision consiste en un développement zéro d'une Genève ville de congrès et d'expositions. D'autres éléments contenus dans cette motion demandent également à être éclaircis. Je pense en particulier à la demande qui est faite que le Grand Conseil dispose du business plan de Palexpo pour les cinq prochains exercices. Je me demande dans quelle mesure nous ne dévoilerions pas, par le biais de la publicité de ce business plan, des objectifs stratégiques que nous n'avons pas à révéler à nos concurrents. Il conviendra, le cas échéant, d'étudier cela en commission. Quant à la troisième invite, nous en demanderons l'élargissement. Si la participation de certaines grandes expositions prévues à Palexpo n'a en effet pas été confirmée à ce jour, d'autres manifestations auraient en revanche souhaité venir à Genève mais ont, faute de place, dû y renoncer. Ce point me semble également important à souligner, car cela signifie que Genève est toujours attrayante en tant que ville de congrès.
La présidente. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Souhail Mouhanna.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Je souhaite, en premier lieu, dire la chose suivante: ceux qui prétendent que le départ de Telecom de Genève est dû à des phénomènes tels que des courses en taxi à 200 francs, une majoration des séjours hôteliers ou je ne sais quoi d'autre font preuve d'une naïveté absolument déconcertante ! Je vous relaterai les propos tenus par une personne très connue du monde industriel, M. Kudelski. J'ai entendu les propos de ce dernier à la radio le jour même ou le lendemain de la décision par l'UIT d'organiser Telecom 2006 à Hong Kong. Selon M. Kudelski, cette décision est tout à fait normale si l'on compare la Chine avec l'Union européenne. Je l'ai notamment entendu dire que la production chinoise de portables dépassait déjà l'ensemble de la diffusion de portables dans l'Union européenne et que les perspectives étaient tout autres dans ce pays. Il y a beaucoup d'autres facteurs infiniment plus importants que ceux qui ont été évoqués et dont on essaie de nous faire croire qu'ils sont à l'origine de la décision de l'UIT d'attribuer l'organisation de Telecom 2006 à Hong Kong. On tente de nous faire croire que, si l'on offrait des chambres à 0 franc et que les taxis étaient gratuits, cela ferait venir Telecom à Genève. Mais arrêtons de rêver ! Il existe, sur le plan international, des rapports économiques qui dépassent de loin ces éléments, sans commune mesure avec les propos que je viens d'entendre pour expliquer le pourquoi et le comment du départ de Telecom de Genève ! Je ne crois pas que le représentant d'une grande entreprise qui se rendrait à une exposition comme celle-là avec, en guise de perspective, la réalisation de contrats se chiffrant en dizaines, voire en centaines de millions, trouverait que les 200 francs payés pour une course de taxi ne valaient pas la peine et préfèrerait perdre 100 millions ou 200 millions plutôt que de payer cette somme pour sa course en taxi ! C'est complètement ridicule !
Si j'interviens, c'est également parce que j'entends dans cette enceinte des discours absolument incroyables. D'une session à l'autre, d'un objet à l'autre, les contradictions fleurissent de tous côtés - sauf du côté de l'Alliance de gauche... (Rire.) ...puisque l'on vient de nous reprocher la constance de notre position. Nous avons au moins l'avantage, par rapport à d'autres groupes, de nous montrer cohérents... J'aimerais bien vous entendre vous exprimer tout à l'heure, Monsieur Marcet ! M. Catelain a par exemple déclaré: «Mais écoutez, on a fait ce qu'on a pu, et on est prêt à payer 130 millions ou 140 millions pour la construction du centre de congrès.» Il est prêt à payer le poisson avant que ce dernier n'ait été pêché et sans aucune garantie d'être remboursé si on ne lui donne pas le poisson ! En revanche, lorsqu'il s'agit du budget de l'Etat, les mêmes personnes n'arrêtent pas de nous dire que l'on dépense trop, que Genève vit au-dessus de ses moyens et qu'il faut absolument couper dans tous les secteurs... Certains ont déclaré: «Il faut que Genève fasse ce qu'elle sait le mieux faire». Or, je crois que l'on a, jusqu'à présent, très bien su le faire dans le domaine de l'éducation. Certains imaginent que l'argent investi dans le domaine de l'éducation, de la santé ou du social est de l'argent jeté par les fenêtres. Eh bien non: ce sont des investissements ! Mais vous montrez que vous n'êtes pas favorables à ce genre d'investissements ! Ce sont précisément une formation de qualité et une bonne qualité de vie qui permettront à Genève et à la Suisse de rester concurrentielles et de demeurer le centre d'attraction d'un certain nombre d'activités économiques à haute valeur ajoutée ! Mais il ne s'agit pas là de l'essentiel, pour vous. L'essentiel, à vos yeux, c'est de gagner, pendant un ou deux mois, une ou deux expositions et un certain nombre de millions - tant pis pour le reste ! Cependant, le jour où notre société aura tellement régressé sur le plan social et éducatif que la violence et d'autres problèmes sociaux très graves y apparaîtront, quelles que soient les conditions que vous ferez aux exposants éventuels, ils ne mettront pas les pieds chez nous ! L'investissement pour garantir l'avenir de Genève ne se trouve pas là où vous le prétendez, mais il se trouve ailleurs !
Quant à la motion l'Alliance de gauche, elle ne demande pas au Conseil d'Etat de renoncer définitivement à la réalisation d'un centre de congrès: elle propose simplement d'attendre un peu avant de se lancer dans ce projet. On applaudit par ailleurs à la proposition de M. Catelain de faire payer les Vaudois et la France voisine: apportez l'argent nécessaire, construisez le centre de congrès avec cet argent, et nous, nous vous applaudirons ! Nous verrons bien ce que vous êtes capables de faire !
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député David Hiler.
M. David Hiler (Ve). Je souhaite en premier lieu intervenir sur le départ de Telecom de notre canton. Il me semble qu'il y a, sur ce point, une grosse dose d'hypocrisie dans ce débat. Il y a cinq ans, lorsque nous avons dû trouver une solution pour la halle 6, les personnes appartenant à Orgexpo ou les personnes intéressées par ce projet avec lesquelles j'ai eu des contacts m'ont toutes déclaré que l'on perdrait Telecom tôt ou tard. Le plus tard était à leurs yeux le mieux, mais elles ont toutes déclaré que nous perdrions tôt ou tard cette manifestation, que cette dernière ne resterait pas éternellement à Genève. Vous le saviez, nous le savions - et je reviendrai par la suite sur le fait que, tout en le sachant, nous avons malgré tout accepté la construction de la halle 6.
Pourquoi demander - et je m'adresse là au groupe socialiste - toutes ces explications au Conseil d'Etat ? Si nous nous montrons de bonne foi et que nous nous mettons durant un instant à la place des gens qui ont dû décider de l'implantation future de Telecom, nous devons reconnaître que nous aurions tous opté pour Hong Kong, et non pour Genève. Je ne vois dès lors absolument pas l'intérêt des demandes d'explication socialistes. Il existe bien entendu des escrocs partout - y compris à Genève. Il existe des escrocs dans l'hôtellerie, il en existe dans d'autres secteurs. Et alors ?! Il y en aura à Hong Kong, non ?!
Arrêtons de débattre de cela et réfléchissons - je m'adresse là au groupe démocrate-chrétien. N'oublions pas que Genève est une ville internationale, et non une métropole internationale. Nous pouvons, grâce à son image de marque, viser un certain nombre de manifestations; d'autres sont, en revanche, trop importantes pour nous. Le fait d'accueillir Telecom nous a aidés; cela a payé une partie de la halle 6. Mais cette manifestation était trop grosse pour nous. Les enjeux dépassaient très largement ceux du marché européen. Genève dispose cependant - et, sur ce point, je suis d'accord avec un certain nombre d'intervenants - de réelles possibilités dans ce domaine.
Je souhaite maintenant revenir sur l'histoire de la halle 6 d'abord, sur la question du centre de congrès ensuite. Premier élément: lorsque nous avons décidé de la construction de la halle 6, selon les informations dont nous disposions, la Confédération ne paierait pas pour la construction de cette halle, mais elle paierait probablement une partie du centre de congrès. La situation n'a, semble-t-il, pas évolué dans ce sens. Il s'agit là d'un premier problème. En deuxième lieu, nous avions en son temps exigé la chose suivante - et nous étions, compte tenu de la situation politique de l'époque, en mesure de le faire: s'il était, sur le plan économique, si important de construire rapidement cette infrastructure, nous avions demandé qu'un certain nombre de milieux directement intéressés fassent un geste. Certains l'ont fait. Je pense, par exemple, à l'instauration du centime additionnel pour les entreprises. D'autres l'ont fait dans les milieux touristiques. Orgexpo a, quant à elle, refusé de faire un geste, de sorte qu'il a fallu revenir devant ce Grand Conseil pour faire savoir qu'Orgexpo ne parvenait pas à se financer. Cela pose un léger problème de crédibilité...
Comme cela figure dans les déclarations de l'époque, nous avions pour notre part accepté la construction de la halle 6, car nous voyions un intérêt à faire tourner rapidement des petites et des moyennes expositions pour lesquelles Genève offre un cadre et un tissu économique idéaux. Comme il y a un temps pour montrer, un temps pour monter et un temps pour démonter, il est bien de disposer de davantage de surface que la simple addition des expositions afin de pouvoir procéder à une rotation rapide. Compte tenu de la situation actuelle de Genève, cette stratégie s'inscrit sans aucun doute dans une perspective de développement durable.
Le problème est le suivant. On réclame des business plans. Mais on les a vus, ces business plans ! On les a vus, puisqu'ils ont été présentés à deux commissions ! Or, ce qu'il en est très clairement ressorti, c'est que cette stratégie d'accueil d'une multitude de petits et moyens événements - voire de deux ou trois grandes expositions - n'avait, en quatre ou cinq ans d'activité, pas été concrétisée ! Directement après cela, interruption des travaux et licenciement d'un responsable - chose assez rare. Qu'il s'agisse d'une bonne ou d'une mauvaise décision, je l'ignore. Je sais, en revanche, qu'avec la perte - non pas dans deux ou trois ans, mais immédiatement - de Telecom et compte tenu du nombre actuel d'expositions, si le centre de congrès est immédiatement lancé, on paiera, en tant que collectivité publique, l'intérêt et l'amortissement de l'ensemble - et ceci, même si l'on s'arrange pour que cette somme ne figure pas dans l'enveloppe des investissements. On peut toujours prétendre que cette somme ne sera pas comprise dans les 390 millions d'investissements - car on est bien d'accord sur le fait que cette somme ne peut figurer dans les investissements, puisqu'il s'agit d'un leasing selon la méthode américaine. Il n'en demeure pas moins que, les charges, on les paiera !
Je suis surpris que nous ayons débattu ce matin pendant deux heures à propos d'un montant de 80 000 F et que chacun vienne ensuite faire un article de foi pour se déclarer en faveur ou opposé à la construction de ce centre de congrès alors qu'il s'agit, dans le fond, d'une affaire essentiellement économique qu'il convient de traiter de manière rationnelle. Qu'on doive construire ce centre de congrès, cela me paraît évident. Qu'on doive le construire demain, cela ne me paraît, en revanche, pas si évident que cela du tout. Comme on l'a dit auparavant, il y aurait eu urgence si Genève s'était vu attribuer Telecom 2006. Comme cela n'est pas le cas, il n'y a pas d'urgence. Il nous faut maintenant avoir une idée très claire du financement et des perspectives concernant ce centre de congrès. Ce dernier a aujourd'hui changé de direction. Il changera, peut-être, de stratégie. Je pense, pour ma part, que la stratégie adoptée n'était pas si bête que cela: compte tenu de la difficulté pour Genève à faire venir un certain nombre de manifestations, cette stratégie consistait à les coorganiser.
Aujourd'hui, alors que la commission est saisie d'un dossier architechnique qui tient dans deux classeurs fédéraux, chacun a l'intention de faire un acte de foi ! Il ne s'agit pas là de la bonne méthode; les demandes d'explications adressées au Conseil d'Etat ne revêtent en outre aucun intérêt, car chacun connaît les réponses. Il nous faut revenir à un plan purement rationnel: quand aurons-nous les moyens de mener cette opération, avec quelles perspectives et, en toute transparence, quel en sera le coût ? Si cette opération coûte, en termes d'amortissement et de charge des intérêts, 2 ou 3 millions à l'Etat de Genève, pourquoi pas. En revanche, si elle lui coûte 15 à 20 millions, on peut, vous me l'accorderez, se poser la question au vu du plan financier quadriennal du Conseil d'Etat... En tout cas, je vous mets en garde: bien qu'il ne figure pas dans la rubrique usuelle du budget, il s'agit d'un investissement comme les autres - avec des conséquences analogues.
On ralentit actuellement la construction et la rénovation de bâtiments scolaires et hospitaliers, et l'on ne dispose même pas, dans nos plans, de l'agrandissement de la prison de Champ-Dollon. Je pense que l'on devrait, à un moment donné, revenir à une question de planification. On devrait attendre que l'on nous ait communiqué les chiffres qui se trouvent à la base de l'exploitation commerciale qu'est Orgexpo. On devrait, tranquillement et en toute transparence, définir les mesures que l'on est prêt à prendre par rapport à cette organisation probablement déficitaire ainsi que les échéances que l'on se donne. On devrait supprimer le montage épouvantable que l'on connaît aujourd'hui, non pour procéder à une privatisation, mais pour distinguer clairement, d'une part la gestion des murs, d'autre part la gestion commerciale du site. Cette dernière pourrait être confiée à n'importe quelle grande multinationale dont le boulot est d'organiser des expositions. Il s'agissait à l'époque de l'avis de Bernard Clerc, et il s'agit également du mien. Ce n'est pas forcément la peine de garder les copains locaux sur un coup comme cela...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. David Hiler. C'est de ce point de vue que nous estimons qu'il y a urgence à résoudre la question de la structure et à déterminer qui paie l'insuffisance de financement de la halle 6. Après ce travail d'un à deux ans, nous pourrons travailler sur les nouveaux business plans qui nous seront proposés par la direction renouvelée d'Orgexpo et parvenir à des choix de nature politique.
C'est la raison pour laquelle nous refusons, à ce stade, de nous engager sur l'une ou l'autre des voies qui nous sont proposées. Nous voulons nous donner le temps de réfléchir. Nous signalons par ailleurs à ceux qui l'auraient oublié que cette réflexion est nourrie par deux classeurs fédéraux de documentation qui ont été lus par trente commissaires. Je vous rappelle également que l'une des raisons pour lesquelles nous avons arrêté, c'est que M. Gautier, président de la commission des finances, avait, dans le cadre de l'étude de ce dossier, très rapidement déclaré que...
Le président. Veuillez conclure, s'il vous plaît !
M. David Hiler. ... la structure actuelle ne convenait pas et qu'il fallait la retravailler afin d'instaurer un firewallentre les bâtiments et la gestion. Retravaillons ! Pour notre part, nous ne voyons aucun intérêt à prendre des décisions avant d'avoir étudié la question. Si c'est ce que vous souhaitez, vous pouvez... Cela ne nous gêne pas. Cela n'aura, de toute façon, aucune conséquence ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Sami Kanaan.
M. Sami Kanaan (S). Nous partageons toute l'analyse faite par notre collègue David Hiler. Ce dernier en tire cependant des conclusions quelque peu surprenantes. Nous ne sommes pas en train de décider de voter un crédit pour la réalisation de ce centre de congrès: nous sommes simplement en train de tirer des leçons de la décision de l'UIT concernant Telecom 2006. M. Hiler en a apparemment déjà tiré ses propres conclusions - et tant mieux s'il disposait des éléments nécessaires à cela. Plusieurs intervenants l'ont souligné, et nous le répétons: certains paramètres nous échappent dans la décision de l'UIT car ils ne sont nullement liés à Genève, mais ils ont trait à des enjeux macro-économiques. D'autres éléments concernent, en revanche, spécifiquement Genève et joueront à nouveau un rôle le jour où notre ville accueillera d'autres congrès. Si nous ne mettons pas à jour les faiblesses des dossiers genevois - que ce soit pour des mégaexpositions ou pour des expositions locales -, nous n'améliorerons pas la compétitivité de Genève sur le marché des congrès. Ces faiblesses ne sont pas uniquement liées à la structure, aux murs ou à la gestion commerciale du site, mais elles ont trait à l'ensemble des conditions d'accueil de Genève. Si nous ne clarifions pas ces non-dits, ces abus de situations et ces erreurs, on aura beau élaborer tous les plans commerciaux que l'on veut et régler tous les problèmes de structures existants, on ne règlera pas la qualité et la compétitivité de Genève sur le marché des congrès. Nos questions sont donc légitimes. Je suppose que M. Hiler a probablement mal lu notre motion.
S'agissant de la résolution de l'Entente, nous sommes prêts à la renvoyer au Conseil d'Etat. Nous avons toutefois également déclaré que les demandes de l'Alliance de gauche concernant les chiffres étaient légitimes et nécessaires. C'est pourquoi nous plaidons pour un renvoi de tous les textes au Conseil d'Etat. Il nous faut clarifier un certain nombre de points avant de poursuivre. Il n'est pas question d'accorder un feu vert définitif au centre de congrès: nous ne faisons que reconnaître la nécessité d'étudier et de planifier cette infrastructure. Nous ne sommes toutefois, nous non plus, pas prêts à voter aujourd'hui 130 millions la tête dans un sac.
Sur un plan plus large, il conviendrait, en matière de politique économique dans ce canton, de procéder un peu plus fréquemment à des bilans entre les apports positifs et négatifs de la stratégie actuelle - stratégie qui consiste à accueillir des mégaévénements et des multinationales. Je ne suis pas certain que les résultats de ces bilans seraient forcément favorables aux avantages. Nous préférons une stratégie qui consisterait à accueillir plusieurs éléments ponctuels et diversifiés. Il nous paraît important de renvoyer ces textes au Conseil d'Etat afin d'obtenir une réponse globale de sa part. C'est pourquoi je plaide pour le renvoi de tous les textes dont nous discutons au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Claude Marcet.
M. Claude Marcet (UDC). Je pense que notre collègue M. Mouhanna sera très heureux de m'entendre car, si je siégeais sur les bancs de la gauche, je pourrais, pour une fois, tenir exactement le même discours que lui ! J'ai écouté avec attention le discours de M. Grobet; j'ai écouté avec attention le discours de M. Mouhanna; j'ai écouté avec attention le discours de M. Hiler. Je dois dire que je suis à 80% d'accord avec eux. En ce qui concerne Telecom 2006, il est clair qu'il ne s'agit ni d'un problème hôtelier ni d'un problème relatif aux taxis. Il ne s'agit là que de raisons anecdotiques. La véritable raison, c'est que la Chine est un marché émergent et que ce marché émergent attire bien évidemment vers lui les décideurs du monde entier - alors que nous nous trouvons, au milieu de l'Europe, dans un marché sursaturé du point de vue technologique. Il faut donc également vous attendre, Mesdames et Messieurs, à voir disparaître de Genève d'autres expositions qui iront, précisément, vers ces marchés émergents.
Je suis également entièrement d'accord sur le fait qu'il ne faut pas jouer à la grenouille qui veut devenir aussi grosse que le boeuf. La question est d'actualité. Si l'on veut un centre de congrès, il faut savoir pour qui et comment il sera financé. Sur ce sujet, je rejoins entièrement M. Hiler. Nous ne connaissons rien quant au retour sur investissement de ce financement, ni quant à son coût d'exploitation. Or, j'aimerais bien connaître le coût réel d'exploitation, de financement et de retour sur investissement avant de pouvoir me décider. C'est également ainsi qu'agira le groupe UDC: il ne prendra une décision qu'au moment où il sera certain que la construction rapide de ce centre de congrès fournira une réelle utilité et que l'on nous aura prouvé avec force probante et réaliste qu'il n'y aura aucune dépense additionnelle inutile dans ce canton !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le conseiller d'Etat Laurent Moutinot.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat est fermement attaché à la construction du centre de congrès. Je vous rappellerai, dans le cadre de l'histoire du développement de Palexpo, que, lors des débats au cours desquels nous avions décidé de construire la halle 6, plusieurs personnes avaient observé que le centre de congrès était plus intéressant et plus important que la halle. Si nous avions inversé l'ordre des constructions, c'était précisément afin de renforcer la qualité de notre offre pour Telecom 2003. Mais à ce moment-là déjà, on avait précisé que l'on ne construisait pas la halle 6 uniquement pour Telecom 2003 - ce qui aurait été parfaitement idiot. Les arguments de M. Hiler sont exacts: le tournus, la rapidité de montage et de démontage, la possibilité d'accueillir plusieurs expositions sont les arguments qui avaient été invoqués. Il est également exact que l'engagement de la Confédération dans la construction d'un centre de congrès - engagement qui avait, en son temps, pris la forme d'une lettre - est aujourd'hui très fortement remis en cause. Si le développement des activités de Palexpo ne répond à certains égards pas totalement à nos attentes, il est en revanche vrai, s'agissant des congrès, que huit demandes de congrès ont été refusées au cours de l'année 2002 à Genève. La possibilité de développer ces congrès existe donc bel et bien. Je pense en particulier aux congrès business to business -autrement dit, aux congrès entre spécialistes, et non aux congrès destinés au grand public. Sur ce dernier point, il est évidemment exact que le bassin de population genevois n'est pas tel qu'il justifie des manifestations d'une ampleur considérable. En revanche, lorsqu'il s'agit de congrès entre milieux intéressés, la qualité de l'offre joue un rôle décisif.
Vous avez déclaré, Monsieur Mouhanna, qu'il fallait se rapprocher des marchés et que c'est pour cela que Telecom 2006 se déroulerait à Hong Kong. Vous avez évidemment raison - avec la limite qu'un certain nombre d'affaires importantes ne se traitent pas forcément là où l'on vend les objets; avec la limite, également, que celui qui gagne 200 millions ne tient pas forcément pour autant à payer 5 000 F une chambre d'hôtel qui n'en vaut que 1 000 F. Il convient donc de pondérer quelque peu ce genre d'argumentation.
A partir de là, des textes qui nous sont soumis - et, en particulier, de la résolution - nous comprenons que vous voulez que le Conseil d'Etat aille de l'avant. Oui, le Conseil d'Etat veut aller de l'avant. Comme la résolution elle-même - que nous acceptons - le précise, il va cependant de soi que nous ne pouvons aller de l'avant qu'à la condition qu'un certain nombre de questions soient étudiées. Je pense, en particulier, aux questions posées par M. Hiler.
Ma position diverge en revanche de celle de M. Hiler concernant la motion du groupe socialiste. Je ne comprends pas pourquoi celui-ci la critique. Cette motion demande la mise à plat d'informations qui, pour certaines, n'ont pas encore été données - même s'il est vrai que d'autres transparaissent des dossiers qui se trouvent devant la commission des finances. Le Conseil d'Etat est donc prêt à accepter cette motion.
S'agissant des deux motions de l'Alliance de gauche, il tombe sous le sens que toutes les demandes d'informations qui y sont contenues sont parfaitement légitimes et qu'il devra être répondu à toutes ces questions. Il me semble néanmoins qu'il serait préférable qu'il y soit répondu en commission plutôt que par le biais d'un rapport du Conseil d'Etat, ne serait-ce que pour les raisons rappelées par Mme Ruegsegger: nous n'avons pas très envie de publier noir sur blanc des éléments de stratégie qui pourraient ensuite être utilisées par des villes concurrentes. Mais soyez rassurés, Mesdames et Messieurs les motionnaires de l'Alliance de gauche: il faudra forcément répondre aux questions que vous posez.
Que convient-il de faire dans l'immédiat ? Il convient de réfléchir à la question cruciale du mode de financement du centre de congrès. Un financement par le biais de l'enveloppe ordinaire des investissements, c'est exclu; un financement par le biais d'une enveloppe annexe qui ne serait que du camouflage, c'est exclu; quant à un financement par le biais d'une privatisation pure et simple, ce n'est politiquement pas raisonnable. Tout autre est la question de la distinction du firewallentre la propriété de l'infrastructure - qui doit rester en mains publiques - et sa gestion - qui, elle, peut parfaitement se retrouver en d'autres mains.
Vous avez là, dans les grandes lignes, la position unanime du Conseil d'Etat. Nous entendons aller de l'avant. Nous entendons, pour ce faire, poursuivre les travaux de restructuration juridique et financière en tenant compte des différentes remarques et critiques formulées en son temps en commission des finances. Nous entendons également fournir des explications aux questions parfaitement légitimes contenues dans tous les textes qui nous sont soumis. Sur cette base, j'apporterai une dernière appréciation personnelle: je suis très heureux de ce débat, qui démontre que vous estimez de manière très large qu'une fois convenablement pesé il vaut la peine pour Genève de prendre un risque. Un développement futur n'a en effet de sens que si l'on prend un certain risque - faute de quoi l'on se trouve dans une situation de repli.
Dernier élément: Madame Leuenberger, vous avez parlé de développement durable. Or, je vous rappelle que le centre de congrès possède cet extrême avantage qu'il sera situé sur une plate-forme déjà existante. Il ne gaspillera du terrain d'aucune manière puisque ce dernier est artificiel et, de surcroît, déjà existant.
Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous remercie de «tirer tous à la même corde», comme disait M. Kanaan, pour la construction d'un centre de congrès qui s'inscrit dans les pôles d'excellence de Genève ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant procéder au vote. Je vous propose de voter en premier lieu la motion 1559. Nous voterons ensuite la motion 1584, et non la motion 1582, puisque la première est complémentaire à la motion 1559. Nous voterons en troisième lieu la motion 1582 et, pour conclure, la résolution 486. Monsieur le député Grobet ?
M. Christian Grobet (AdG). Je propose que la motion 1559 et son complément, soit la motion 1584, soient renvoyées en commission. Les questions que nous avons posées au sujet du bilan financier de Palexpo pourront ainsi éventuellement être complétées par les questions d'autres députés.
Je suis quelque peu inquiet que le Conseil d'Etat ne veuille pas nous fournir un certain nombre de renseignements d'ordre financier. L'équilibre financier du Palais des expositions doit, à mon sens, être examiné de manière extrêmement précise.
Je réitère ma demande que la motion 1559 et son pendant, soit la motion 1584, soient renvoyées à la commission des finances - laquelle examine déjà le financement de la salle des congrès. Cela permettrait d'examiner de plus près les questions soulevées et, le cas échéant, de les compléter.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je mets aux voix votre proposition. Pour la bonne forme, nous procéderons à deux votes, puisqu'il s'agit de deux motions distinctes. Si les renvois en commission de ces deux motions de l'Alliance de gauche sont acceptés, nous passerons au texte suivant. En cas de refus, nous voterons sur l'acceptation de ces motions et sur leur renvoi au Conseil d'Etat. Nous votons en premier lieu sur le renvoi en commission des finances de la motion 1559. Nous procéderons par vote électronique.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1559 à la commission des finances est adopté par 45 oui contre 31 non et 1 abstention.
Le président. Nous votons maintenant sur le renvoi en commission des finances de la motion 1584. Nous procéderons également par vote électronique.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1584 à la commission des finances est adopté par 39 oui contre 38 non.
Le président. Nous passons maintenant... M. Grobet a demandé la parole ?
M. Christian Grobet. C'est une erreur !
Le président. Il revient dans la salle pour me dire qu'il s'agit d'une erreur ! (Ton amusé.)Nous votons maintenant sur le renvoi au Conseil d'Etat de la motion 1582. Nous procédons toujours par vote électronique.
Mise aux voix, la motion 1582 est adoptée par 67 oui et 11 abstentions.
Le président. Nous votons, en dernier lieu, sur le renvoi de la résolution 486 au Conseil d'Etat. Nous procédons, une fois encore, par vote électronique.
Mise aux voix, la résolution 486 est adoptée par 62 oui contre 12 non et 5 abstentions. Elle est renvoyée au Conseil d'Etat.