République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 12 mars 2004 à 15h
55e législature - 3e année - 6e session - 28e séance
PL 8965-A
Premier débat
M. Rémy Pagani (AdG). Nous nous trouvons face à une restructuration de l'OCIRT. Cette restructuration vise d'une part à toiletter la loi régissant cet office et, d'autre part, à mettre en place une structure permettant d'appréhender la situation à laquelle nous serons confrontés sur le plan du marché du travail dès le 1er juin prochain.
Nous avons travaillé à l'amélioration de ce projet de loi, qui vise notamment à introduire dans la loi les usages professionnels et à permettre, en cas de sous-enchère manifeste et abusive, d'étendre les conventions collectives - ainsi que le prévoit la loi fédérale sur les accords bilatéraux.
Des appréhensions se sont fait jour tant du point de vue des autorités que des milieux syndicaux quant à la dérégulation du marché du travail à laquelle nous assisterons dès le 1er juin. Un certain nombre de «frémissements» sont déjà apparus - ne serait-ce que la hausse considérable du nombre de frontaliers, puisque ce dernier est quasiment passé de 30 000 à 40 000 durant ces deux dernières années. Peut-être en sera-t-il de même jusqu'à la fin de cette année, voire jusqu'au début de l'année prochaine. Certains prédisaient en effet qu'une pression s'exercerait sur le marché du travail dès l'entrée en force des bilatérales - soit en juin de cette année - et provoquerait une augmentation de quelque 10 000 personnes. On se retrouvera donc, à la fin de cette année ou au début de l'année prochaine, avec près de 50 000 frontaliers - sans compter les personnes venant travailler depuis le canton de Vaud. Le poids des personnes extérieures au marché du travail local sera donc considérable.
La question très concrète qui se pose aujourd'hui est la suivante: le DEEE est encore en train de se demander s'il faut ou non faire figurer, sur les autorisations de travail, les salaires qui seront offerts aux employés requérants. Concernant ces autorisations de travail, je noterai certes que le passage d'un délai d'un mois à un délai de cinq jours constitue un progrès notoire, mais je ne vois guère quelle est la différence pour un employeur qui s'y prend à temps ! Nous estimons que le simple fait de se demander s'il convient ou non de faire figurer sur ces autorisations les montants des salaires pose un problème. On nous prie aujourd'hui de ratifier la mise sur pied d'un observatoire du marché du travail, alors, je me demande comment cet observatoire pourrait fonctionner si les salaires offerts par les employeurs ne figurent pas sur ces demandes d'autorisation de travail ! Il s'agit là d'un véritable souci. Cela nous angoisse d'autant plus que, si l'on veut rendre le marché de l'emploi transparent à l'avenir - et il y a de bonnes raisons de le rendre transparent - il faut obligatoirement faire figurer sur les demandes de travail les montants des salaires ainsi que les conditions salariales. Il n'y a, sur cette question, aucune hésitation à avoir ! Si ces informations ne figurent pas sur les demandes de travail, je vois mal comment l'on pourrait, non seulement se montrer transparent, mais également rassurer la population quant au fait qu'aucun dumping salarial et social ne sera engendré ! C'est une balle que le département se tire dans le pied !
Je souhaite que le département nous rassure rapidement sur cette question. Par «rapidement», j'entends aujourd'hui même car il n'y a, à mon sens, pas à transiger sur ces questions. Soit l'on se donne les moyens de mettre sur pied un observatoire du marché du travail, soit tout cela n'est que de l'esbroufe visant à répandre un nuage de fumée en tenant le discours suivant: «Allons-y, les copains, dérégulons le marché du travail et l'on verra bien quels seront l'augmentation du chômage et tous les problèmes sociaux qui seront engendrés par cette politique !» Et non seulement on verra quels seront ces problèmes, mais on en subira tous, les uns et les autres et de quelque bord que l'on soit, les conséquences ! Cela, nous nous y refusons !
M. Georges Letellier (UDC). Je pense, Monsieur Pagani, qu'il est un peu tard pour réagir. Dans trois mois, on se trouvera face à cette échéance et, cette situation, vous l'avez voulue ! Qui a voulu voter pour les accords bilatéraux ? Qui a accepté ces accords ? Ce n'est pas nous !
Ce nouveau projet de loi est un véritable pare-feu nécessaire pour endiguer la déferlante de main-d'oeuvre étrangère consécutive aux accords bilatéraux et à la libre circulation des personnes - déferlante qui, je vous rejoins entièrement sur ce point, risque de provoquer une sous-enchère de la main-d'oeuvre et une augmentation du chômage local. Avec le CSME - le Conseil de surveillance du marché du travail - l'Etat se dote d'un organisme de contrôle que nous souhaitons efficace afin d'éviter une Bérézina salariale. Nous ne pouvons que soutenir cette initiative - certes tardive - du département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures, et nous voterons ce projet de loi. On n'a pas le choix !
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Je déclarerai en guise de préambule que je suis heureuse d'entendre l'UDC. Ses représentants ne nous ont malheureusement pas fait l'honneur de leur présence en commission puisque, comme vous avez sans doute pu le constater à la lecture du rapport, quatorze députés étaient présents mais, malheureusement, jamais aucun député UDC. Je suis donc heureuse de savoir qu'ils se rallient à cette proposition.
Je ferai ensuite savoir que le groupe démocrate-chrétien acceptera bien évidemment cette loi telle qu'elle a été votée en commission de l'économie, avec l'amendement proposé par le Conseil d'Etat. Ce projet est issu d'un consensus entre partenaires sociaux, consensus que nous pouvons saluer.
S'agissant des questions posées par M. Pagani, je relèverai qu'il aurait éventuellement pu les poser en commission. Les travaux en commission servent également à cela ! Je propose que les partenaires sociaux règlent cette question entre eux. Ce n'est en effet pas aux députés de décider des informations que l'on fait figurer ou non sur un formulaire. Nous nous en tiendrons donc, pour notre part, à la loi telle qu'elle a été votée - avec l'amendement prévu par le département. Je précise que cet amendement ne fait qu'augmenter le nombre de représentants au sein du CSME.
M. Blaise Matthey (L). Y a-t-il, dans le fond, des raisons d'éprouver des craintes par rapport à ce projet ? Je rappelle que ce dernier s'inscrit dans un contexte beaucoup plus large qui ne concerne pas le seul canton de Genève: il s'agit de l'entrée en vigueur des accords bilatéraux. Genève fait, à l'heure actuelle, l'objet d'études de la plupart des autres cantons, et cela précisément parce qu'elle a instauré des mesures d'accompagnement et parce qu'elle possède une tradition du tripartisme que l'on ne rencontre pas forcément dans le reste du pays. C'est la raison pour laquelle nous, groupe libéral, ne pouvons que souscrire aux propositions formulées dans ce projet.
J'ajoute que la Communauté genevoise d'action syndicale, à teneur du rapport qui se trouve devant mes yeux, se déclare pleinement d'accord avec le contenu de ce texte et que l'Union des associations patronales genevoises fait de même. Je vois mal quelles menaces pourraient peser sur le marché de l'emploi si les acteurs principaux qui régulent le marché de l'emploi, qui sont les partenaires qui discutent tous les jours sur ledit marché, ne sont pas inquiets ! Nous voterons par conséquent ce projet de loi, avec l'amendement proposé par le département.
M. Rémy Pagani (AdG). Nous voterons bien évidemment ce projet de loi, avec l'amendement déposé par le département. Je souhaite toutefois répondre à Mme Ruegsegger.
Il allait de soi, à mon avis, que l'on demanderait aux employeurs le salaire qu'ils proposeraient à leurs futurs employés lors du dépôt de permis - comme cela a d'ailleurs été le cas jusqu'à maintenant, même si le contrôle avait lieu a priori. Ce contrôle devant désormais se faire a posteriori, il me paraissait évident que l'on demanderait aux employeurs les salaires qu'ils proposeraient aux employés qu'ils recruteraient, notamment dans l'Union européenne. Sauf que, lorsque nous avons travaillé à ce projet de loi en juin 2003, nous ignorions que le département se demandait s'il ferait figurer ou non ces données, notamment sur le libellé des circulaires.
Ensuite, on nous dit que ce point relève de la décision des partenaires sociaux... Alors, quand il s'agit de supprimer le droit des chômeurs à l'occupation temporaire, on déclare que cela relève de ce parlement et, lorsqu'il s'agit de contrôler de manière à peu près sensée le marché du travail, on estime que cela relève des partenaires sociaux ! Non, Mesdames et Messieurs ! Nous devons mener une politique d'ensemble concernant le marché du travail, si nous ne voulons pas que cette bombe à retardement, non seulement nous échappe, mais nous explose à la figure ! Je demande donc formellement et une fois pour toutes au département s'il se déterminera avant que les partenaires sociaux ne prennent une décision. En effet, cette question ne relève pas des partenaires sociaux, mais de la politique générale que notre canton mettra en place concernant la main-d'oeuvre immigrée qui arrivera sur notre territoire.
Je vous rappelle par ailleurs, Monsieur Matthey, que tout n'est pas si rose dans le meilleur des mondes puisque, comme vous le savez fort bien, une pression s'exerce déjà depuis deux ans sur le marché du travail local. Tant le Grand Conseil que le gouvernement doivent faire preuve de responsabilité non seulement en agissant en toute transparence, mais en se donnant les moyens de cette transparence !
M. Gabriel Barrillier (R). Il s'agit là d'un sujet chaud. Depuis quelques jours, on discute - soit entre partenaires sociaux, soit à d'autres niveaux - pour savoir comment ces mesures d'accompagnement seront maîtrisées à partir du 1er juin 2004.
Tout en remerciant le rapporteur de son excellent travail, je relèverai en premier lieu que nous pouvons enfin - enfin ! - voter aujourd'hui ce projet de loi dont les fondements sont prêts depuis belle lurette, soit depuis 2002. Je regrette un peu que l'on ait autant attendu avant de voter ce projet de loi, car il s'agit du fondement du dispositif destiné à éviter les collisions, les dumpings et d'autres situations que semble craindre notre collègue Pagani.
Deuxième remarque: nous appliquons un accord international. Or les textes sont tout à fait clairs en matière de libre circulation. Deux cas de figure peuvent se présenter. Le premier concerne ce que l'on nomme le «détachement des travailleurs», soit la venue en Suisse d'employés d'une entreprise basée à l'extérieur de l'Union européenne. Dans ce premier cas, l'employeur étranger se verra effectivement obligé de fournir un certain nombre d'informations, notamment concernant les rémunérations ou encore le respect de l'égalité homme - femme. Dans le deuxième cas de figure, l'employeur suisse fait, comme cela était le cas jusqu'à présent, appel à de la main-d'oeuvre étrangère, principalement frontalière, pour le canton de Genève. Jusqu'à maintenant, le contrôle se faisait a priori. A priori ! Et à partir du 1er juin, il se fera a posteriori ! Or nous n'aurons pas la possibilité de prier les employeurs - ou les travailleurs, puisque les deux pourront présenter la demande - d'indiquer dans cette dernière des indications sur les salaires ou sur les horaires ! Cela est contraire aux accords ! Tout le dispositif des mesures d'accompagnement, Collègue Pagani, prévoit ce contrôle après ! Les personnes pourront se plaindre auprès du syndicat, alerter l'autorité, et il incombera alors au Conseil de surveillance du marché de l'emploi, s'il a le sentiment que quelque chose ne tourne pas rond et qu'il se trouve face à un dumping important et répété, d'activer la sonnette d'alarme et de charger l'observatoire de l'emploi de mener une enquête. Vous voulez le beurre et l'argent du beurre ! Vous voulez tout bétonner... Alors que ces accords ont été acceptés par le peuple suisse !
Il faudra effectivement se montrer très attentifs à partir du 1er juin pour éviter que des situations inacceptables se développent. Or, dans les métiers comme ceux que je connais, nous disposons de conventions collectives de travail étendues; je pense donc qu'il n'existe aucun risque majeur de dérapage. En revanche, dans d'autres secteurs moins organisés, il faudra se montrer très attentifs.
Le projet de loi qui nous est proposé ici est tout à fait correct. Et c'est aux partenaires sociaux qu'il incombera ensuite de faire leur travail de pompier et d'investigation ! Le groupe radical accepte ce projet de loi et vous prie de le voter.
M. Alain Charbonnier (S). Les propos de M. Barrillier sont exacts. On peut regretter la présentation tardive de ce rapport, car on se trouve maintenant tout près de la date fatidique de l'entrée en vigueur des accords bilatéraux sur la libre circulation des personnes, et il aurait été souhaitable que l'Observatoire du marché du travail puisse s'installer sous la forme prévue bien avant que ces mesures n'entrent en vigueur.
S'agissant des craintes de M. Pagani, l'article 19 précise que l'Observatoire du marché du travail surveillera ces problèmes salariaux; il faut vraiment que cet observatoire fonctionne. Pour cela, il doit se trouver sous l'autorité du Conseil de surveillance du marché du travail - au sein duquel les partenaires sociaux seront représentés puisque, si j'ai bien compris l'amendement du département, la composition de ce Conseil sera tripartite.
Nous soutiendrons ce projet de loi sous cette forme, tout en demeurant attentifs et en restant en relation avec les syndicats afin que le marché du travail soit observé de la meilleure façon possible - surtout, évidemment, sur la question salariale.
M. Rémy Pagani (AdG). M. Barrillier fait preuve d'une certaine franchise dans ses propos, et on peut l'en remercier; il vient de présenter très exactement la problématique à laquelle nous serons confrontés, il a décrit la situation suivante: imaginons que vous, qui refaisez votre cuisine...
Des voix. Qui refaites !
M. Rémy Pagani. Qui refaites votre cuisine, pardon ! Donc, vous commandez chez Bauknecht ou chez Dieu sait qui... (Commentaires.)Vous commandez votre cuisine complète et faites venir en employeur avec son matériel et les personnes nécessaires pour effectuer le travail... Dans le cas de figure, il est entendu que tous les éléments sont sous contrôle, le niveau des salaires et les avantages sociaux devant correspondre à la situation du marché local, et que cela ne dérégule pas trop le marché du travail local. On peut toutefois discuter s'agissant des parqueteurs, car une concurrence effrénée - qui a déjà débuté - va se développer dans ce secteur.
Or voici autre chose: la loi que l'on nous fait voter prétend également mettre en place un observatoire du marché du travail lorsque les employeurs suisses feront venir de la main-d'oeuvre, puisqu'elle stipule en son article 19, alinéa 4: «... d'observer l'évolution générale du marché du travail sous l'angle des salaires, des prestations sociales et des conditions de travail...». Or M. Barrillier vient nous dire: «Ah non ! On va mettre sur pied cet observatoire, mais on ne lui donnera pas les moyens de fonctionner !», puisque les employeurs ne seront pas dans l'obligation d'indiquer le niveau des salaires, ne serait-ce que les prestations sociales qu'ils entendent offrir.
Je ne demande pas l'instauration d'un contrôle, Monsieur Barrillier, je demande simplement qu'il soit fait en sorte que les employeurs indiquent, dans les circulaires de demandes d'autorisation de travail, le niveau des salaires et des prestations sociales. Tout cela, Mesdames et Messieurs les députés, si l'on suit la logique de M. Barrillier, va rendre opaque un marché du travail jusqu'alors relativement transparent ! Et il semble qu'au sein du département, un certain nombre de juristes puristes - et l'on voit très bien les tendances politiques qui se cachent là-derrière - veuillent rendre opaque ce marché du travail ! Vous en assumerez les conséquences ! Pour notre part, nous nous y opposerons ! Nous estimons que c'est faire fi de la volonté de ce Grand Conseil: on nous fait voter un observatoire qui ne servira à rien, puisqu'il n'aura que les compétences de demander, a posteriori, aux employeurs s'ils veulent bien indiquer le niveau des salaires qu'ils auront versés à leurs employés ! Et l'anonymat sera bien évidemment garanti aux employeurs en raison de la protection des données...
Tout cela n'est que de l'esbroufe, si l'on n'impose pas aux employeurs d'indiquer, au moment de la demande de permis, le niveau des salaires et des prestations sociales ! Je trouverais regrettable que l'on en arrive à un tel point. Toujours est-il que vous en assumerez les conséquences !
Le président. Merci, Monsieur le député. Sont encore inscrits M. le député Gros et M. le rapporteur Bavarel. Ensuite s'exprimera M. le conseiller d'Etat Carlo Lamprecht.
M. Jean-Michel Gros (L). Je ne pensais pas prendre la parole, car M. Matthey l'a fort bien fait au nom du groupe libéral. Pour avoir assisté aux travaux de la commission de l'économie tout au long de l'étude de ce projet de loi, je constate cependant que ce projet de loi a été voté à l'unanimité, y compris par l'Alliance de gauche. Cela figure d'ailleurs dans le rapport de M. Bavarel. Et M. Pagani vient maintenant nous mettre face à nos responsabilités ?!
Je tiens à faire connaître les propos échangés au sein de cette commission. Il faut savoir que M. Pagani attribue notamment le chômage au fait que le canton accepte que des frontaliers viennent travailler à Genève: nous acceptons trop de frontaliers et nous acceptons le regroupement familial. Or, le regroupement familial est, d'après M. Pagani, scandaleux ! Pire: nous acceptons que les femmes de notre canton travaillent ! La devise de M. Pagani - et cette devise était sous-entendue en commission - c'est: «Les étrangers dehors et les femmes au foyer ! Nous résoudrons ainsi nos problèmes de chômage !» (Protestations et sifflements.)Voilà quelle est la réflexion de M. Pagani ! Il est, en cela, d'accord avec d'autres personnes de ce parlement...
Sachez que le groupe libéral ne partage pas cette option et que, comme l'unanimité de la commission, il votera ce projet de loi. Nous vous demandons de faire de même ! (Applaudissements.)
M. Christian Bavarel (Ve), rapporteur. Monsieur le président, je vois... (Brouhaha.)Je vois - et, surtout, j'entends - que le débat reste émotionnel... On va assister à un changement de culture, à savoir l'arrivée des bilatérales. J'ai malheureusement le privilège de présider à l'heure actuelle la commission de l'économie; je constate que l'on ne se montre guère plus raisonnable en plénière qu'en commission...
Je souhaite simplement rappeler les objectifs de cette loi. Il s'agit d'une loi assez touffue et complexe, qui comporte cinquante articles difficilement résumables en deux minutes. Il n'est pas nécessaire de refaire le débat ici, mais je rappellerai les deux grands objectifs de cette loi. Il s'agit, d'une part, de traduire législativement le concept de mise en oeuvre des mesures d'accompagnement sur la libre circulation des personnes. D'autre part, la loi vise à rassembler dans un texte unique l'ensemble des compétences du canton en matière d'inspection des relations du travail. C'est de cela que nous parlons et c'est là-dessus que nous devrons voter.
La commission a auditionné les partenaires sociaux. Lorsque ces derniers sont d'accord - ce qui peut arriver - et qu'ils ont fait leur travail, il n'est selon moi pas nécessaire que le parlement défasse un projet déjà monté pour le remonter ensuite d'une manière «un poil» différente, mais qui aboutit plus ou moins au même résultat... Lorsque les partenaires sociaux ne sont pas d'accord, il est de notre devoir de faire l'arbitrage - procédé que je trouve assez raisonnable. Dans ce cas précis, les partenaires sociaux sont arrivés devant notre commission avec des accords et ils nous ont proposé un projet qui tenait la route et sur lequel nous avons pu les interroger. Etant donné que nous nous sommes accordés à dire que ce travail avait été fait - et qu'il avait été bien fait - j'ai quelque peine à comprendre le présent débat.
Le département nous propose un amendement à son propre texte; il a eu la délicatesse de nous le présenter en commission déjà, mais nous n'avons pas pu procéder au vote, car le vote sur le projet de loi avait déjà eu lieu. Nous avons cependant pu débattre de cet amendement et poser les questions que nous souhaitions. J'ai l'impression qu'il se dégage une large majorité en faveur de cet amendement, puisqu'il n'y a eu aucune opposition en commission. J'espère qu'il en sera de même aujourd'hui.
On peut déceler l'enthousiasme des députés au bout d'un moment: le sujet étant touffu, on se rend compte qu'un nombre toujours plus faible de députés étaient présents dans la salle au moment des votes. Il n'empêche que les commissaires se sont montrés unanimes sur ce projet de loi - que ce soit par leur vote ou par leur départ de la salle pour signifier que le travail avait déjà été réalisé. J'invite donc ce Grand Conseil à adopter ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Sont encore inscrits M. Kunz, Mme Bolay et M. le conseiller d'Etat Carlo Lamprecht.
Je donne très brièvement la parole à M. Pagani qui a été mis en cause. Vous avez trente secondes, Monsieur Pagani, et je vous prie de jouer le jeu !
M. Rémy Pagani (AdG). Je ne vois pas pourquoi je m'exprimerais brièvement, puisque j'ai été mis en cause - et de manière assez scandaleuse - par M. Gros. Je rappelle à ce dernier que, contrairement à lui, je défends la légalisation collective des clandestins. Lui, en revanche, a refusé cette légalisation.
Cela dit, cette intervention me donne l'occasion de définir et de rendre publique la position de l'Alliance de gauche sur cette question. Nous, Alliance de gauche, sommes favorables à la libre circulation des personnes. Nous avons d'ailleurs été des internationalistes avant vous, Messieurs les libéraux - et non pas de circonstance ! Nous pensons que chacun a le droit de vivre là où il pense pouvoir vivre. La question qui se pose aujourd'hui dans toutes les régions de notre planète est la suivante: il faut éviter que des travailleurs venant de l'extérieur - c'est malheureusement ainsi - ne se livrent à une sous-enchère telle que les personnes qui habiteraient dans ces régions au moment de ces actions ne puissent pas vivre convenablement. De ce point de vue, nous sommes favorables à la lutte, non pas contre les chômeurs ou les clandestins, mais contre le dumping salarial organisé par les employeurs. Peut-être, Monsieur Gros, n'avez-vous pas participé à des assemblées d'employeurs ces derniers temps...
Le président. Monsieur Pagani, je vous prie de conclure !
M. Rémy Pagani. ... mais ces mêmes employeurs se frottent les mains en attendant le 1er juin pour faire venir de la main-d'oeuvre bon marché...
Le président. Veuillez conclure, Monsieur Pagani !
M. Rémy Pagani. ... et organiser la dérégulation du marché du travail que nous paierons tous, soit politiquement, soit financièrement, par une augmentation de la pauvreté et du chômage ! Nous, Alliance de gauche, sommes responsables. Nous sommes attentifs au fait d'offrir des conditions de vie décentes à l'ensemble de la population de ce canton - contrairement à vous, Monsieur Gros, car vous êtes le fer de lance de ceux qui dérégulent le marché du travail !
Le président. Arrêtez, Monsieur Pagani, ou je coupe votre micro ! Veuillez conclure !
M. Rémy Pagani. J'ai terminé !
Le président. Merci, Monsieur le député. Vous avez parlé durant deux minutes et huit secondes, ce qui fait trente très longues secondes... Je saurai m'en souvenir à l'avenir ! La parole est à M. le député Pierre Kunz.
M. Pierre Kunz (R). Il faut profiter des incohérences qui apparaissent enfin et de manière particulièrement crasse dans le discours de M. Pagani: un discours démagogique, populiste que, comme M. Gros l'a dit, M. Pagani a bel et bien tenu en commission. Il est exact que M. Pagani a formulé à plusieurs reprises en commission la réclamation suivante: «Il faut barrer la route aux frontaliers pour redonner du travail aux chômeurs genevois» ! (Commentaires.)Il l'a dit ! Incohérence, Mesdames et Messieurs, mise en évidence par la nouvelle intervention qu'il vient de faire et dans laquelle il nous explique qu'il souhaite à la fois la libre circulation des personnes et la légalisation de tous les sans-papiers ! Incohérence nouvelle et encore plus crasse lorsqu'il affirme dans le même temps qu'il lutte contre le dumping salarial ! Allez comprendre !
Mme Loly Bolay (S). Je souhaite revenir sur les propos de M. Gros. Il n'est, Monsieur Gros, pas dans mes habitudes de défendre M. Pagani mais, dans ce cas, je suis obligée de le faire ! Pour avoir siégé au sein de la commission de l'économie lors de ses travaux sur ce projet de loi, je puis vous assurer que jamais je n'ai entendu M. Pagani tenir les propos que vous avez rapportés tout à l'heure ! Je trouve vos paroles parfaitement scandaleuses !
Je tiens à rappeler ici les propos tenus par M. Pagani ainsi que par les socialistes. Nous avons déclaré que nous avions tous voté les accords bilatéraux, mais du bout des lèvres et en sachant pertinemment qu'il y aurait un prix à payer. Le prix à payer, c'est que des entreprises étrangères viendront s'installer à Genève au détriment de la main-d'oeuvre locale. Ce que nous avons dit et rappelé, c'est qu'il conviendrait effectivement de mettre en place des garde-fous afin d'éviter que la cohorte de chômeurs ne s'allonge dans le canton de Genève. Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, les propos que je tenais à vous communiquer ! Je souhaitais également souligner que nous avions tous, en connaissant les conséquences, voté en faveur de cette loi.
M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Je tiens en premier lieu à souligner que ce projet de loi n'est pas le fruit d'un travail de quelques semaines ou de quelques mois, mais qu'il s'agit d'un travail de deux ans. Ce projet n'a en outre pas uniquement été élaboré par le département, mais il a été préparé en concertation très proche avec les partenaires sociaux. Nous avons évalué tous les risques et nous nous sommes efforcés d'y apporter ensemble des réponses. Comme M. Gros l'a indiqué, nous avons examiné point par point chacun des paragraphes de ce projet de loi et nous sommes parvenus, après quatre séances de discussion, à un accord parfait, puisqu'il n'y a aucune opposition sur aucun des articles de ce projet de loi.
Vous avez évoqué, Monsieur Pagani, l'inscription des salaires sur les autorisations de travail. Il existe, à cet égard, des lois fédérales qu'il nous faut respecter !
J'aimerais ici remercier l'ensemble des personnes ayant participé à l'élaboration de ce projet de loi. Je pense en particulier aux partenaires sociaux, qui ont pris leurs responsabilités, ainsi qu'aux services du département. Leur travail a permis de mettre sur pied ces mesures d'accompagnement qui, je le rappelle à nouveau, sont le fruit d'un travail commun de deux ans. Au terme de ce travail, je vous demande simplement d'en accepter les conclusions et de voter ce projet de loi.
Je vous demande bien entendu de voter ce projet avec l'amendement qui vous a été proposé en commission. Cet amendement consiste simplement en une légère modification de la composition du conseil de surveillance du marché de l'emploi. Pourquoi ? Tout simplement pour que nous puissions nous trouver en face des vrais responsables des services lorsqu'un problème particulier surviendra.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 51.
Mis aux voix, les articles 1 et 7 de l'article 52 (souligné) sont adoptés.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement présenté par le département à l'article 12. Si j'ai bien compris, Monsieur le conseiller d'Etat, cet amendement ne porte que sur l'alinéa 3 de l'article 12. Je considère par conséquent que les alinéas 1 et 2 de cet article sont adoptés dans leur teneur actuelle. Je vous fais voter sur l'amendement présenté par le Conseil d'Etat à l'alinéa 3. Nous voterons à main levée... Monsieur le rapporteur, vous souhaitez intervenir ?
M. Christian Bavarel (Ve), rapporteur. Oui, Monsieur le président. Vous avez indiqué que l'article 52 souligné était adopté. Or, il me semble que le département propose un amendement concernant cet article. Il s'agit simplement d'un problème de date: la même date figure-t-elle sur votre texte ou non ? Vous êtes passé sur cet article 52 souligné un peu rapidement.
Le président. Je n'ai pas très bien compris votre remarque, Monsieur le rapporteur. L'amendement du département porte précisément sur l'article 12, alinéa 3. Quant à la date qui figure à l'alinéa 1, elle sera effectivement complétée en fonction de la date du jour, puisque nous voterons cette loi aujourd'hui.
M. Christian Bavarel. Sur la feuille qui figure sous mes yeux, je constate que l'article 52 souligné mentionne la date du 18 septembre 1992, alors que le texte de la loi mentionne la date du 29 avril 1999. Il y a donc eu là une modification. Je me demandais si vous aviez sous les yeux le même texte que moi, mais je vous suggère de régler cette question directement avec le département.
Le président. Monsieur le rapporteur, vous avez oublié de regarder l'alinéa 2 ! La procédure est parfaitement correcte.
M. Alain Charbonnier (S). J'aimerais que le Président Lamprecht m'assure que les lettres après a) et b) de l'article 12, alinéa 3, seront abrogées si l'amendement proposé par le Conseil d'Etat est adopté.
M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Il s'agit d'une modification d'une autre loi, à savoir celle sur le service de l'emploi et la location de services du 18 septembre 1922, soit la loi J 2 05. L'amendement proposé modifie simplement la composition du conseil de surveillance du marché de l'emploi.
Le président. Les alinéas 1 et 2 de l'article 12 sont donc adoptés sans opposition. Nous allons voter sur l'alinéa 3 tel que présenté par l'amendement qui vous a été soumis par le département. Oui, Monsieur Charbonnier ?
M. Alain Charbonnier (S). Excusez-moi, mais je répète ma question. J'ai bien compris que l'amendement du département modifiait les lettres a) et b) de l'article 12, alinéa 3. Comme le département nous propose deux nouvelles lettres a) et b), je voulais simplement m'assurer que les lettres suivantes seront bien abrogées.
Le président. Je vous répondrai directement, Monsieur le député. Je ne vous fais pas voter sur des lettres particulières, mais sur l'alinéa 3 tel qu'il figure dans le projet d'amendement du Conseil d'Etat. Si cet amendement est adopté, l'alinéa 3 aura la teneur prévue dans cet amendement. Est-ce clair ? (Approbation de M. Charbonnier.)Très bien ! Nous votons donc sur l'amendement du Conseil d'Etat.
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 12 ainsi amendé est adopté, de même que l'article 3.
Troisième débat
La loi 8965 est adoptée article par article.
Mise aux voix, la loi loi 8965 est adoptée dans son ensemble.