République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 5 décembre 2003 à 20h45
55e législature - 3e année - 2e session - 9e séance
M 1499
Débat
M. Pierre-Louis Portier (PDC). Pas une seule séance de notre assemblée plénière - et on le vérifie encore ce soir - pas un seul débat sur la politique genevoise ne se déroule sans que la lancinante problématique de la crise du logement soit longuement évoquée. Avec bientôt 450 000 habitants et une croissance démographique de cinq à sept mille âmes par an, Genève craque de partout. Son arrière-pays est limité par les frontières que l'on sait et son aménagement n'est certainement pas des plus aisé. Nous sommes quotidiennement confrontés à ce problème, en particulier ceux d'entre nous qui fréquentons régulièrement la commission d'aménagement. Or, dans ce débat, ô combien important pour notre canton, la plupart des avis et souhaits exprimés sont parfaitement respectables, et doivent être pris en compte.
Si chaque citoyen, et surtout chaque famille, a droit à un logement adéquat, il faut néanmoins respecter les mises en garde des défenseurs de la nature, tenir compte des avis des sociologues, ne pas priver nos agriculteurs de leurs outils de travail, consulter les communes, veiller aux droits des propriétaires, écouter les urbanistes, vérifier les éventuelles atteintes au paysage, préserver l'écologie des lieux, être certains des dessertes des transports en commun, convaincre les voisins, négocier avec les élus locaux, planifier les équipements publics, etc.
Même si ma liste de précautions n'est pas exhaustive, force est de constater qu'il faut avoir de l'audace, et surtout de la ténacité pour se lancer dans l'étude de l'aménagement de notre canton, avec pour but d'y créer des logements en nombre et ainsi répondre à la forte demande que nous connaissons. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, ce qui est peut-être l'une des tâches les plus difficiles, c'est de convaincre certains milieux que dans un tel contexte de crise il n'y a plus de place pour les sujets tabous. Parmi ceux-ci, citons les questions importantes telles que:
Devrions-nous construire plus haut ?
Oserions-nous sacrifier quelques droits démocratiques pour accélérer les procédures d'autorisation ?
Devrions-nous transformer en logements des locaux initialement prévus pour des activités commerciales ?
Et, évidemment, le sujet qui retient notre attention aujourd'hui, a-t-on le droit de toucher à la zone agricole ?
Vaste débat et, surtout, débat extrêmement important pour l'avenir de ce canton. Important non seulement pour l'aménagement de notre territoire, mais également pour son avenir économique. Personne, à ce jour, n'a présenté de facture pour les dégâts colossaux que l'absence durable de logements causera pour la survie économique de Genève, si nous ne réagissons pas rapidement.
Si des villes naissent, se développent, elles peuvent aussi mourir. La motion 1499 désire modestement poursuivre cet important débat. Je dis poursuivre, car son simple dépôt, en novembre de l'an dernier, a déjà fait démarrer non seulement ce débat important - dont nous ne pouvons pas faire l'économie - mais aussi et surtout un dialogue. C'est ce dialogue qui est justement souhaité, dialogue entre les différentes tendances politiques, entre constructeurs et monde paysan, entre aménagistes et gens soucieux de notre patrimoine, mais surtout entre gens concernés - je pense bien sûr, et en premier lieu, aux agriculteurs eux-mêmes.
Nous savons que la mécanisation importante de l'activité agricole - la productivité n'étant plus le seul but de ce secteur - que des nouvelles notions de rentabilité et de rationalité font que des terrains situés en zone agricole ne sont plus ou ne sont que faiblement exploités. Si ces mêmes terrains sont situés en zone péri-urbaine, soit proches d'équipements et d'infrastructures publics propres à permettre l'activité humaine qu'engendre la construction de nouveaux quartiers d'habitations, alors face à cette grave crise que nous vivons sur le front du logement, tous types confondus, nous devons prendre nos responsabilités. Et prendre nos responsabilités, aujourd'hui, c'est immédiatement identifier, en collaboration avec Agri Genève, les quelques parcelles pouvant être déclassées sans dommage pour notre agriculture mais qui pourraient largement contribuer à détendre le marché du logement.
Rappelons, au passage, que la zone agricole de notre canton représente 12 000 hectares, soit la moitié de son territoire, qu'il suffirait d'en déclasser 120 hectares, soit 1% du total, pour construire environ 10 000 logements. Cette motion, dont les invites ne fixent aucun but quantitatif, contrairement à ce que certains milieux font croire, mais qui demande un inventaire rapide des possibilités, n'entre en aucun cas en conflit avec le concept d'aménagement cantonal adopté en juin 2000, puisque ce concept veut tendre à une harmonisation entre les dimensions écologiques environnementales et sociales de l'aménagement. Pour ce faire, les pistes évoquées sont, et je cite: «l'urbanisation de la ville en tentant d'éviter une concentration excessive au centre-ville et en densifiant la couronne urbaine» - vous l'avez d'ailleurs rappelé, Monsieur Pagani - «la préservation de la zone agricole, en refusant toutefois, de considérer cette dernière comme une zone intouchable».
On relève encore l'idée d'extension urbaine dans la zone agricole, que l'on définit comme des sites potentiels en zone agricole mais contigus à la zone à bâtir et répondant à de bonnes conditions d'aménagement, d'équipement et de desserte par transports publics, par conséquent susceptibles d'être déclassés, en cas de besoin, pour l'urbanisation.
En conclusion, chers collègues, après la théorie, nous devons maintenant passer aux actes. Certes, une telle démarche nécessite un certain courage politique, car mal comprise, elle pourrait provoquer de vives et néfastes réactions. Ce courage, les motionnaires l'ont et sont prêts à en assumer les responsabilités qui en découlent. Ils considèrent que c'est leur devoir, que le simple et sempiternel inventaire des difficultés rencontrées, et que la timidité des solutions proposées ne sont plus des réponses adéquates à la formidable demande de logements. Nous pensons par ailleurs qu'il n'y a pas qu'une réponse à ce problème, que le déclassement très limité de la zone agricole n'est qu'une de ces solutions. Par exemple, nous avons voté, il y a quelques semaines, une motion demandant d'inventorier les volumes constructibles au-dessus des routes et voies ferrées, et nous entendons ouvrir également le débat sur la hauteur des constructions dans certains quartiers, notamment allons-nous peut-être aborder ce problème prochainement sur la pointe de la Jonction. Le PDC a déjà fait des propositions à ce sujet. Tout cela nécessite une volonté d'agir, que nous souhaitons vivement voir s'étendre à une large majorité de ce Grand Conseil. Qu'une fois les sensibilités respectées, nous puissions tous ensemble accélérer le rythme de travail du chantier permanent qu'est la mise en place d'un aménagement cohérent de notre canton. Ceci sans renoncer à quelques excellents principes que nous avons déjà définis ensemble, mais en appui desquels il est grand temps d'ajouter une bonne dose de pragmatisme. C'est ce à quoi vous invitent les motionnaires. Déposée en novembre 2002, cette motion a été connue du public avant le projet de la Chambre de commerce et de l'industrie. Ce sont deux idées très différentes de l'usage que l'on devrait faire d'une petite partie de cette zone agricole qui, dans les deux cas, serait déclassée. Mais dans les deux cas, elles sont portées par des gens qui ne veulent pas rester les bras ballants. Elles sont le fait de gens qui, depuis longtemps, se rendent compte qu'il faut des actes, certes des actes concertés, mais non plus uniquement des discours. Souvenons-nous également...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Pierre-Louis Portier. ...que l'urbanisation et l'essor économique de Genève se sont toujours faits au détriment de son espace agricole. A mon avis, cependant, sans que ni son urbanisme, en majeur partie réussi, ni les activités du secteur agricole - qui reste et restera, je l'espère, un secteur fort dans notre République et canton - soient véritablement mis en péril. Les espaces appropriés autour des villages ruraux représenteront toujours presque 50% de notre territoire.
Le président. Veuillez conclure, Monsieur le député !
M. Pierre-Louis Portier. Cette nouvelle phase, dans l'histoire de notre aménagement... - j'ai presque terminé, Monsieur le président - (Manifestation dans la salle.)...nécessite volonté, politique, concertation et prise de responsabilités. C'est cette volonté politique que je souhaite voir se manifester ce soir, en vous invitant à voter, massivement et sans plus tarder, pour le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
M. Christian Grobet (AdG). Je constate que le PDC, qui s'est surtout singularisé, ces derniers temps, en votant contre la densification des zones à bâtir existantes, essaye de se donner une virginité avec des projets qui sont pour le moins contestables. Un jour, c'est M. Portier qui préconise la construction de hautes tours en ville de Genève, alors que Genève est la ville, en Suisse, la plus dense en matière de surface de plancher par rapport au sol, et notre densification est beaucoup plus forte que les autres grandes villes de notre pays. Vous voudriez, malgré cela, construire en hauteur, densifier à outrance un territoire municipal qui est déjà surdensifié. En revanche, en ce qui concerne les terrains qui sont à l'entrée de la ville, du côté de la Gradelle ou de Meyrin, vous estimez qu'il est mieux de continuer à y construire des villas.
Il y a actuellement une série de terrains, dont ceux que je viens de mentionner, qui méritent d'être développés et construits avant de s'attaquer à la zone agricole qui - quoi que vous en disiez, Monsieur Portier, même si vous avez quelques amis du côté des agriculteurs - constitue forcément une solution de facilité. A force d'appliquer des solutions de facilité de ce type, il ne restera plus grand-chose de la campagne genevoise dans peu de temps, et vous le savez fort bien. Malgré les propos que vous tenez à la fin de votre discours, en donnant une image idyllique de Genève, où les villages seraient préservés et où le caractère de la campagne serait maintenu, en prétendant que votre motion n'a qu'un caractère modeste, alors que l'on sait très bien que les milieux de la Chambre immobilière que vous représentez veulent, eux, réaliser... (L'orateur est interpellé.)...mais oui, Monsieur Portier ! Ecoutez, vous êtes les premiers, dans votre commune, à vous opposer à des projets de construction d'immeubles, à dire qu'il faut aller construire ailleurs dans la campagne, et vous connaissez les projets de la Chambre immobilière. Il y a ici une quinzaine de députés qui se sont fait élire sur la liste de la Chambre immobilière et qui sont forcément les partisans, avec leurs amis politiques, de ce projet, qui vise bien à faire 10 000 logements dans un secteur particulier de la zone agricole.
C'est donc un peu facile, au moment où l'on parle de cet énorme projet, de dire: «Non, on ne veut pas 10 000 logements, on ne veut que quelques petits déclassements; cela ne représente que 10% de la zone agricole à Genève». Mais à force de grignoter 10% par 10%, vous verrez, dans cinquante ans, qu'il ne restera plus rien du tout.
Nous estimons quant à nous qu'il faut avoir une politique cohérente en matière de construction du logement, qu'il faut appliquer la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, respecter le plan directeur cantonal - que vous avez également voté, et qui a fixé des priorités claires - à savoir de construire en priorité dans les zones à bâtir existantes et de densifier les parcelles qui le justifient.
Malheureusement, vous ne voulez pas le faire. Vous voulez construire des villas; vous voulez favoriser les projets immobiliers de vos copains qui sont surtout des appartements à vendre, des logements de luxe, mais en tout cas pas du logement social. Voilà votre politique.
Je profite quand même de l'occasion pour demander à M. Moutinot, puisque le Grand Conseil avait voté une disposition légale aux termex de laquelle toute parcelle de plus de trois mille ou cinq mille mètres carrés - je ne me souviens plus de la surface exacte - qui se trouve en zone agricole, devrait être analysée pour examiner si elle ne pourrait pas aboutir à une densification et permettre la construction d'immeubles d'habitations. J'ai lu récemment qu'il y avait un projet d'une cinquantaine de villas sur le territoire de la commune de Vernier, sauf erreur sur le coteau de Vernier, qui est un désastre au niveau de l'aménagement du territoire, vous n'y êtes pour rien, puisque c'est votre prédécesseur - pas moi, bien entendu... (Rires.) ...mais celui entre nous deux - puisque c'est le prédécesseur intérimaire qui a engagé cette construction de villas, qui est vraiment un échec total. J'aimerais bien savoir si cette parcelle sur la commune de Vernier va être densifiée ou si l'on va continuer à construire des villas, qui ont déjà été construites en grand nombre ces dernières années - 400 à 500 par année ?
J'aimerais enfin me permettre une dernière observation. Puisque vous dites, Monsieur Portier, qu'il faut avoir le courage de s'attaquer à certains tabous, moi j'aimerais dire une autre chose: il faudrait que le Conseil d'Etat commence à être plus restrictif en ce qui concerne les permis de séjour, qu'on distribue très généreusement à Genève, alors qu'il y a 7 à 8% de chômage. Je pense que l'on est en train d'attirer de la population à Genève alors qu'il y a du chômage, ce qui n'est pas normal, et il y a, là aussi, un point à examiner.
M. Gabriel Barrillier (R). Cette motion est fondamentale, parce qu'elle lance le débat sur l'avenir de Genève. Je pense que nous sommes à la croisée des chemins et qu'il faut être réalistes. J'ai bien entendu les arguments de M. Grobet qui est malthusien, qui démontre, par son discours, qu'il n'est pas forcément en faveur de la croissance et du développement - c'est son droit le plus strict. J'ai un peu l'impression, bien que je ne l'espère pas, qu'il trouvera peut-être des échos favorables en face de lui. Son discours est passéiste. Ceci, en passant, avec tout le respect que je lui dois, je le dis, j'ai retrouvé les accents grobetiens de cette méfiance à l'égard de l'avenir de Genève, encore une fois. Hier, on a entendu les internationalistes qui ne veulent pas de la libre circulation. D'autres se méfient. Il y a ainsi des alliances, au sujet de l'avenir de Genève, des sortes de saintes alliances, entre certains milieux - comme les milieux que défend M. Grobet - peut-être d'autres, tout à droite, où de vieux libéraux genevois qui ne croient pas au développement de Genève. Je fais juste cette introduction pour vous dire qu'on va avoir un débat intéressant, ces prochaines années: on est à la croisée des chemins.
Nous voyons très bien que nous avons un solde démographique positif, pour différentes raisons, mais de l'ordre de 5 000 personnes par année depuis quatre ans. C'est vrai qu'il y a eu la stabilisation des saisonniers dans les années nonante, mais, depuis deux ou trois ans, c'est un solde positif avec des gens formés, des arrivées de multinationales, une main-d'oeuvre qualifiée. Cinq mille personnes de plus. On construit entre 800 et 1 000 logements par année - 1 200 quand tout va bien. Il faut donc faire un effort supplémentaire, c'est évident. On en a parlé tout à l'heure lors des deux motions discutées: malgré toute notre bonne volonté, dans le cadre du plan directeur, on n'arrive pas à produire plus de 1 200 à 1 500 logements par année. En effet, il y a des oppositions à l'égard de la Tulette, mais il y en a d'autres et vous le savez bien. Je ne dis pas que c'est la solution de la Chambre de commerce, mais, il y a un coup de bâton dans la fourmilière qui nous oblige à réfléchir et nous devons trouver une solution d'appoint pour prévoir l'avenir et le développement futur de Genève.
Je vous le dis, parce que, actuellement, on laisse le problème du coût du développement, celui de la mobilité et de la fiscalité chez nos voisins. Je suis allé, il y a dix jours, à Morzine, devant trois cent artisans du bâtiment de Haute-Savoie. J'aime mieux vous dire que j'ai passé une heure difficile. Ils nous ont dit: «Vous nous piquez notre main-d'oeuvre, et en plus de cela, vous venez vous développer chez nous !» On a donc tendance à rejeter nos problèmes de développement sur nos voisins, alors que nous devons les résoudre ici, à Genève.
C'est la raison pour laquelle cette motion demande, comme l'a dit mon collègue Portier, un dialogue, un examen avec tous les intéressés - en priorité les agriculteurs d'Agri Genève - pour faire un inventaire. Ne venez donc pas nous dire que l'on veut bétonner la zone agricole ! Il s'agit d'un inventaire des parcelles identifiées situées en zone péri-urbaine dans le plan directeur cantonal, de qualité insuffisante d'un point de vue cultural ou posant des problèmes pratiques d'exploitation. La société civile avance ! La Chambre de commerce fait une proposition à la Clausewitz... (L'orateur est interpellé.)Oui, ceux qui ont fait un peu de stratégie savent ce qu'est la stratégie à la Clausewitz. Nous ne sommes pas forcément en faveur de cette stratégie, vous le savez.
Vous pourriez très bien examiner trois zones où on déclasserait quelques hectares agricoles non cultivés: vous avez les Vergers à Meyrin, vous avez les Communaux d'Ambilly et la Chapelle-Les Sciers étendue. On doit avoir le courage d'examiner ces zones-là, en fonction de la mobilité, du transfert modal, de façon à pouvoir décharger, à avoir des terrains en réserve pour nourrir le développement que nous souhaitons. Parce que si on continue comme cela, on va traiter la France voisine comme une poubelle, et ce ne serait pas responsable de la part de Genève. (Applaudissements.)
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
M. Alain Etienne (S). Tout d'abord j'aimerais dire, et vous rappeler, comme tout à l'heure, que le problème de la crise du logement que connaît Genève préoccupe l'ensemble des partis de ce parlement, et que je trouve regrettable que vous continuiez à en faire un débat gauche-droite.
Concernant vos considérants, j'aimerais que vous m'expliquiez comment vous arrivez à sortir votre chiffre... (Brouhaha. Rires.)...de 10 000 logements pour 120 hectares. Quelle densité prévoyez-vous ? Si je compte bien, j'arrive à du 0,6. En enlevant les surfaces dévolues aux équipements publics ou au patrimoine naturel, c'est du 0,4 que vous prévoyez. C'est peu, vous en conviendrez. Alors que l'aménagement du territoire nous demande d'utiliser rationnellement les terrains, vous êtes en train de gaspiller du potentiel à bâtir, en annonçant de tels chiffres.
J'aimerais également dire que des déclassements de la zone agricole sont déjà prévus dans le plan directeur. Plusieurs déclassements de la zone agricole sont à l'étude ou sont à l'enquête publique, comme par exemple le périmètre des Vergers, à Meyrin. Urbaniser le territoire ne se fait pas aussi simplement que vous le dites ! Il faut également prévoir le développement des transports collectifs, mais ça, c'est encore à un autre combat. Ce ne sont pas les mesures d'économies que vous préconisez qui vont nous aider.
Il n'est pas correct de dire, non plus, que les mesures prises à ce jour ont peu d'effets. Vous savez très bien qu'il y a toujours un décalage entre la reprise de l'activité économique et la mise à disposition de logements. On peut alors se demander ce qu'a fait le gouvernement monocolore avant 1997 pour préparer les terrains à urbaniser aujourd'hui.
Et je m'étonne aussi de votre demande, car la commission de l'aménagement est tenue régulièrement au courant de la situation. D'ailleurs plusieurs commissaires de l'Entente ont eu l'occasion d'apprécier les informations données par le département. Mais ici, en plénière, c'est autre chose: il faut montrer son esprit partisan.
Concernant les exploitations agricoles, il faut, je crois, continuer à défendre les terrains car ils sont l'outil de travail des agriculteurs. Comment voulez-vous préserver une agriculture de proximité si vous restreignez de plus en plus la surface agricole ? Nous connaissons les difficultés que rencontre actuellement l'agriculture. Ce n'est toutefois pas en vendant les terrains, en vue d'une urbanisation débridée, que les problèmes vont se résoudre. Le développement durable dont on parle appelle aussi que l'on maintienne une agriculture sur notre territoire. Ces terrains sont aussi, bien souvent, ce qui constitue les pénétrantes de verdure clairement identifiées par le plan directeur cantonal. Et là, je crois qu'il faut y aller avec précaution. Je ne suis pas sûr que la méthode «coup de poing» - comme celle du type de la Chambre de commerce et d'industrie de Genève - soit la bonne méthode pour réconcilier la population avec l'acte de construire.
Cependant, derrière votre motion, il y a un autre enjeu: celui d'offrir à la construction des terrains à bon prix et d'offrir ainsi l'occasion de faire faire des affaires plus rentables à des investisseurs. Il est évidemment plus facile de construire en une zone agricole qui vient d'être déclassée en une zone à bâtir. Les contraintes sont moins grandes, il n'y a pas trop de blocages. En focalisant le débat sur la zone agricole, vous déplacez le problème et vous évitez de vous attaquer à la densification de la zone à bâtir actuelle.
A plusieurs reprises, j'ai entendu dire dans vos rangs - et c'est M. Koechlin qui nous le rappelle souvent - que l'on ne peut rien faire contre l'avis des propriétaires et des communes.
Je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à retourner dans vos communes et à faire passer le message auprès des autorités communales qu'il faut construire et densifier. Qui peut aller dire aux autorités, de Cologny par exemple, que l'effort de construire doit être équitablement réparti sur l'ensemble du territoire et que la mixité du logement fait la qualité de la vie en société ?
Que dire aussi des Communaux d'Ambilly, Monsieur Barrillier ? On pourrait facilement construire ici un certain nombre de logements. Mais n'est-ce pas la commune de Thônex qui a demandé au chef du département de mettre ce dossier en suspens ?
Vous avez beau jeu de demander aujourd'hui un programme de déclassement pour les terres agricoles, alors même que vous refusez des déclassements de zone villa en zone de développement, comme par exemple à Frontenex. Cette attitude n'est pas responsable.
Arrêtez donc de faire croire à la population qu'avec de telles déclarations vous allez, d'un coup de baguette magique, résoudre la crise du logement. Le parti socialiste vous invite à travailler dans un esprit plus rassembleur.
Cette motion ne sert pas à grand-chose, puisque les parcelles agricoles situées en zone péri-urbaine sont déjà connues. Cette motion ne sert qu'à entretenir un surcroît d'insécurité dans le climat actuel. (Applaudissements.)
M. Hubert Dethurens (PDC). Le monde agricole n'est pas égoïste, et je pense que le monde agricole - enfin, une partie du monde de l'agriculture - peut accepter des invites telles que celles-là. Comme les invites le disent, «à négocier avec le monde agricole», on aurait déjà pu commencer à négocier cette motion avec le monde agricole, ce que l'on n'a pas fait. Et M. Barrillier a raison de parler de coups de bâton, parce que certains agriculteurs l'ont un peu pris comme un coup de bâton - pas méchant, mais un coup de bâton quand même.
Chaque fois que l'on déclasse un hectare - ici on parle en termes de pourcentage - le monde agricole perd son outil de travail. Et son outil de travail, c'est quand même important: quelle est la profession qui peut perdre son outil de travail sans rien dire ? Aucune ! C'est comme si on décrétait tout à coup - à cause d'une autre majorité ou d'une autre philosophie que celle qu'il y a actuellement dans ce parlement - que l'on réduisait les zones industrielles...
Encore une fois, nous ne sommes pas égoïstes, mais le monde agricole ne peut pas accepter de perdre un outil de travail sans rien dire et sans aborder le problème des compensations. Encore une fois, nous ne sommes pas égoïstes. Nous sommes d'accord qu'il manque des logements à Genève, nous sommes d'accord sur le fait que l'on devra passer par des déclassements agricoles, mais pas à n'importe quel prix, et pas par des chiffres !
Moi, je vois les considérants, et c'est ce qui a choqué pas mal de monde... (L'orateur est interpellé.)...disons que c'est un considérant mais il est écrit en gros et en noir: «1%». Qu'est-ce que cela veut dire «1%» ? Pourquoi pas 2 ou 3 ? Parce que dans dix ans, on pourra remettre «2» !
Encore une fois, je peux être d'accord sur les invites, s'il y a des négociations et si l'on résout les problèmes de compensation. En l'état, je m'abstiendrai sur cette motion. (Applaudissements.)
Mme Michèle Künzler (Ve). Résoudre la crise du logement. C'est vrai. Voilà le programme. Et par le biais d'une motion. Cela doit être très facile, en définitive. Mais est-ce vraiment la solution ? Car on peut déclasser la zone agricole. Comme vient de le dire M. Dethurens, finalement 1%, 2%...
On était dernièrement à un débat où la salle était tellement acquise, qu'on lui disait: «Etes-vous d'accord de déclasser 1% ?»
- «Oui», tout le monde lève la main.
- Et de doubler la mise ?
- Oui, bien sûr !
Car tout le monde se lève pour déclasser la zone agricole. C'est à peu près comme ça que cela se joue. Mais, en réalité, je ne pense pas que cela fasse avancer quoi que ce soit, parce qu'on ne s'attaque pas à la chose la plus facile, ce contrairement à ce qu'on dit. En effet, la chose la plus facile reviendrait à construire là où on peut déjà construire ! Il existe des terrains constructibles, dont fait partie la zone villa, qui représente 45% de la zone à bâtir. Et lorsque l'on parle ne serait-ce que de toucher la zone à bâtir villa - les déclassements qui sont en cause représentent environ 2% - on pousse des hauts cris, alors qu'elle représente la majeure partie de la zone à bâtir actuelle !
Pour nous, ce n'est pas ainsi que la crise du logement pourra être résolue. Il est clair que, dans le plan directeur, il y a déjà 1% qui est en route. Par conséquent, soit cette motion ne vise pas autre chose, et dans ce cas elle est inutile, soit elle s'ajoute à quelque chose, et on ne voit pas très bien sur quoi elle porte.
En outre, je pense que c'est tout de même la qualité de vie qu'il faut défendre, si on veut offrir un canton où il est attractif de séjourner. Car ce qui fait aussi venir les entreprises, c'est le cadre de vie. C'est le seul privilège que l'on a à Genève: nous avons un cadre de vie magnifique. C'est la base de notre richesse.
Il ne peut, selon nous, y avoir de déclassement sans projet. Nous avons voté sans sourciller le déclassement de la zone agricole à Meyrin pour y mettre le Palais de l'équilibre. C'est un bon projet, nous sommes d'accord d'y participer. Il en est de même pour le logement. A Meyrin ou à la Chapelle-Les Sciers, nous sommes aussi d'accord d'y réfléchir. Mais nous ne sommes pas d'accord de déclasser sans projet, n'importe où et n'importe comment.
L'autre point qu'il faut soulever concerne le déclassement, puisque cela à un prix. En effet, faire passer le mètre carré de 4 à 650 F représente le véritable enjeu de l'affaire. (Applaudissements.)
M. René Koechlin (L). Que n'entend-on pas quand on parle de déclasser la zone agricole ! M. Grobet, tout à l'heure, disait que c'était une solution de facilité. Eh bien, tant mieux ! C'est tellement difficile de construire des logements à Genève qu'on est bien contents d'avoir des solutions de facilité. Et moi, j'en conclus, et c'est une réalité, qu'en disant que c'est une solution de facilité, M. Grobet sous-entend que de déclasser la zone villa en zone constructible - troisième zone de développement, par exemple - pour construire plus dense, est une solution de difficulté. Pourquoi ? C'est une question de carotte et de bâton: la carotte consiste à déclasser la zone agricole, de surcroît celle qui n'est plus affectée à l'agriculture. Et là, je rassure M. Dethurens: il n'est pas question de priver les agriculteurs de leur outil de travail; il est question de déclasser des parties de la zone agricole qui ne sont plus affectées à l'agriculture, soyons clairs.
Voilà la carotte: déclasser la zone agricole...
Une voix. Miam, miam !
M. René Koechlin. Miam-miam, parfaitement ! Quand M. Dethurens dit que les paysans ne sont pas égoïstes: je le crois bien ! On leur propose de déclasser leur terrain, et on en multiplie par dix, par trente, la valeur. Il est évident qu'ils ne sont pas à plaindre. Et non seulement ils ne sont pas à plaindre, Mesdames et Messieurs les députés, mais c'est aussi le seul moyen d'inciter les propriétaires fonciers à construire des logements. Et comme cette plus-value est substantielle, elle reste faible relativement au prix du terrain constructible; ce qui fait qu'il est aisé d'y édifier des logements sociaux, précisément parce que le prix du terrain reste bas. Nous disposons d'un excellent exemple: dans tout le secteur du vélodrome, à Plan-les-Ouates, qui était en zone agricole et qui n'était plus affecté à l'agriculture, on a réussi à maintenir le prix du terrain à 150 F le mètre carré, alors qu'il est plafonné à 650 F par le Conseil d'Etat. Forcément que, dans ce secteur, on a pu construire des logements extrêmement bon marché, parce que le terrain coûtait peu. Il conservait toutefois un prix intéressant pour le propriétaire, précisément parce qu'il est passé d'une zone agricole à une zone à bâtir. C'est enfantin, Mesdames et Messieurs les députés. Et lorsque, sur les bancs d'en face, on nous rebat les oreilles avec l'histoire de la Tulette, je réponds que c'est typiquement le cas de figure où le terrain est déjà cher; et, de surcroît, il est en partie construit; de sorte que, si l'on y veut bâtir des immeubles, on doit verser aux propriétaires non seulement le prix du terrain villa, qui est souvent plus cher qu'en zone de développement, mais de surcroît une somme correspondant à la valeur de remplacement, parce qu'on doit démolir sa maison. Ce qui renchérit encore davantage le prix du terrain. Je vous le dis fermement, Mesdames et Messieurs les députés, je ne connais pas un seul cas de déclassement de zone villa en zone trois de développement qui n'ait pas impliqué un prix de terrain plus élevé que le cas de figure où on déclasse la zone agricole en zone à bâtir.
Par conséquent, si l'on veut construire des logements sociaux ou simplement économiques, et moi je vous rejoins totalement sur ce point, nous voulons construire ce type de logements, il faut que les prix et les conditions s'y prêtent. On ne peut pas construire des logements sociaux à n'importe quel prix, parce qu'il faut nécessairement équilibrer les plans financiers. Et je suis confronté tous les jours à cette obligation d'équilibrage, et ça n'est pas une mince affaire. Alors, il ne faut pas nous raconter des histoires ! Déclasser la zone villa pour construire des logements sociaux est une mauvaise solution. C'est une solution de difficulté, comme l'a sous-entendu M. Grobet tout à l'heure, par opposition à la solution de facilité proposée par cette motion.
C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à la voter dans l'enthousiasme général. (Applaudissements.)
M. Christian Bavarel (Ve). Quand j'étais élève à l'école d'horticulture, on suivait les cours de culture maraîchère, donnés par Pierre Blondin, dans l'endroit qui s'appelait le Musée. Pour entrer dans cette salle, on passait sous la devise des Plantaporêts genevois, les planteurs de poireaux, qui disaient: «Nous cultivons des terres que nous saurons défendre». Je ne comprenais ni n'acceptais le caractère martial de cette devise, mais, aujourd'hui, j'en saisis sa portée politique. «Nous cultivons des terres que nous saurons défendre.»
Les agriculteurs genevois ne sont pas tous propriétaires, une grande partie d'entre eux sont fermiers. Ce ne sont pas eux qui récupéreront l'argent de la vente de leur terrain agricole pour une succession de personnes. La terre sert à nous nourrir, cette terre est fragile: une fois que vous l'avez bétonnée, une fois que vous en avez fait autre chose que du terrain agricole, elle est perdue pour l'agriculture. Vous ne pouvez pas revenir en arrière, c'est-à-dire à une terre arable ou cultivable. Il vous faut, au minimum, 25 ans, si vous avez de la chance, mais il faut généralement beaucoup plus longtemps. La création du sol est quelque chose de compliqué que l'on comprend à peine aujourd'hui. Or vous nous proposez aujourd'hui, sans savoir ce qui se passera à l'avenir, de déclasser cette zone agricole. Nous avons encore des terrains qui peuvent être construits en ville - lorsqu'on parle de déclasser la zone villa, c'est la zone «à bâtir», la zone dans laquelle il n'y a pas de villas, classée en zone villa. Dans cette zone, tout n'a pas été fait: il n'y a pas de maisons ni de gens à exproprier, vous pouvez peut-être construire autre chose qu'une maison de deux étages, vous pouvez peut-être densifier. C'est bel et bien l'outil de travail des agriculteurs que vous envisagez de supprimer, et je ne peux pas l'accepter.
Par conséquent, je suis vraiment en faveur du fait qu'on construise la ville en ville et je vous invite à refuser cette motion.
M. Olivier Vaucher (L). M. Pagani et les siens, tout à l'heure, affirmaient qu'ils ne voulaient plus construire la ville en ville. La zone villa, elle, porte bien son nom. Acceptons donc de déclasser les zones agricoles mais - je le précise et le répète encore, même si certains préopinants l'ont dit avant moi - les zones agricoles impropres à l'agriculture et elles seules. Ceci, bien sûr, en concertation avec leurs propriétaires et les communes concernées.
M. John Dupraz. On ne peut plus rien faire ! (L'orateur est interpellé.)
M. Olivier Vaucher. Eh bien, Monsieur Dupraz, vous serez étonné, mais nous avons déposé des motions avec l'accord desdits propriétaires. Contrairement à ce que certains préopinants ont affirmé, cela peut se faire dans des proportions fort raisonnables, donc avec une densité modérée, soit des immeubles de deux à quatre étages. Comme il a été dit, seulement 1% voire 2% - maximum ! - de ces terres, impropres à l'agriculture, seraient aujourd'hui suffisants pour pallier la crise majeure du logement qui existe à Genève.
J'aimerais, en outre, dire qu'aujourd'hui la plupart des logements qui sont construits sont des logements subventionnés ou sociaux, ce, heureusement peut-être, alors que chaque catégorie de logements est requise à égalité. Les internationaux, de surcroît, nous interpellent de plus en plus pour nous demander quand nous réaliserons les logements dont ils ont tant besoin, en nous menaçant même de quitter Genève - avec le siège desdites organisations internationales - pour aller ailleurs, si nous ne trouvons pas de logements. Cerise sur le gâteau, même la CIA, vu l'impossibilité de construire à Genève, propose de construire en France. Que n'entend-on pas, Mesdames et Messieurs les députés !
De grâce, il est un peu facile de proposer d'aller construire ces logements dont nous avons besoin en France ou dans le canton de Vaud voisin. Construisons-les chez nous !
C'est pourquoi notre groupe vous enjoint à renvoyer de suite cette motion au Conseil d'Etat.
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). A chaque fois qu'il y a pénurie de terrains, que ce soit pour le logement ou l'économie, on pense effectivement à déclasser la zone agricole. En fait, c'est le fruit d'une vision à court terme et à l'opposé du développement durable, de l'Agenda 21 et du travail des agriculteurs. Je voudrais faire un peu d'histoire.
En 2001, le canton a établi son concept de l'aménagement pour quinze ans, et il y est très clairement dit, à la page 44, que «toute opération de mitage en zone agricole est exclue». Des déclassements limités de la zone agricole n'ont été décidés qu'à titre exceptionnel et selon des critères bien précis, et un déclassement de 1% devrait immédiatement prévoir une compensation quantitative et qualitative. Il reste néanmoins que l'attrait pour la zone agricole est toujours plus grand et provient de beaucoup de milieux - milieux dans lesquels on ne réfléchit pas en termes de qualité de vie et d'équilibre, mais en termes de rentabilité immédiate.
Je pense qu'il faudrait donc réfléchir en amont et cesser d'attirer à Genève des entreprises pour lesquelles on ne peut pas offrir les infrastructures de logements, d'écoles ou d'administration adéquates. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Il faudrait répartir le travail de façon plus harmonieuse et, surtout, densifier les zones villa.
Une voix. C'est ce qu'on appelle rêver !
Mme Sylvia Leuenberger. Et, on l'a déjà dit, l'affirmation selon laquelle il suffirait de déclasser 1% de la zone agricole ne veut rien dire et n'est pas vérifiable, puisqu'on ne mentionne pas de quels terrains il s'agit. On ne peut pas connaître l'utilisation du sol, et les gabarits autorisés sans connaître les sites. A moins, bien sûr, de construire une cité satellite de 10 000 logements en plein milieu de la campagne.
J'ajouterai, pour M. Barrillier, que ce sont les radicaux de Thônex qui se sont fait élire à l'aide le slogan «non aux Communaux d'Ambilly».
Une voix. Cela est bien vrai ! Bravo !
M. Gilbert Catelain (UDC). Effectivement, dans le problème de l'aménagement du territoire, nous sommes confrontés à une problématique qui mêle différents éléments: une maîtrise de l'augmentation démographique; le logement de cette population; le respect de l'ordonnance sur la protection de l'air; la réduction de nos émissions de CO2 ainsi que le maintien d'une consommation énergétique à un niveau stable.
La motion qui nous est proposée n'est ni la solution idéale ni la panacée aux problèmes d'aménagement du territoire, cela est clair. Cependant, c'est une pierre à l'édifice, comme l'a été la motion que nous avons votée tout à l'heure, à savoir de rehausser les immeubles qui pouvaient l'être.
Dans les faits, vous l'avez dit, cette croissance de population représente environ 5 000 personnes par année. Nous constatons aussi qu'au cours des dix dernières années le taux d'occupation moyen des logements est passé de 2,8 à 2,1 habitants par logement. En conséquence, la seule croissance démographique de 5 000 habitants par année nécessite, à elle seule, la construction de 2 500 logements. La motion nous propose de déclasser 1% de la zone agricole pour construire environ 10 000 logements, ce qui permettra d'absorber une croissance démographique pour quatre voire cinq ans. Cette motion ne prévoit pas les terrains à mettre à disposition pour la construction de la voirie, des écoles, des emplois, des surfaces commerciales, dont on peut estimer au double la surface à consacrer pour les cinq prochaines années, soit l'équivalent de 5% de la zone agricole. Par conséquent elle est effectivement, à elle seule, insuffisante, c'est clair, mais elle ne mange pas de pain - comme le dirait un collègue radical. Elle nous permettra au moins d'en étudier la faisabilité, puisqu'une partie de la zone agricole est en jachère - je rappelle que l'on a aussi voté une motion qui invite à racheter des vignes, parce que le terrain ne s'y prête pas et qu'il y a surproduction viticole...
Une voix. Non, c'est pas vrai !
M. Gilbert Catelain. Mais bien sûr ! Bref, cette motion n'est pas une solution, mais une piste.
La gauche ne nous a pas apporté beaucoup de solutions, ce soir. En fait, elle n'en a qu'une, c'est l'augmentation de la fiscalité, qui permettrait d'évacuer un certain nombre de locataires ou de familles, qui iraient s'établir ailleurs, sous des cieux plus cléments.
A notre niveau, nous voyons deux solutions pour l'avenir, sur le long terme. D'une part, une maîtrise de la croissance de la population: il faudra bien y réfléchir un jour ou l'autre, puisqu'on ne pourra pas se permettre d'avoir 6 000 voire 7 000 personnes de plus par année à Genève, l'espace étant trop réduit; d'autre part, réfléchir sur une densification de l'occupation du logement en tant que tel.
Le groupe UDC soutiendra néanmoins le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat ou s'abstiendra.
M. Pierre Kunz (R). Permettez-moi d'aborder cette motion et le problème de l'insuffisance de logement sous un angle un peu plus général que cela n'a été fait jusqu'à présent. Il s'agit de l'angle que le Conseil d'Etat devrait choisir.
Mesdames et Messieurs les députés, si aujourd'hui on continue de construire de moins en moins de logements, c'est parce que notre gouvernement se révèle incapable d'élaborer l'indispensable politique volontariste destinée:
1) à changer le cours des choses;
2) à mettre fin aux illusions densificatrices;
3) à couper dans les égoïsmes communaux;
4) - et surtout - à mobiliser les citoyens derrière les ambitions de ce Conseil d'Etat.
C'est parce que ce gouvernement est coincé dans un corset législatif mortifère, coincé dans ses contradictions internes, prisonnier de ses promesses à l'égard des naturalistes, des environnementalistes, des défenseurs des transports publics, des associations agricoles, des défenseurs des locataires, des associations de piétons, et j'en passe, qu'il est incapable de faire sauter les murailles qui enferment Genève, ses entreprises et ses citoyens dans leurs problèmes et dans l'insuffisance de logements.
A tel point, Mesdames et Messieurs les députés, que l'acceptation du statu quo fait partie intégrante des discours de ce gouvernement. J'en veux pour éclairage principal, le plus révélateur en tout cas, la charte des transports publics régionaux, dite «pour un développement des transports régionaux dans le bassin franco-valdo-genevois», publiée il y a peu par ce Conseil d'Etat. Pour être très clair, il faut le dire: cette charte ne vise pas à résoudre des problèmes de transports dans la région, mais, dans la réalité, à faire croire aux Genevois d'abord qu'il n'est pas possible de construire suffisamment de logements à Genève, ensuite qu'il faut donc exporter une partie de son habitat en France et dans le canton de Vaud, et qu'en conséquence, il faut développer des transports publics régionaux. Bref, ce à quoi vise cette charte, Mesdames et Messieurs les députés, c'est à faire admettre aux Genevois qu'on ne peut rien changer. Cette aberration intellectuelle, tant sur le plan économique, politique que fiscal, consiste à projeter - cela figure dans cette charte - qu'entre 2000 et 2020 nous aurons une augmentation de 55 000 habitants à Genève - projection assez réaliste. Cela consiste en outre à considérer comme acquis que, durant cette période, l'emploi à Genève ne progressera que de 54 000. Ainsi, on accepte que l'emploi ne croîtra que de 13%, que la population ne croîtra que de 21%, et que, pour répondre à cette délicate équation, on évacue entre 70 et 80 000 habitants dans le canton de Vaud ou en France voisine. (L'orateur est interpellé.)
Mesdames et Messieurs les députés, c'est la réalité ! Cela figure dans cette charte, publiée par le Conseil d'Etat !
Une voix. Est-ce que les enfants travaillent ?
M. Pierre Kunz. Vous ne comprenez pas que pour chaque emploi, il y a un certain nombre d'habitants, mais cela ne m'étonne pas.
Le président. Ne vous laissez pas distraire, Monsieur le député !
M. Pierre Kunz. Mesdames et Messieurs les députés, cet état de fait, ce statu quo que l'on prétend accepter est impossible, il est suicidaire. Les conséquences fiscales et financières désastreuses des 60 000 frontaliers sur les comptes de la République en témoignent déjà aujourd'hui. Alors, que faut-il retirer de cela ?
Premièrement, le Conseil d'Etat doit vraiment immédiatement changer sa vision des choses. Deuxièmement, il doit s'engager sans délais, avec le volontarisme que réclame cette motion, dans un programme de réformes législatives qui visent à la construction de plus de logements - parce que c'est de cela, Mesdames et Messieurs les députés, dont nous avons besoin. Si nous voulons augmenter l'emploi de 50 000, comme c'est ambitionné ici - il faut donc construire 50 000 logements d'ici 2020. Troisièmement, il faut commencer par proposer à ce Grand Conseil les déclassements de la zone agricole qui sont demandés ici. Et puis quatrièmement, je pense que le Conseil d'Etat devrait se rappeler - pour se donner courage et envie - de cette pensée profonde d'un personnage d'un roman de John Le Carré qui disait: «Il y a toujours au moins dix bonnes raisons de ne rien faire.» Ce qui pousse finalement à entreprendre quand même, c'est qu'on en a envie. C'est pourquoi je vous exhorte à avoir envie, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Je ne pensais pas prendre la parole très longuement parce que mes préopinants, tant socialistes que Verts, ont très bien dit ce qu'ils pensaient de cette motion, mais c'est vrai qu'en entendant les propos de M. Kunz on ne peut être que consternés. Sa méthode est celle du rouleau compresseur, et la démocratie n'a pas l'air d'être sa tasse de thé. Alors peut-être qu'il faudrait qu'il revoie sa copie avec ses amis de l'Entente, qui, de temps en temps, écoutent un peu trop les communes quand il s'agit de déclasser pour pouvoir construire et densifier, que cela vous plaise ou non. On peut peut-être répéter encore une fois que c'est quand même étonnant d'entendre les représentants de l'Entente, qui sont majoritaires, qui nous abreuvent de motions, et qui ne proposent pas grand-chose non plus ! Alors, on enfonce des portes ouvertes ou alors on propose des choses inacceptables.
Pour revenir à cette motion, qui propose de déclasser la zone agricole, rappelons - encore et encore ! - que le concept cantonal de l'aménagement a déjà prévu ce qu'il fallait, et que, dans certaines conditions, on peut déclasser la zone agricole. Certaines parcelles sont justement désignées à cet effet.
Au-delà de cela, il faut aussi avoir le courage de densifier dans certains endroits, notamment dans certaines communes, pour pouvoir favoriser non seulement le logement social subventionné, mais aussi une certaine mixité qui est la seule garante d'une bonne qualité de vie.
Pour cela, je vous propose de renvoyer cette motion, non pas au Conseil d'Etat mais en commission, afin d'entendre ce que certains pensent de cette magnifique proposition, puisque apparemment vous n'êtes pas tous d'accord. Agri Genève a peut-être son mot à dire, tout comme les représentants des agriculteurs.
Je vous propose donc de renvoyer cette motion à la commission de l'aménagement.
Le président. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi en commission qui prime sur tout autre débat. Un député par groupe peut désormais s'exprimer et uniquement sur le renvoi en commission. La parole est à M. Portier.
M. Pierre-Louis Portier (PDC). Je vous ferai très poliment remarquer que j'avais demandé la parole avant cette proposition de renvoi et que j'entends donc m'exprimer sur d'autres choses également. (Exclamations. Brouhaha. Le président agite la cloche.)Monsieur le président, soyez honnête, la liste a été bouclée, vous avez cité mon nom. Je vous rassure, je serai très rapide. (Brouhaha.)
J'aimerais dire à M. Grobet...
Le président. Monsieur le député, patientez quelques instants et attendez que tout le monde se calme, s'il vous plaît... Voilà. On laisse tout le monde se calmer bien gentiment, vous vous exprimez sur le renvoi en commission et après je vous répondrai sur votre volonté de vous exprimer encore ultérieurement.
M. Pierre-Louis Portier. Je vous remercie, Monsieur le président, et je vous rappelle encore poliment que j'ai été mis en cause.
Cela dit, sur le renvoi en commission, puisque c'est sur ce sujet que vous voulez que je m'exprime - et je serai bref, à condition que je puisse reparler après.
Comme je vous l'ai dit, il y a péril en la demeure, il y a urgence, et pour nous il faut aller directement au Conseil d'Etat.
Le président. Merci Monsieur le député. Vous aurez la parole tout à l'heure, si nous poursuivons nos débats. La parole est à M. Dupraz.
M. John Dupraz (R). Je trouve que c'est une bonne question de savoir s'il faut renvoyer cette motion en commission. Il me souvient qu'un temps, alors que j'étais jeune président de la Chambre d'agriculture...
Des voix. Oh, non ! (Exclamations. Huées.)
M. John Dupraz. ...oui, j'étais un jeune blanc-bec mais je voyais déjà clair, contrairement à certains. J'avais dit, lors de mon rapport de président: «L'autoroute est la dernière concession des agriculteurs de ce canton.» Cela m'avait valu à l'époque une belle volée de bois vert de mon ami Robert Ducret, pour qui j'exagérais.
Je considère que cette motion a l'avantage de se donner bonne conscience par rapport au problème du logement, mais elle ne construit aucun logement. Et il n'y a pas de terrains impropres à l'agriculture que l'on pourrait déclasser, Mesdames et Messieurs les députés, il y a des terrains qui sont plus ou moins fertiles pour les agriculteurs, ce qui est un peu différent. J'ai toujours vu et constaté qu'en urbanisme les extensions des cités se faisaient sur des axes et des pénétrantes, et non pas en fonction de la qualité des terrains. C'est encore une fois un argument un peu fallacieux.
On dit encore qu'on rejette les problèmes chez les autres. Si certaines personnes, qui travaillent dans ce canton, vont habiter en France voisine ou dans le canton de Vaud, c'est pour des raisons fiscales, familiales, etc. Mesdames et Messieurs les députés, si on veut, dans notre canton, loger toutes les personnes qui travaillent ici, alors il faut construire la muraille de Chine à nos frontières.
Certains prétendent qu'il faut avoir le courage d'examiner certaines zones et c'est vrai ! Au cours de ma longue carrière de député... (Exclamations.) ...qui va bientôt s'achever, nous en avons examiné, des zones. Et je vais vous les citer. Le golf d'Onex - le Conseil d'Etat de l'époque voulait construire un peu d'université, du logement, etc. Qui s'y est opposé ? Notre ami Cristin, d'Onex, député socialiste, qui disait: «Comment, on a déjà tellement donné pour le logement, massacrer ces terrains, une zone de verdure comme celle-là...» On l'a classé en zone de verdure. Le Conseil d'Etat - à l'époque où il y avait des gens qui étaient un peu plus déterminés que ceux que nous avons maintenant... (Rires.)C'est-à-dire qu'ils étaient un peu moins gentils que ceux qui y sont maintenant - avait acheté les terrains de Vessy. Là, projet de logement. La ville de Genève avait besoin de terrains pour faire des terrains de foot, on a donc fait des terrains de foot mais aussi des promenades pour les chiens. Il n'était plus question de toucher ces terrains, par la suite, car certains disaient: «Ah non, pas question ! Une zone de détente comme ça, vous n'allez pas bétonner là !»
Il y a eu un problème similaire à Meyrin. A Meyrin, tout le monde était d'accord pour construire la gravière de Mategnin. C'est pourtant le camarade Pachoud, socialiste, qui n'était de nouveau pas d'accord !
Ces bons socialistes viennent maintenant nous dire qu'ils veulent défendre la zone agricole. Vous êtes une sacrée bande d'hypocrites ! Quand on voit ce que votre collègue Bodenmann, ancien président, écrit sur les paysans. «Etienne à la tienne !», tu ne manques pas de culot, vous ne manquez pas de culot. (Exclamations.)Du même acabit que Poncet et Kepler, des intellectuels prêts à tout, bons à rien, qui n'ont jamais rien produit pour le pays. Un hôtelier millionnaire qui se prétend de gauche, le plus capitaliste des socialistes que j'ai jamais rencontré ! (Rires. Exclamations.)
Mesdames et Messieurs les députés, il ne faut pas se moquer du monde avec des interventions comme celle que tu as faite, mon ami Etienne, parce que tu te mets le doigt dans l'oeil jusqu'au coude !
Quant à la volonté politique. Ce qui manque, comme l'a dit notre collègue Kunz, c'est la volonté politique.
Une voix. Il est où ?
M. John Dupraz. La volonté politique fait défaut. Pour construire, c'est le parcours du combattant. Quand est-ce que le Conseil d'Etat et ce Grand Conseil auront la volonté de couper les ailes et les pouvoirs de ses commissions consultatives paralysantes qui ne servent à rien...
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. John Dupraz. ...quand on a des fonctionnaires de qualité pour traiter les dossiers ? Ce sont des gens dont nous n'avons maintenant plus besoin. Quand y aura-t-il cette volonté politique ? Quand M. Vaucher prétend que nous avons des accords avec les communes, que nous pouvons nous arranger avec les communes. Le cas de Cologny, dont le maire, croque-mort et libéral... (Rires.)...a prétendu, sur le projet du Conseil d'Etat: «On fait un projet minimaliste et le peuple dit non». Mesdames et Messieurs les députés, Mesdames et Messieurs du Conseil d'Etat, je me souviens du temps du projet Les Mouilles, à Lancy, où le camarade Spielmann avait lancé une initiative pour faire une zone quasi villageoise dans cet endroit, à force de recours, de pétitions, de projets, M. Grobet, qui était conseiller d'Etat à l'époque - je lui rends hommage - a eu le courage de dire: «Maintenant, il y en a marre, on construit à 1,2 de densité.» Tout le monde a hurlé à la spoliation du droit populaire et de la démocratie, et qui s'en plaint aujourd'hui ? Personne ! En ce temps-là, on avait de la volonté politique. Maintenant, on n'en a pas. Dans ce parlement, il n'y a plus de leaders...
Une voix. Rentre chez toi !
M. John Dupraz. ...il n'y a que des causeurs et des persifleurs. Je me souviens, Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha. Exclamations.)
Le président. Monsieur Dupraz, sur le renvoi en commission s'il vous plaît.
M. John Dupraz. ...que, dans ce parlement, nous avons voté la loi sur l'aménagement du territoire. Trois l'ont imposée à ce parlement, sinon nous n'aurions pas eu de loi. (L'orateur est interpellé.)Ce n'est pas démocratique ? Mais il y avait des leaders. Il y avait des leaders, et les autres ont suivi. Tandis que toi, tu n'es qu'un causeur, qui n'a jamais rien réglé.
Mesdames et Messieurs les députés, aller en commission ou ne pas aller en commission, n'est pas la question.
Le président. Si, c'est justement la question, Monsieur le député.
M. John Dupraz. Cette motion... (L'orateur est interpellé.)T'es le premier ! Cela ne sert à rien d'aller en commission ou de la renvoyer au Conseil d'Etat. Vous ne ferez pas un logement, tant que, dans ce parlement, vous n'aurez pas la volonté de dire qu'on va le faire par rapport à un projet concret.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.) (Brouhaha. Exclamations. Rires.)
Le président. Les pontes de notre parlement vont à la buvette, comme ça nous pourrons poursuivre nos débats. Voila... Merci de laisser parler M. le député Etienne.
M. Alain Etienne (S). Merci, Monsieur le président, je constate que M. Dupraz est sorti de l'enceinte, pourtant... (Exclamations. Brouhaha.)Pourtant, j'aimerais quand même revenir sur certains propos qu'il a tenus. Si je me suis exprimé sur les terrains agricoles, c'est que jusqu'à présent je pense qu'on produit notre nourriture à partir du sol, qui est précieux. En déclassant des terres agricoles, on perd ce précieux sol pour la production. J'ai déjà eu l'occasion d'entendre M. Dupraz parler de la mondialisation, du problème de ces produits que l'on achemine jusqu'ici depuis le monde entier; j'ai entendu M. Dupraz défendre autrement l'agriculture. Par conséquent, si, tout à l'heure, j'ai fait une intervention au nom du parti socialiste, c'est bien dans le but de défendre les terrains agricoles.
Je pense que les agriculteurs ont besoin d'être défendus. Ils sont défendus par Agri Genève, mais ils sont aussi défendus entre autres par les socialistes. Je tenais à rectifier cela.
Les terrains agricoles sont importants, on doit les défendre pour toutes ces raisons. Je ne comprends pas pourquoi M. Dupraz m'a pris à parti.
M. Jean Spielmann (AdG). Tout à l'heure, M. Dupraz, dans son envolée, a parlé des Mouilles et des constructions de terrains en donnant la paternité de ces constructions à M. Grobet, conseiller d'Etat à l'époque, qui aurait fait le forcing pour les imposer. Je voudrais quand même rétablir les faits. (Exclamations. Brouhaha.)Mesdames et Messieurs les députés, de quoi s'agissait-il, à l'époque ? Il s'agissait de discuter du problème du déclassement de terrain. Les déclassements de terrains étaient de la compétence de ce Grand Conseil. Nous pouvions ici, à l'époque, déposer un projet de loi pour modifier le régime des zones de construction et considérer que, dans certains périmètres, on pourrait y mettre du logement. Je reviendrai sur un certain nombre de propositions qui avaient été faites auxquelles vous vous êtes tous opposés, vous qui êtes assis sur les bancs d'en face. Il s'agissait, à l'époque, de déclasser un grand terrain de zone agricole pour permettre la construction de logements sociaux, parce que l'on se rendait compte que dans beaucoup de terrains, les servitudes croisées, les oppositions empêchaient les constructions, et qu'il fallait faire une modification de zone pour permettre de construire. Nous avions choisi un terrain qui est aujourd'hui encore inculte, et qui n'a jamais été cultivé par les cultivateurs du côté de Carouge et en dessus, sur le plateau. Ce plateau n'est pas encore construit aujourd'hui. A l'époque, il y avait la possibilité de démarrer immédiatement dans les constructions de logements - de manière très intelligente, parce qu'on n'était pas loin des zones de construction. Cela a été refusé par le Grand Conseil. Que s'est-il passé après le dépôt de ces projets de lois sur les modifications de zones de construction ? Le Grand Conseil a décidé qu'il n'était plus de la compétence du député et du Grand Conseil de proposer un changement de zone. On avait encore le droit de demander au Conseil d'Etat d'en prévoir un et, éventuellement, de modifier des zones, et c'est pour cela qu'aujourd'hui on fait des motions pour demander de les changer. Alors que le changement de zone est de la compétence du Grand Conseil. Si vous renvoyez cette motion en commission, vous feriez bien d'examiner aussi de quelle manière le Grand Conseil peut exercer aujourd'hui son droit de déposer une modification de zone. Cela n'est plus possible, parce qu'à l'époque ce n'est pas au projet d'aménagement que j'avais proposé aux Mouilles que le Conseil d'Etat s'était opposé. Ce dernier s'opposait au principe même qu'un député puisse déposer un projet de déclassement de zone. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat de l'époque s'était battu pour les prérogatives du Conseil d'Etat et contestait le droit au Grand Conseil de faire un plan de modification de zone. Aujourd'hui, vous n'avez plus les moyens de le faire.
Par conséquent, si vous voulez réellement déclasser une grande partie de terrain pour faire une grande opération de construction de logements sociaux, il faudra aussi examiner les prérogatives de ce Grand Conseil dans cette commission, de manière que nous puissions encore décider d'un certain nombre de déclassements. On ne peut plus le faire aujourd'hui, et vous devez cela, Mesdames et Messieurs les députés, à ceux qui se sont opposés à l'époque aux propositions que nous faisions.
Je considère pour ma part, qu'avec les problèmes que l'on rencontre lors de la construction de logements dans un certain nombre de périmètres qui sont bloqués aujourd'hui, qu'on ne pourra résoudre la crise du logement qu'en conduisant une grande opération de réalisation et de construction de logements à des endroits où la zone agricole n'est pas utilisée, à des endroits où il est intelligent de construire parce que c'est proche des zones de construction et de transports. Veuillez par conséquent réexaminer cette question en commission et refaire l'histoire, parce que ce que M. Dupraz a dit tout à l'heure n'est pas du tout exact, d'autant plus qu'il était du côté de ceux qui avaient empêché les réalisations.
Le président. M. Portier s'est déjà exprimé tout à l'heure sur le renvoi en commission, je lui passerai la parole par la suite, si le renvoi est refusé. La parole est à M. le conseiller d'Etat Moutinot.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Vous me pardonnerez de ne pas répondre à chacun de vos arguments, compte tenu de la longueur du débat. Je crois qu'on a entendu le meilleur et peut-être le pire. On a entendu des erreurs fiscales majeures, Monsieur Kunz, dans votre exposé. On a entendu des relents malthusianistes tout à fait détestables. On a eu des attitudes protectionnistes, et on a eu toutes sortes de bonnes idées. Le résumé des bonnes idées, c'est M. Dupraz, qui, dans une grande envolée, l'a fait. Il a dit que, quand on veut faire quelque chose, on le fait. C'est vrai qu'une fois qu'on a dit cette profonde vérité, Monsieur le député, les choses avancent. (Rires.)Je ne crois pas que la difficulté, Monsieur le député, provienne des contradictions de ce parlement, dont la sagesse lui évite d'en avoir trop; je ne crois pas non plus qu'elle provienne de la faiblesse du Conseil d'Etat, Monsieur Dupraz; elle vient du fait que, dans ce canton, il y a une contradiction de fond dans la population qui souhaite résoudre la pénurie de logements mais qui, en même temps, souhaite que cela se passe sans douleur, ailleurs, sans problème et le plus loin possible. Cette contradiction-là, Monsieur Dupraz, il n'y a qu'une manière de la résoudre. Cela n'est pas de faire des motions, au demeurant fort intéressantes. C'est effectivement d'aller discuter dans les conseils municipaux, dans les cafés. (Brouhaha. Exclamations. Le président agite la cloche.)M. Dupraz connaît la réalité sociale de base et c'est cela que nous devons faire si nous voulons nous sortir de là, cela ne sert à rien de nous étriper ici, sur une question ou sur une autre, si on n'arrive pas à l'expliquer clairement à la population et qu'elle y adhère. En effet, le vote de Cologny peut avoir lieu demain dans n'importe laquelle des 45 communes du canton. Et ce sera une fois à l'initiative des socialistes, une fois des libéraux, une fois des radicaux, une fois du PDC: pas un seul parti ne peut se vanter d'être totalement «clean» - si vous me passez l'expression - sur la question du logement. (L'orateur est interpellé.)
M. Iselin veut un certificat, je ne le lui donnerai pas. (Rires. Exclamations.)Cette motion, Mesdames et Messieurs les députés, dit la chose suivante. Elle demande de dresser l'inventaire des parcelles situées en milieux péri-urbain en zone agricole qui pourraient être déclassées. Il y a quelque chose que je n'ai pas bien compris: cet inventaire existe, c'est le plan directeur cantonal. On sait quelles sont ces parcelles, on sait où elles sont situées et, la deuxième invite consiste à proposer rapidement un programme de déclassement desdites parcelles. C'est ce qu'on fait ! Et lorsqu'on demande de déclasser 1% de la zone agricole, je peux vous informer que la totalité des déclassements à l'étude en consultation populaire devant votre Grand Conseil, la totalité c'est environ 1,2% de la zone agricole. Je n'imagine pas que les auteurs de cette motion veuillent 1% de plus...
Une voix. Si !
M. Laurent Moutinot. Ah, non, ça n'est pas ce qui est dit ! J'imagine, en revanche, que ce que souhaitent les auteurs de cette motion, c'est que ce pourcent que nous avons mis dans le pipeline soit voté. Je vous fais confiance, dès lors que vous êtes les auteurs de cette motion, pour soutenir cette position. Mais là où il faudra aller la soutenir, ça n'est pas dans ce Grand Conseil, c'est dans chacune des communes. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat, nous allons voter au sujet de la demande de renvoi en commission de cette motion qui vous a été soumise tout à l'heure. Nous allons voter par électronique. J'imagine que ce qui était demandé, c'était le renvoi en commission d'aménagement. Celles et ceux qui acceptent le renvoi en commission d'aménagement voteront oui, les autres voteront non ou s'abstiendront, le vote est lancé.
Mis aux voix, le renvoi en commission est rejeté par 47 non contre 23 oui et 1 abstention.
Le président. Nous poursuivons donc nos débats, la parole est à M. Pierre-Louis Portier.
M. Pierre-Louis Portier (PDC). Je souhaiterais répondre sur certains points à quelques-uns de mes préopinants, notamment à M. Grobet, pour qui j'ai beaucoup de respect, mais qui, ce soir, a fait preuve de mauvaise foi; Monsieur Grobet, vous en conviendrez.
Je ne peux tout d'abord pas accepter que vous me fassiez passer pour le fossoyeur du monde agricole, lorsque vous affirmez que j'appartiens à la Chambre genevoise immobilière. Je prends son ancien secrétaire général à témoin, je n'ai jamais eu aucune accointance avec la Chambre genevoise immobilière, que je respecte par ailleurs... ( Explosion générale de rires.)Je ne suis pas cotisant... (Le président agite la cloche.)Je suis le très modeste propriétaire, avec mon épouse, d'une maison de village, je vous le concède, mais mon appartenance au monde immobilier s'arrête là. (Rires.)Qui plus est, Monsieur Grobet, je suis le petit-fils d'un agriculteur, et j'en revendique d'ailleurs l'origine. Je suis également entouré d'une famille, j'ai un oncle, un cousin qui travaillent encore dans l'agriculture, qui est un monde que je respecte.
Notre rôle dans ce parlement, vous le savez parfaitement, Monsieur Grobet, n'est pas de faire du clientélisme et de dire que l'on défend les agriculteurs, comme certains l'ont fait ce soir, ou les milieux immobiliers. Il s'agit d'être des élus responsables qui prennent en compte les intérêts de chacune des composantes de notre société. Et c'est ce que j'essaie de faire ce soir.
Enfin, je tiens à défendre les Veyrites dont j'ai été l'élu communal pendant 24 ans. Monsieur Grobet, vous ne pouvez pas faire passer les gens de Veyrier pour des égoïstes, comme certains essaient de le faire à propos des gens de Cologny. Monsieur Grobet, la commune de Veyrier est passée de 3 000 à plus de 10 000 habitants depuis 1967; pensez-vous que cela se soit produit en construisant des cabanes de jardin ? Soyons logiques, Mesdames et Messieurs les députés ! (Exclamations. Brouhaha.)J'apporterai simplement deux exemples. (L'orateur est interpellé.)...Il y a beaucoup de villas, je vous le concède.
Mais je rappellerai deux choses, Monsieur Grobet. La commune de Veyrier - et vous pouvez vérifier ce que j'avance - a été historiquement la première commune qui a utilisé la loi Dupont pour construire les premiers HLM du canton. Ce sont les immeubles de l'avenue du Grand-Salève.
Deuxièmement, Monsieur Grobet, à l'époque où vous étiez conseiller d'Etat - et c'est entre autre ce qui fait que j'ai beaucoup de respect pour vous, parce que c'est vrai que vous saviez vous mouiller dans un certain nombre de circonstances - vous étiez venu vous mouiller avec les autorités de l'époque pour défendre le projet des Quatre Fontaines à Pinchat. Ce projet a débouché sur la construction de nombreux logements, qui ont permis à d'autres Genevois de venir habiter Veyrier et à des Veyrites de quitter des HLM pour s'offrir le logement dont ils avaient envie, libérant par la même occasion des logements sociaux. Vous devez donc cesser ces insinuations.
J'aimerais encore m'adresser très rapidement à Mme Michèle Künzler. (Exclamations.)Je suis désolé, Madame Künzler, je tiens à rectifier une chose. Vous dites: «pas de déclassement sans projet»; où êtes-vous allée chercher cela ? Ce n'est absolument pas ce que nous demandons ! Nous demandons un inventaire.
Enfin, on a beaucoup parlé de l'outil de travail des paysans, ce qui est quelque chose d'éminemment respectable. Je tiens cependant de source sûre qu'actuellement une ordonnance fédérale impose aux agriculteurs de geler 7% de leur outil de travail.
Le président. Merci, Monsieur le député. M. Grobet est encore inscrit, je le prie d'être relativement bref, afin de préserver nos vies de famille respectives et que nous puissions rentrer dans nos foyers à une heure respectable.
M. Christian Grobet (AdG). Je serai très bref, Monsieur le président. Je prends acte du fait que M. Portier ne fait pas partie de la Chambre immobilière, même s'il a des relations par alliance. (Rires.)... Chacun est représentatif de son propre milieu.
Figurez-vous, Monsieur Portier, qu'il m'arrive quand même de lire les publications de la Chambre de commerce et de l'industrie, et je ne peux que constater que cet organisme recommande chaudement de voter pour les députés de votre parti, ainsi que pour les autres députés de l'Entente. Il faut donc croire qu'il y a tout de même quelque chose qui vous unit avec la Chambre immobilière... pardon, avec la Chambre de commerce... (Rires. Exclamations.)... car, à défaut, je ne crois pas que vous auriez autrement un tel appui.
Voici ma deuxième remarque. C'est vrai que la commune de Veyrier s'est développée, mais vous savez aussi bien que moi que ce tapissement de villas dans votre commune - vous n'êtes pas personnellement en cause - au niveau de l'aménagement du territoire, c'est un désastre.
Je remercie mon ami John Dupraz d'avoir rappelé que le Conseil d'Etat a fait beaucoup d'efforts pour déclasser des terrains de zones villa pour en faire des zones de construction pour des logements collectifs dans les années 80.
Je peux simplement vous dire, Monsieur Portier, que quand on a voulu mener un certain nombre d'opérations à Veyrier, cela s'est révélé très difficile.
Le président. Merci Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous allons voter par électronique pour savoir s'il y a lieu d'approuver cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat. Celles et ceux qui l'approuvent voteront oui, les autres voteront non ou s'abstiendront, le vote est lancé.
Mise aux voix, la motion 1499 est adoptée par 38 oui contre 31 non et 3 abstentions.