République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 22 avril 2004 à 8h
55e législature - 3e année - 7e session - 36e séance
P 1456-A
Débat
M. Claude Aubert (L), rapporteur. J'aimerais faire un petit commentaire d'ordre technique. Vous avez tous lu l'ensemble des prescriptions concernant la détermination et l'évaluation des nuisances sonores liées à l'exploitation des établissements publics. J'aimerais souligner le fait suivant, bien qu'il soit peut-être un peu caricatural: lorsqu'il s'agit de travailler dans un système de régulation, la présence d'au moins trois composants est nécessaire.
Le premier de ces composants consiste à avoir des prescriptions claires, le deuxième consiste à avoir des contrôles clairs et, enfin, il faut également qu'il y ait des mécanismes correctifs clairs. Vous pouvez constater que, lorsqu'un de ces composants fait défaut, le système fonctionne immédiatement mal. Ce qui se passe, en général - et on le voit avec la notion de bruit - c'est que, comme la régulation se fait mal, on a tendance à augmenter les prescriptions, alors que se posent des problèmes de contrôles et de mécanismes correctifs. Dans ce sens-là, les notions de contrôles et de mécanismes correctifs sont trop souvent ignorées.
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
M. Jean Spielmann (AdG). Sans soutenir complètement les pétitionnaires dans leur démarche, ni dans leur manière d'intervenir, je voudrais évoquer des faits qui relèvent de la réalité tant du quartier de la Vieille-Ville que de quartiers où il y a beaucoup d'animation.
Il y a une série de règles qu'il faudrait appliquer. Je pense ici aux bruits liés à la circulation ainsi qu'aux établissements publics. Je pense plus particulièrement - et je me tourne à cet effet vers le Conseil d'Etat - à ce qui était la brigade antibruit, dans laquelle un certain nombre de fonctionnaires étaient chargés de s'occuper du bruit, notamment du bruit de certains véhicules. Il suffit qu'à une certaine heure, un deux-roues passe à une certaine vitesse pour qu'il cause un bruit infernal qui réveille tout un quartier.
Auparavant, l'Etat avait la possibilité d'intervenir. Que font ces fonctionnaires de la brigade antibruit qui a été supprimée ? Ils s'occupent aujourd'hui des taxis, de l'application de la RPLP, du contrôle des camions, des tags et graffitis, bref, de beaucoup de choses, mais plus du bruit. Or, depuis qu'on a supprimé la brigade antibruit, le nombre d'établissements publics a plus que doublé: il y en a aujourd'hui plus de 2500, avec une rotation très importante. En 2003, 600 de ces établissements ont en effet changé de patrons et de gérants. Il est donc clair que si l'on veut faire un travail didactique et travailler à limiter le bruit occasionné par les personnes sur la voie publique, il faut du personnel et il faut que cette brigade antibruit soit rétablie.
En complément à cette brigade antibruit, à l'organisation des établissements et au contrôle du bruit - c'est aussi une question de santé pour la jeunesse, car les décibels ne doivent pas dépasser certaines limites - il y a aussi tous les problèmes liés à la proximité et à l'environnement.
On a supprimé la brigade antibruit. Il n'y a plus de contrôle lié à l'autorisation d'ouverture d'un établissement; on ne contrôle plus le bruit pendant la nuit et, en plus de cela, dans les périmètres concernés, on supprime les postes de police et on réduit les effectifs. Le poste du Bourg-de-Four, qui comptait trente-sept personnes, n'en compte aujourd'hui plus que six. Plus personne ne veut travailler le soir ou la nuit.
Dans le rapport qui nous est présenté, l'îlotier décrit avec beaucoup de pertinence le travail positif que peut accomplir une police de proximité en étant présente sur le terrain. Voici un exemple, que tout le monde comprendra aisément: sur la place du Bourg-de-Four, quand deux ou trois cents personnes, situées sur la terrasse de la Clémence, font du bruit, il suffit que l'îlotier sorte et leur dise gentiment: «Nous avons des réclamations, faites un peu moins de bruit», et la situation se rétablit. Avec le changement d'orientation pris par la police, la fermeture des postes de proximité, la fin du travail des îlotiers et de la police dans les quartiers, que se passera-t-il ? On a mis des gendarmes dans des casernes. Ces derniers viendront avec des équipements anti-émeutes, et feront régner le silence, certes, mais en intervenant de manière complètement différente.
Avant, les gendarmes connaissaient les responsables d'établissements et les gens du quartier; aujourd'hui, ils viendront de l'extérieur, habillés en «Rambo» et non seulement il est certain qu'ils n'arriveront pas à rétablir l'ordre, mais en plus il est très probable que toutes les personnes des autres établissements sortiront pour se mêler à la bagarre qui se déclenchera. C'est vraiment le contraire de tout ce que l'on devrait faire.
Il y a donc des problèmes d'effectifs - j'y reviendrai, d'ailleurs - mais il y a surtout un problème de société. Il y a un problème de relations entre les gens et il est certain que l'on doit assurer au moins une présence en Vieille-Ville, parce que c'est un quartier convivial et dans lequel la plupart des touristes passent leurs soirées ou leurs nuits. Or, on abandonne tout! Je pense que l'on commet une faute grave en supprimant de la sorte le rôle de la police de proximité et des îlotiers.
Je voudrais faire une troisième observation qui concerne le problème du bruit lié à la circulation. On en parle depuis des années. Il existe des solutions très simples pour y remédier, elles figurent d'ailleurs dans le rapport: on pourrait en effet, selon le compte-rendu de l'audition de l'îlotier, fermer la Vieille-Ville avec trois bornes amovibles, en donnant la possibilité à ceux qui doivent s'y rendre de faire descendre ces bornes et de rentrer. On ne veut pas le faire et la nuit, c'est une ronde infernale de véhicules qui circulent. Je défie le département ou le responsable de la sécurité de faire passer une ambulance ou une voiture de pompier dans les rues de la Vieille-Ville: avec toutes les voitures qui sont stationnées illégalement, c'est impossible ! Qui assure la sécurité? Qui sera responsable si quelque chose se passe ?
Cette situation pousse les gens à faire leur propre police, puisqu'il n'y a plus de police, ni de sécurité. De sorte que des objets sont lancés depuis les fenêtres et que des bagarres éclatent. Cette situation n'est tout simplement pas acceptable. Même si je ne partage ni tous les éléments de la pétition, ni la manière avec laquelle les pétitionnaires ont présenté le problème, il faut dire que celui-ci est sérieux, et qu'il ne concerne pas uniquement la Vieille-Ville. C'est un problème de société et d'organisation. A cause des décisions que nous prenons dans ce parlement en supprimant la brigade antibruit et les effectifs, les postes de gendarmerie en ville et le rôle de police de proximité, on va dans un sens qui est contraire à toutes les réalités. On aura l'occasion d'y revenir, je pense.
Malheureusement, c'est une situation de fait, et, depuis le début du mois d'avril, il n'y a plus de gendarmes dans la Vieille-Ville.
M. François Thion (S). J'aimerais aussi souligner quelques points de cet intéressant rapport.
Il est vrai que le bruit est un véritable problème pour la santé publique. Nous avons constaté, à travers les auditions que nous avons conduites, que si les lois et les règlements existaient, ils n'étaient pas pour autant strictement appliqués. Par ailleurs, si les contrôles ne sont pas faits, c'est souvent faute de moyens, comme cela vient d'être souligné. On nous a très souvent dit: «la police a d'autres choses à faire que de se déplacer lorsqu'il y a des plaintes dues au bruit devant un établissement public en Vieille-Ville». Une fois de plus, l'importance des îlotiers nous a été démontrée lors de ces auditions. L'îlotier qui a été entendu lors des auditions est connu des habitants, des patrons des établissements publics ainsi que de la clientèle. Il peut intervenir rapidement et efficacement, de sorte que les habitants de la Vieille-Ville savent à qui s'adresser. Nous pensons qu'il est nécessaire de développer ce type de présence policière dans tous les quartiers.
Quant à la pétition en elle-même, elle présente, à notre sens, un défaut. Elle mélange un peu tout, mettant en avant des problèmes très différents les uns des autres. Elle fait état des nuisances, bien réelles pour quelques propriétaires privés, des vibrations insupportables, émises par les basses dans les dancings ou les bars de la Vieille-Ville, ainsi que du bruit des noctambules parfois bien éméchés, qui déambulent dans les petites rues de la Vieille-Ville - ce n'est d'ailleurs pas le seul quartier du canton où cela se produit. Cependant, les pétitionnaires se plaignent également - fait bizarre - de la fête du 1er mai aux Bastions. On peut se figurer que les habitants de la Vieille-Ville, dont les fenêtres donnent sur les Bastions, ne sont pas tous membres du parti communiste ou des mouvements ouvriers, mais, pour avoir régulièrement fréquenté la fête du 1er mai, je ne crois pas qu'il y ait à se plaindre du bruit occasionné par cette fête, très chère au mouvement ouvrier et aux salariés.
Dernière remarque: le bruit n'est pas une nuisance qui touche uniquement le quartier de la Vieille-Ville. D'autres habitants, à Plainpalais, aux Pâquis, à Carouge, aux Eaux-Vives, par exemple, souffrent des nuisances dues au bruit. Tous n'ont pas l'occasion d'envoyer des pétitions à notre Grand Conseil et je pense que, si les règlements existent, il serait judicieux qu'ils soient appliqués partout dans le canton.
M. Olivier Vaucher (L). Tout d'abord, j'aimerais relever que cette pétition a donné l'occasion à la commission d'apprendre un certain nombre de choses extrêmement intéressantes concernant les mesures que Genève a prises pour pouvoir lutter contre le bruit. On peut d'ailleurs relever que de très gros efforts ont été faits dans ce sens-là durant les deux dernières années. Suite à l'audition de M. Lançon, nous avons appris, en page 17 du rapport, qu'une commission de suivi et de coordination relative aux établissements publics a été mise en place et qu'un règlement sur la protection contre le bruit et les vibrations est entré en vigueur le 20 février de l'année passée.
De grandes mesures ont donc été prises pour pouvoir lutter contre les nuisances sonores, quelles qu'elles soient, à Genève ces dernières années. Cela nous permettra, à l'occasion de la présentation d'autres pétitions - car nous en recevons très régulièrement concernant le bruit tant sur le domaine public que sur le domaine privé - de répondre d'une façon beaucoup plus claire, dorénavant. La seule chose que l'on peut regretter, c'est qu'il n'y ait pas une information suffisante de l'ensemble des mesures qui ont été prises et des commissions ad hoc qui existent pour pouvoir répondre à ces problèmes.
En outre, je regrette que le député Spielmann utilise cette pétition pour évoquer les problèmes de la Vieille-Ville, qui n'ont rien à faire avec cette pétition - je veux entre autres parler des problèmes de sécurité. M. Thion l'a parfaitement relevé, nous avons en effet un îlotier qui fait extrêmement bien son travail, à la grande satisfaction des commerçants ou des personnes propriétaires ou gérantes de boîtes de nuit ou autres restaurants. Et ce n'est pas parce qu'on est à la place de Cornavin plutôt qu'à la place du Bourg-de-Four que les policiers ne peuvent pas intervenir. Je crois qu'entre Cornavin et le Bourg-de-Four, en voiture, en moto ou à vélo, c'est l'affaire de deux minutes que de s'y rendre. Ce n'est donc pas le fait qu'il n'y ait plus un poste de police au Bourg-de-Four qui changera le problème d'intervention contre le bruit dans les établissements nocturnes. Je voulais juste ramener l'église au milieu du village et qu'on s'occupe de cette pétition, du bruit et du travail qui a été fait en commission, qui était extrêmement complet et instructif.
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
M. Jean Spielmann (AdG). Permettez-moi de répondre à M. Vaucher. C'est vrai qu'on a créé des commissions et qu'une délégation interdépartementale a été créée pour s'occuper des problèmes de bruit - on nous l'a expliqué hier, en commission des finances. On peut bien faire des commissions à la tête du Conseil d'Etat, dans les différents départements, mais si vous lisez le rapport de M. Lançon, il y est dit que si l'arsenal réglementaire est important, il n'a guère d'impact sur le terrain, parce que personne ne s'y trouve.
Ce n'est pas simplement parce que les policiers viennent depuis Cornavin jusque dans la Vieille-Ville que la situation est différente. Le problème ne tient pas dans la distance à parcourir pour les policiers; le problème tient dans la nature même de ce policier: elle a changé.
Dans un poste de police de quartier, que ce soit aux Pâquis, à Carouge, à Onex ou ailleurs, les policiers connaissent les gens du quartier. Lorsqu'il intervient, l'îlotier, connaissant les gens du quartier, leur parle d'une manière beaucoup plus personnelle. Cela favorise la convivialité et les échanges entre les gens, chose impossible lorsque arrive un fourgon avec des policiers en tenue d'intervention. Ce n'est plus du tout le même gendarme ! Les gens ne le connaissent pas, il n'y a pas de relation, pas de convivialité qui s'installe... Cela coûtera beaucoup plus cher d'équiper des grands centres, des casernes avec des gendarmes qui doivent se déplacer pour intervenir.
Un policier de quartier a son rôle à jouer: il connaît les défauts des uns et des autres habitants; il suffit qu'il vienne, qu'il parle et les choses se règlent quasiment d'elles-mêmes. Cela ne se règlera plus dans le périmètre de la Vieille-Ville, ni dans les autres quartiers, parce qu'il n'y a plus de postes de police de quartiers, alors que cela est très important.
Hier, nous en avons parlé en commission des finances, et j'ai été atterré d'apprendre que le Grand Conseil, pour assurer sa sécurité - et alors que, sur les bancs d'en face, on dit qu'il faut baisser les effectifs des fonctionnaires - va proposer d'engager deux gardes de sécurité. En même temps, on supprime la police de proximité, les trente-sept gendarmes du Bourg-de-Four, dans l'un des quartiers où il y a le plus de gens qui circulent ?! Cela est une faute politique grave, qui coûtera très cher, à long terme. Monsieur Vaucher, vous n'avez pas compris le rôle qu'un policier de quartier peut jouer.
J'habite dans la Vieille-Ville depuis ma naissance. J'y ai suivi toute ma scolarité et pratiqué toutes mes activités. Je suis content qu'il y ait de l'animation et des fêtes. Je suis même content qu'il y ait du bruit, parfois, parce que cela fait partie de la vie. Le problème de fond qui est posé en l'occurrence, c'est qu'il est nécessaire qu'il y ait une vie associative, une convivialité et non pas des conflits entre les gens.
Le problème de la violence trouve son origine dans celui du bruit: lorsque vous êtes constamment réveillé, vers 4h du matin, par un bruit infernal et que rien n'est fait, les gens prennent leurs propres dispositions. Ils mettent, sur leurs balcons, des pierres ou des bouteilles d'eau qu'ils lancent sur les gens, dans la rue, faisant ainsi leur propre police. C'est donc cela que vous souhaitez ?
La situation et la vie changent. La Vieille-Ville a changé. Peut-être ne vous en êtes-vous pas rendu compte ? Rappelez-vous comment fonctionnaient les choses il y a quelques années. Imaginez simplement que, il n'y a pas si longtemps de cela, à la rue du Rhône, le laitier passait le matin: lorsque j'étais enfant, nous descendions notre pot à lait et nous laissions de l'argent. A 5h, le laitier passait, posait sa motte de beurre, le lait, prenait l'argent et rendait la monnaie. Cette société a complètement changé. Cette convivialité a disparue. Mettez, aujourd'hui, un pot à lait avec de l'argent, à la rue du Rhône... Rendez-vous compte que si la société a tellement changé, c'est parce que l'argent en devient l'unique moteur !
Ce rapport est important, car c'est ce problème-là qu'il soulève. Cette société va très rapidement devenir infernale, et c'est cela qu'il faut changer. Je m'élève contre les décisions qui sont prises en commissions par des hauts fonctionnaires. On met des gens dans des placards dorés, parce qu'on ne sait pas quoi en faire. Cela ne sert à rien, si personne n'est sur le terrain pour faire le travail. On ne peut pas faire une société à deux vitesses, comme celle que vous essayez de mettre en place.
Une voix. Bravo !
M. Claude Aubert (L), rapporteur. J'aimerais faire remarquer à cette auguste assemblée que, pendant que les préopinants parlaient, le bruit de fond s'élevait probablement à 50, 60 voire 70 décibels, ce qui démontre une fois de plus que le bruit est un problème dans la Vieille-Ville. (Rires.)
M. Olivier Vaucher (L). Je ne pensais pas intervenir à nouveau mais, suite aux propos de M. Spielmann, je me dois de le faire.
J'aimerais vous répondre par un seul argument, Monsieur Spielmann: ASM. Que sont les ASM ? Ce sont des agents de sécurité municipaux. J'espère que vous interviendrez d'une façon aussi énergique auprès de la municipalité de la ville de Genève, afin qu'elle utilise ses agents à la surveillance de la sécurité, et non pas, à 95%, à l'établissement d'amendes d'ordre pour des véhicules - motos et vélos, y compris.
La mission principale des ASM est de surveiller la sécurité de la population. Si la population sait qu'elle peut compter sur ces agents de sécurité pour la seconder, l'épauler et la réconforter, nous aurons atteint notre but. Plus de cinquante ou soixante agents de sécurité municipaux ont d'ailleurs été engagés en ville de Genève. C'est ma seule réponse.
En outre, Monsieur Spielmann, je suis tout à fait d'accord avec nombre de vos propos, mais malheureusement la société évolue - j'ai bien dit malheureusement - et nous sommes bien obligés d'évoluer avec elle.
M. Gilbert Catelain (UDC). Cette pétition peut effectivement être élargie à d'autres communes ou à d'autres quartiers de la ville; c'est le cas à Carouge, où Mme la présidente du département a dû intervenir le printemps dernier, suite à des demandes de la part des habitants pour des problèmes similaires. Il ne s'agit donc pas de se battre sur la base du problème particulier, reconnu et jugé grave, des nuisances sonores car, dans cette République, on n'a plus les moyens de faire respecter les règles de l'Etat de droit. La question n'est pas de savoir si c'est au poste du Bourg-de-Four ou à celui de Cornavin de le faire.
Vous savez très bien, Monsieur Spielmann, que si vous voulez que des agents travaillent pendant la nuit, il en faut au minimum quarante dans un poste. Si vous aviez visité le poste de Cornavin le jour de son inauguration et que vous aviez consulté les tableaux de service, vous auriez constaté que le dimanche 14 avril, il n'y avait qu'un seul groupe de cinq agents en service. Sur ce groupe de cinq, trois ne travaillaient pas, par conséquent il n'en restait que deux. Expliquez-moi ce que vous comptez faire avec deux agents dans ce quartier ? Pas grand-chose !
Par conséquent, l'UDC abonde dans le sens du parti libéral. Pour moi, il ne s'agit pas d'un problème essentiel de sécurité publique - pour laquelle on doit engager des collaborateurs armés, équipés, disposant d'une formation importante, qui doivent gérer d'autres problèmes, tels que le trafic de drogue, la sécurité sur les espaces publics, sans compter les conflits de voisinage - mais il s'agit d'un problème qui pourrait être réglé par les agents de sécurité municipaux, les ASM. C'est pourquoi, lorsque de telles pétitions arrivent à la commission des pétitions, elles pourraient aussi bien être aimablement renvoyées au Conseil administratif de la ville de Genève, puisque, pour ma part, il faudra revoir la répartition des tâches entre la Ville et le Canton. En effet, on n'a pas encore pris la décision de fusionner la Ville et le Canton, mais peut-être que cela viendra. Quoiqu'il en soit, dans l'intervalle, donnons la responsabilité de la gestion de ce problème à la commune, puisqu'il s'agit, pour moi, d'un problème communal de nuisance sonore dans un quartier, et non pas d'un problème cantonal.
L'UDC ne profitera pas de cette pétition pour tirer à boulet rouge sur le département et la police genevoise. La police genevoise travaille dans des conditions difficiles. Il ne s'agit pas de faire un débat politique sur le fait de savoir s'il faut conserver un poste ou non. La police est commandée, elle dispose d'un état-major et d'un chef de département. Il y a des principes d'opportunité à respecter: nous savons qu'il faut créer davantage de grosses unités pour avoir davantage de moyens sur le terrain. Avec un poste de petite importance, nous n'arriverons pas à dégager des effectifs suffisants pour régler le problème des nuisances sonores nocturnes. En revanche, il est éventuellement possible d'appliquer les recommandations écrites communiquées à la commission par l'îlotier du poste de gendarmerie du Bourg-de-Four - que l'on retrouve en page 4 du rapport - selon lesquelles il faudrait plus de sévérité dans les sanctions infligées. Cela dénote donc un sentiment d'impunité qui se développe au sein des établissements publics, puisque les sanctions ne sont pas suffisamment dissuasives. Appliquons donc des mesures passives, qui n'exigent pas que la police intervienne à tout bout de champ pour, en définitive, pas grand-chose.
La deuxième mesure que l'on peut adjoindre à celles qui ont été proposées par l'îlotier serait, dans le cadre des plans de service de la gendarmerie - puisque les ASM ne veulent apparemment pas s'en occuper - d'effectuer des rondes à ces heures et à ces endroits critiques que les pétitionnaires ont clairement identifiés.
M. Pierre-Louis Portier (PDC). Ce débat sur la Vieille-Ville révèle l'importance qu'il y a à discuter des modes d'intervention dans ce type de situations. En cela, j'ai trouvé que les deux interventions de M. Spielmann étaient pertinentes - quand bien même je ne partage pas sa vision d'une police qui interviendrait en tenue anti-émeute. Monsieur Spielmann, sur le fond, vous avez raison. En effet, dans ce type de crises, le policier de quartier - l'homme qui représente l'ordre et la sécurité et que l'on côtoie au quotidien - est certainement la personne idéale pour résoudre ce type de situations tendues sans trop de difficultés. En disant cela, je pense plus particulièrement aux terrasses de café, aux sorties de bistrots et autres.
M. Vaucher a évoqué la possibilité que les ASM interviennent; je crois qu'il a parfaitement raison. Puisque la gendarmerie, à cause de problèmes d'effectifs, ne peut plus répondre comme elle le faisait par le passé, les ASM héritent d'une mission pour laquelle ils sont formés et motivés - du moins a-t-on essayé de les motiver jusqu'à maintenant. En effet, dans les communes, ce sont très souvent les ASM qui, parce qu'ils côtoient les commerçants concernés au quotidien, résolvent les problèmes de sortie de bistrots ou de chahut, auxquels il faut mettre un terme afin de préserver la tranquillité de la population.
J'ai bien dit, Mesdames et Messieurs les députés, que nous avons essayé de motiver les ASM. Lorsque la direction du département de justice et police et sécurité déclare dans la presse qu'elle remet ce type d'organisation en question, non seulement cela ne motive plus les ASM, mais cela déclenche l'inquiétude de la population qui pensait enfin trouver la réponse au problème de police de proximité par ce biais.
Le parti démocrate-chrétien reconnaît les problèmes de bruit dans la Vieille-Ville, les prend à son compte mais aimerait aussi que, à cette occasion, on se mette d'accord, une bonne fois pour toutes, sur une politique sérieuse et sur l'avenir, à long terme, de la police de proximité dans ce canton.
M. Alberto Velasco (S). M. Thion a dit, lors de son intervention, que nous, les socialistes, étions d'accord avec le principe de cette police municipale de proximité. Cependant, Monsieur le député, il faut tout de même faire attention lorsque vous dites cela, car il ne faut pas mélanger les fonctions des uns et des autres.
La police municipale a une fonction, c'est vrai, mais la politique cantonale en a une autre. A force de développer cette police municipale, on est en train de créer des sécurités municipales. Cela est grave, car je trouve que la police doit avoir une fonction cantonale et républicaine. Je me demande si l'on n'est pas en train de faire des petites Républiques dans ce canton, où chaque commune aurait sa police de sécurité. Par conséquent, je dis «oui» à la police municipale, parce qu'elle a une fonction; néanmoins, je suis tout de même sensible aux propos de la conseillère d'Etat, parce qu'il faut veiller à ce que toutes les communes bénéficient de la même sécurité.
Cela dit - M. Spielmann l'a rappelé tout à l'heure - il y a eu, en commission des finances, une intervention au sujet du bruit. Il y avait, à l'époque, une brigade d'intervention antibruit, constituée de sept ou huit policiers. Cette brigade a tout simplement été supprimée pour restrictions budgétaires: on a considéré qu'on manquait de gendarmes ailleurs et ces postes ont été supprimés.
Or, vos positions sont contradictoires, Mesdames et Messieurs de la droite: d'un côté, vous demandez plus de sécurité - donc plus d'interventions, plus d'actions - et de l'autre, vous réalisez des coupes budgétaires, notamment - je dis bien notamment - dans les postes de la fonction publique. Il faut, à un moment donné, faire preuve de plus de cohérence: il ne suffit pas de dire qu'il faut plus de sécurité de proximité. Il faut donner aux magistrats concernés les moyens d'exécuter cette politique. Cela est possible en votant le budget, notamment en ne restreignant pas le nombre des postes de travail et en rétablissant cette brigade antibruit qui était en place, à l'époque, et qui pouvait s'occuper non seulement du bruit causé par ceux et celles qui font des fêtes à des heures indues, mais aussi du bruit causé par les véhicules. Aujourd'hui, une grande part des bruits dont les citoyens se plaignent proviennent de véhicules à moteur.
Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, veillez à faire preuve d'un peu plus de cohérence dans vos discours.
M. Jean Spielmann (AdG). Je voudrais rappeler, à tous ceux qui proposent d'autres solutions, que, pour l'instant, des lois et des règlements concernant le bruit et les établissements publics sont en vigueur. On nous dit que le personnel nécessaire à l'application de ces lois n'est plus disponible. On nous explique qu'une délégation ira devant le Conseil d'Etat, qui examinera la situation. Cela mobilisera quelques hauts fonctionnaires, mais nous continuerons à constater qu'il n'y a personne sur le terrain. On nous explique que les ASM feront ce travail. Cependant, les ASM n'ont pas de compétences pour intervenir dans des établissements publics en cas de bruit. Il y a des règles et des lois, mais ces agents ne peuvent pas les faire appliquer. Une autre solution serait de changer les lois et les règlements, donnant ainsi aux ASM les compétences et les moyens d'intervention, mais il faut cependant aussi savoir que ce sera le même problème dans toutes les communes. Chacune fera donc à sa manière: je croyais que l'on avait mis sur pied un dispositif au niveau cantonal - il existe en effet des lois cantonales qui doivent être respectées.
Pour l'heure, lois et règlements existent et doivent être appliqués et je pense que, plutôt que de faire de grandes commissions et mandater des hauts fonctionnaires, il faut doter les gendarmes en personnel, afin qu'ils puissent correctement faire leur travail en étant justement rémunérés. Il faut mettre les gendarmes au service de la population et leur donner des moyens. C'est tout simple, mais c'est contraire à toute la politique que vous développez.
Il faut que vous compreniez que les dérapages et le changement de société sont le résultat d'une politique, la vôtre, qui consiste à réduire les effectifs et à ne pas donner de moyens aux gendarmes pour qu'ils puissent correctement travailler sur le terrain. Tant que vous continuerez dans cette direction, il n'y aura pas de solution.
J'ai dit tout à l'heure que l'on pouvait, par le biais d'une politique de convivialité et de proximité, réduire les frais et les effectifs. Si vous mettez des brigades d'intervention sur pied, vous aurez besoin de beaucoup plus de monde, pour des rotations beaucoup plus importantes. J'aimerais que l'on comprenne ici qu'il ne s'agit pas uniquement d'un changement de société et de relations entre la population et sa police, mais qu'il s'agit également d'un changement de coûts, qui débouchera sur une société à l'américaine. Cependant, je ne crois pas que ce soit ce que l'on souhaite ici, à Genève, et je pense donc qu'il faille changer de politique.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Je vais tenter de rester dans le sujet. Monsieur Spielmann (Le député tourne presque le dos aux membres du Conseil d'Etat), si vous voulez bien encore me regarder ...voilà, merci. Je vais faire comme le président: je vais vous dire bonjour.
Je suis obligée de démentir les propos que vous tenez. La séance que nous tenons actuellement est enregistrée à la télévision. (La conseillère d'Etat est interpellée.)Monsieur le député... Monsieur le député... Oui, je reste dans le sujet. Monsieur le député, vous tenez des propos qui sont incorrects. Vous prétendez, Monsieur le député, que le poste du Bourg-de-Four est fermé; c'est faux. (La conseillère d'Etat est interpellée.)C'est totalement faux et vous le savez ! Vous tentez de semer la panique dans la Vieille-Ville mais vous n'y arriverez pas. Je peux vous dire que la police et le département, dans le cadre de la modification globale de l'organisation des horaires d'ouverture des postes, prennent des mesures accompagnantes. Je tiens à ce que la population le sache et ne reste pas sur l'impression que vous voulez laisser, à savoir que nous fermons des postes, que nous ne faisons rien... (La conseillère d'Etat est interpellée.)C'est ce que vous avez dit, Monsieur.
M. Jean Spielmann. Ils sont fermés à partir de 19h.
Mme Micheline Spoerri. Monsieur le député... (Le président agite la cloche.)Monsieur le président, laisserez-vous parler le député ou est-ce moi qui ai la parole ?
Le président. Monsieur le député, veuillez ne pas troubler Mme la conseillère d'Etat, s'il vous plaît.
M. Jean Spielmann. Je ne pourrai pas répondre après, il faut bien que... (Exclamations.)
Le président. Monsieur Spielmann, tout de même ! Veuillez poursuivre, Madame la conseillère d'Etat.
Mme Micheline Spoerri. On ne peut pas se permettre, en particulier lorsqu'on a des responsabilités politiques comme vous et moi, de diffuser n'importe quelle information à la population.
Le problème du bruit prend de plus en plus d'importance, et ce n'est pas un hasard si le gouvernement, année après année, fournit toujours plus de ressources, dans tous les départements, pour s'occuper des problèmes de bruit. Au département de justice et police et sécurité, Mesdames et Messieurs les députés, je peux vous dire que, aujourd'hui, un quart de la correspondance que je reçois chaque jour est constitué de plaintes et de doléances vis-à-vis du bruit. C'est dire à quel point il s'agit d'un problème de société. Il s'agit aussi d'un problème de savoir-vivre - et M. le rapporteur l'a évoqué avec beaucoup d'humour. C'est vrai que les gens font beaucoup plus de bruit qu'avant, ne se souciant pas de savoir si cela peut incommoder les autres.
J'aimerais revenir brièvement sur le sujet des agents de sécurité municipaux. Je veux également rectifier l'information selon laquelle les ASM seraient déviés de leur tâche: pas du tout, bien au contraire. Je veux surtout qu'il y ait, entre les magistrats de toutes les communes - M. Velasco l'a très bien relevé tout à l'heure - des liens avec le département de justice et police et sécurité et les ASM, de façon que toutes les communes aient droit à la même sécurité. Il n'y a pas, dans ce canton, de citoyens qui auraient droit à la sécurité et d'autres que l'on mettrait de côté parce que les communes en question n'auraient pas trouvé seules les ressources ou les moyens nécessaires pour pallier tout cela.
J'aimerais encore corriger un autre fait. Monsieur le député Spielmann, vous prétendez que les ASM n'ont pas de compétences. Je vous rappelle que... (La conseillère d'Etat est interpellée.)Oui, Monsieur, j'ai bien compris. Moi, je vous réponds que les ASM ont des compétences matérielles quant à la tranquillité publique. (La conseillère d'Etat est interpellée.)En effet, jusqu'à preuve du contraire, pour moi, le bruit est aussi une affaire de tranquillité publique. Voilà pour ce qui concerne les «désinformations» que nous avons entendues ici et là.
Maintenant, j'aimerais aussi dire que, en effet, si les lois ne sont pas appliquées et les contrôles pas suffisants, cela n'est pas tolérable et cela signifie - comme vous le disiez aussi, Monsieur le député Catelain - que nous sommes dans un état de droit où le respect des règles fait défaut. Sachez en tout cas que, au niveau du département de justice et police et sécurité, nous avons nettement durci notre politique: en cas de récidive en matière de nuisances sonores, après amende administrative, le département prononce, par des décisions immédiatement exécutoires - Monsieur le député Spielmann, si cela vous intéresse - des restrictions d'horaires d'exploitation, conformément à la loi sur la LRDBH.
Il est vrai que ce problème n'est pas propre à la Vieille-Ville, et nous devons continuer à faire des efforts pour diminuer les nuisances subies par nos concitoyens.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il vous est proposé de déposer la pétition 1456 sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.