République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 24 octobre 2003 à 14h
55e législature - 2e année - 12e session - 75e séance
PL 9094 et objet(s) lié(s)
Préconsultation
M. François Thion (S). Le projet de loi 9094, tout d'abord, propose de prolonger un accord qui existe déjà et qui concerne les HES. Ce prolongement de l'accord entrera en vigueur à partir de 2005, et une des modifications proposées concerne l'application de la Déclaration de Bologne. Pour ce point, nous demandons le renvoi en commission de l'enseignement supérieur.
Pour le projet de loi 9095, qui concerne simplement l'adhésion du canton de Berne au Concordat des Hautes écoles spécialisées de Suisse occidentale (HES-SO), nous demandons aussi un renvoi en commission de l'enseignement supérieur.
Quant au rapport du Conseil d'Etat sur les HES, qui nous donne des informations sur ce qui s'est passé en 2002, aussi bien à Genève, en Suisse romande, que dans le reste de la Suisse, nous remercions le Conseil d'Etat pour ce rapport très complet, notamment grâce à beaucoup d'annexes extrêmement intéressantes. Je remercie le Conseil d'Etat pour cette transparence. Ce document sera précieux pour les prochains travaux de la commission de l'enseignement supérieur, puisque ses membres doivent encore discuter en troisième lecture de la loi sur les Hautes écoles spécialisées. Le parti socialiste demande que nous prenions acte de ce rapport.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je me prononcerai très rapidement sur les projets de lois 9094 et 9095, qui vont bien évidemment être renvoyés en commission, où les débats auront lieu. Bien entendu, nous les soutenons tous les deux.
Quant au rapport divers 497, j'aimerais dire d'emblée que les Verts saluent haut et fort la progression et le développement du système des Ecoles techniques HES. C'est un système que nous trouvons très profitable et très positif en termes de formation, comme de débouchés professionnels. De plus, la qualité de l'enseignement fait que ces HES gagnent des lettres de noblesse dans tous les milieux. La diversité des filières de formation est sans cesse en progression, ce qui nous ravit également. C'est là un plus pour l'avenir professionnel des jeunes de notre région, c'est pourquoi nous pensons que ces HES - un système nouveau, qui se met en place - méritent notre soutien. Ce système n'est bien entendu pas encore parfait, mais je crois qu'on ne doit pas lui mettre de bâtons dans les roues.
Par contre, je pensais que ce rapport 497, qui est très complet et très complexe - car il fait appel à beaucoup d'écoles que nous ne connaissons pas forcément - partirait en commission de l'enseignement supérieur. Il devrait servir de base aux amendements à d'autres projets de lois que le Conseil d'Etat déposera en novembre - si j'ai bien compris - à propos d'un Conseil supérieur des HES. Les Verts veilleront spécialement à ce que l'accès soit garanti à tous, à garder des prérogatives cantonales et un contrôle démocratique - comme l'a d'ailleurs annoncé M. Charles Beer - à garantir une saine adéquation avec le monde économique - un lien doit exister, mais en adéquation et en équilibre - et à favoriser les passerelles entre les différentes filières et domaines de formations. En effet, plus les jeunes se formeront de manière diversifiée, plus les portes sur le monde professionnel s'ouvriront.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais commencer par une petite question: en ce qui concerne le rapport 497, s'agit-il de voter, de le renvoyer en commission ou d'en prendre acte aujourd'hui ?
Une voix. On en prend acte !
M. Souhail Mouhanna. Bon. Néanmoins, deux mots sur ces différents projets de lois et sur ce rapport: je serai beaucoup moins dithyrambique que Mme Leuenberger, parce que, tout simplement, pour évaluer l'impact des HES, il faut attendre de voir ce qui se passera au moment de la mise en place et au niveau des décisions de la Confédération concernant les différentes structures et les différentes filières. Or, l'on sait qu'il y a des velléités de la Confédération de réduire les subventions, et donc de donner moins d'argent que promis pour le développement de ces filières d'études. La Confédération veut également supprimer un grand nombre de filières sur l'ensemble du territoire suisse, et prétend en même temps développer la formation professionnelle et élargir aux jeunes l'accès à ces formations, utiles et même nécessaires pour le pays et l'économie suisse. Il y a des contradictions constantes: on prétend faire quelque chose, mais les mesures concrètes vont dans le sens contraire.
J'ajouterai encore que les différents parlements cantonaux sont censés exercer un minimum de contrôle démocratique sur différentes structures, notamment sur la HES-SO. Je constate cependant que beaucoup de choses se mettent en place sans que la commission interparlementaire se soit réunie une seule fois ! Je ne vois donc pas où est ce contrôle parlementaire qu'on nous vante tant. Des structures ont été mises en place, des décisions ont été prises, des filières apparaissent ou disparaissent un peu partout, et on nous assure d'un contrôle parlementaire. J'affirme pour ma part que ce contrôle parlementaire est un contrôle alibi qui n'existe pas réellement, et que les différents parlements ont des prérogatives extrêmement faibles sur ce point. J'exprime beaucoup d'inquiétude par rapport à la suite des événements.
Quant à dire que la qualité de la formation est en hausse, que les gens s'engagent dans ces différentes filières, il est à mon avis trop tôt pour des affirmations aussi hâtives et définitives. Je pense que nous connaîtrons beaucoup de désillusions autour des HES, mais j'espère que nous aurons tout de même l'occasion d'en débattre dans ce Grand Conseil. En ce qui concerne les deux projets de lois, j'espère que nous pourrons également en débattre dans d'excellentes conditions, en commission de l'enseignement supérieur.
M. Robert Iselin (UDC). Ce sera court, car je pense qu'il faut se dépêcher de renvoyer ces deux projets de lois en commission. Pour le reste, je puis souscrire en bonne partie à ce que vient de dire mon collègue Mouhanna. L'UDC mènera un combat sans relâche, pour que ce qui a fait la valeur de ce pays et a beaucoup contribué à sa prospérité - l'enseignement et l'éducation qui y sont prodigués - restent convenables pour nos descendants.
M. Claude Aubert (L). Nous avons l'habitude de réfléchir en termes de communes, nous avons l'habitude de réfléchir en termes de cantons ou en termes de Confédération, mais avec la HES, il faudra s'habituer à réfléchir en termes de bassins de population. Comme vous le savez, dans le domaine de la médecine par exemple, lorsqu'on parle des HMO, on sait que pour qu'un HMO soit possible, il faut un bassin de population de l'ordre du million d'habitants. Par conséquent les limites étroites de nos cantons commencent à être difficilement tolérables. En ce qui concerne le contrôle démocratique, lorsqu'il s'agit d'un bassin de population, vous voyez bien que les structures supracantonales seront probablement à l'ordre du jour. Il est donc extrêmement souhaitable que ces projets de lois aillent en commission pour qu'on puisse en débattre, étant donné l'importance du sujet, comme l'a souligné Mme Leuenberger en particulier.
M. Gabriel Barrillier (R). Je n'avais pas l'intention d'intervenir, mais l'intervention de M. Mouhanna, voire même celle de M. Iselin de l'UDC, me laisse un goût de doute. Je m'explique: la création des HES, des Universités de métier - fait très rare dans notre pays - a été décidé et mis en route très rapidement, à partir du milieu des années 1990. Tout le monde s'en rappelle, le système suisse de formation professionnelle était quelque peu fatigué. Il a fallu prendre deux mesures rapides: la première fut de créer ces HES pour nous mettre en conformité avec l'évolution européenne et pour éviter que l'apprentissage ou la formation professionnelle ne débouche sur une voie sans issue, et la deuxième fut la révision de la loi fédérale sur la formation professionnelle, qui va entrer en vigueur - sauf erreur - le 1er janvier 2004. On est donc allé très vite.
La concrétisation de ces HES au niveau des cantons et des régions a par contre été difficile. Pour ce qui est du contrôle démocratique - quelque chose qui vous intéresse beaucoup ! - le rapport nous montre que cela a relativement bien fonctionné et que, contrairement à nos craintes, ces HES fonctionnent à satisfaction et vont pouvoir s'étendre. Je ne vous fais pas un procès d'intentions, Monsieur Mouhanna, mais sous le couvert du contrôle démocratique, j'ai un peu l'impression que vous représentez - notamment à Genève - un courant d'enseignement ou un esprit corporatiste qui se méfie de la création de ces HES. Celles-ci vont - et vous l'avez dit, collègue Aubert - déborder le canton, elles touchent les régions et se situent au niveau national, puisque l'effort doit être fait au niveau national. On parle maintenant, Monsieur Mouhanna, de «région apprenante», et les régions débordent les cantons !
Comme nous en sommes au débat d'entrée en matière, j'aimerais dire ici, très clairement - et appuyer par là les propos de Mme Leuenberger qui m'ont fait plaisir - qu'on est sur la bonne voie, que les relations avec les milieux économiques et des métiers sont excellentes ! De grâce, Messieurs de gauche et chers collègues de l'UDC, pas de méfiance mal placée au sujet de l'évolution de ces HES !
Le président. Bien. La parole est demandée par le Conseil d'Etat, le PDC ne la prend pas et les autres partis se sont tous exprimés. Monsieur Charles Beer, vous avez la parole.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Il est vrai que la construction d'un réseau régional, en l'occurrence intercantonal, de Hautes écoles spécialisées représente un pari. J'aimerais dire que ce pari a été engagé il y a quelques années, mais qu'aujourd'hui, si nous sommes à un tournant, nous ne pouvons pas considérer pour autant que le pari est gagné. Un pari veut dire qu'il y a des risques, et qu'il y a bien sûr - et c'est pour cela qu'on le prend - des opportunités. A ce jour, on peut considérer le développement des Hautes écoles spécialisées comme étant globalement satisfaisant. En effet, il a donné des débouchés au certificat fédéral de capacité, notamment par l'introduction de la maturité professionnelle. Cette possibilité, que des milliers de jeunes en Suisse occidentale utilisent pour pouvoir se former davantage, leur profite et profite plus généralement aux entreprises et à l'ensemble de la société qui voit le savoir - son savoir ! - se développer ainsi en fonction de ses ambitions. C'est ce qui relève du pari gagné.
En revanche, il faut considérer que dans toute décision, chaque fois qu'il y a un cap à prendre, des effets pervers sont, malheureusement, entraînés dans son sillage. Ainsi, on peut remarquer que la transformation de notre réseau d'écoles a posé un certain nombre de problèmes qui ne relèvent pas simplement du corporatisme, mais qui relèvent de questions d'identité, de tradition de métier, de transmission d'un savoir-faire d'une génération à l'autre. Cela n'est pas négligeable, cela est bousculé, malmené par une nécessité d'adaptation, et je crois que ce n'est pas faire injure à la réussite du pari engagé que de relever le fait que cela engendre malheureusement certains dégâts. Il n'y a jamais que de bonnes choses lorsqu'on présente des réformes, il y a toujours des décisions qui doivent être prises. Prendre ces décisions est justement du ressort du Conseil d'Etat, du département de l'instruction publique en l'occurrence.
J'aimerais rendre un hommage tout particulier à Mme Brunschwig Graf qui, pendant dix ans, avant même que le réseau ne soit mis sur pied, s'est beaucoup battue pour les Hautes écoles spécialisées - comme vous le savez. Je crois que le pari gagné est en grande partie le fait de son action, cela méritait d'être relevé.
Les risques, ainsi qu'un certain nombre d'effets négatifs de la démarche, sont des éléments qui découlent pratiquement inéluctablement de la structure intercantonale en elle-même. En effet, cette structure pose forcément des problèmes de gouvernance, parce qu'il y a déphasage entre les structures démocratiques et les structures d'aménagement, en l'occurrence de développement de la formation. Doit-on pour autant remettre en cause ce développement ? La réponse est non. Il s'agit simplement de constater que cela crée forcément des problèmes, qu'il ne s'agit pas non plus de nier ou de balayer du revers de la main.
Aujourd'hui, le parcours que nous avons encore à accomplir relève d'engagements, liés à ce pari plus global qu'est la réussite de l'insertion durable des HES dans le paysage de l'enseignement supérieur. J'aimerais relever à cet égard que la Confédération a demandé, par le biais de la nouvelle loi sur la HES, qu'on intègre le social et la santé, et ceci sur une base financière qui a vu son engagement fondre de 30% à 10%. Il est ainsi évident de constater que la Confédération dicte toujours davantage, en même temps qu'elle ne participe pas à l'effort auquel elle-même s'était engagée à participer. Cela n'est pas sans poser un certain nombre de problèmes. De même, lorsque la Confédération insiste pour que la gestion de ce réseau incombe à l'avenir au secteur privé, alors que tout l'argent provient du secteur public, cela pose aussi des problèmes de déphasage entre respectivement le canton, la structure intercantonale et la Confédération. Nous ne pouvons pas oublier cela dans le développement actuel.
Et, surtout, les discussions engagées dans le cadre de l'enseignement supérieur, particulièrement à la Conférence universitaire suisse, et les propos tenus par M. Charles Kleiber lui-même, au nom de Pascal Couchepin, nous disent aujourd'hui que nous allons tout revoir, que ce soit le financement des Universités, des Ecoles polytechniques fédérales, des Hautes écoles spécialisées ou encore - comme vous le savez - des bourses. Cela revient à dire qu'aucun système n'est aujourd'hui stabilisé, qu'il n'y a aucune pérennité assurée et qu'on ne peut pas dire aujourd'hui que, même au niveau national, la structure, le contour, le contenu et le financement des HES sont assurés. Le principal péril aujourd'hui en ce qui concerne le développement des HES n'est pas à Genève, il est à Berne.
La deuxième dimension importante est celle de l'aspect intercantonal. Vous relèverez à cet égard que les deux projets de lois ont une importance toute particulière: d'une part, ils permettent d'adapter la libre-circulation des personnes à l'intérieur du pays et d'assurer un meilleur financement pour la suite, et, d'autre part, le deuxième projet de loi offre l'assurance de la participation du canton de Berne, ce qui donnera une assise plus complète à ce qu'on appelle la Suisse occidentale. En effet, il s'agit d'une logique régionale, et pas d'une structure linguistique ou encore culturelle.
Le point cantonal, enfin, m'amène aujourd'hui à situer la démarche du Conseil d'Etat de la façon suivante: vous avez engagé des discussions et travaux autour de la gouvernance qui relève de la HES du canton de Genève. Ces travaux en sont au stade, en commission, de la deuxième lecture, qui est terminée, et nous devons passer à la troisième lecture. Je rends ici hommage au président de la commission ainsi qu'à ses membres pour avoir bien voulu attendre quelque peu, afin que le Conseil d'Etat puisse proposer quelques amendements au stade de la troisième lecture. Et si j'ai pu, au nom du Conseil d'Etat, faire pareille demande, c'est que nous entendions profiter du rapport annuel de gestion 2002 et de l'analyse de tout ce qui s'est passé en 2003 - une année carrefour - pour mettre en perspective les échéances de la gouvernance genevoise. Il aurait été absurde de distinguer et d'ignorer les différents niveaux, ainsi que les côtés de subsidiarités qui en découlent. Ainsi, nous pouvons maintenant, en commission, entamer les travaux, avec la pleine connaissance de ce qui se passe au niveau fédéral, intercantonal, et au niveau des adaptations nécessaires engagées par les deux projets de lois, avec comme perspective de pouvoir asseoir la gouvernance au niveau genevois.
Cette troisième lecture ne sera pas la plus simple - comme vous le savez - mais elle pousse le Conseil d'Etat à vous dire ceci: nous relevons encore une fois l'acquis que représentent les HES pour la période qui vient de s'achever. En même temps, nous savons que c'est encore un pari pour l'avenir, et que la réussite ne dépend pas strictement de l'intercantonal, qui est la structure à laquelle nous nous rallions. Elle relève d'un pari qui fait en sorte que la dimension intercantonale ou régionale rime avec un intérêt cantonal. Il ne saurait y avoir d'intercantonalité comme fuite en avant, se coupant ainsi du terreau que forment les cantons, que forment les écoles, et c'est pourquoi - notamment au niveau romand - nous avons retenu la logique d'une école cantonale faisant partie d'un réseau, et qui représente l'école intercantonale au niveau de la Suisse occidentale.
En fin de compte, l'objectif de ce rapport - avec la perspective des amendements - est de dire que nous avons connu une période de développement et que nous avons d'autres échéances devant nous. Il convient, autant que faire se peut - c'est en tout cas mon ambition - de réconcilier au maximum les forces cantonales autour de la nécessité de défendre notre intérêt cantonal, dans la perspective - dans laquelle nous nous inscrivons - de défendre un développement régional du réseau des Hautes écoles spécialisées et, en même temps, de l'enseignement supérieur de notre pays.
Les projets de lois 9094 et 9095 sont renvoyés à la commission de l'enseignement supérieur.
Le président. Je vous remercie. Même si M. Thion avait demandé qu'on prenne acte du rapport, certains intervenants ont montré que pour pouvoir voter les projets de lois, il fallait discuter du rapport. Je mets donc au vote le renvoi du rapport 497 à la commission de l'enseignement supérieur.
Mis aux voix, le rapport divers 497 est renvoyé à la commission de l'enseignement supérieur.