République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9139
Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur la police (F 1 05)

Préconsultation

M. Rémy Pagani (AdG). Nous avons demandé que ce projet de loi sur la police soit traité en urgence. Il est en effet lié à une conférence de presse du Conseil d'Etat au sujet de la répartition du produit des amendes. Nous pensons qu'il est judicieux, pour que chacun comprenne les enjeux de ce projet de loi, de discuter de celui-ci dans le cadre de la préconsultation.

Nous estimons qu'il y a un problème de répartition du produit des amendes d'ordre entre la Ville de Genève et le canton. Je trouve qu'il faudra s'y attacher de manière sérieuse en commission, même si le Conseil d'Etat veut faire passer en force ce projet de loi en prétendant que la répartition est correcte entre le produit des amendes et celui des horodateurs. Nous en avons discuté dans notre groupe et nous pensons qu'il y a lieu de débattre sérieusement de la propension de certain à augmenter les tarifs des parkings. Il faut que ces gens-là fassent preuve de modération, car un certain nombre de discussions doit avoir lieu. Ce problème a d'ailleurs suscité des réactions de la part de nos concitoyens.

M. Pierre-Louis Portier (PDC). Pour ma part, je ne fais pas la même lecture de cette loi que M. Pagani. En effet, je crois savoir - la présidente pourra certainement le confirmer mieux que moi - qu'il s'agit avant tout de résoudre un problème pratique. Il faut le reconnaître : il y a un problème en ce momement avec le service des contraventions, lequel n'arrive pas mener à bien le recouvrement des amendes d'ordre. Il s'ensuit inévitablement que l'argent ne rentre pas dans les caisses de la Ville de Genève.

Vous le savez, Mesdames et Messieurs les députés, je préside la commission cantonale de sécurité municipale. Il s'agissait de trouver une solution à ce problème. Celle qui est proposée ici arrange la Ville de Genève. J'aurais souhaité, en ce qui me concerne, que nous votions sur le siège. Je ne sais pas ce que Mme Spoerri suggère, mais je ne vois aucun inconvénient à ce que nous donnions immédiatement cette facilité à la Ville de Genève.

En revanche, et là c'est plutôt le président qui s'exprime que le député, le vote de la loi sur les agents de sécurité municipaux a produit de nombreux bienfaits. Cette loi a uniformisé les rapports entre l'Etat et toutes les communes. La Ville de Genève s'est intégrée dans un deuxième temps à cette loi. Il ne faudrait pas que ce projet de loi soit le début du changement de l'état actuel qui est bénéfique pour toutes les parties. Au sein de la commission cantonale, nous admettons ce projet de loi, parce qu'en effet il y a un problème pratique qu'il faut résoudre; et ce problème ne peut se résoudre que par une modification de la loi sur la police. Cependant, cela doit rester une exception. Je tiens à ce que notre Grand Conseil soit le garant de la poursuite de la politique de collaboration entre l'Etat et les communes, toutes les communes, y compris la Ville de Genève.

Le président. Monsieur le député, demandez-vous formellement la discussion immédiate. Dans ce cas, nous appliquons l'article 130 alinéa 2 de notre règlement: «A l'issue de la préconsultation, le projet de loi est renvoyé en commission, à moins que le Grand Conseil ne décide de passer à la discussion immédiate.» Je vais donner la parole aux différents groupes pour qu'ils puissent s'exprimer, après quoi nous voterons sur la discussion immédiate.

M. Sami Kanaan (S). Nous soutenons la discussion immédiate pour ce projet de loi. Il y a effectivement des clauses de prudence qui sont suffisamment bien formulées. Il est établi clairement qu'il s'agit d'une situation exceptionnelle et que la loi vise à régler un problème pratique.

M. Christian Grobet (AdG). Je pense que c'est une grave erreur, lorsqu'un texte législatif est soumis à l'approbation du Grand Conseil, de ne pas l'examiner en commission.

Nous avons déjà eu l'occasion, dans ce Conseil, de commettre des erreurs de rédaction, même sur des textes qui sortent de commission. Je pense que ce n'est pas sérieux de voter en discussion immédiate un texte législatif qui nécessite d'être examiné de près.

Que le projet de loi soit urgent, c'est possible. Il y a beaucoup de moyens de le traiter avec diligence. Je ne pense pas que l'on soit à trois semaines près. Nous pouvons le renvoyer à une commission ad hoc ou à une commission qui disposerait du temps nécessaire pour l'examiner immédiatement. Il est également possible de rendre un rapport oral lors de la prochaine séance du Grand Conseil. Encore une fois, je ne pense pas que nous soyons à trois semaines près et le passage en commission donnerait une meilleure garantie que le texte correspond effectivement à ce qui est souhaitable.

Je demande en conséquence que le projet de loi soit renvoyé en commission. S'il y a urgence, alors de deux choses l'une: soit nous constituons une commission ad hoc avec des gens disponibles qui peuvent se réunir la semaine prochaine déjà, à midi par exemple, soit nous renvoyons ce projet à une commission permanente. Il est vrai que la commission judiciaire, qui traite actuellement la loi sur la police, me paraît relativement surchargée. Cela retarderait peut-être le traitement de ce projet, mais je rappelle que nous avions l'espoir de terminer la loi sur la police jeudi prochain. Il est donc envisageable que la commission judiciaire traite de ce projet de loi dans quinze jours et rapporte oralement à la prochaine séance du Grand Conseil.

Cela me semble être une solution adéquate. Je le répète, notamment en ce qui concerne ces compétences communales, nous avons déjà eu l'occasion de nous tromper et de devoir rectifier ensuite des lois.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je vous rappelle que nous sommes en procédure de préconsultation, en dépit de quoi plusieurs députés du même parti se sont inscrits, de même que certaines personnes qui se sont déjà exprimées.

M. Portier, je ne vous donne donc pas la parole, car vous vous êtes déjà exprimé tout à l'heure. (Le président est interpellé.)Monsieur le député, l'article 130 alinéa 2 stipule: «A l'issue de la préconsultation, le projet de loi est renvoyé en commission, à moins que le Grand Conseil ne décide de passer à la discussion immédiate.» Je suis obligé de procéder au débat de préconsultation qui prévoit une intervention par groupe d'une durée de cinq minutes.

M. Pierre Froidevaux (R). M. Portier a dit tout à l'heure tout le bien qu'il fallait penser de ce projet de loi. Personne ne remet en cause la qualité de celui-ci, mais ce n'est pas parce qu'il est excellent que nous allons le voter en discussion immédiate. Nous avons besoin de l'évaluer. Nous sommes un parlement de milice et nous avons certes entendu quelqu'un de très expérimenté se prononcer sur ce projet, mais nous avons tout de même besoin d'entendre l'Association des communes genevoises.

Je dois dire en outre que je n'ai pas encore compris l'urgence qu'il y avait à traiter ce projet de loi, mais admettons... (L'orateur est interpellé.)C'est de l'argent, d'accord, mais cet argent existe de toute façon. Il est question ici de la manière dont il est réparti; les amendes, elles, existent toujours.

Ce que je vous propose, c'est de renvoyer ce projet de loi dans une commission qui pourra le traiter assez rapidement. (L'orateur est interpellé.)Non, elle a beaucoup à faire, mais elle est un peu paralysée ! Je vous propose concrètement de renvoyer ce projet de loi en commission fiscale, dans la mesure où elle a certes des objets en suspens, mais elle ne peut pas les voter. A mes yeux, ce projet pourrait être parfaitement traité dans cette commission. Je vous demande donc formellement, Monsieur le président, que ce projet de loi soit renvoyé à la commission fiscale.

M. Gilbert Catelain (UDC). Si j'ai bien compris, le service de recouvrement du canton est surchargé. Par conséquent, on peut penser qu'un certain nombre de mandats de répression dus à la Ville de Genève ne sont pas perçus. Je suis convaincu qu'il y a une surcharge de ce service, que c'est un problème urgent et qu'il ne faut pas attendre trois semaines pour le traiter sous peine d'assister à une accumulation du retard dans ce service.

C'est tout de même surprenant que ce problème soit du à une politique répressive de la Ville de Genève qui a effectivement compris que la prévention dans le domaine de la LCR n'était pas très efficace et qu'il fallait passer à un niveau de répression plus élevé.

J'aimerais simplement que la présidente du département clarifie bien quel est le problème qui est en jeu, parce qu'il ne ressort pas si clairement que cela du rapport. Le rapport, pour moi, n'est pas si clair... Je ne vois pas où se situe le problème de répartition entre la commune et le canton dont nous parle M. Grobet. Pour ma part, je n'ai pas du tout compris cela, j'ai simplement compris qu'il y avait un problème d'encaissement des amendes parce qu'un service est surchargé. Mais il ne me semble pas qu'il y ait une incidence sur la répartition des amendes; c'est du moins ce que j'ai compris. Effectivement, il s'agit simplement d'un problème technique. Et les modalités techniques sont réglées au niveau de l'administration.

Le groupe UDC devrait suivre la proposition du groupe PDC, en fonction des indications que voudra bien nous donner la présidente du département.

M. Olivier Vaucher (L). Apparement les deux précédents orateurs n'ont pas lu l'exposé des motifs, pourtant relativement simple et bref, de ce projet de loi du Conseil d'Etat. Le souhait exprimé par ce projet de loi est particulièrement simple, et c'est pour cela que notre groupe, fort de l'exposé des motifs et de la demande du Conseil d'Etat... (Brouhaha.)... soutient la proposition d'entrer en discussion immédiate, comme l'ont suggéré MM. Portier et Kanaan.

Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. En effet, c'est très simple. Si vous regardez la page 2 de l'exposé des motifs, vous pouvez constater la vitesse à laquelle évolue le nombre d'affaires que nous devons gérer en matière de transformation des amendes d'ordre en contraventions pour la Ville de Genève. C'est une évolution exponentielle !

A chaque jour qui passe, Mesdames et Messieurs les députés, ce sont des centaines et des centaines d'amendes d'ordre qui ne sont pas traitées ! C'est un manque à gagner pour l'Etat et, en raison de la situation budgétaire actuelle - dont vous avez vous-mêmes décidé, Mesdames et Messieurs ! - il n'y a aucune perspective raisonnable de redresser la situation.

Ce qui est proposé ici - en tenant compte, d'ailleurs, des remarques tout à fait légitimes de M. Portier - c'est que, par voie de convention, dans une situation exceptionnelle, la Ville de Genève serait autorisée à procéder elle-même à la conversion en contraventions des amendes d'ordre infligées. C'est ce que prévoit l'article 4 alinéa 5 lettre d: «Toutefois, si des circonstances exceptionnelles le justifient, le Conseil d'Etat peut, pour une durée déterminée et moyennant convention, autoriser une commune à procéder elle-même à la conversion en contraventions des amendes d'ordre infligées sur son territoire par ses agents de sécurité municipaux et ses agents municipaux, ainsi qu'à leur recouvrement;».

Il se trouve qu'actuellement les circonstances exceptionnelles justifient une telle autorisation. Je tiens cependant à souligner que nous ne touchons en aucune façon au principe fondamental de la collaboration; nous nous donnons, dans des circonstances exceptionnelles et après discussions avec la Ville - et M. Hediger pourrait en témoigner si nécessaire - les moyens de résoudre un problème. J'ajoute que l'Association des communes genevoises a également été mise au courant de cette situation. Il s'agit d'un transfert provisoire de la gestion, point final ! Ce n'est pas plus compliqué que cela.

Alors, si vous voulez attendre, Mesdames et Messieurs les députés, nous le pouvons. Le Conseil d'Etat vous avait proposé, lors de votre dernière session déjà, de traiter cet objet en urgence. Vous n'avez pas souhaité le faire, vous vous êtes donné un délai de réflexion. Il serait raisonnable ce soir d'aller de l'avant.

Le président. Je vous donne lecture une nouvelle fois de l'article 130 alinéa 2 de notre règlement : «A l'issue de la préconsultation, le projet de loi est renvoyé en commission, à moins que le Grand Conseil ne décide de passer à la discussion immédiate.» Il en résulte que le principe est le renvoi et l'exception est la discussion immédiate. Je vais donc mettre aux voix la proposition d'entrer en discussion immédiate préalablement à tout autre vote.

Mise aux voix, cette proposition est adoptée par 49 oui contre 20 non et 7 abstentions.

Premier débat

Mme Michèle Künzler (Ve). Pour le groupe des Verts, il semble effectivement urgent de régler cette situation. Ce Grand Conseil a reçu des pétitions d'habitants des Grottes qui se plaignent du parcage sauvage dans leur quartier. Je ne vois pas pourquoi on attendrait encore, simplement pour encaisser des amendes qui sont dues. Personne n'est obligé d'avoir des amendes. Je propose donc de passer au vote maintenant.

M. Christian Grobet (AdG). Notre Conseil a décidé, démocratiquement, de passer à la discussion immédiate. Je le regrette, parce que nous allons maintenant être obligés de regarder ce texte de plus près et de soulever un certain nombre de questions - que je vais bien entendu poser.

Car voici ma préoccupation: vous le savez, Mesdames et Messieurs les députés, toute contravention peut faire l'objet d'une opposition devant un tribunal qui juge non seulement si la contravention est justifiée, mais aussi si la procédure a été respectée. C'est ainsi que nous avons déjà eu l'occasion de voir le Tribunal fédéral annuler des amendes pour une raison ou pour une autre. D'ailleurs, cela peut déjà commencer au stade du Tribunal de police.

J'estime qu'en matière de droit pénal - parce qu'il s'agit ici de droit pénal - il est très discutable que la question soit réglée par voie de convention entre le Conseil d'Etat et les communes. J'aimerais donc savoir quel est le contenu de cette convention et à quoi elle sert. En effet, elle ne sera probablement pas publiée dans le Recueil systématique des lois. On peut se demander pourquoi on a choisi de recourir à une convention alors que, d'ordinaire, l'application d'une loi se fait au moyen d'un règlement adopté par le Conseil d'Etat et qui figure au Recueil systématique afin qu'il soit possible de s'assurer que les conditions légales et réglementaires applicables sont remplies. Dans le cas qui nous occupe, on ne sait pas quelle forme aura cette convention. Elle ne figurera vraisemblablement pas dans le Recueil systématique, elle ne sera pas connue des citoyennes et des citoyens. Je doute que des procédures pénales puissent être réglées par voie de convention. (L'orateur est interpellé.)Peut-être que Mme Spoerri a une réponse à ces questions ! On vient de nous dire que tout est urgent, qu'on est pressé... C'est donc, sans doute, que la convention est déjà toute prête ! Parce qu'il ne faut pas venir nous dire ce soir que c'est urgent, si la convention n'est pas encore rédigée !

Je souhaiterais même, pour que nous puissions voter en toute connaissance de cause, qu'on nous remette le texte de la convention. Je suppose que Mme Spoerri l'a dans ses affaires, qu'on pourrait facilement en faire cent photocopies et les distribuer aux députés afin que nous puissions savoir en quoi consiste cette convention. Si cette convention n'a pas été rédigée, Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas sérieux. Le Conseil d'Etat ne peut pas venir plaider l'urgence devant notre Conseil si l'élément essentiel d'application de cet article n'a pas été élaboré ! Et je ne suis pas d'accord, en tant que député, de voter la tête dans le sac, sans connaître l'élément essentiel d'application de cette disposition légale ! C'était le premier point.

Alors, je serai aimable et je ferai la proposition suivante au Conseil d'Etat: si vous voulez, Mesdames et Messieurs, aboutir ce soir, biffons le terme «convention» de cet article ! Cette convention est peut-être totalement inutile et, en supprimant cette mention dans le texte de loi, le problème que je soulève serait résolu. Et peut-être que ce qui est prévu dans la convention pourrait simplement figurer dans le règlement.

Deuxièmement, si l'on me consulte, en tant qu'avocat, pour contester une contravention qui est notifiée, non pas comme il est prévu par la police, mais par une commune dans le cadre de la dérogation, je constate que seules des circonstances exceptionnelles peuvent justifier cette situation. Or quelles sont les circonstances exceptionnelles qui justifient que ce ne soit plus la police qui notifie la contravention, mais la commune ? Si la circonstance est seulement le manque de quelques fonctionnaires au service compétent, elle me semble assez peu exceptionnelle. On peut très bien imaginer que si la commune engage dix fonctionnaires pour faire ce travail, l'Etat peut en faire de même. Ainsi, la référence, dans la loi, à des circonstances exceptionnelles au regard des circonstances réelles pourrait amener un tribunal à nier le caractère exceptionnel de ces dernières. La condition légale ne serait donc pas remplie. Là aussi, je serai aimable, en tant que juriste, et je proposerai de biffer cette allusion à des circonstances exceptionnelles. Et peut-être Mme Spoerri a-t-elle une idée qui justifierait l'inscription de cette condition dans la loi. Elle nous le dira; elle nous dira s'il est nécessaire de prévoir cette condition.

Troisièmement, si nous introduisons la possibilité d'une dérogation, je pense qu'il faudrait supprimer la mention: «de la compétence exclusive de la police». Il faudrait simplement indiquer: «de la compétence de la police», puisque nous introduisons une dérogation.

Bref, vous prétendez, Madame la conseillère d'Etat, qu'il est urgent de voter ce texte - ce dont je ne suis pas du tout convaincu, bien que je sois le premier à souhaiter que ces amendes puissent être réclamées. Sans doute ce texte a-t-il été élaboré un peu vite. Tout ce que je demande, pour ma part, c'est que ce texte de loi nous soit expliqué en détail. S'il s'avère que sa rédaction est mauvaise et qu'elle peut entraîner l'annulation de contraventions par le Tribunal de police, nous n'aurons pas gagné trois semaines, mais nous aurons perdu six mois, voire une année.

M. Philippe Glatz (PDC). Je dois dire que j'ai été tout à fait sensible à l'argumentation développée par M. Grobet. J'ai peur ce soir, sous prétexte d'efficience, d'efficacité technique et bureaucratique, que l'on passe à côté des vraies questions. Je suis heureux qu'un juriste ait pu rappeler dans cette enceinte qu'il y a un certain nombre de règles de droit et qu'il convient d'examiner les choses avec un peu de distance, quand bien même on nous alerte sur le fait que le nombre d'affaires transmises s'accroît d'année en année. Il semble que cela soit une phénomène incommensurable. Mme la présidente du département nous parlait de centaines et de centaines, mais ce sont des milliers et des milliers. Je lis bien qu'on est passé de 37'000 affaires en 2002 à plus de 75'000 en 2003.

Il est une vraie question : comment expliquer cette augmentation ? Mais nous nous cantonnons aujourd'hui à des questions d'efficacité bureaucratique : comment encaisser le plus rapidement possible et le mieux possible ces amendes, sans réfléchir trop longtemps aux questions de droit. C'est pourquoi je me rangerai à l'avis exprimé ici par M. Grobet.

M. Jean Spielmann (AdG). Une idée est venue, à plusieurs reprises déjà, au sujet de l'affectation des amendes d'ordre et plus spécialement des amendes de circulation dans le centre-ville. Certaines villes, en France, financent la gratuité des transports publics avec le produit des amendes infligées à ceux qui, circulant en milieu urbain, étaient en contravention faute d'avoir respecté les dispositifs ou, tout simplement, faute d'avoir pu garer leur voiture correctement. Les municipalités de ces villes ont estimé intelligent d'affecter ces recettes au développement des transports publics; c'est le cas de villes comme Compiègnes et d'autres encore. Cela permet aux personnes sanctionnées par ces amendes de se demander si, en définitive, il ne serait pas plus judicieux de prendre les transports publics plutôt que d'écoper d'une amende en allant au centre-ville avec sa voiture.

On pourrait donc examiner, dans le cadre de l'explosion des recettes des amendes d'ordre, cette formule consistant à assurer le financement des transports publics par ces recettes, permettant ainsi le transfert modal.

C'est la discussion que je voulais ouvrir dans le cadre de ce projet de loi. S'il est voté en discussion immédiate, c'est évidemment impossible. Au vu des différentes interventions, je pense qu'il conviendrait de renvoyer ce projet de loi en commission pour examiner les différents aspects juridiques qui ont été soulevés, mais aussi pour voir si, sur le fond, il ne vaudrait pas mieux affecter le produit des amendes d'ordre dans la mobilité au centre-ville plutôt que de le verser simplement dans le budget de l'Etat.

Je propose donc formellement le renvoi en commission judiciaire de ce projet de loi.

M. Pierre-Louis Portier (PDC). Je m'exprimerai sur le renvoi en commission. J'aimerais cependant dire deux choses au préalable: tout d'abord, M. Grobet est quand même le champion pour noyer le poisson. Il nous parle de la police qui notifie des amendes d'ordre... Monsieur Grobet, vous êtes un des juristes éminents de ce département... (Rires.)... de ce parlement, excusez-moi ! Vous savez très bien que vous ne parlez pas du sujet dont il est question ce soir. Il s'agit ici purement et simplement d'un problème de recouvrement. Voilà qui méritait d'être précisé.

Ensuite, je trouve un peu fort que vous vous opposiez à ce texte, Monsieur Grobet, dans la mesure où il a été déposé à la demande expresse de M. Hediger qui représente la Ville de Genève dans la commission de sécurité municipale. Or où siège M. Hediger dans ce parlement ? Je vous le demande...

Cela étant, j'ai demandé la discussion immédiate parce que je pensais qu'il s'agissait seulement d'un problème technique. Je vois que cela mérite un certain nombre d'explications, des personnes feignant de ne pas comprendre.

Je soutiens donc le renvoi en commission, mais en commission judiciaire évidemment, et non pas en commission fiscale, parce que c'est toujours la commission judiciaire qui a traité les problèmes de sécurité et de police municipale.

M. Gilbert Catelain (UDC). M. Grobet a soulevé un problème législatif, mais il me semble que, dans la mesure où il s'agit d'un problème de recouvrement, la convention doit permettre de contourner ce problème législatif. De nombreux cantons l'ont fait : ils ne sont pas passés par un acte législatif, mais par une convention, signée entre les parties intéressées et le pouvoir judiciaire. Et dès lors que le Procureur de la République et canton de Genève signerait cette convention, le problème serait, à mon sens, liquidé. D'ailleurs, cette procédure existe déjà à Genève - il faudrait peut-être vous renseigner auprès du pouvoir judiciaire.

Un renvoi en commission me semble tout à fait superflu, puisque nous nous rendrons compte qu'il est tout à fait possible d'entériner cette modification législative par le biais d'une convention signée par le Procureur.

M. Bernard Lescaze (R). Le groupe radical était pour le renvoi en commission, il l'est toujours. Je ne sais pas si M. le député Grobet est habile à noyer le poisson, mais le député Portier l'est à faire des queues de poisson. (Rires.)Alors, pas d'excès de vitesse ce soir ! M. Portier est revenu sagement à une bonne position.

Ce projet de loi pose effectivement un certain nombre de questions importantes. On voit tout d'un coup que l'on s'inquiète parce que le recouvrement ne se fait pas et que la période de prescription pourrait être atteinte. Dans l'exposé des motifs lui-même, je constate que les chiffres effarants qui nous sont données, 75'905 amendes d'ordre qui devraient être converties, datent du 31 janvier 2003. C'est-à-dire il y a une année ! Sans doute ce chiffre a-t-il encore augmenté, mais, alors, où était l'urgence puisque, pendant une année, on n'a rien fait ?

Je constate en outre que les fameuses circonstances exceptionnelles mentionnées dans le projet de loi sont essentiellement dues à l'imprévoyance. Celle de l'Etat d'une part, celle, peut-être aussi, des communes concernées, et notamment de la Ville de Genève qui savait très bien que, si elle augmentait le nombre de ses agents de sécurité municipaux et de ses agents municipaux de quelques dizaines à plus de cent, évidemment que le produit des amendes augmenterait lui aussi considérablement ! Cela figure d'ailleurs dans le budget de la Ville de Genève qui ne l'ignorait donc pas. C'est donc bel et bien une double imprévoyance !

Enfin, je rappelle tout de même que la majorité de ce Grand Conseil - je me tourne vers mes amis de la droite et du centre - a voté la suppression de la préconsultation pour que, précisément, la plupart des projets de loi aillent en commission et que seuls les projets que nous entendons refuser soient traités en discussion immédiate. Alors, je ne crois pas, d'après ce que j'ai entendu de M. Catelain ou de M. Portier, qu'ils veuillent, à la fin, refuser ce projet. Pour toutes ces raisons, il faut effectivement renvoyer ce projet en commission. (Applaudissement.)

M. Sami Kanaan (S). Si cela peut rassurer les âmes sensibles, les faux naïfs et les hypocrites de ce parlement, allons en commission. (Exclamations.)Non, c'est choquant !

La loi est enfin appliquée dans ce canton, et c'est la cause principale de l'augmentation du nombre des amendes d'ordre dont s'étonne M. Glatz. La Ville de Genève et les communes ont engagé des agents municipaux; on applique enfin la loi et, en terme de produit des amendes, nous sommes toujours en dessous des autres cantons. Enfin on applique la loi dans ce canton en matière de sécurité routière, et vous faites les surpris.

Deuxième remarque, la Ville de Genève n'a simplement pas le droit, aujourd'hui, de procéder au recouvrement. Elle n'est donc pas prévoyante ou imprévoyante: elle n'a pas le droit d'entreprendre certaines démarches. Nous essayons ici de régler un problème pratique pour ne pas dévaloriser les règles du jeu dans ce canton. La question est de savoir si l'on veut que la loi soit crédible et applicable. C'était facile à régler. Cela devrait d'ailleurs être du niveau d'un règlement.

Je rappelle à M. Grobet, qui est évidemment un fin juriste, qu'il ne s'agit pas ici de modifier les procédures ou les voies de droit qui demeurent totalement inchangées. C'est seulement que le service qui gère la procédure sera sous-traité à la Ville de Genève. Mais les voies de droit, en faveur ou en défaveur des plaignants, restent inchangées. Nous aurions pu voter ce soir, être efficaces pour une fois... Nous irons en commission, si vous le voulez, et nous perdrons encore six mois au détriment de la crédibilité de la loi et des caisses publiques. Tant pis !

M. Rémy Pagani (AdG). Je m'étais inscrit alors que la demande de renvoi n'était pas formulée. Comme nous n'avons plus droit qu'à un orateur par groupe, je passe la parole à mon collègue Christian Grobet.

Le président. Monsieur Grobet, je vous prie d'intervenir brièvement. Parce que vous nous avez déjà expliqué les choses par le menu et que vous êtes sur le point d'obtenir ce que vous avez demandé.

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le président, je vous prie de m'excuser, mais si quelqu'un a voulu que les débats soient aussi brefs que possible, c'est moi ! En préconsultation, j'ai recommandé de renvoyer cet objet en commission, et une majorité s'est dégagée en faveur de la discussion immédiate à l'issue de laquelle nous finirons tout de même par renvoyer cet objet en commission. Alors, ne me reprochez pas de faire traîner les débats !

J'aimerais dire à M. Kanaan que je n'ai pas de leçon à recevoir de sa part, parce que je me suis battu ici, bien avant vous, pour que la Ville de Genève ait des compétences en la matière. Sur le fond du projet de loi, entendons-nous bien, je suis tout à fait d'accord ! La question n'est pas d'être un fin juriste ou autre chose: je suis tout simplement un modeste juriste... (Brouhaha. L'orateur est interpellé.)... qui veut s'assurer... Je suis très modeste, Monsieur Blanc ! J'ai dit tout à l'heure que je ne prétendais pas du tout détenir la vérité. Vous relirez ce que j'ai dit dans le Mémorial, Monsieur ! J'ai simplement dit que ce texte m'interpelle: je crains qu'il ne donne des arguments à certains avocats pour plaider que les conditions prévues par la loi ne sont pas réunies pour que la commune puisse procéder au recouvrement. Par sécurité, j'ai même proposé les éléments qui pourraient être enlevés du projet de loi. Je ne suis donc pas en train de le saboter, mais d'essayer de trouver une solution, comme je l'ai déjà fait plusieurs fois en séance plénière pour des projets entachés d'erreurs rédactionnelles. Vous le savez très bien, Monsieur Blanc !

J'ai le souci que, lorsque nous votons une loi, elle ne soit pas remise en cause devant les tribunaux. Je sais qu'en matière d'amendes d'ordre et d'autres contraventions, de taxation, etc., des pratiques ont été annulées faute de base légale ou en raison d'une base légale insuffisante.

Donc, Monsieur Portier, je ne cherche pas à noyer le poisson. Vous avez fort bien dit que c'était une question technique, et je suis intervenu sur la question technique et non pas sur le fond du débat. Je le dis ici: l'Alliance de gauche est favorable au projet de loi, mais veut s'assurer que, sur le plan technique, le texte est exact.

Nous voulons aussi nous assurer que d'autres dispositions de la loi sur la police ne doivent pas être adaptées dans le but poursuivi par ce projet. Y-a-t-il ici des dispositions de la loi de procédure pénale qu'il faudrait modifier ? Y-a-t-il une disposition transitoire qui réglerait le sort des amendes d'ordre déjà infligées ? Ce dernier élément semble avoir été totalement oublié. Il me semblerait prudent d'avoir une disposition transitoire indiquant que la loi s'applique à ce paquet d'amendes en retard. Vous pouvez hocher la tête, Monsieur Kanaan: quand vous aurez un citoyen qui se plaindra qu'une disposition pénale est appliquée avec effet rétroactif, alors que le droit pénal n'admet pas l'effet rétroactif... Ce sont des questions qui ne sont pas si simples, et je suis honoré qu'un éminent juriste comme M. Lescaze, qui connaît bien le droit public... (Brouhaha.)... admette qu'il y a des problèmes à examiner. Peut-être que le projet conviendra en fin de compte, mais j'aimerais simplement en être assuré.

J'ai demandé à Mme Spoerri si elle pouvait nous transmettre le projet de convention indispensable pour l'application de cette loi. Il ne me semble pas l'avoir reçu. J'en déduis, Madame, que vous ne l'avez pas ! C'est un argument supplémentaire en faveur du renvoi en commission. A charge pour le président de celle-ci, M. Gros, qui s'est montré très expéditif, de proposer éventuellement une heure de séance supplémentaire.

Je ne doute pas, Madame Spoerri, que, si vos excellents conseillers sont présents et nous donnent toutes les réponses voulues, nous pourrons voter rapidement. Sinon peut-être, à l'examen, des modifications s'avéreront nécessaires.

Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Tout cela me fait rire, voyez-vous. C'est plutôt bon signe.

Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat ne va pas vous imposer des projets de loi. Celui-ci était soigneusement étudié.

Non, Monsieur - j'allais dire: «Monsieur le conseiller d'Etat» - Monsieur le député Grobet, je n'ai pas de convention à vous présenter avant que vous ne votiez.

Allons en commission ! Cette situation est urgente. Je pense qu'elle pourra être réglée relativement vite en commission pour autant qu'elle soit traitée séparément et dans les meilleurs délais. Nous vous apporterons alors tous les arguments qui sembleraient manquer ce soir.

Ce que je ne voudrais pas, c'est que l'on donne l'impression au public que le Conseil d'Etat a bâclé son travail ou n'a pas été capable de faire une analyse juridique. Je n'aimerais pas que ce soit ainsi que vos paroles, Monsieur le député, si vous m'entendez encore, soient interprétées. C'est tout ce que je voulais dire.

Le président. Je mets aux voix la proposition de renvoi en commission judiciaire. Le vote électronique est lancé.

Mise aux voix, cette proposition est adoptée par 61 oui contre 9 non et 3 abstentions.

Ce projet de loi est renvoyé à la commission judiciaire.