République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 17h40, sous la présidence de M. Pascal Pétroz, président.

Assistent à la séance: Mmes et MM. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat, Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht, Laurent Moutinot, Micheline Spoerri, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Gilles Desplanches, Antoine Droin, Renaud Gautier, Michel Halpérin, Sami Kanaan, Nicole Lavanchy, Ueli Leuenberger, Christian Luscher, députés.

Communications de la présidence

Le président. Mesdames et Messieurs, comme le veut la tradition, nous sommes invités, ainsi que le Conseil d'Etat, au repas qui sera servi ce soir dès 19h sous la tente du Parc des Bastions. Nous remercions le comité d'organisation de la Course de l'Escalade pour cette aimable invitation.

Correspondance

Le président. Vous avez trouvé sur vos places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil. Cet énoncé figurera au Mémorial.

Réponse du Conseil d'Etat à la procédure de consultation fédérale sur le Raccordement de la Suisse occidentale et orientale au réseau ferroviaire européen à grande vitesse (raccordement aux LGV) ( C 1727)

Réponse du Conseil d'Etat à la procédure de consultation fédérale relative au projet de loi sur le Bureau fédéral de médiation ( C 1728)

Courrier de M. JACQUET Michel, président du Conseil d'administration des Transports publics (politique "grands comptes" avec le TCS) ( C 1729)

M. Rémy Pagani. Monsieur le président, je demande la lecture de la lettre qui nous a été adressée par le mouvement de la fonction publique qui s'est réuni, comme chacun le sait, devant notre Grand Conseil pour protester contre les mesures qui lui seront imposées dès le premier janvier 2004.

Le président. Cette demande est soutenue. Je demande à Mme Janine Hagmann, deuxième vice-présidente, de donner lecture de cette résolution.

Courrier 1726

Annonces et dépôts

Néant.

Le président. Nous passons maintenant aux réponses du Conseil d'Etat aux interpellations urgentes.

IUE 58
(Réponse du Conseil d'Etat)Interpellation urgente écrite de M. Pierre Weiss : Comment le Conseil d'Etat justifie-t-il un surcoût de 2,1 millions de francs, à la charge de l'Hospice général, pour l'achat d'un immeuble ? (Réponse du Conseil d'Etat)

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Monsieur le député, vous demandez comment le Conseil d'Etat justifie un surcoût de 2 millions à charge de l'Hospice général pour l'achat de l'immeuble sis 41, avenue de la Praille. Il n'y a pas de surcoût de 2 millions sur l'achat de cet immeuble.

En effet, une expertise réclamée à l'époque par l'office des faillites, datant du 5 septembre 2000, a conclu à un montant de l'ordre de 6,3 à 6,4 millions, et une analyse effectuée par le service des opérations foncières du département, le 5 février 2001, a conclu à des valeurs sensiblement identiques. Nous avons encore vérifié cette appréciation le 23 septembre 2002.

La différence - évidemment, il est difficile d'entrer dans tous les détails en répondant à une interpellation urgente - donc, la différence qui existe dans les expertises, effectuées par un organisme indépendant, par le département, et, en définitive, par l'Hospice général, s'explique en partie par un taux de capitalisation différent, par une estimation de l'état locatif théorique différente, dès lors que cet immeuble sert de logements pour les requérants, mais qu'à terme il pourrait servir à un autre usage, compte tenu de son emplacement. Il se trouve encore que la manière de l'expert de l'Hospice général d'estimer les travaux de rénovation est différente des trois autres calculs.

Il n'y a pas eu de surcoût, ainsi que la lettre de la Fondation de valorisation adressée à votre Grand Conseil le rappelle, étant précisé que l'expert - l'auteur de l'expertise à 4,5 millions - a, lui-même, présenté un sien client qui était prêt à acheter à 6,5 millions.

M. Pierre Weiss. Quel était son nom ?

M. Laurent Moutinot. Il ressort de la lettre qu'il s'agissait de M. Jean-Luc Richardet.

M. Pierre Weiss. Ah !

M. Laurent Moutinot. Donc, il n'y a pas de surcoût. Vous avez laissé entendre que c'était le cas, mais il n'y en a pas !

Deuxième question: vous avez demandé comment le Conseil d'Etat apprécie l'autonomie décisionnelle de l'Hospice général. Il convient de rappeler que l'Hospice général a la charge de l'accueil des requérants et, notamment, de leur logement. L'Hospice général a certes été invité à respecter son cahier des charges en la matière sans pour autant qu'il faille considérer que son autonomie décisionnelle ait été violée.

Troisième question: quel type de gestion le Conseil d'Etat envisage-t-il pour l'Hospice général ?

Dans la droite ligne des travaux que mène votre Grand Conseil, il faudra qu'il y ait, à un moment donné, un contrat de prestations. Or, comme vous le savez, le cadrage de ces contrats fait l'objet d'un certain nombre de discussions et d'examens. Mais, à terme, l'idée du Conseil d'Etat est de parvenir à un contrat de prestations avec l'Hospice général.

Quatrième question: elle est liée, en réalité, à l'évaluation du bien immobilier. C'est le fait que l'Hospice général ait dû avoir - à vous lire, je n'ai pas vérifié - quelques difficultés pour obtenir les fonds étrangers nécessaires à l'acquisition de l'immeuble sur la base de l'expertise à 4,4 millions. Evidemment, cela est assez normal ! Mais si l'Hospice général avait présenté l'expertise à 6,5 millions - et, en l'occurrence, confirmée par les services de l'Etat - à ce moment-là, le raisonnement de la banque aurait forcément été totalement différent. Une fois encore, Mesdames et Messieurs les députés, il n'y a pas de surcoût dans cette affaire. Je donnerai volontiers les chiffres détaillés à M. Weiss.

Cette interpellation urgente écrite est close.

IUE 59
(Réponse du Conseil d'Etat)Interpellation urgente écrite de M. Pierre-Louis Portier : IKEA à Genève ou l'histoire d'un véritable parcours d'obstacles (Réponse du Conseil d'Etat)

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Monsieur le député, vous vous intéressez à juste titre au délicat dossier d'IKEA. Là encore, je suis limité par le temps imparti. Je vous donne juste la dernière situation. Il est vrai que nous n'avons pas répondu formellement à la demande de renseignements déposée le 14 décembre 2001, mais, depuis cette date, les services du département et d'autres services de l'Etat concernés par un projet d'une telle ampleur et la commune de Vernier ont travaillé d'arrache-pied à l'élaboration d'un projet de loi de modification des limites de zone et du plan localisé de quartier qui doit aller avec.

La version définitive du projet de loi et du plan localisé de quartier a vu le jour en août 2003. A ce moment-là, la consultation technique a été faite, et nous avons reçu de la mairie de Vernier, d'une part, et du service d'évaluation des études d'impact sur l'environnement, d'autre part, des demandes de complément extrêmement importantes.

Nous avons transmis ces deux demandes de complément à IKEA et nous leur avons proposé que les problèmes posés par ces dernières soient résolus par des rencontres et des séances de coordination. Cette méthode de travail a été acceptée par l'architecte dont je donne aussi le nom: M. Hervé Dessimoz... (Rires.)... et ces séances se tiendront ces prochains temps.

C'est vrai que si vous calculez le temps passé depuis l'ouverture de ce dossier, Monsieur le député, cela fait un certain temps, mais j'ai ici le relevé de la circulation du dossier, ainsi que la chronologie détaillée de tout ce qui s'est fait, étape par étape. Ce dossier suit son cours et vous pouvez être assuré que les services de l'Etat tiennent à son aboutissement, ne serait-ce que pour l'excellente raison environnementale qu'il vaut mieux que les habitants de ce canton ne fassent que les kilomètres qui séparent leur domicile de Vernier, plutôt qu'ils aillent jusqu'à Aubonne en générant les pollutions que l'on connaît.

Cette interpellation urgente écrite est close.

IU 1497
(Réponse du Conseil d'Etat)Interpellation urgente de M. Georges Letellier : Budget d'indemnisation du G8 (Réponse du Conseil d'Etat)

Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Monsieur le député, en réponse à votre interpellation urgente j'aimerais préciser d'abord que le montant de 100 millions, évoqué dans votre intervention, est erroné.

En effet, le montant des dommages annoncés, traités par la cellule ad hoc que nous avons constituée, est d'environ 30 millions.

A ce jour, 625 demandes d'indemnisation sont parvenues à cette cellule. La moitié d'entre elles ont été traitées. Pour l'instant, un montant d'environ 1,207 million a été alloué. Le traitement des autres demandes est en cours, et, selon ce que je vois et entends, l'évolution du travail se fait à un rythme soutenu.

En ce qui concerne le financement, le dossier a été transmis au Conseil fédéral, il y a une semaine, afin d'obtenir la couverture des frais par la Confédération. A ce sujet, je rappelle que les autorités françaises, sous la plume du président de la République, se sont engagées à prendre à leur charge les montants des dommages collatéraux à la tenue du Sommet d'Evian. Il y a quinze jours, j'ai personnellement obtenu du Conseil fédéral que l'intégralité des sommes que la France versera soit allouée à notre canton.

Enfin, pour les responsables de ces dégâts, une centaine d'arrestations et d'interpellations ont eu lieu, qui ont fait l'objet d'une enquête de police. Elles sont maintenant en main du pouvoir judiciaire.

Cette interpellation urgente est close.

IU 1506
(Réponse du Conseil d'Etat)Interpellation urgente de M. Sami Kanaan : Secteur français de l'aéroport de Genève (Réponse du Conseil d'Etat)

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Il est vrai que l'Etat de Genève est propriétaire, par le biais d'une société immobilière, de quelques terrains situés sur la partie Nord de l'Aéroport. Nous possédons environ 13% de la surface totale des bois dont il est question, et que d'aucuns craignent qu'ils ne soient rasés.

Il faut se rappeler que la question des dégagements sur ces forêts fait l'objet d'accords entre la Confédération et la France, et que, dans cette affaire, nous ne sommes que le propriétaire foncier.

Dès lors, nous avons veillé tout particulièrement à ce que les documents établis par l'Office national français des forêts à la fin 2001, début 2002, correspondent à la manière dont nous voyons ce que doit être l'entretien d'une forêt: son élagage, cas échéant, la modification des espèces qui la composent. L'analyse de ce document ne nous permet pas de penser qu'il y a là quelque chose d'inadmissible en soi.

Je rappelle aussi que de nouvelles espèces devront être plantées; elles n'auront pas la capacité biologique d'atteindre une altitude qui nécessitera, à l'avenir, de les couper.

Il a été question de l'abattage d'une trentaine d'arbres. Je crains qu'il ne s'agisse d'un plus grand nombre parce que, en réalité, les points figursnt sur certaines cartes que l'on voit dans la littérature à ce sujet, sont des bouquets d'arbres et non pas des arbres. Le nombre exact d'arbres ne peut pas, à ma connaissance, être déterminé de manière catégorique. Bien entendu, l'idée n'est pas de faire une tranchée complète mais de maintenir un bois en fonction de l'altitude qui, une fois encore, est le résultat d'un accord international. Pour le surplus, il faut saisir cette occasion pour entretenir ces forêts au mieux. Par conséquent, l'Etat de Genève ne s'opposera pas à la décision du préfet de l'Ain.

Vous avez posé encore trois autres questions.

La première: le Conseil d'Etat confirme-t-il l'engagement de supprimer la piste B de l'aéroport ? La réponse est que la piste B en gazon de l'aéroport figure dans le plan sectoriel de l'infrastructure aéronautique et, par conséquent, va dépendre de l'autorité du Conseil fédéral et pas du Conseil d'Etat.

Deuxième question: le Conseil d'Etat est-il disposé à demander une révision de la convention aéronautique de 1965 que vous qualifiez d'obsolète ? La réponse est que la convention en question n'est pas obsolète, et que, par conséquent, il n'est pas question d'une révision.

Troisième question: le Conseil d'Etat défend-il des positions compatibles avec l'Agenda 21 ? Nous avons à charge de veiller, de manière systématique, à ce que les projets et les décisions que nous prenons s'inscrivent dans le cadre des principes du développement durable, tels qu'énoncés dans l'Agenda 21.

Cette interpellation urgente est close.

IU 1509
(Réponse du Conseil d'Etat)Interpellation urgente de M. André Reymond : Expulsions sur le canton de Genève (Réponse du Conseil d'Etat)

Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Monsieur le député, vous m'avez interpellée à propos des difficultés que nous rencontrons à Genève en matière de renvois. Par ailleurs, vous m'avez interrogée de façon très précise sur des éléments chiffrés, et je vais vous répondre.

Votre description révèle les réalités auxquelles nous sommes confrontés; il est vrai que nous rencontrons des difficultés dans l'exécution des renvois. Il y a lieu de souligner, mais vous ne l'ignorez pas, que ces problèmes ne sont pas spécifiques au canton de Genève. A Genève, ils concernent prioritairement les requérants d'asile déboutés en provenance d'Afrique, en particulier d'Afrique de l'Ouest. Les solutions réelles à ces questions dépendent essentiellement de la Confédération et, notamment, des accords bilatéraux passés avec les pays d'origine ou de transit.

Je vous rappelle qu'il y a une année environ j'avais accompagné Mme Ruth Metzler pour négocier avec certains pays d'Afrique de l'Ouest des accords de transit et de réadmission. Cette opération a rencontré un succès que je qualifierai de «mitigé», sachant que certains pays n'ont pas voulu, a posteriori, appliquer les accords conclus, à l'époque, avec Mme Metzler.

Ensuite, il y a tout l'ensemble des mesures locales et les conséquences que certains trafics, opérés par certains requérants d'asile, entraînent sur le terrain à Genève. Vous n'ignorez pas le travail, encore insuffisant, initié à propos du trafic de drogue. Bien que cela ne soit pas forcément suffisamment visible, nous faisons un travail d'importance. Vous avez peut-être remarqué que, très récemment, ce travail a été reconnu par d'autres cantons, qui ont pris le même genre de mesures. Je pense, en particulier, au canton de Vaud.

D'un point de vue comparatif, les chiffres que vous citez nous montrent que la situation du canton de Genève est moins alarmante que celle d'autres cantons. Nous avons effectivement 1360 personnes en attente d'un refoulement; Berne en a 2300; Vaud en a 2600; Zurich en a 3200. Le total pour la Suisse s'élève à 16'432 personnes.

Sachez également qu'à fin octobre 2003 les données de l'office cantonal de la population se répertorient ainsi: 5253 personnes relèvent du domaine de l'asile à Genève; 2129 sont admises provisoirement; 1360 personnes, en effet, doivent être refoulées; 1132 présentent un recours qui est pendant par-devant la commission fédérale en matière d'asile; 632 sont des cas en cours d'examen auprès de l'Office des réfugiés.

Vous vous inquiétez aussi du problème lié au financement des billets d'avion qui ne sont pas utilisés, en fonction des circonstances, au moment du renvoi: c'est l'Office fédéral des réfugiés qui assume, financièrement, l'exécution des renvois. S'agissant des retours par avion, la Conférence suisse a organisé avec la Confédération un système centralisé que l'on appelle: «Swiss REPAT», «rapatriement» en réalité. Selon un accord passé avec l'Office des réfugiés et les compagnies d'aviations, les billets ne sont pas facturés si les personnes ne prennent pas l'avion, même si elles arrivent jusqu'au bas de l'avion.

Cette interpellation urgente est close.

IU 1512
(Réponse du Conseil d'Etat)Interpellation urgente de M. Gilbert Catelain : Financement de la prime pour le corps de police (Réponse du Conseil d'Etat)

Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Monsieur le député, tout en rappelant la lourdeur des tâches qui incombent à la police, vous m'avez interrogée sur les incidences financières de deux mesures décidées pour tenir compte de ces contraintes. D'une part, la compensation du travail de nuit et, d'autre part, le versement d'une prime extraordinaire de 2500 F.

Premièrement, la compensation de la pénibilité du travail de nuit de la police, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier prochain - c'est le résultat de la négociation que nous avons eue avec les syndicats de la police - sera introduite au travers d'un réaménagement de l'horaire des collaborateurs concernés. Par conséquent, elle n'entraînera pas de dépenses nouvelles, et j'entends bien qu'elle n'en entraîne pas.

Deuxièmement, la prime extraordinaire versée sur le salaire du mois de décembre aux collaborateurs des services de police, qui auront dû fournir un effort exceptionnel pendant l'année 2003, sera intégralement financée par le budget du département de justice, police et sécurité, budget 2003 évidemment. En outre, cette prime ne sera soustraite ni aux prélèvements obligatoires ni à la fiscalité.

Cette interpellation urgente est close.

IU 1513
(Réponse du Conseil d'Etat)Interpellation urgente de M. Rémy Pagani : Enquête administrative concernant le directeur du Centre horticole de Lullier (Réponse du Conseil d'Etat)

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Monsieur Pagani, vous m'avez interpellé au sujet d'une enquête administrative importante - sur laquelle vous m'aviez déjà questionné au moment de son ouverture, à propos de la suspension ou non de la personne que vous citiez, c'était au moment des comptes 2002. Je vous avais alors répondu que le lieu pour en parler n'était pas forcément le Grand Conseil et que le moment des comptes n'était pas, non plus, forcément choisi.

En ce qui concerne votre interpellation urgente, il convient de rappeler que l'ouverture d'une enquête administrative est de la compétence du Conseil d'Etat. Celui-ci examine, en opportunité, s'il y a matière ou non à ouvrir une enquête administrative au sujet d'une personne sur laquelle pèsent, le cas échéant, un certain nombre d'accusations de dysfonctionnements ou autres responsabilités vis-à-vis de tiers.

Au sujet du cas que vous évoquez, il convient d'affirmer que, comme pour toute autre enquête administrative, le lieu public n'est pas adéquat pour en rendre compte. En effet, si nous devions ouvrir le vaste sujet des enquêtes administratives et rendre compte de chacune devant le Grand Conseil, cela provoquerait des dysfonctionnements extrêmement graves, notamment par rapport à certains droits que la personne conserve, je dirai, en toute circonstance.

Il ne saurait, non plus, y avoir d'arbitraire dans la manière de répondre et considérer, par exemple, qu'un haut cadre devrait être traité différemment d'un employé, en fonction de telles ou telles responsabilités ou parce qu'il est rattaché à tel ou tel service.

Cela dit, vous m'interpellez sur un sujet qui a été relaté dans la presse quotidienne et qui a défrayé la chronique. C'est ce qui m'amène à vous donner un certain nombre de réponses.

Premièrement, sur l'ouverture de l'enquête administrative, je vous l'ai dit - et vous m'aviez, en son temps, interpellé là-dessus - il n'a pas été question de suspendre la personne au moment où nous avons décidé d'ouvrir cette enquête.

Deuxièmement, nous avons décidé d'ouvrir une enquête administrative en la confiant à une personne connue à la fois pour son honnêteté et son intégrité, mais également pour, le cas échéant, son sens de la sanction en cas de graves débordements ou de graves manquements à la fonction. Nous avons choisi M. Bernard Bertossa pour ouvrir cette enquête administrative; nous ne lui avons pas confié uniquement les stricts problèmes liés à une personne, mais nous lui avons également demandé de faire rapport d'un certain nombre de dysfonctionnements importants, ce à quoi il s'est également attaché.

A l'issue de cette enquête administrative, nous avons constaté l'émergence de problèmes importants sur lesquels je vais intervenir. Cependant, en ce qui concerne la conclusion, je me bornerai à vous dire que la décision du Conseil d'Etat va au-delà de ce que l'enquêteur a préconisé.

En ce qui concerne les différents éléments qui touchent la vie du Centre horticole de Lullier, nous avons effectivement été alertés par la situation de l'internat de Lullier. Par rapport à cela, je me permettrai de rendre publiques un certain nombre d'explications. A cet égard, nous avons décidé - c'était contenu dans votre interpellation - de retirer la gestion de l'internat au Centre de Lullier, immédiatement et sans délai, et de la confier directement à l'office de la jeunesse. En effet, au vu des graves problèmes qui sont apparus dans la gestion de cet internat, il n'était pas concevable de continuer de la sorte.

Ensuite, vous faites allusion dans votre interpellation à un élément que nous avons également confié à l'enquête de M. Bernard Bertossa, à savoir l'utilisation de ressources du Centre de Lullier, à la fois, d'heures de travail et de matériel.

Sur ce point, il est apparu qu'il y a des coutumes - si j'ose dire, des us et coutumes - du Centre de Lullier qui datent d'un autre temps et qui, visiblement, sont en décalage complet avec ce que l'on peut attendre aujourd'hui d'une gestion rigoureuse du patrimoine public.

A cet égard, nous avons pu constater que la situation était telle que le Conseil d'Etat devait être amené à une gestion beaucoup plus serrée, à une surveillance accrue et, donc, à édicter à cet effet un certain nombre de règlements complémentaires. Cependant, j'aimerais signaler qu'à aucun moment de l'enquête il n'est ressorti que ces éléments, ni acceptables ni admissibles, ne pouvaient être dénoncés pénalement ou sous tout autre chef d'accusation, parce qu'il y aurait décalage par rapport à ce qui était évoqué.

Vous avez également évoqué la situation de hauts responsables de l'Etat - que je mets au pluriel même si vous avez utilisé le singulier - pour vous dire que, là aussi, la conclusion de M. Bertossa est relativement claire. Un certain nombre de pratiques n'étaient pas acceptables dans lesquelles certaines personnes peuvent, le cas échéant, avoir été tout simplement touchées par le simple fait que le Centre de Lullier préconise, promeut d'une manière générale, le travail de ses apprentis, le travail de son centre pour le mettre en avant, que ce soit dans les services de l'Etat ou à l'occasion de tel ou tel événement protocolaire.

Nous nous sommes assurés qu'il n'y avait pas d'éléments qui devaient être transmis ou dénoncés à la justice. C'est ce que je peux vous dire aujourd'hui.

Et, enfin, pour terminer sur ce point, j'aimerais donner une nouvelle importante: la direction du Centre de Lullier sera entièrement revue et remplacée pour la rentrée 2004.

Cette interpellation urgente est close.

IU 1516
(Réponse du Conseil d'Etat)Interpellation urgente de M. Bernard Lescaze : Locaux libérés par le service du Tuteur général au 11, rue Calvin (Réponse du Conseil d'Etat)

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. C'est avec une certaine délectation que je réponds à M. le député, historien et juriste, Bernard Lescaze, sur le bien incaméré sis 11, rue Calvin.

En effet, il est exact, Monsieur le député, que le projet de loi de 1876 comportait une condition selon laquelle cet immeuble ne pouvait être affecté qu'à des destinations de charité et de bienfaisance, mais il s'est trouvé, en 1876, un grand magistrat radical, Antoine Carteret, pour, en troisième débat, faire rajouter à cette condition: «...et pour l'instruction publique».

Dès lors que nous avons décidé d'y installer la direction de l'instruction publique, nous sommes parfaitement dans le cadre des règles régissant ces biens incamérés. (Applaudissements.)

Vous imaginez que la rapidité et la clarté de ma réponse démontrent que le département maîtrisait ce dossier... (Rires.)

M. Robert Cramer. Ça, tu n'étais pas obligé de le dire !

M. Laurent Moutinot. ...et que, contrairement à ce que M. le député Claude Blanc a dit tout à l'heure, dans un précédent débat, il n'y a eu sur cette question ni panique ni bouillon d'inculture au département ! (Rires. Applaudissements.)

Cette interpellation urgente est close.

IU 1518
(Réponse du Conseil d'Etat)Interpellation urgente de Mme Esther Alder : Ouverture des services de l'Etat durant la période des Fêtes (Réponse du Conseil d'Etat)

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Il s'agit de la deuxième interpellation urgente portant sur le service de protection de la jeunesse et, plus particulièrement, sur la période des Fêtes et la question du pont, du 23 décembre au 2 janvier, jour de la réouverture de la plupart des services de l'administration, et donc du service de protection de la jeunesse.

Comme vous le précisez dans votre interpellation, Madame Alder, il s'agit de distinguer les permanences de nuit des permanences de jour.

Les permanences de jour entre 8h et 18h sont confiées à un travailleur social. Il doit être disponible et intervient dans les cas où l'enfant est en danger sur le plan de sa santé physique, psychique ou psychologique. Les appels téléphoniques révèlent des problèmes d'entente ou des difficultés relativement graves au sein d'une famille. Ils proviennent, soit du mineur, soit de sa famille. Certains cas amènent donc le travailleur social ou la travailleuse sociale à intervenir durant le pont de fin d'année.

En ce qui concerne la permanence de nuit, vous avez relevé que le premier appel arrive dans les locaux de la police pour, le cas échéant, en fonction de son importance, être renvoyé au travailleur social de permanence. C'est le système qui existe aujourd'hui; s'il est minimal, il existe néanmoins et est opérationnel vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Ce système fonctionne en complément de la clause péril. Cette dernière prévoit que, alternativement, la directrice du service ou le directeur adjoint doit être disponible par téléphone pour répondre, de nuit comme de jour, aux questions de clause péril pour pouvoir la décréter et, le cas échéant, prévoir une intervention, par exemple un placement avec un retrait de garde immédiat.

Voilà les différentes possibilités. J'ajouterai à ce descriptif sur lequel vous m'interrogez qu'il serait opportun, notamment dans la période des Fêtes de fin d'année, de développer les prestations avec des moyens et des postes de travail supplémentaires. Nous devrons considérer qu'il s'agit d'une urgence en raison de l'accroissement des demandes et de la nécessité d'accompagner les familles en crise durant les Fêtes de fin d'année.

Cette interpellation urgente est close.

M 1338-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la motion de Mmes et MM. Janine Berberat, Thomas Büchi, Gilles Desplanches, Pierre Ducrest, Bernard Lescaze, Pierre Marti, Jean-Marc Odier, Stéphanie Ruegsegger, Jean Rémy Roulet pour une politique industrielle tournée vers l'avenir

Débat

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse. J'aimerais tout d'abord vous indiquer une correction à la page 5 de mon rapport. J'ai en effet reçu une note de M. Tanner, l'expert fiscal du département des finances: l'exonération des frais de représentation des cadres, plafonnée à 100 000F, n'est pas du tout limitée dans le temps, comme je l'ai indiqué.

J'aimerais aussi relever que nous avons reçu, à la commission de l'économie, une lettre de l'Association genevoise des métiers de la bijouterie qui se plaint de n'avoir pas été auditionnée par la commission lors du traitement de cette motion. Cette association nous fait part de sa préoccupation par rapport à ces métiers qui semblent en péril; j'ai promis à cette association que je mentionnerais cela lors du débat en plénière.

Comme vous l'avez lu en page 2 de mon rapport, une majorité s'est dégagée pour changer les invites de cette motion qui avait été déposée en 2000. Beaucoup de choses se sont produites dans l'intervalle; certaines invites ont reçu des réponses complètes, d'autres ont reçu des réponses partielles. Les nouvelles invites proposées par la commission se trouvent donc en page 2 de mon rapport.

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les invites qui vous sont soumises par la commission sont les suivantes. La première: «à produire d'ici la fin de l'année 2003 un rapport sur l'état des lieux de l'industrie genevoise au point de vue de sa situation concurrentielle et de ses conditions-cadres»; la deuxième: «à proposer toute démarche utile à la sauvegarde de l'industrie genevoise, notamment dans les domaines de la formation, de la fiscalité, de la politique de zones d'activités et des conditions d'accès à l'énergie»...

Une voix. Mais on l'a lu !

M. Christian Bavarel. Nous l'avons lu, en effet, mais les personnes qui nous regardent n'ont pas forcément lu ce texte, et ce rappel permet simplement d'avoir un débat plus clair sur le sujet que nous sommes en train de traiter.

Une autre voix. Très bien !

Vous connaissez, Mesdames et Messieurs, l'attachement des Verts à la mixité économique. Il est certain que dans un canton comme le nôtre le fait de garder une industrie est extrêmement important, dans le sens où cela nous apporte une certaine sécurité au niveau conjoncturel. Vous imaginez bien qu'en cas de crise dans le secteur tertiaire, c'est tout Genève qui tremble ! Aussi, garder à Genève différents types d'activité nous semble, de ce point de vue, important.

Ensuite, l'ensemble de la population n'a pas forcément un niveau «matu +5»; il se trouve des gens, comme moi, qui sont titulaires d'un CFC, et ces gens-là aussi cherchent des emplois, pas forcément dans la finance. Nous avons, à Genève, des très hauts savoirs qui ont fait la qualité de l'industrie genevoise. Et se borner à reconvertir des gens qui ont un métier, qui ont un savoir long à acquérir, qui ont des mains et une intelligence pour d'autres secteurs que le tertiaire, revient à perdre ces savoirs ! Conserver à Genève, le tissu industriel, c'est aussi respecter ces personnes. Voilà pour la première première partie de la seconde invite.

Dans la seconde partie, il est question des conditions d'accès à l'énergie. Pour les Verts, il est extrêmement important que les conditions d'accès à l'électricité à des tarifs concurrentiels pour les entreprises ne soient pas une invite au gaspillage. Il nous semble que ces conditions d'accès doivent être assorties de mesures qui visent à économiser les énergies. C'est pour nous un point essentiel. Peut-être que l'industrie - pour des questions de concurrence avec les autres cantons, pour autant qu'on ne fasse ni cadeau, ni distorsion de concurrence - a besoin d'énergie à moindre coût, mais le but n'est pas que les gens se mettent à la gaspiller. Tout le monde sait que si l'énergie est un peu plus chère, on a tendance à être attentif aux coûts. C'est quelque chose qui permettra aussi à la Suisse - si nous y prenons garde - de rester à la pointe des savoirs industriels qui permettent une utilisation parcimonieuse de l'énergie.

Nous souhaitons donc que le Conseil d'Etat soit très attentif à ce sujet. Et éviter tout type de gaspillage est une préoccupation majeure pour les Verts.

M. Jean Rémy Roulet (L). Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi de vous présenter très rapidement un amendement à cette motion. Il ne s'agit en fait que de rétablir une des invites du texte initial. Je dois rendre hommage à Mme Bolay, rapporteuse, pour l'excellent travail qu'elle a fourni pour son rapport - dont il faut dire tout de même, non pas qu'il n'est pas bon, mais qu'il est incomplet.

En effet, on aurait pu exiger que le texte initial, déposé par l'Entente, figure dans votre rapport. Vous l'avez vous-même relevé, Madame Bolay, le dépôt de ce texte date d'il y a longtemps déjà, c'était le 28 mars 2000. Je crois que, pour nos collègues, il serait utile de passer en revue les six invites de la motion initiale et d'expliquer pourquoi l'Entente souhaite rétablir l'une de ces six invites.

La première invite était formulée ainsi: «Le Conseil d'Etat doit mieux valoriser la formation professionnelle des métiers liés à l'industrie, en intensifiant notamment les contacts entre l'Ecole d'ingénieurs et les industriels.» Cela a été réalisé. Nous prenons acte de ce que tant le département de l'économie que le département de l'instruction publique ont fait en sorte que l'Ecole d'ingénieurs et les milieux industriels collaborent de façon plus adéquate.

Voici la deuxième invite: «à faire bénéficier l'industrie de conditions fiscales particulières favorisant l'emploi et l'investissement.» Là aussi, force est de constater - mais depuis peu de temps - que le département des finances et le département de l'économie collaborent de façon étroite - plus étroite - de sorte qu'emploi et investissement soient durables, pérennes. C'est le moyen d'accomplir le souhait émis par M. Bavarel - que nous partageons - à savoir qu'il faut dans ce canton une diversification de nos activités économiques; point de monoculture tertiaire, mais une vraie complémentarité entre secteurs primaire, secondaire et tertiaire !

La troisième invite stipulait: «à assurer une meilleure diffusion de toutes les aides étatiques existantes disponibles au démarrage et au développement d'entreprises industrielles.» Là aussi, le département de l'économie a fait son devoir, à la satisfaction de tous.

Une autre invite demandait le renforcement de la promotion des zones industrielles; ici encore, nous prenons acte du fait qu'en quatre ans - ou en trois ans et demi - les choses ont bougé.

La dernière invite, qui n'a pas été reprise par la commission de l'économie, visait à créer un groupe interdépartemental afin que l'industrie puisse bénéficier d'un seul interlocuteur et non de sept.

Alors, me demanderez-vous, quelle est l'invite qu'il nous faudrait traiter en plénum ? Eh bien, vous l'avez sous les yeux avec notre amendement, soit: «à octroyer des conditions tarifaires préférentielles aux petites et moyennes entreprises.»

Nous avons supprimé sciemment le mot «industrielles» parce que nous pensons que toutes les PME doivent bénéficier de tarifs concurrentiels en matière de fluides énergétiques. Et c'est de cela qu'il s'agit ce soir ! Il se trouve que nous avons eu, hier, un compte rendu sur les services industriels de Genève; M. Cramer a indiqué que depuis six ans la situation financière de cet établissement s'améliorait - nous nous en sommes tous réjouis - et, aujourd'hui, cet établissement dégage des bénéfices qui seront redistribués sous forme d'une adaptation des tarifs de l'électricité. Cette invite va donc parfaitement dans le sens du débat d'hier, durant lequel une majorité de ce parlement a approuvé la politique tarifaire des services industriels.

Le président. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants que voici: Mme Ruegsegger, MM. Pagani, Velasco, Vanek, Hiler et Charbonnier. Ensuite, la parole sera donnée à Mme Bolay, rapporteus, et à M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat.

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Une nouvelle fois j'aimerais saluer ici la célérité et l'efficacité du département de l'économie puisque, avant même que nous votions une motion, le département a réalisé une bonne partie des invites. C'est notamment le cas de celle concernant la formation professionnelle; c'est également le cas de la demande d'une meilleure diffusion des aides étatiques. Mais nous devons constater qu'aujourd'hui le chômage est élevé, que l'industrie continue de souffrir malgré les efforts en sa faveur, et que, par conséquent, elle mérite de bénéficier encore de mesures de soutien. Le rapport nous indique que la commission du Grand Conseil a finalement produit deux invites, qui sont bonnes mais peut-être incomplètes. Nous vous proposons donc, Mesdames et Messieurs, de soutenir l'amendement présenté par Jean Rémy Roulet.

Cet amendement est une forme de concrétisation de la deuxième invite qui demande au Conseil d'Etat d'entreprendre toutes les démarches utiles à la sauvegarde de l'industrie genevoise. Cet amendement indique l'une de ces démarches.

Nous vous proposons donc, Mesdames et Messieurs, d'accepter l'amendement et de renvoyer la motion amendée au Conseil d'Etat.

M. Rémy Pagani (AdG). L'amendement qui nous est proposé vient «comme un cheveu sur la soupe», alors que cette motion faisait l'objet d'une belle unanimité. Mon collègue Pierre Vanek reviendra sur cette question.

Contrairement aux personnes qui se sont exprimées avant moi, je trouve que la situation des petites et moyennes industries genevoises est extrêmement préoccupante: elle nécessite non seulement des aménagements, mais aussi une défense rigoureuse. En l'occurrence, les invites proposées, sur lesquelles nous nous étions mis d'accord, correspondent à cette défense rigoureuse, et on ne peut pas sortir un élément plutôt qu'un autre. Nous sommes tombés d'accord, je vous le rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, en ce qui concerne la sauvegarde de l'industrie genevoise, notamment dans les domaines de la formation, de la fiscalité, de la politique des zones d'activités et des conditions d'accès à l'énergie !

J'aimerais revenir sur un de ces points, qui apparemment ne préoccupe pas certains mais qui préoccupe l'Alliance de gauche: celui des zones industrielles. On s'aperçoit, année après année, que ces dernières font l'objet des plus grandes attentions de certains promoteurs, notamment des entreprises commerciales de notre canton. Je citerais, par exemple, Jelmoli, pour ne pas la nommer, qui s'est implantée à côté du stade de La Praille dans une zone industrielle, ce qui, à notre avis, est complètement stupide; ces grandes transnationales n'ont pas besoin de notre appui. Par contre, les petites et moyennes industries en ont besoin; elles ont besoin de bénéficier de terrains qui soient relativement bon marché. Et les zones industrielles sont là pour les protéger et pour leur donner des conditions-cadres qui leur permettent d'exister encore dans le marché dérégularisé dans lequel nous nous trouvons, en Suisse, voire en Europe et dans le monde.

Cette implantation de sociétés commerciales dans des terrains industriels est d'autant plus grave qu'il existe aujourd'hui encore d'immenses surfaces - cela a été reconnu devant la commission de l'économie - utilisées par des loueurs de voitures, Honda ou autres, qui n'ont rien à faire dans ces zones industrielles. Si ces zones ont pu, historiquement, enclencher une politique industrielle de zoningassez intéressante, il est reconnu aujourd'hui que non seulement les grandes chaînes n'ont rien à y faire, mais qu'une série de «revendeurs» - si j'ose dire - de voitures, de voitures de location, lesquels pratiquent des activités commerciales tout à fait honorables, n'ont rien à y faire non plus. Ce n'est pas le sens de la protection que l'on veut introduire dans les zones industrielles.

Alors, s'il y a trois ans encore certains parmi nous, et notamment sur les bancs de l'Entente, estimaient que la politique des zones industrielles était désuète, nous nous plaisons à reconnaître qu'aujourd'hui, grâce à cette motion... (L'orateur est interpellé.)Oui, Monsieur Roulet, il y a quatre ans j'ai entendu des gens, sur vos bancs, qui jugeaient cette politique inutile ! D'ailleurs, notre débat de tout à l'heure concernant IKEA montre bien ce changement d'attitude, à tel point qu'il y a quatre ans encore nous avions déclassé une zone industrielle pour y mettre un centre commercial...

C'est pourquoi nous nous plaisons à constater qu'au moins l'unanimité s'est faite dans notre commission. J'espère donc qu'elle ne sera pas rompue par le débat à propos de l'amendement de M. Roulet et j'espère également que cette unanimité permettra au gouvernement d'adopter une politique globale en ce qui concerne la défense de l'industrie à Genève. Elle en a bien besoin, notamment parce que, je le rappelle, le nombre d'emplois industriels continue de baisser. C'est dommageable pour l'équilibre économique de notre canton.

M. Alberto Velasco (S). C'est un sujet qui nous intéresse tous et qui est éminemment important. Moi-même, je me suis posé la question de savoir pourquoi Genève - qui avait des industries très performantes, très intéressantes, reconnues mondialement, dans l'hydraulique, dans les instruments de physiques et dans l'électronique - a vu péricliter ses industries. Pourquoi Genève se trouve-t-elle aujourd'hui à ce niveau de désindustrialisation? Je crois qu'on ne peut pas considérer cette motion sans comprendre ce qui s'est passé dans ce canton. Nombre de ces industries ont quitté notre canton, non pas parce qu'elles étaient en faillite, mais parce que la pression immobilière ne leur permettait plus de rester sur place. Plusieurs de ces industries ont quitté le canton pour aller dans le canton de Vaud ou vers d'autres lieux. Mais la raison de ces départs n'était ni la faillite, ni l'obsolescence de la production; il est très important de le relever.

Cela signifie que Genève offre des conditions-cadres assez extraordinaires pour développer son industrie: une école polytechnique à 60 kilomètres - qui dépose de nombreux brevets chaque année; une école d'ingénieurs de haute qualité et une place financière intéressante. Alors, pourquoi dans ce cadre-là, dans ces conditions-là, avons-nous des problèmes de chômage?

Monsieur Roulet, je ne pense pas que la mesure que vous proposez par votre amendement puisse sauver l'industrie comme vous le prétendez. Je le dis très sincèrement, car, si vous aviez raison, je soutiendrais votre proposition. La part de l'énergie dans les produits manufacturés ou industriels genevois est, si je ne me trompe pas, de l'ordre de 2 ou 3%. Et je ne ne crois pas, Monsieur Roulet, que la compétitivité des produits genevois découle d'une variation de 2 ou 3%. D'autres facteurs doivent être pris en compte: si l'industrie genevoise doit survivre, c'est dans la haute valeur ajoutée, soit les produits technologiques de pointes. Or ces domaines ne dépendent pas des 2 ou 3% que l'énergie représente dans leur prix.

Je comprends que, pour des raisons idéologiques, vous présentiez cet amendement, mais je vous garantis que cette mesure ne sauvera pas l'industrie genevoise. Il est plus important - comme l'a dit hier le président Cramer - qu'elle soit accompagnée de mesures lui permettant de consommer moins d'énergie, de la dépenser mieux, et d'investir dans des équipements qui n'occasionnent pas des factures énergétiques excessives pour industries. Et cela ne proviendra d'une diminution du prix de l'énergie, mais de la diminution de sa consommation. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas soutenir votre proposition, Monsieur Roulet !

Nous avons déposé une autre proposition d'amendement qui va dans le sens que je viens d'indiquer, et c'est celle que nous soutiendrons. La voici: «à s'inspirer du modèle bâlois qui a mis en place un système permettant la redistribution du montant de la baisse de l'électricité aux entreprises et à la population.»

Je conclus en relevant que la survie de l'industrie genevoise dépend plutôt de la production de brevets technologiques: des conditions de leur dépôt, de leur mise à disposition, ainsi que de recherches technologiques confiées à de jeunes entrepreneurs qui veulent aller de l'avant et qui pourront ainsi pérenniser l'industrie genevoise.

M. Pierre Vanek (AdG). Mon collègue Pagani est intervenu en annonçant que j'allais dire deux mots de l'amendement proposé par l'Entente concernant le prix d'achat des fluides distribués par les Services industriels de Genève.

A juste titre, M. Roulet a indiqué que cette question devait faire l'objet d'un débat, qui a été brièvement amorcé hier soir. Vous avez trouvé sur vos tables, Mesdames et Messieurs, une proposition de motion demandant au Conseil d'Etat de ne pas approuver les nouveaux tarifs des Services industriels de manière définitive, sans avoir examiné à fond la piste du modèle bâlois, soit la rétrocession de certaines sommes tant aux ménages qu'aux entreprises.

Cette proposition de motion devra évidemment être débattue, comme l'ensemble de la restructuration tarifaire des Services industriels qui a été abordée brièvement dans le débat concernant le budget, mais qui n'a pas pu être examinée sur le fond, puisque cette réflexion n'est pas achevée au sein même de l'entreprise.

Je trouverais dommage que nous ayons un débat polarisé sur cette question ce soir, en l'absence de Robert Cramer qui est en charge de ce dossier. Cependant, il est clair que nous allons devoir discuter de cette question, puisque les tarifs des Services industriels sont soumis à l'approbation du Conseil d'Etat, ainsi qu'à des contraintes politiques relativement fortes, et qu'ils sont mentionnés dans l'article 160E de la constitution genevoise qui stipule que ces tarifs doivent être conformes à la politique cantonale de l'énergie.

Maintenant que ces objets «sont sur la table», j'aimerais dire deux mots de l'amendement présenté par M. Roulet et ses collègues. Je salue cet amendement; je salue le fait que Mme Berberat, Mme Ruegsegger et d'autres députés de l'Entente l'aient signé. En effet, c'est une déclaration de la part de ces milieux qui nous disent que la politique tarifaire pratiquée par les Services industriels doit être soumise à un certain nombre de décisions relevant des politiques publiques dans ce canton. Il y a une contrainte que j'ai déjà citée, celle de la politique de l'énergie, mais il est exact que les tarifs des Services industriels doivent aussi être cohérents avec la politique économique que mène ce canton ! Il est parfaitement normal que cela se passe ainsi et que cela fasse l'objet d'un débat dans cette enceinte.

Je salue cette démarche ! Parce qu'elle est en rupture avec la logique qui considère que l'électricité est une marchandise comme une autre et qu'il suffit d'ouvrir le marché et que joue le prix du marché... Je vois qu'il est question, dans l'amendement de M. Roulet, de conditions préférentielles accordées en fonction d'un certain nombre d'arguments politiques développés sur les bancs d'en face; c'est bien ! On reconnaît enfin, dans ces milieux, qu'en effet l'électricité n'est pas une marchandise comme une autre; que ce n'est pas un domaine où l'on peut simplement laisser faire le marché. Je constate avec plaisir que nos chers collègues de l'Entente n'ont pas tapé du poing sur la table pour réclamer l'ouverture du marché, mais qu'ils affirment au contraire que le Conseil d'Etat doit intervenir sur les prix. C'est un point important et c'est reconnaître que l'ouverture du marché de l'électricité n'est pas la panacée, quoi qu'en dise notre excellent collègue John Dupraz... (L'orateur est interpellé.)

Hier soir, Monsieur Dupraz, vous avez annoncé le retour de la loi sur l'ouverture du marché de l'électricité, contrairement à la volonté populaire exprimée au niveau fédéral et dans notre canton en particulier !

Je pense donc qu'il faut instaurer une logique tarifaire, c'est-à-dire une logique qui n'est pas celle du marché - celle où l'on négocie des tarifs particuliers selon la puissance de feu marchande de celui qui reçoit l'énergie - il s'agit de fixer des tarifs soumis à un contrôle politique. Et c'est la volonté de maintenir cette situation qui a été l'un des arguments forts des opposants à la loi sur le marché de l'électricité.

Aussi, le ralliement des députés de l'Entente à cette logique d'un débat démocratique autour des questions de tarifs électriques - et plus largement autour des tarifs de l'ensemble des fluides, puisque l'amendement les mentionne, soit l'eau et le gaz... Donc, ce ralliement mérite d'être salué.

Quant au fond, nous devons débattre, pas forcément à l'occasion de cette motion qui évoque déjà le problème de l'énergie, mais dans un cadre général, en tenant compte du modèle bâlois et à propos de la politique des Services industriels en la matière. Tout cela doit être examiné, bien entendu, par la commission de l'énergie et des Services industriels.

Un point encore, pour relever un petit problème avec l'amendement de ces messieurs-dames de l'Entente: le texte proposé affiche une position étatiste peut-être un peu excessive puisqu'il invite le Conseil d'Etat à octroyer des conditions tarifaires particulières, alors que l'élaboration des tarifs des SIG n'est pas de la compétence du Conseil d'Etat. C'est l'entreprise - entreprise publique à laquelle nous sommes tous attachés - qui élabore des propositions de tarifs, et le Conseil d'Etat les approuve ou non. Il a cette compétence-là de par nos lois. Et le gouvernement ne peut pas accorder quoi que ce soit dans le domaine des tarifs de la régie publique qui s'occupe de la distribution des fluides dans notre canton.

M. David Hiler (Ve). J'interviens uniquement à propos de l'amendement de M. Roulet pour dire qu'il est vraiment très regrettable. Et pour plusieurs raisons. La première est qu'il sort le débat de la problématique industrielle. A partir du moment où l'on parle de petites et moyennes entreprises en général, on parle de salons de coiffure, de bistrots, de teintureries et les conditions-cadres sont très différentes.

Monsieur Roulet, vous n'auriez pas dû utiliser une formule aussi large. Pour celles des entreprises de service, qui travaillent dans un cadre d'une concurrence locale, il n'y a pas lieu d'octroyer des conditions tarifaires préférentielles, sauf à vouloir gâcher de l'énergie, sauf à vouloir faire payer aux ménages une partie de la facture des entreprises. Il n'y a pas lieu, sur le plan économique - vous le savez Monsieur Roulet - d'octroyer à des sociétés de services, d'assurance, financières, des avantages de ce type. Cela n'a pas d'impact économique. Vous pourriez avoir raison concernant un certain nombre d'industries, mais pas dans tous les cas. Certains secteurs pourraient profiter d'une telle mesure. Je vous ai vu hocher la tête, Monsieur Roulet, pendant que certains cherchaient à démonter votre argument... Vous avez raison sur un point: pour certaines industries, il conviendrait de faire un effort. A tout le moins, il faut restreindre la formulation en indiquant que seules sont visées les petites et moyennes entreprises industrielles, soumises à une concurrence internationale ou intercantonale - c'est-à-dire n'agissant pas pour le marché local - et fortes consommatrices d'énergie, de par la nature même de leurs activités.

Avec cela, on aurait recentré le propos, mais votre amendement - comme, d'ailleurs, celui déposé en faveur du modèle bâlois - devrait être retiré à ce stade-là. Je vous demande de le faire, car il n'entre pas dans le cadre de ce débat et il empêche le soutien à une politique industrielle commune. En effet, si la politique industrielle du canton de Genève consiste à faire payer moins cher les factures d'électricité des banques, Monsieur Roulet, nous ne voterons ni votre amendement, ni cette motion amendée. Manifestement, vous faites de la politicaillerie sur des sujets importants. (Applaudissements.)

M. Alain Charbonnier (S). Je regrette que M. Kunz ne soit pas là, lui qui parlait tout à l'heure de retournement de veste et regrettait que le résultat des débats de commission ne soient soient pas confirmés en plénière. Comme l'a dit M. Hiler, un consensus largement majoritaire avait été trouvé en commission pour soutenir l'industrie. L'amendement des libéraux, suivi en partie par le nôtre, vient contredire le débat de commission et ce soutien aux industries - et aux seules industries.

J'observe aussi une contradiction entre le vote d'hier soir sur le budget des Services industriels et les positions exprimées aujourd'hui. Nous avons pu apprendre hier que la direction des SIG désire mener une étude sur l'ensemble de ses propositions de tarifs, et l'on vient maintenant, en plénière, proposer une réduction de tarifs pour quelques entreprises uniquement, les petites est les moyennes, sans tenir compte de tout le reste et de la globalité du problème... D'ailleurs, M. de Battista, le directeur des SIG, avait parlé de cette étude à la commission; personne, à ce moment-là, n'a contesté ses propos, en tout cas pas sur les bancs libéraux. Je m'étonne donc de cette contradiction.

Si ces amendements devaient ne pas être retirés, je vous propose, Mesdames et Messieurs, de tout renvoyer en commission de l'énergie. C'est la seule commission capable de s'occuper de ces problèmes d'énergie. Du côté de la commission de l'économie, nous avons fait notre travail.

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse. J'aimerais tout d'abord dire à M. Roulet que je ne comprends pas très bien pourquoi le texte initial de la motion ne figure pas dans mon rapport; je ne peux pas répondre sur ce point.

En ce qui concerne le renvoi de cette motion à la commission de l'énergie, je n'y vois pas d'inconvénient. Le groupe socialiste a proposé un amendement qui suggère de s'inspirer du modèle bâlois, dans la mesure où nous ne nous attendions pas à ce que l'Entente dépose l'amendement dont nous sommes saisis actuellement. Nous maintenons donc notre amendement et nous approuvons le renvoi à la commission de l'énergie.

M. Rémy Pagani (AdG). Il y a quelque chose que je ne comprends pas. Nous avions une motion sur laquelle - et c'est rare, il faut le souligner - nous étions tous tombés d'accord ! Nous étions tous d'accord sur les invites qui figurent en page 2 du rapport de Mme Bolay... (L'orateur est interpellé.)Vous avez raison, c'était une majorité qui était en faveur de ces invites !

Aujourd'hui, on nous propose un amendement qui n'a, à mon sens, rien à voir avec le sujet, si ce n'est un point de détail, comme l'ont souligné mon collègue Pierre Vanek et M. Hiler. Et maintenant on nous propose de renvoyer cette motion à la commission de l'énergie alors que l'objectif est d'essayer de sortir l'industrie de notre canton du marasme dans lequel elle se trouve, et avec elle les travailleurs et les entrepreneurs. Ce procédé me semble quelque peu dilatoire !

Je demande simplement aux personnes qui ont déposé des amendements de les retirer afin de ne pas différer les actions du département et la mise en place de la politique demandée par cette motion. Il faut donc retirer les amendements dont nous sommes saisis et rédiger une motion portant sur la question des tarifs énergétiques ! Ou, le cas échéant, ouvrir un autre débat relatif à l'énergie pour déposer ces amendements. Toute autre procédure me paraît opportuniste et vise à torpiller l'ensemble de la démarche que nous avons entreprise concernant cette question qui réclame toute notre attention.

M. John Dupraz (R). Je dirai que c'est mon ancienneté qui me fait intervenir dans ce débat. Je trouve curieux qu'un rapport soit voté à l'unanimité en commission et qu'on signe ensuite des amendements au dernier moment... (L'orateur est interpellé.)

C'est du mauvais travail, Mesdames et Messieurs les députés! Comment voulez-vous que ce parlement fonctionne? Cela vaut aussi bien pour la gauche que pour la droite, je le regrette ! Il y a un moment où il faut voter ce que l'on a préparé, et, s'il y a un problème complémentaire, on peut toujours y revenir ensuite !

Je trouve stupide la manière dont vous travaillez ! Je le regrette infiniment, on ne peut pas avancer comme cela ! Et vous avez tous tort dans cette affaire. Je vous propose de faire preuve d'un peu de raison et de sagesse: votez cette motion, c'est un premier pas, et revenez, dans d'autres débats, avec une autre motion, avec un autre projet... (L'orateur est interpellé.)Mais, Monsieur Roulet, vous êtes un blanc-bec pour moi en politique, vous comprenez?! (Exclamations. Applaudissements.)

Rappelez-vous d'une chose... Dans la vie en général, et c'est mon expérience qui me le fait dire: le mieux est l'ennemi du bien ! Alors cessez! Votez cette motion, arrêtons-là ce débat et avançons! (Applaudissements.)

M. Roger Deneys (S). En tant qu'auteur du deuxième amendement, je dirai que je partage - une fois n'est pas coutume - le point de vue de M. Dupraz... (Brouhaha.)

Effectivement, je trouve que le dépôt de l'amendement de M. Roulet est tout à fait étonnant dans la mesure où, hier, nous avons proposé une motion demandant que le modèle tarifaire bâlois soit étudié. Ce modèle encourage les économies d'énergie. Connaissant l'existence de cette motion, vous en avez refusé le traitement en urgence. C'était particulièrement peu sympathique, compte tenu de l'amendement que vous déposez sur la motion dont nous débattons. Vu le texte de cette motion, il n'était pas possible d'accepter tel quel votre amendement, d'où le nôtre.

En ce qui nous concerne, nous sommes prêts à revenir à la motion initiale, dans la mesure où ces amendements peuvent être discutés en commission de l'énergie dans le cadre du débat sur la motion relative au modèle bâlois ou à propos d'un autre modèle qui favorise les économies d'énergie. C'est un sujet à part, qui n'a rien à faire ici.

M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Il me semble que nous sommes en train de tourner en rond alors qu'il y a un problème très sérieux: celui de la survie de notre industrie. Alors, quand on parle d'énergie, Monsieur Hiler, vous avez raison, on ne fera pas de rabais aux banques ou aux commerces... On parle bien d'industrie, mécanique, électronique, mécatronique, bref, des gens qui produisent de leurs mains. Je sais de quoi je parle, parce que - très modestement - je suis un de ceux qui ont mis leurs mains dans le cambouis à l'époque; j'ai connu l'industrie avec des entreprises qui s'appelaient Hispano-Suisa, Sécheron, etc., dans des conditions industrielles qui n'étaient pas celles d'aujourd'hui. Et à l'heure actuelle, en effet, la haute technologie requiert un haut niveau de connaissance.

Je m'efforce, pour le secteur économique genevois, de diversifier ses atouts en évitant de se polariser strictement sur le tertiaire - les banques, les assurances et les services. Bien sûr, nous avons beaucoup d'atouts à Genève, mais il y en a un que nous sommes en train de perdre si nous ne réagissons pas dans de nombreux de domaines: c'est l'atout des connaissances et du savoir-faire.

Quant au premier domaine, c'est la reconversion de ces connaissances industrielles. L'industrie a changé, ce n'est plus celle que je pratiquais à l'époque - Dieu merci pour ceux qui travaillent aujourd'hui dans ce domaine ! Cependant, il faut dire qu'un effort doit être réalisé dans la formation et la reconversion des connaissances. Ce point a été évoqué, ce matin encore, à l'Office de la promotion industrielle de Genève, que je préside. Nous avons mis sur pied un groupe auquel participent la FTMH, des chefs d'entreprises impliqués aussi bien dans les nouvelles technologies de l'information que dans les biotechnologie ou la mécanique, et l'UIG qui travaille beaucoup pour la formation des apprentis. Nous allons essayer de trouver les créneaux de formation pour conserver une industrie à Genève.

Mais, pour conserver une industrie, il faut lui donner des conditions-cadres. Et quand je parle d'énergie, ce n'est pas pour la gaspiller, c'est pour fabriquer des produits et pour le prix de ces produits leur permette d'être vendus à l'étranger. Car nous sommes, dans ce petit pays, dépendants d'un petit marché: nous devons exporter ce que nous faisons. Sans l'exportation, notre industrie est vouée à la ruine !

Or, pour qu'elle puisse exporter, il n'y a pas que l'énergie qui entre en ligne de compte; il faut savoir que les coûts de production à Genève sont élevés pour les petites et moyennes industries. Nous avons, par chance, des salaires acceptables; et ces salaires acceptables n'existent pas dans certains pays de l'Est ou même dans d'autres pays proches du nôtre... Alors aujourd'hui, lorsqu'un industriel doit payer des salaires et, en plus, un coût énergétique important, en laissant cette situation en l'état nous affaiblissons l'industriel. Et il ne faut pas se plaindre si, un jour ou l'autre, cette industrie disparaît !

Je rappelle simplement un cas... il est peut-être excessif. Je l'ai déjà dit ici, lorsque la Papeterie de Versoix a trouvé un repreneur - c'était un dimanche et des Italiens sont venus pour acheter tout cela - le prix de l'énergie était tout simplement le double ! Le double de ce qu'il était en Italie ou en Belgique ! Ces repreneurs auraient pu racheter la Papeterie de Versoix, ils ne l'ont pas fait et se sont bloqués sur ce point. Ce cas a ouvert un vaste débat qui s'est traduit par des discussions avec les industriels.

Ce matin encore, il en était question puisque la loi sur les Services industriels a été votée hier soir. Et cette possibilité d'un tarif préférentiel pour des entreprises qui en valent la peine - et je partage votre avis sur ce point, Monsieur Hiler - n'existe pas encore. Alors, peu importe que ces tarifs soient mis en place avec le système bâlois ou avec une baisse des tarifs, mais nous devons absolument faire quelque chose, c'est capital !

Formation, salaires, coûts de l'énergie: c'est un ensemble de choses importantes. Il faut que nous arrivions à trouver une solution car, pendant qu'on cause, les industriels doivent fabriquer et, surtout, vendre ! Soyez conscients de cela, Mesdames et Messieurs ! L'Union des industriels genevois en est consciente et nous le fait remarquer.

J'aimerais revenir sur deux ou trois points, parce que nous avons tout de même réalisé un certain nombre de choses. A travers la nouvelle LAPMI, nous avons des instruments - Mme la rapporteuse l'a relevé - qui permettent d'aider les entreprises en difficultés. Et il faut les aider en ce moment. Bien entendu, et grâce à vous, Mesdames et Messieurs, nous pouvons le faire ! Nous sommes en train d'essayer aussi d'améliorer la promotion de l'industrie à l'extérieur du canton. Parce que nous sommes condamnés à faire de la qualité dans ce pays, et d'aller ensuite la montrer et la vendre ! C'est un travail que nous faisons.

Monsieur Pagani, je ne sais pas quel problème vous avez avec les zones industrielles... Je vous prie de m'excuser, mais jamais autant que ces dernières années nous n'avons fourni des solutions de rechange à des petites et moyennes industries avec la FTI ! Vous parlez des parkings automobiles... Quand ils ont été autorisés, avec des droits de superficie de vingt ou vingt-cinq ans à l'époque, nous étions bien contents de les avoir ! Je n'étais pas là alors, mais je sais que les zones industrielles étaient vides ! Et grâce à ces entreprises, qui ont stocké des voitures, nous avons assuré l'existence de ces zones. Aujourd'hui, il est exact que nous avons besoin de ces terrains et que, sur les 400 hectares, nous n'en avons plus que 10 de disponibles pour l'industrie. Donc, ces zones industrielles, nous devons les conserver - voilà encore un atout! Il ne faut pas dire qu'on brade ces terrains.

Le stade de Genève, allez-vous dire... C'est un ensemble ! Cette réalisation a fait l'objet de débats - partout - mais c'est un ensemble qui a été construit ! Il ne s'agit pas de mettre des supermarchés sur des zones industrielles ! Ni des parkings ! Quant à ceux qui existent, il faut savoir qu'ils ont des contrats et que, à l'époque, nous étions contents de pouvoir signer ces contrats !

Il y a donc toute une série d'éléments qui entrent en ligne de compte. C'est facile de se plaindre de tel ou tel problème... Il faut placer tout cela dans un contexte! Je vous le dis: si nous ne faisons pas d'efforts aujourd'hui, également concernant les énergies, nous n'y arriverons pas ! Si nous ne sommes pas capables de travailler avec nos écoles d'ingénieurs - j'y suis encore allé récemment, et des choses très belles s'y passent - et avec la recherche et les transferts de technologie, nous n'arriverons à rien. Il faut que nos industries travaillent avec nos Hautes écoles, c'est la base de la réussite! Les industriels sont conscients de cela et seront prêts à collaborer. Et peu importe que ce soit le modèle bâlois, les tarifs ou quoi que ce soit; baissez le coût des énergies pour ces gens-là! Fixons des règles, mais donnons-leur la possibilité d'être concurrentiels sur le marché !

Nous travaillons très dur sur ce sujet. Il nous faut garder un précieux capital de notre économie genevoise, qui était, je vous le rappelle, quelque chose de formidable dans les années 50 à 60, puisque nous avions 30'000 emplois dans ce secteur et des entreprises qui jouissaient d'une réputation mondiale.

Essayons en tout cas de garder ce que nous avons, d'améliorer et de développer les capacités de ce canton ! Je vous en prie, Mesdames et Messieurs, faisons un effort de ce côté-là ! Les prix de l'énergie sont aussi importants, et c'est pour cela que je les défends. Faites comme vous voulez, soit à travers le modèle bâlois évoqué par M. Vanek, soit à travers un amendement à cette motion, mais il est important qu'on le fasse ! (Applaudissements.)

M. Jean Rémy Roulet (L). J'ai écouté avec beaucoup d'attention l'intervention de M. David Hiler. Il a fait une analyse assez juste de la teneur de l'amendement. J'ai effectivement supprimé du texte original le mot «industrie», non pas pour plaire aux banques, rassurez-vous, mais parce qu'il y a d'autres métiers concernés par ces tarifs d'énergie. Je pense aux boulangers, aux blanchisseries; je pense à toutes les entreprises dont 5 à 7% des charges sont entraînées par les fluides énergétiques.

Je souscris donc à votre proposition d'amendement, mais, de grâce, évitez-nous de dresser la liste précise de tous le secteurs soumis à cette rude concurrence ! Je vous propose d'écrire: «petites et moyennes entreprises à caractère industriel» et demande formellement de modifier l'amendement déjà déposé dans ce sens.

Le président. Mesdames et Messieurs, nous allons procéder à toute une série de votes: en premier, sur le renvoi en commission; ensuite, sur les deux amendements et, enfin, sur le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.

Je mets aux voix la proposition de renvoyer cette motion à la commission de l'énergie. Le vote électronique est lancé.

Mise aux voix, cette proposition est rejetée par 63 non contre 12 oui et 2 abstentions.

Le président. Je mets aux voix d'abord l'amendement présenté par l'Entente - dans la mesure où celui de l'Alternative est dépendant du premier.

Cet premier amendement demande d'ajouter cette invite: «à octroyer des conditions tarifaires préférentielles aux petites et moyennes entreprises à caractère industriel dans leurs achats de fluides distribués par les Services industriels de Genève.» Le vote est lancé.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 42 oui contre 37 non.

Mme Loly Bolay(S), rapporteuse . Monsieur le président, dans ces conditions, nous maintenons notre amendement.

Le président. Je le mets donc aux voix. Il consiste à ajouter cette invite: «à s'inspirer du modèle bâlois qui a mis en place un système permettant la redistribution du montant de la baisse de l'électricité aux entreprises et à la population.»

Le vote est lancé.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 44 non contre 36 oui et 1 abstention.

Le président. Je mets aux voix l'adoption de cette motion et son renvoi au Conseil d'Etat. Le vote est lancé.

Mise aux voix, la motion 1338 est adoptée par 44 oui contre 30 non et 5 abstentions.

Le président. Avant de lever la séance, je vous rappelle que la commission de grâce est convoquée maintenant à la salle Nicolas-Bogueret. Nous reprendrons nos travaux à 20h45.

La séance est levée à 19h20.