République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 12 mars 2004 à 17h10
55e législature - 3e année - 6e session - 29e séance
M 1503
Débat
M. Christian Grobet (AdG). Cette motion a été déposée au lendemain de la votation sur la première modification que la majorité de ce Grand Conseil a apportée à la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation - loi qui a été annulée par le peuple genevois. Lors de sa campagne, les milieux immobiliers invoquaient le fait que cette loi aurait permis de créer plusieurs centaines de logements HLM dans des immeubles qui étaient vides.
A l'époque, les milieux concernés invoquaient le fait que 400 logements HLM auraient pu être créés à partir de logements vides; il serait intéressant de savoir quels sont ces logements vides qui pourraient effectivement être remis sur le marché. Le comité des droits des locataires, qui avait lancé l'initiative, s'est vainement adressé aux personnes qui avaient invoqué ce parc de logements à rénover pour savoir quels étaient ces logements vides - de toute façon, nous savons qu'il y a, à Genève, un certain nombre de logements qui sont vacants.
En revanche, lorsque l'on veut savoir quel est le nombre réel et la localisation de ces appartements, on voit que les autorités se trouvent dans l'embarras. D'ailleurs, certains conseillers d'Etat ont même demandé à M. Pagani, à défaut de M. Muller, de bien vouloir établir la liste de ces logements. La conséquence de cette situation résulte du fait que l'Office cantonal de la statistique refuse de donner des indications concernant la liste des endroits où se trouvent les logements vacants - qu'il a pourtant lui-même répertoriés. C'est tout de même incroyable ! J'ai toujours été quelque peu méfiant à l'égard des chiffres statistiques qui sont avancés, d'une part, et, d'autre part, il serait quand même important de savoir si 1200 logements sont effectivement vacants et où ils se trouvent.
Face à la situation où le Conseil d'Etat - je crois que c'était M. Moutinot - nous disait qu'il était incapable d'obtenir de son collègue, M. Lamprecht, la liste des appartements en cause; où M. Moutinot implorait M. Pagani de donner cette liste, parce que ce dernier connaît un certain nombre d'immeubles - comme moi, du reste; où les implorations auprès du milieu immobilier étaient restées sans suite, nous pensons qu'il serait judicieux maintenant de mettre sur pied un groupe de travail qui établisse la liste de ces appartements vacants - ou même illégalement occupés - susceptibles d'être remis sur le marché et de bénéficier de subventions HLM, afin de faire des logements qui soient accessibles à la majorité de la population.
J'espère que cette motion sera acceptée. En tant que telle, elle est assez inoffensive: tout ce qu'elle demande, c'est de créer un groupe de travail dans l'espoir de connaître quels sont les logements vacants dans ce canton.
J'ose donc espérer que cette motion trouvera un bon accueil auprès de tous les bancs de ce Grand Conseil.
Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Cette proposition de motion a tout son sens.
Je comprends aussi qu'elle signifie un surcroît de travail pour le DAEL. Toutefois, elle implique des partenaires: les milieux des locataires et les milieux immobiliers. Ces derniers ne devraient pas rechigner à la tâche et montrer, par un geste de bonne volonté, que leurs allégations, lors de la campagne qui a précédé la votation du 24 novembre 2002 sur la modification de la LDTR, comportaient une part de bonne foi. Ils devraient, de ce fait, apporter leur quote-part de travail et de réflexion à l'intérieur du groupe dont la motion demande la création.
Il serait toutefois préférable que le travail demandé par la motion soit fait dans un groupe déjà existant. Comme le souhaitent les milieux des locataires, il y aurait ainsi une impulsion qui aiderait le Conseil d'Etat à concrétiser sa politique du logement.
M. Jacques Baud (UDC). Messieurs de la gauche, l'hypocrisie ne vous fait pas peur, n'est-ce pas ? En effet, il semble qu'en commission une bonne partie d'entre vous étiez d'accord avec ce projet de loi qui proposait la rénovation d'un certain nombre d'immeubles. Dans ce projet de loi, nous tenions largement compte de la protection des locataires; tout le monde trouvait ce projet intéressant; quelques-uns étaient contre, mais très peu. La grande majorité de la gauche et la totalité de la droite étaient tombées d'accord en commission, il y avait donc conciliation.
Et que s'est-il passé ? Tout à coup, la gauche a lancé un référendum. C'est ce que vous appelez la «conciliation» - parce que chez vous, «conciliation» sous-entend que l'on soit d'accord à 200% avec vous et qu'il n'y ait plus qu'à fermer sa gueule. Voila ce qu'est la politique, avec vous ! Je trouve cela un peu triste.
Alors, renvoyons cela en commission du logement, recommençons cette fausse conciliation, hypocrite de votre part. On ira très loin, et le peuple sera content.
Le président. Monsieur le député, je ne vous ai pas très bien compris. Faites-vous formellement une demande de renvoi en commission du logement ?
M. Jacques Baud. Oui, on peut renvoyer cette motion en commission du logement. De toute façon, on va perdre du temps, mais on ne peut rien faire d'autre...
Le président. Non, Monsieur le député, ma question est simple: est-ce que vous faites formellement une demande de renvoi en commission ?
M. Jacques Baud. Je demande le renvoi en commission.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Désormais, un intervenant par groupe peut s'exprimer.
M. Olivier Vaucher (L). Je répondrai aux deux choses à la fois, puisque je m'étais préparé à commenter cette motion... (Protestations.)
En ce qui concerne le renvoi en commission, permettez-moi tout d'abord de relever que je suis tout à fait disposé à venir avec vous, Mesdames et Messieurs les motionnaires, avec un stylo et un bloc de papier pour faire cet inventaire ! En effet, l'inventaire des immeubles en état de déprédation avancée, à Genève, est tellement facile à faire, qu'il ne faudra pas quinze ans pour l'établir. Alors, je viendrai volontiers avec vous.
Malheureusement, Mesdames et Messieurs les motionnaires, je dois vous faire part de mon étonnement, puisque vous êtes particulièrement acharnés à toute facilitation ou atténuation de la LDTR - car c'est peut-être, aujourd'hui, une des causes principales de la dégradation du parc immobilier genevois, qui, je vous le rappelle, est le parc immobilier le plus vétuste de Suisse. Si l'on arrivait à atténuer la LDTR, il est certain que beaucoup de propriétaires, même institutionnels - même les fondations pour le logement - souhaiteraient transformer. Mais avec la LDTR en l'état, cela n'est nullement possible sans un coût beaucoup trop élevé pour pouvoir le répercuter sur les pièces.
Avant de vous communiquer ce que notre groupe vous propose concernant cette motion, je vous dirai encore que nous rejoindrions largement votre proposition d'une commission tripartite avec tous les intéressés, s'il s'agissait de débloquer la situation générale du logement à Genève, et non pas seulement de celle de quelques immeubles isolés. Là, nous serions partants pour trouver des solutions, un état général des logements, par exemple, pour pouvoir avancer dans la situation.
Mais cette motion, Mesdames et Messieurs les députés, est irréalisable, elle ne mène pas à une amélioration de la situation, et notre groupe se verra obligé de la «shooter».
M. Gabriel Barrillier (R). Mettons tout le monde d'accord ! Nous avons adopté une motion sur le même sujet, début 2003 - je ne me souviens plus de son numéro - grâce à laquelle nous nous étions tous mis d'accord pour demander au Conseil d'Etat de prendre des mesures incitant les propriétaires à rénover. La dernière invite de cette motion proposait d'analyser les raisons qui font que certains propriétaires ne rénovent pas leurs biens. Cette motion ayant été votée quasiment à l'unanimité, il est dès lors inutile de renvoyer cette motion en commission du logement, le travail a déjà été fait ! Nous proposons donc de la rejeter.
M. David Hiler (Ve). J'aimerais rappeler à M. Baud, en guise de préambule, que la votation à laquelle il est fait référence dans l'exposé des motifs n'est pas équivalente à celle que nous venons de connaître. Elle est celle de 2002, portant sur ce qui est déterminant, de la LDTR ou du régime HLM. Les fronts étaient assez différents de la dernière votation, assez différents de nos travaux sur les mètres carrés, également. Il s'agissait donc d'une opposition assez frontale entre l'Alternative et l'Entente, où les électeurs avaient suivi l'Alternative.
Il nous semble, en accord avec ce qu'a dit la députée socialiste, que nous devons mettre tout ensemble; il ne peut pas y avoir une commission qui réunisse les interlocuteurs du logement à Genève pour chaque petit problème. Alors, la question de la concertation globale doit être traitée par le département.
En ce qui nous concerne, nous soutiendrons cette motion, cela fait partie des renseignements qui nous sont nécessaires; ce n'est pas très fondamental, mais il doit y avoir un dialogue permanent. Les conditions pour que ce dernier ait lieu ne sont pas tout à fait remplies, mais c'est le dur travail du département que d'y contribuer. Nous ne voyons pas pourquoi nous nous opposerions à un renvoi au Conseil d'Etat, puisque cette motion fait partie du panier commun de tout ce qui doit être discuté.
J'ajoute enfin, à l'attention de M. Baud, qu'il faut toujours tenter la concertation avant l'affrontement. Néanmoins, nous n'avons jamais dit que la concertation aboutissait à chaque fois. Donc, il est normal d'essayer de se mettre d'accord sur ce qui est possible, et de demander au peuple souverain de trancher sur quoi nous ne sommes pas d'accord.
Je pense qu'un renvoi de cette motion en commission du logement serait une perte de temps. Il faut donner un signal au Conseil d'Etat, et c'est sur le renvoi au Conseil d'Etat que le vrai débat doit avoir lieu.
M. Christian Grobet (AdG). Je répondrai très brièvement à M. Baud qui a terminé son intervention en parlant du peuple. Le peuple, Monsieur Baud, s'est prononcé à plusieurs reprises: d'abord sur la création de la LDTR, son renforcement, puis sur les tentatives de remettre cette loi en cause - elle ne vous plaît peut-être pas, mais je ne crois pas que le peuple soit aussi sot que vous le pensez. Si ce dernier est attaché à cette loi, c'est parce qu'il sait très bien qu'elle a permis d'éviter de nombreuses démolitions à Genève, surtout beaucoup de changements d'affectations de logements en bureaux, ainsi que des explosions de prix lors de rénovations.
Nous ne sommes pas là pour élargir le débat à toute la problématique de la LDTR - on peut toujours, Monsieur Vaucher, en rediscuter, ce n'est pas cela le problème. Le problème tient dans le fait que, depuis des années, on parle d'un certain nombre de logements vacants à Genève et que, à part les quelques logements que chacun connaît par sa propre expérience professionnelle, on ne sait pas où se trouvent ces logements vacants. Le fait qu'un certain nombre de représentants des milieux immobiliers aient mené toute une campagne sur la possibilité de rénover des immeubles est un autre aspect du problème. Je pense, à ce propos, que l'on aurait intérêt à savoir quels immeubles sont susceptibles d'être rénovés. Lorsque l'on demande la liste de ces immeubles aux milieux immobiliers - qui ont avancé le chiffre de 400 logements vacants qui pourraient être transformés et remis sur le marché - on n'obtient aucune liste... Vous assumerez vos responsabilités si, aujourd'hui, vous refusez cette chose toute simple: créer une commission d'étude pour tenter de recenser les logements vacants et de voir si ils peuvent être rénovés.
Cette motion répond aux déclarations - que j'entends encore - de M. Barrillier - forcément un peu déçu, je le comprends - lorsque cette modification de la LDTR a été refusée... Vous disiez: «Mais enfin, il faudrait à tout prix...» - et je vous revois, avec les bras écartés, comme vous avez l'habitude de le faire - «... il faudrait quand même que l'on arrive à faire du concret ! Le peuple l'a refusé, mais il faut que l'on fasse du concret !» Or, au moment où l'on vous propose une chose concrète - mais toute simple ! - vous dites que vous n'en voulez pas... Alors, de deux choses l'une - et je ne le pense pas: soit vos propos, selon lesquels vous voulez des actions concrètes, c'est du baratin ! Soit, alors, c'est que vous n'avez pas envie de reconnaître que toutes vos affirmations lors de cette votation d'il y a quinze mois étaient fallacieuses !
En effet, si, comme vous l'avez prétendu, ces logements existent bel et bien, je ne vois pas pourquoi on ne se mettrait pas dans un groupe des parterres sociaux pour discuter de ces logements. Si vous ne voulez pas voter cette motion ce soir, c'est alors la démonstration que vous aurez menti lors de cette campagne électorale.
Par conséquent, je pense que vous auriez intérêt, tout comme nous aussi, à créer cette commission et à renvoyer cela au Conseil d'Etat ! Il s'agit d'une mission très simple; il ne s'agit pas de tout brasser, mais de voir si l'on peut s'occuper des 400 logements dont vous avez parlé.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Je vous dois des réponses sur un certain nombre de motions, dont quelques unes touchent le sujet qui vous préoccupe. Vous devriez avoir ces réponses autour de Pâques, de même que le rapport du Conseil d'Etat sur le rapport de la commission d'évaluation des politiques publiques concernant la LDTR.
En ce qui concerne le groupe paritaire, je vous indique qu'un tel groupe s'est réuni à plusieurs reprises ces derniers temps. Ce groupe, formé par les représentants patronaux et syndicaux de la construction, du Rassemblement pour une politique sociale du logement et de la Chambre genevoise immobilière, s'est réuni pour examiner - et vous en connaîtrez également les résultats dans les réponses aux motions - les plans localisés de quartier qui comportent encore un potentiel de logements, mais qui ne sont pas utilisés. Nous les avons analysés les uns après les autres; nous avons pris un certain nombre de mesures pour faire démarrer les travaux qui pourraient l'être - il va de soi que les mesures ultimes et finales seront des lois d'expropriation si tel devait être le cas. Pour ce qui est des autorisations, il en va de même: nous avons examiné la liste de toutes les autorisations en force non utilisées pour essayer d'en connaître les raisons, ainsi que pour pousser à leur réalisation. Je remercie l'ensemble des partenaires qui ont participé à ce groupe.
Quant à la question posée aujourd'hui, j'aimerais être mieux informé sur les logements vides existants - vous l'avez d'ailleurs rappelé; à l'heure actuelle, d'après mes informations, il ne semble pas qu'il en existe par immeubles entiers. Cela complique d'ailleurs leur recensement, car cela revient à comptabiliser un appartement par-ci, un ou deux autres par là.
Nous avons mis au point une méthode afin d'identifier ces logements, elle est simple: il s'agit de connaître les contrats d'abonnements SIG résiliés depuis longtemps. En effet, tout le monde, en tant que locataire, est titulaire d'un contrat d'abonnement SIG, alors que, dans un appartement vide, il n'y a plus ni gaz ni électricité. J'étais un peu réticent à vous dévoiler cette méthode, car il existe des petits malins qui signent des contrats au nom de personnes inexistantes pour faire croire que l'appartement est occupé... Partant de l'idée que ce comportement n'est pas aussi fréquent que cela, je vous en ai tout de même fait part. Ainsi, c'est sur cette base-là, par des comparaisons, que nous pouvons savoir quels sont les appartements vides. Il est normal qu'un contrat soit résilié pendant un ou deux mois, c'est-à-dire le laps de temps qu'un appartement n'est pas occupé par un locataire, mais cela ne joue plus si cette période est plus longue. C'est donc sur la durée que nous serons, dans les limites inhérentes à cet exercice, en mesure de maîtriser la localisation des appartements vides et, par la suite, de prendre les mesures usuelles prévues par la loi, qui consistent à interpeller le propriétaire. En général, cela suffit. Parfois, il faut pousser un peu plus s'il ne comprend pas la première fois, étant rappelé que la LDTR inclut, au final, la possibilité d'exproprier le droit d'usage, s'il faut en arriver là.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous ai exposé ce que nous faisons quant à cette problématique, qui nous préoccupe autant que vous, et quels sont les instruments à notre disposition. A partir de là, vous pouvez renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, il vous sera répondu. L'intérêt d'un passage en commission ne me paraît pas utile, car je ne vois pas quel approfondissement pourrait opéré sur cette question. Si vous souhaitez toutefois en débattre, je m'en rapporte à votre décision.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous avons été saisis d'une demande de renvoi de cette motion en commission du logement. Le vote électronique est lancé.
Mis aux voix, le renvoi de cette proposition de motion en commission est rejeté par 61 non contre 3 oui et 11 abstentions.
Le président. Nous poursuivons donc nos débats. Je donne la parole à M. Gabriel Barrillier.
M. Gabriel Barrillier (R). Je crois que la déclaration du président du DAEL, M. Moutinot, a démontré que je suis de bonne foi, puisqu'il existe des groupes de travail et de concertation qui réunissent les partenaires intéressés. Malheureusement - ou heureusement, je ne sais pas - le député Christian Grobet n'en fait pas partie; il n'est donc pas au courant. L'existence de cette concertation, assez poussée, suffit à démontrer que j'étais et que je suis toujours de bonne foi ! (Exclamations.)
Le président. Nous allons nous prononcer sur le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat. Le vote électronique est lancé. Alors, nous attendons les résultats...
Cette proposition de motion recueille 35 oui, 35 non et 1 abstention.
Des voix. Il y a égalité !
M. André Reymond. Mais cela ne marche pas !
Le président. Comment, cela ne fonctionne pas ?
Une voix. Il est arrivé en retard... (Rires.)
Le président. Monsieur Reymond, il vous faudrait arriver à l'heure pour les votes ! Je dois donc trancher et je me prononce contre cette proposition de motion.
Cette proposition de motion est donc rejetée.