République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 4 décembre 2003 à 20h45
55e législature - 3e année - 2e session - 6e séance
IN 121 et objet(s) lié(s)
Préconsultation
Le président. Je rappelle que nous sommes en débat de préconsultation, avant le renvoi de cette initiative en commission législative, laquelle devra examiner sa recevabilité. Je vous demande donc de vous limiter strictement à l'examen de la recevabilité de cette initiative.
Je constate que la parole n'est pas demandée ! Personne n'est inscrit... La parole est à M. le député Guy Mettan !
M. Guy Mettan (PDC). Je veux bien me dévouer pour être le premier à me prononcer sur ce sujet qui, puisqu'il concerne l'école, je le constate comme d'habitude depuis deux ans, n'intéresse presque personne...
Une voix. Menteur !
M. Guy Mettan. Presque personne et surtout pas M. Dupraz, qui se lève d'ailleurs déjà pour se rendre à la buvette... (Brouhaha.)
J'aimerais tout d'abord dire que le PDC se réjouit du succès massif de cette initiative. En effet, celle-ci, lancée par des enseignants, faut-il le rappeler, a le grand mérite de crever l'abcès qui ronge notre système scolaire depuis des années. Ce malaise a gagné tous les milieux: les enseignants, dont la plupart se sont fait imposer la rénovation contre leur gré; les directeurs d'établissements et les responsables de l'administration, qui imposent une ligne pédagogique contre les enseignants; les parents, qui ne parviennent plus à se repérer dans la jungle des réformes en cours, et les élèves eux-mêmes, dont les performances sont en baisse, comme l'a montré l'enquête PISA, et qui paraissent livrés à eux-mêmes.
C'est pourquoi notre parti se réjouit d'étudier cette proposition en commission législative, étant entendu que sa validité ne semble pas, de prime abord, poser problème, comme l'a reconnu le Conseil d'Etat. Cela dit, il a deux manières d'aborder ce sujet. La voie rapide, qui est celle que le parti radical a cru bon emprunter, et qui consiste à accepter ce texte et à le proposer tel quel sans contre-projet. C'est une option, mais elle ne nous plaît guère pour l'instant, car elle n'aboutira à aucun résultat valable pour notre école. Une fois acceptée par le peuple, on se contentera en effet de rétablir les notes, de mauvaise grâce, en ajoutant un petit espace ad hoc au bas des carnets scolaires, mais sans rien changer pour le reste. La confusion, la mauvaise humeur et les luttes entre clans subsisteront, dont enseignants, élèves et parents continueront à faire les frais. Or ce n'est pas ce que veulent les initiants, qui sont tous des gens sérieux voulant le bien de l'école.
C'est pourquoi nous privilégions à ce stade la seconde voie, beaucoup plus périlleuse, qui consiste à escalader les difficultés frontalement, par la face Nord, là où elles sont les plus nombreuses. Cette voie consiste à étudier un véritable contre-projet, un contre-projet substantiel et non alibi, qui permettrait de redonner à l'école la confiance dont elle a besoin. Il est possible de rétablir les notes tout en poursuivant la rénovation, nous le savons. En prenant le temps nécessaire, il est possible de réunir tous les acteurs du système scolaire, de les écouter, de les faire parler, sans se contenter de consulter seulement ceux qui sont d'accord ou seulement les représentants sélectionnés de tel ou tel syndicat, de telle ou telle association de parents trustéepar un clan, mais en consultant tout les éléments représentatifs du monde scolaire. Si l'on prend le temps de réunir des états généraux de l'enseignement, sans préjugés ni esprit de chapelle, de travailler sur la durée, même s'il faut prendre deux ans pour cela, on aura alors une chance d'élaborer un contre-projet acceptable par une large majorité de parents et d'enseignants et de rebâtir une école qui fonctionne. C'est la raison pour laquelle nous privilégions la seconde voie, celle du contre-projet, pour autant que celui qui nous sera proposé par le Conseil d'Etat soit à la mesure du défi à relever.
Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). Les Verts ne s'opposeront certainement pas à la recevabilité de cette initiative, toutes les conditions étant remplies pour que celle-ci puisse passer devant le peuple. Par contre, cette initiative, basée sur la peur du changement, qui s'appuie sur le principe «c'était mieux avant ou de mon temps», sera combattue avec énergie par les Verts, comme décidé lors d'une récente assemblée générale.
Une fois de plus, le débat sur l'école ne se résumera qu'à l'aspect "notes ou pas notes", une vision bien réductrice face aux enjeux de l'école en ce début de 21e siècle, confrontée à une société plus évolutive que jamais. Rappelons-le, la réforme tant combattue par cette initiative ne touche que l'enseignement primaire et a pour but principal de combattre l'échec scolaire. L'initiative lancée par l'ARLE, soutenue par les radicaux, demande de figer dans la loi le principe des notes, au détriment d'autres évaluations, exigeantes et formatives, plus profitables aux élèves et aux parents.
Autre réforme attaquée par l'initiative, les cycles de quatre ans. Initialement prévus, ces cycles de quatre ans permettent de mieux respecter le rythme des enfants. Il est raisonnable de penser que les capacités d'apprentissage ne soient pas identiques pour chaque individu entre quatre et douze ans. Il s'agit donc de laisser du temps pour atteindre les objectifs fixés aux enfants rencontrant des difficultés ou, au contraire, de respecter ceux qui disposent de plus de facilité pour progresser plus rapidement.
Cette initiative obligerait plus de la moitié des établissements scolaires déjà engagés dans la réforme à faire marche arrière. Cela entraînerait bien des déceptions et démotiverait de nombreux enseignants impliqués dans cette démarche, depuis dix ans pour certains. Sous prétexte que la société est exigeante, certains voudraient déjà sélectionner dans les petits degrés, car un chiffre n'est utile que pour classer, comparer et sélectionner.
Les Verts restent toutefois ouverts au débat et défendront le principe d'une école non sélective, égalitaire et évolutive, d'autant plus qu'il s'agit de l'école obligatoire. Nous attendons donc avec impatience le contre-projet du Conseil d'Etat qui défendra, nous l'espérons, les mêmes valeurs républicaines.
M. Christian Brunier (S). Nous enregistrons tout d'abord la volonté populaire, fortement affirmée à travers cette initiative, de se prononcer ou du moins de débattre sur le thème de l'école, ce qui est plutôt réjouissant. La recevabilité de cette initiative est certainement légitime, quoique mélanger la réintroduction des notes avec l'arrêt d'une réforme est certainement une vision très flexible de l'unité de la matière. Mais lorsqu'une initiative est - certainement ! - recevable, je crois que c'est le moment de réfléchir à l'utilisation ou non d'un contre-projet. C'est aussi l'une des questions qui se posera très rapidement en commission.
Une initiative, on le sait toutes et tous, émane souvent d'une revendication tranchée, ce que l'on appelle dans le jargon genevois: «d'un coup de gueule». Nous sommes ici typiquement dans ce cas de figure, puisque cette initiative est l'expression d'un certain malaise au niveau de l'école et le prolongement d'une perte de repères, comme l'a dit un préopinant, dans une société qui bouscule complètement les habitudes et le rôle de l'école. Dans ce contexte, le contre-projet est un moyen d'améliorer, dans la sérénité, mais aussi dans le dialogue, une initiative certainement extrême, au goût de populisme, afin de présenter à la population un projet mieux pensé, mieux négocié.
Il est quand même regrettable que certaines craintes, peut-être légitimes, autour de l'école, se soient cristallisées autour du simple débat de l'existence ou non des notes. Il est tout d'abord périlleux d'axer le débat actuel sur l'école essentiellement sur ce thème, alors que nous savons très bien qu'il y a des questions bien plus cruciales qui se posent à notre système d'enseignement et que l'évaluation des élèves doit être un moyen et en aucun cas un but. De plus, il est quand même relativement malhonnête, et personne ne l'a constaté jusqu'à présent, de parler de rétablissement des notes, alors que nous savons toutes et tous que les notes n'ont jamais disparu dans la plupart des écoles. Il est tout aussi faux de lier les mauvais résultats de l'école genevoise, constatés dans l'étude PISA, à l'arrêt de la notation, puisque la plupart des élèves scrutés étaient soumis aux notes. Je rappelle encore que la Finlande, qui est citée comme modèle dans l'étude PISA, est un pays qui n'applique pas les notes durant l'enseignement primaire.
L'enfant, les parents et les enseignants ont aujourd'hui besoin d'un système d'évaluation qui soit clair, simple, formatif, qui soit régulier dans la fréquence et uniforme sur l'ensemble du canton. La note sans commentaire est assurément insuffisante. Je reprends toujours l'exemple de Mme Hagmann, mais il est clair qu'un élève qui a 4 de moyenne générale en fin d'année, mais qui se trouve en pleine perdition avec 6 au premier trimestre, 4 au deuxième et 2 en fin d'année, n'a rien à voir avec un autre enfant qui a aussi 4 de moyenne, mais qui est en pleine progression avec 2 au premier trimestre, 4 au deuxième trimestre et 6 au dernier. Il faut aussi soulever une question cruciale qui se pose à travers l'initiative: est-il normal de figer le système d'évaluation dans la loi ? Faut-il le fossiliser dans la loi ? Vous, parti radical essentiellement, qui n'arrêtez pas de larmoyer sur la lourdeur de l'appareil législatif, vous voulez inscrire aujourd'hui dans la loi un système qui devrait être évolutif. Il s'agit d'une erreur et d'un manque de cohérence, mais ce n'est pas le premier en ce qui vous concerne.
Pendant que nous étions de trop rares personnes à nous engager pour tenter de corriger la réforme du primaire, où étaient ceux qui viennent maintenant nous donner des leçons ? Ils étaient soit totalement désintéressés par la thématique de l'école qui, à l'époque, il faut bien le dire, apportait trop peu de voix dans l'escarcelle électorale, soit ils étaient «alignés, couverts» derrière la conseillère d'Etat de l'époque, qui était d'une couleur politique très proche d'eux. Les milieux radicaux et leurs suiveurs passent de l'appui aveugle, inconditionnel et sans sens critique de cette réforme, au blocage total de toute évolution de l'école. C'est un numéro dangereux de retournement de veste et un risque qui pourrait se payer très cher par les élèves. Nous préférons une évolution maîtrisée de l'école et une correction rapide des dysfonctionnements constatés de la réforme, comme est en train de le faire le nouveau conseiller d'Etat Charles Beer.
M. Olivier Vaucher. Ah, voilà ! C'est le meilleur !
M. Christian Brunier. Eh bien, oui ! En tout cas, il y a, aujourd'hui, une véritable volonté de pouvoir améliorer cette réforme. C'est ce que souhaitent vraisemblablement les élèves aujourd'hui.
Il serait donc l'heure de remettre sereinement...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Christian Brunier. Je conclus, Monsieur le président ! Il serait l'heure de remettre sereinement - je dis bien: «sereinement» - de l'ordre dans l'institution scolaire, de la valoriser et de lui donner les moyens suffisants pour atteindre ses objectifs. Certains préfèrent aujourd'hui refuser le budget du canton, qui pourtant renforçait le milieu scolaire, et transformer l'école en un véritable boulevard du populisme pour sauver leur parti au bord de la disparition ! Espérons que ce ne seront pas les élèves qui payeront de nouveau l'addition ! (Applaudissements.)
Mme Caroline Bartl (UDC). Que la note valorise ou sanctionne, elle est universelle et claire. C'est un point de repère compréhensible de tous, qui permet à l'enfant de se situer avec précision. Nous sommes à une époque où l'on insiste pour donner des repères aux enfants. Il serait donc insensé d'enlever aux enseignants, parents et enfants cet outil qui permet de savoir où ils en sont. C'est pour cette raison que de simples appréciations et des apprentissages sur quatre ans les laisseraient dans le flou. Si l'on dilue ces derniers sur une aussi grande période, des fossés et des inégalités se creuseront entre élèves et probablement ne répondront-ils pas tous aux réelles conditions de passage d'une classe à l'autre. Nous vivons dans une société multiculturelle; je me demande donc comment des familles non francophones pourraient comprendre des termes tels que «pas satisfaisant», «n'a pas atteint l'objectif» ou «en voie d'acquisition». Peut-être que l'évaluation est moins punitive que la note, mais toujours est-il que ce principe se caractérise par un manque de clarté évident, car il ne permet pas de connaître le niveau réel de l'enfant. En supprimant les notes et le passage certifié d'une année à l'autre, on ne supprime pas l'échec scolaire, on ne fait que le masquer. De plus, je pense que le redoublement d'une classe est positif, car il permet à l'élève de combler ses lacunes. Comme bien d'autres, cette volonté de supprimer les notes et d'instaurer des cycles de quatre ans est une réforme hâtive et désordonnée, qui aggravera la baisse des exigences scolaires et le dysfonctionnement de la structure scolaire.
Les personnes militant pour une école qui veut corriger les inévitables différences entre élèves prônent le droit à la réussite en valorisant le bien-être au détriment du savoir tout court. En préconisant réforme sur réforme, l'Instruction publique fuit l'enseignement, aggrave l'illettrisme et dévalue les diplômes. Ce désastreux bilan, elle seule le conteste.
L'UDC soutiendra donc les initiants, mais regrette que le Conseil d'Etat, confronté à une critique justifiée, décide de jouer la prolongation avec un contre-projet qui sera voté en 2006. (Applaudissements.)
Le président. Je rappelle à toutes fins utiles que nous sommes en débat de préconsultation concernant uniquement la recevabilité.
Mme Janine Hagmann (L). Même s'il s'agit d'un débat sur la recevabilité, on peut constater que le débat sur l'école s'est engagé ce soir. C'est bravo ! Parce que ce sujet vient enfin dans notre enceinte. Pourquoi vient-il dans notre enceinte ? Parce que le Conseil d'Etat soumet, dans son rapport, des pistes de réflexion, des pistes qui ne sont effectivement pas nouvelles, mais qui annoncent formellement une prise de position du Conseil d'Etat au complet. J'ai bien dit: «du Conseil d'Etat». En proposant un contre-projet, le Conseil d'Etat nous invite à le suivre dans le refus de l'initiative 121. Pourrions-nous ce soir, oserions-nous ici faire fi de 28'000 signatures démocratiquement apposées ?
J'ai déjà exprimé dans cette enceinte les doutes d'une grande partie du groupe libéral sur les affirmations d'ARLE, qui voudrait imposer aux élèves un cursus annuel sélectif que tous les systèmes scolaires performants ont abandonné. Les analyses suisses de PISA l'ont prouvé. D'autre part, ARLE veut combattre la progression de l'école primaire, officialisée à travers sa rénovation, mais surtout faire croire à la population qu'il existe une solution simple pour remédier aux difficultés des élèves et de leur famille, et que cette solution passe tout bêtement par la mise de notes. Les vrais enjeux de cette action doivent être analysés plus finement.
Première question que l'on doit tous se poser: quels doivent être les objectifs et les finalités de l'école publique ? On le sait, l'école publique assume une mission globale et générale de formation, mais qui intègre des tâches d'éducation et d'instruction, permettant à tous les élèves d'apprendre et surtout d'apprendre à apprendre, afin de devenir apte à poursuivre une formation tout au long de la vie. La construction des connaissances et l'acquisition de compétences doivent permettre de développer pour chacun ses potentialités de manière optimale.
Un principe de base de l'éducation suppose que chacun est en mesure d'apprendre si les conditions lui sont favorables et que l'enseignant, l'élève et l'environnement y contribuent. On a entendu pendant des années qu'enseigner, c'était affirmer. Beaucoup d'entre nous ont traversé ce mode de faire sans trop de handicaps. Même si nos maîtres ne se posaient peut-être pas vraiment trop de questions à l'époque, ils affirmaient. Le maître disait : «Moi je sais. Toi, tu es en face et tu vas bien finir par apprendre.» Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, cette méthode n'a pas vraiment convenu, puisqu'elle a relégué nos élèves dans le bas du classement PISA ! Je vous rappelle juste, s'agissant de la lecture, que Genève était 17e en Europe, ce qui n'est quand même pas brillant.
Il me semble donc qu'un contre-projet à l'initiative est indispensable. Ce contre-projet devra clairement fixer des objectifs d'apprentissage et faire en sorte que l'évaluation «colle» à ces objectifs. A mon avis, il faudrait même confirmer la volonté de procéder à des contrôles transversaux par les épreuves cantonales, par exemple.
L'initiative exprime de vrais soucis, mais n'apporte malheureusement aucune réponse, si ce n'est le maintien des notes, qui étaient d'ailleurs tout à fait présentes pour tous les élèves qui ont passé le test PISA chez nous. Comme je l'ai déjà dit, le problème n'est pas la note, mais la forme de l'évaluation et les exigences qui doivent y être liées. La commission de l'enseignement espère recevoir dans un proche avenir un contre-projet qui soit crédible, un contre-projet qui tienne compte des attentes de la population, mais aussi de l'évolution de l'école. La pédagogie, je l'ai déjà dit, est devenue une science. Elle évolue, car des certitudes ont été mises en doute. Les recherches l'ont prouvé. Faire écrire cent fois à un gamin de dix ans le mot «micocoulier» ou «Finsteraarhorn», sans contexte, sans intériorisation de l'acte pédagogique, sans les autres qui permettent d'apprendre, cela ne sert à rien ! Essayez un mois après, le gosse n'a rien retenu ! Personne ne voudrait se faire soigner de nos jours par un médecin qui n'aurait pas évolué, qui fait encore poser des ventouses et qui renonce aux antibiotiques. L'autre soir, j'ai assisté - même s'il n'y avait malheureusement que peu de députés - au débat qui s'est déroulé à Uni-II, sous le patronage de M. Charles Beer qui parlait des expériences des classes en rénovation...
Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée !
Mme Janine Hagmann. Oui, Monsieur le président ! Vous me donnez encore 30 secondes, s'il vous plaît ! La première constatation, c'est qu'il y avait foule dans cette salle. Cela veut bien dire que le sujet intéresse, voire passionne. Deuxième constatation, c'est que des enseignants consciencieux, dynamiques, enthousiastes, feront toujours mieux passer un message que des enseignants qui ne désirent pas se remettre en question. Genève, cité des pédagogues, se doit d'avoir une école à la hauteur de ses attentes. Il faudra bien trouver un consensus pour satisfaire les signataires de l'initiative tout en améliorant la qualité de l'école ! Je vous rappelle que la présidente Martine Brunschwig Graf, pendant son mandat au DIP, a eu le courage de remettre l'ouvrage sur le métier. Elle a eu le courage de s'entourer de personnes auxquelles elle pouvait se référer avant de prendre d'importantes décisions; elle a milité pour une pédagogie intelligente...
Le président. Veuillez conclure, Madame la députée ! S'il vous plaît !
Mme Janine Hagmann. ...elle a redéfini les objectifs d'apprentissage. Monsieur Beer, nous comptons sur vous pour continuer cela !
L'école a le devoir de construire un cadre institutionnel garant de la progression des apprentissages et de l'information aux parents. Je finis, Monsieur le président, je vous le promets, par une anecdote ! Il y a quinze ans environ, une expérience pédagogique, intitulée «Fluidité», a été mise en place. Cette expérience montrait qu'il fallait parfois deux ans pour apprendre à lire, donc aucun élève ne pouvait doubler avant la fin de la deuxième primaire. Savez-vous par qui cette initiative «Fluidité» a été mise en place ? C'était un mandat radical, puisque les radicaux étaient à la tête du département de l'instruction publique, sous la présidence d'un conseiller d'Etat PDC. Je suis donc fière que nos cousins aient été en avance pour penser au bienfait de l'école ! Renvoyons donc tout cela à la commission législative, mais n'oublions jamais que nous sommes là pour défendre une école de qualité ! (Applaudissements.)
M. Souhail Mouhanna (AdG). Je voudrais tout d'abord rappeler à mes éminents collègues de ce Grand Conseil que j'enseigne depuis plusieurs dizaines d'années - pratiquement quarante ans - et que j'attribue des notes dans le cadre de mon enseignement. Par exemple, j'enseigne dans une école professionnelle, l'Ecole d'ingénieurs, où nous avons la possibilité d'attribuer des notes plus ou moins objectives, puisqu'elles portent sur des branches scientifiques et professionnelles. Je puis donc vous affirmer, Mesdames et Messieurs les députés, que la note reste terriblement subjective.
Que dire de l'école primaire ? Il faut rappeler que l'école n'a pas pour unique vocation de transmettre des connaissances. Certains semblent l'oublier, l'école a aussi la mission essentielle de former des citoyennes et des citoyens, c'est-à-dire des gens conscients de leur appartenance à une société. Ce que l'Alliance de gauche et beaucoup d'autres partis partagent, c'est l'attachement que nous avons pour une école républicaine et citoyenne. Malheureusement, s'agissant de l'affaire qui nous concerne aujourd'hui, soit l'initiative 121... Je reconnais à celles et ceux qui l'ont lancée le droit de lancer une initiative. Et, dans l'affaire qui nous occupe, il y a un malaise, un certain nombre de préoccupations et un certain nombre de volontés de trouver des solutions. La solution proposée est peut-être une bonne solution dans l'esprit de certains, mais d'aucuns pensent malheureusement qu'il s'agit de «la» meilleure solution à tous les problèmes de l'école. Nous, nous pensons que ces problèmes-là ne sont pas les véritables problèmes. Au contraire, les véritables problèmes sont ceux transférés par la société au niveau de l'école, les problèmes économiques, le problème du chômage, le problème de la violence. Mettez des notes quand vous voulez, cela ne va pas supprimer la violence à l'école ! Parce qu'elle est engendrée par des rapports sociaux que certains ici veulent imposer et aggraver de plus en plus. Ceux qui prétendent aujourd'hui vouloir sauver l'école publique des problèmes qu'elle connaît, selon eux, sont les mêmes qui proposent des projets de lois de réduction des moyens de l'école publique, projet de loi sur projet de loi, réduction des recettes... Le parti radical est devenu aujourd'hui - malheureusement ! - l'un des fossoyeurs de l'école républicaine et de l'école publique.
Une voix. Ah, non !
M. Souhail Mouhanna. Oui, vos projets de lois vont dans ce sens-là !
Pour l'Alliance de gauche, l'essentiel est que l'école puisse transmettre des valeurs républicaines, des valeurs citoyennes. La note ne constitue nullement une solution. C'est l'un des éléments parmi beaucoup d'autres. Ce que vous semblez oublier aujourd'hui, c'est que l'école a une autre mission que celle de transmettre seulement du savoir et des connaissances - qu'est-ce que le savoir ? Que sont les connaissances sans la conscience ? Nous voulons qu'il y ait, avec la connaissance, la conscience ! La conscience républicaine, la conscience citoyenne ! Ce que vous semblez oublier, Mesdames et Messieurs les radicaux et ceux qui vous soutiennent !
Par conséquent, nous sommes pour que le Conseil d'Etat et pour que l'ensemble des partenaires de l'école publique se penchent sur les problèmes de l'école publique, qui ne sont pas uniquement des problèmes de notes et des problèmes d'évaluation ! C'est la raison pour laquelle l'Alliance de gauche est favorable à ce qu'il y ait un contre-projet qui soit l'oeuvre d'une large consultation et de la prise en compte, également, de l'expérience des principaux acteurs de l'école publique et des parents qui sont les principaux partenaires. Nous sommes donc pour un contre-projet.
M. Jacques Follonier (R). A entendre ce soir la harangue vitupératrice de M. Brunier, on peut penser que l'école genevoise rencontre aujourd'hui des problèmes. Venant de sa part et d'un groupe - le groupe socialiste - qui n'a strictement rien fait au niveau de l'enseignement pendant deux ans, cela frise un peu l'indécence. Quant à l'attitude de M. Mouhanna, elle est tellement indécente que je n'en parlerai même pas !
L'initiative 121 concernant les notes à l'école, ainsi que les cycles de quatre ans, a vu sa recevabilité acceptée par le Conseil d'Etat. On peut se féliciter de la clarté de son compte-rendu. Je n'entrerai pas dans le détail sur la forme, mais sur le fond.
On entend souvent dire une phrase intéressante : Errare humanum est. La suite est beaucoup plus intéressante : Perseverare diabolicum. Il y a un point important que l'on doit reconnaître à cette initiative: elle met, non pas l'église, mais l'école au milieu du village. Que l'on soit d'accord ou pas avec cette initiative, elle met au moins en évidence un point important: le peuple a le droit de se déterminer sur la politique qu'il souhaite voir appliquer dans son canton !
Les réformes se sont longtemps fourvoyées dans les méandres d'esprits bien pensants et elles sont bien souvent mises en place par une élite pédagogique. On nous explique que ces réformes ont été faites sur la base d'un large consensus et, à entendre le chef du département de l'instruction publique, qui nous a répété, il n'y a pas si longtemps, qu'il allait faire une large concertation, on peut se poser la question de cette utilité. Car à quoi sert une large consultation effectuée uniquement dans de petits milieux spécialisés ? A entendre les réponses que l'on a déjà entendues ou éventuellement celles que l'on voudrait bien entendre !
Cette initiative est intéressante parce que la meilleure consultation dont on puisse rêver, c'est celle de la population d'un canton. Il n'y a aucune peur à avoir, car le meilleur moyen, c'est de savoir ce que veulent nos concitoyens. De deux choses l'une: soit ils refusent cette initiative, et ils légitiment alors l'attitude du département de l'instruction publique ainsi que les réformes - et donnent dès lors le cap au département pour savoir dans quel axe il doit continuer - soit, à l'inverse, ils acceptent cette initiative, et l'école devra à ce moment-là redéfinir ses missions et le département de l'instruction publique revoir sa copie. Quoi qu'il en soit, un verdict est nécessaire. Je m'étonne même - et il y a longtemps qu'on aurait dû le faire - qu'on ne l'ait pas rendu.
S'engager dans la voie des réformes sans être certain d'avoir l'appui de la population ainsi que celui du corps enseignant paraît très peu réaliste. Et à voir autour de tout cela la communication et la manière dont elle a été mise en place, on ne peut que constater que les réformes ont une difficulté certaine à prendre une bonne ampleur.
Je souhaite que cette initiative soit rapidement présentée au peuple genevois, je ne voudrais pas qu'on la reporte. Une preuve de bonne foi doit à présent être montrée, et la rapidité avec laquelle cette votation sera soumise donnera à notre canton le respect dont il a besoin par rapport à notre école.
Le parti radical propose effectivement que cette initiative soit renvoyée en commission législative, mais il émet le souhait sincère que l'ensemble des intervenants puissent faire de leur mieux en vue d'un traitement accéléré. C'est le minimum que nous pouvons effectuer pour l'école genevoise et pour la population de notre canton.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Il s'agit d'analyser dans un premier temps la recevabilité de l'initiative, cela ne fait pas couler beaucoup d'encre et n'utilise pas beaucoup de notre énergie puisque cette initiative ne pose pas de problème sur ce plan.
Pour ce qui est de l'attitude du Conseil d'Etat face à cette initiative, il s'agit de reconnaître: premièrement, une volonté de continuité; deuxièmement, une unité, puisqu'il faut relever que le Conseil d'Etat est tout à fait uni quant à l'idée du traitement de cette initiative.
En ce qui concerne l'initiative elle-même, il s'agit d'abord de constater que des dizaines de milliers de citoyens - soit 28 000, dont je répète qu'il s'agit d'un contrôle porté sur 11 000, mais il n'y a probablement pas de doute à avoir sur un chiffre supérieur à 25 000 signatures valables. Il s'agit donc de constater un rassemblement important de citoyennes et citoyens traduisant un malaise dans la société, ce que le Conseil d'Etat peut tout à fait reconnaître.
La deuxième chose importante à relever par rapport à cette initiative, c'est qu'il s'agit, sur un plan strictement juridique, d'une initiative législative visant à introduire dans la loi sur l'instruction publique à la fois le système de passage d'une année à l'autre, c'est-à-dire de revenir sur les cycles d'apprentissage tout en imposant le système de notation pour le cycle moyen, soit de la 3e primaire à la 6e primaire. Voilà le contenu de cette initiative.
Dans ce but, cette dernière propose un exercice tout à fait étrange: elle répète tout d'abord - sur quatre alinéas - deux dispositions de la loi sur l'instruction publique, elle en paraphrase l'une des deux et ajoute un élément nouveau: la notation. En faisant croire que l'on propose du neuf, on propose en réalité le texte actuel de la loi. Pourquoi ? Dans la simple volonté de voir le peuple reconfirmer le contenu de la loi sur l'instruction publique. Telle est la volonté des initiants - il ne s'agit pas de caricaturer.
Parlons du malaise. Un certain nombre de personnes reconnaissent celui-ci et disent qu'il se traduit dans le test PISA, à l'échelle internationale. Il montre un score moyen pour la Suisse, de même que pour Genève. Cela a été dit. D'abord l'ensemble des élèves - testés en l'an 2000 - n'ont connu que le système traditionnel d'enseignement. Deuxième élément d'information de PISA: le problème à Genève est principalement la difficulté des élèves qui ne peuvent pas suivre la filière prégymnasiale et qui sont donc confrontés à l'échec scolaire. Par rapport à d'autres cantons, il y a une véritable coupure entre ceux que l'on appelle les «bons» et ceux que l'on appelle, malheureusement de façon un peu réductrice, «les mauvais élèves». Et si l'on veut aujourd'hui s'attaquer à la performance genevoise, il faut porter notre attention sur la difficulté des élèves qui sont eux-mêmes précisément en difficulté sur le plan scolaire. Voilà la réalité du niveau de l'école genevoise !
En ce qui concerne maintenant le contenu de la rénovation, puisqu'on dit que c'est celle-ci qui est mise en cause à travers l'initiative, force est de constater que cette rénovation poursuit un double objectif. Le premier, c'est de pouvoir imposer à la fois des objectifs d'apprentissage similaires pour tous, de pouvoir adapter un système d'évaluation qui prenne en compte les possibilités de l'élève, lui permettant de voir où il en est et de progresser. Pour ce faire - deuxième élément de la rénovation - il propose un assouplissement des parcours et condamne le redoublement stérile, acte purement répétitif. Il ne bannit pas pour autant la prolongation de cycles, certains élèves ayant besoin de plus de temps que d'autres. Simplement, un élève qui prolonge son cycle ne répète pas machinalement - même tout ce qu'il a réussi - mais il concentre ses efforts là où il a des difficultés. Et c'est justement un des objectifs de la rénovation: le but même de la rénovation est de permettre aux élèves qui ont le plus de difficultés scolaires d'améliorer leur niveau. Voilà les moyens proposés ! Est-ce condamnable pour cela ? C'est ce semblent dire un certain nombre de personnes autour de la table... Mais le travail en commission vous permettra largement de développer vos propos.
En ce qui concerne maintenant les objectifs du contre-projet, le Conseil d'Etat entend d'abord réaffirmer sa volonté de rénover notre système d'enseignement de manière générale, et il entend le faire particulièrement par rapport à l'école primaire puisqu'un mouvement a déjà été enclenché sur le terrain, il y a de cela pratiquement huit ans. C'est dire que nous avons besoin à la fois de temps pour mener à bien des réformes et que nous avons aussi besoin de cadrage.
Dans notre volonté de rénover le système scolaire, nous estimons important, puisque la détermination démocratique d'en débattre existe, de pouvoir procéder à un vaste rassemblement des forces qui s'intéressent au devenir de l'école. Je me permettrai juste de revenir sur quelques déclarations de M. Mettan, non pas pour le corriger, mais pour dire que, si les associations de parents et la Société pédagogique genevoise ont été consultées jusque là et ont suivi tout le processus de la rénovation, tant mieux ! Il ne s'agit pas de clans, mais de procéder à une consultation beaucoup plus large quant au système d'évaluation et quant au système de passage, respectivement d'une année à l'autre, ou quant au rôle des cycles d'apprentissage. Voilà notre objectif à travers le contre-projet ! Tout en précisant qu'il y a des questions de contenu. Il faut aujourd'hui prendre en compte l'assouplissement des parcours individuels, qui doit permettre à chacun de progresser à son rythme. Deuxièmement, il faut pouvoir compter sur une évaluation particulièrement formative pour les jeunes confrontés à cette évaluation et qui leur permette de progresser. Voilà le double objectif que le Conseil d'Etat devra soumettre à la consultation, dans un contre-projet devant déterminer la durée des cycles, respectivement l'élément final du système d'évaluation, entre notes et commentaires.
C'est un vaste débat, mais j'entends d'ores et déjà certains ou certaines, qui n'ont pas participé à ce dernier, s'interroger sur l'objectif de la démarche... Permettez-moi en tous les cas de dire ceci: le Conseil d'Etat n'entend pas traîner. Pour deux raisons: la première, Monsieur Follonier, c'est que l'initiative vient aujourd'hui devant le Grand Conseil et part dans vos commissions. C'est maintenant le Grand Conseil qui tient le sort du traitement de l'initiative, y compris du contre-projet, entre ses mains. Vous découvrez donc dans mes propos - c'est une bonne chose, Monsieur Follonier - que vous allez vous-mêmes dicter le rythme ! Il est sûr qu'en matière de connaissance de la constitution... (Remarque.)Même d'obédience radicale... Il est sûr que l'on ne peut pas soupçonner le groupe radical, ensemble, d'être pratiquement sous le coup de l'article 24, c'est-à-dire d'avoir un intérêt personnel ! (Exclamations.)Mais pour le traitement de ce contre-projet... (Remarque.)Veuillez m'excusez, je terminerai rapidement !
Il s'agit tout simplement de découvrir celles et ceux qui souhaient ou pas restaurer un climat de confiance ou celles et ceux qui souhaitent pouvoir alimenter l'insécurité. Et l'on sait que certains partis se sont fait une rente de situation à travers ce traitement ! Le plus étonnant est de voir aujourd'hui le groupe «radic... ARLE»... pratiquement se joindre à d'autres pour jouer le sentiment d'insécurité... (Protestations.)Au lieu de participer... (Exclamations.)Au lieu de participer à l'élan républicain ! Qui vise à redéfinir son pacte autour de l'école et qui demande... (L'orateur est interpellé. Brouhaha. Le président sonne la cloche.)
Monsieur Dupraz ! S'il vous plaît ! Vous me permettrez de dire que j'étais sur le pont du Mont-Blanc; vous êtes plutôt sous les ponts en ce moment ! Je vous remercie de votre attention. (Rires et applaudissements.)
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat.
L'IN 121 est renvoyée à la commission législative.