République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 22 janvier 2004 à 20h30
55e législature - 3e année - 4e session - 17e séance
PL 9126
Suite de la préconsultation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, étaient déjà inscrits: M. Schmied, M. Schifferli et M. Hiler.
Monsieur le député Patrick Schmied, vous avez la parole.
M. Patrick Schmied (PDC). Ce projet de loi est une suite logique des observations faites pendant les événements autour du G8. A l'époque, le besoin de clarifier les droits et les devoirs - d'une part des organisateurs et, à leur suite, des manifestants, et, d'autre part, ceux de l'Etat et de la police - avait été unanimement ressenti comme étant criant. Ce projet de loi fournit le cadre formel nécessaire.
Pour notre part, au début, nous avons évidemment examiné ce projet de loi d'un oeil critique parce que nous craignions qu'il s'agisse d'une pure vengeance... Mais les discussions que nous avons eues à propos de ce projet de loi nous ont convaincus qu'il était parfaitement adéquat. C'est une première étape dans le processus de récupération - si j'ose dire - après le G8...
L'étape la plus importante étant, bien entendu - elle est attendue avec beaucoup d'impatience - l'étude du résultat de la commission extraparlementaire, qui nous donnera un éclairage sur la manière dont les choses se passent dans la réalité et comment elles devront se passer à l'avenir. Parce qu'il faudra bien que notre canton soit capable de faire face à ce genre de manifestations ! Il ne faudrait pas, en effet, nous retrouver à nouveau dans une ambiance de bazar, dans laquelle nous devrions faire venir M. Arbenz de Berne pour nous aider à régler nos multiples négociations...
En attendant ce rapport, nous vous demandons de renvoyer ce projet de loi en commission judiciaire, laquelle vérifiera les allégations assez violentes et les procès d'intention selon lesquels ce projet de loi voudrait interdire les manifestations. Nous sommes convaincus que les travaux de la commission montreront que ce projet de loi n'est pas liberticide et qu'il ne s'oppose pas aux manifestations ! Du reste, nous avions déjà l'intention de déposer ce projet de loi auparavant. Nous vous invitons donc à le renvoyer en commission.
M. Pierre Schifferli (UDC). Ce projet de loi nous semble bien équilibré, extrêmement modéré... (Rires et exclamations.)Finalement, il ne fait que résumer la jurisprudence du Tribunal fédéral, de la Cour européenne des droits de l'homme, c'est une codification de différents textes... C'est une codification de la pratique. Cela permet d'avoir un texte qui réunit en une seule fois tous les éléments quelque peu disparates qui doivent régir cette matière. Grâce à cela, ce texte contribuera à la sécurité juridique, autant pour la protection des citoyens que pour la protection des manifestants... (Exclamations.)
Les manifestations violentes qui se sont déroulées à Genève ont été multiples. Il n'y a pas eu seulement celle du G8... Je rappelle la manifestation qui s'est tenue en 1995 contre le défilé du régiment genevois, manifestation d'une extrême violence... Celle contre l'OMC, celle contre les délégués de l'UDC, qui s'est tenue à l'initiative de certains mouvements d'extrême gauche, lorsqu'ils se sont réunis à Palexpo en août 2000.
Nous avons vécu un certain nombre d'actes de violences condamnables, et ce texte contribuera, de manière évidente, à rétablir la sécurité du droit et à protéger les citoyens contre des événements désagréables.
Je voudrais encore dire que notre groupe est surpris, en fin de compte, que ce ne soit pas le Conseil d'Etat qui propose un tel texte, car, au fond, il a laissé traîner les choses depuis très longtemps et laissé planer un flou artistique en la matière... Personne ne sachant vraiment quels étaient les droits des manifestants et ceux de la police ! Finalement, le nombre de manifestations violentes a accru le malaise au sein de la police, certes, mais la police se trouvait aussi dans une situation de malaise, les citoyens aussi, les citoyens manifestants également, parce que notre gouvernement n'a simplement pas pris la peine de rassembler - et il aurait pu le faire depuis longtemps - dans un texte unique ce que je considère être les droits et aussi les devoirs des citoyens manifestants.
Nous sommes donc très contents qu'un tel texte puisse vous être présenté. Nous regrettons simplement que le Conseil d'Etat, dont c'est la mission d'assurer la sécurité des biens et des personnes, n'ait pas déjà présenté un tel texte... Il y a longtemps qu'il aurait dû le faire, même avant l'annonce de toutes ces manifestations !
Nous vous demandons donc de renvoyer ce texte en commission des droits politiques. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est donnée à M. Hiler... qui est absent... Et qui est remplacé par M. Hodgers.
M. Antonio Hodgers (Ve). Merci, Monsieur le président. Je remplace effectivement mon collègue Hiler au pied levé...
Mesdames et Messieurs les députés, les Verts conviennent que c'est peut être une bonne chose de légiférer s'agissant des manifestations dans le domaine public. Dans le fond, légiférer en la matière est une opportunité de souligner ce droit fondamental qui relève de la liberté d'expression et de la liberté de réunion. Et, à ce titre, une loi sur les manifestations ne peut que confirmer le droit de tout citoyen à manifester... Cette légitimité s'accompagne également d'un cadre, car tout droit fondamental doit être cadré. A ce niveau-là, nous sommes tout à fait d'accord sur le principe.
Cependant, ce projet de loi - cela a été dit - comporte quelques points qui posent problème.
Le premier est celui de la redondance, voire parfois de la récurrence vis-à-vis du droit pénal supérieur, et, à ce niveau-là, les articles comportent de nombreux exemples démontrant que, finalement, la situation prévue dans ce projet de loi est soit déjà pleinement couverte par le droit fédéral soit, même parfois, un peu contradictoire...
Autre problème que je vois quant à ce projet de loi - plutôt d'ordre philosophique, mais il a son importance - c'est que son intitulé: «projet de loi sur les manifestations sur le domaine public» ne se réfère qu'aux manifestations d'ordre politique... Il y aurait à Genève deux régimes en ce qui concerne les manifestations: culturelles, sportives, artistiques et autres, et les manifestations politiques... Mesdames et Messieurs de l'Entente, faire une distinction entre les différentes sortes de manifestations est le propre des régimes autoritaires ! L'Histoire le montre ! Prenons, par exemple, le cas de la Chine. Le mouvement du Falon Gong - que ce parlement connaît bien - mouvement d'exercices physiques, de philosophie, est devenu, par la bande, un mouvement politique d'opposition, justement parce que les régimes sont différents selon les types de manifestations. C'est un élément du projet de loi qui me paraît dangereux et, en tout cas, liberticide.
Et puis, ce projet de loi souffre aussi d'une maladie qui est liée à son contexte de création: je veux parler du G8. Je l'ai dit tout à l'heure: rédiger un texte de loi sur les manifestations me semble pertinent sur le principe. Mais ce projet de loi a été élaboré spécialement pour répondre à l'évènement du G8 que Genève a connu début juin, alors que ce type d'événements sont tout à fait exceptionnels dans l'histoire de cette République et qu'ils ne se reproduiront très certainement pas avant longtemps.
Enfin, ce projet de loi induit un autre risque: à force de vouloir charger la responsabilité de l'organisateur, il pourrait ne plus y en avoir... En effet, si votre but est de cadrer davantage les manifestations à travers toute une série de procédures légales allant dans ce sens, nous risquons d'arriver à une situation où les gens n'oseront tout simplement même plus faire une demande d'autorisation de manifestation, tant leur responsabilité sera devenue importante. Dès lors, les manifestations pourraient quand même avoir lieu, mais de manière complètement déstructurée, puisque personne ne voudra plus se mettre au-devant de la scène pour assumer cette responsabilité. C'est un risque dont vous devrez tenir compte, quand nous débattrons de ce projet de loi en commission.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous avons été saisis de demandes de renvoi de ce projet de loi dans deux commissions différentes. Je vous soumetts ces propositions l'une après l'autre et vous prie de vous prononcer à main levée. La plupart des groupes ont demandé que ce projet de loi soit renvoyé en commission judiciaire et un groupe a souhaité qu'il soit renvoyé en commission des droits politiques.
Je vous soumets donc d'abord la proposition de renvoyer ce projet de loi à la commission judiciaire. Si cette proposition est acceptée, l'autre sera sans objet.
Mis aux voix, le renvoi de ce projet à la commission judiciaire est adopté.
Le président. Je dois dire que j'ai un peu de peine à comprendre pourquoi des personnes qui ont demandé le renvoi d'un projet dans une commission ne votent pas pour ce renvoi... Enfin, bref ! Toujours est-il que ce projet de loi est renvoyé à la commission judiciaire. Nous passons maintenant au point 29 de notre ordre du jour.