République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 24 octobre 2003 à 14h
55e législature - 2e année - 12e session - 75e séance
P 1420-A et objet(s) lié(s)
Débat
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je trouve ce sujet assez important. Je vous prie de m'excuser de prendre la parole, mais il y a certains éléments à souligner sur ce sujet.
Le rapport de M. Froidevaux est tout à fait explicite: cette pétition soulève un sujet très important qui est celui des procédures suivies par l'université pour les contrats établis avec le monde extérieur, avec l'économie privée. Cette pétition a tout de même mis en lumière toute une zone d'ombre, de flou, de confusion qui existe dans la gestion interne de l'Université en ce qui concerne les contrats avec l'extérieur et la rétrocession des montants liés aux activités accessoires.
Il est clair que l'Université a besoin de fonds privés pour se financer. Il est nécessaire que les professeurs aient des activités accessoires, mais la manière de gérer ces flux financiers et d'établir les contrats n'est ni claire ni transparente.
Pourtant, la loi a été modifiée. En examinant les derniers comptes de l'Université, nous nous sommes aperçus que les montants rétrocédés sont dérisoires, ce qui prouve que le règlement n'est pas vraiment appliqué. Il y a maintenant un nouveau recteur, il y aura un nouveau conseil de l'Université, aussi la commission de contrôle de gestion a-t-elle déposé cette motion avec la ferme intention d'obtenir des explications du Conseil d'Etat sur les procédures d'autorisation des activités accessoires, sur le contrôle interne existant qui fait défaut et sur les conditions d'indépendance de la recherche.
Nous voulons un bilan de ce qui se passe réellement et, si nécessaire, un projet de modification de la loi sur l'Université.
Je vous encourage à voter cette motion.
M. Pierre Froidevaux (R), rapporteur. La pétition a été déposée parce qu'un chercheur est entré en conflit avec la Faculté pour essayer d'obtenir un brevet. Ce qui me surprend, dans un premier temps, c'est d'apprendre qu'un chercheur de l'Université a pu s'approprier ce brevet et le déposer à son nom. Cela montre un certain laxisme du rectorat dans la gestion du transfert de technologie.
Heureusement, par la suite, tout a été remis en place. Les personnes qui sont à l'origine de cette affaire ont quitté l'Université et nous n'avons pas de raison de faire des remarques supplémentaires, ce d'autant moins que le département de l'instruction publique a établi un règlement qui permet de définir ce que c'est que la propriété intellectuelle.
Cependant, Monsieur le conseiller d'Etat, il y a là un problème de gestion auquel nous vous rendons attentif. C'est pour cette raison que nous avons déposé cette motion parallèlement à cette pétition.
La présidente de la commission a encore rappelé à quel point nous avons été surpris par l'effet de la loi sur l'Université et spécialement des dispositions sur les activités accessoires des professeurs. Nous avions prévu que ces activités entraînaient une ristourne lorsqu'un certain montant dépassait leur salaire. Nous pensions que cette mesure rapporterait quelques millions à l'Etat, or, ce ne sont que 10 000 F qui ont été inscrits dans ce registre. Il y a donc une distorsion entre la volonté politique qui s'est exprimée par la modification de la loi sur l'Université et les faits.
Il faut savoir que cette recherche représente des centaines de millions qui entrent dans l'Université. La manière avec laquelle cet argent est géré mérite plus d'attention de la part du Conseil d'Etat et du rectorat. C'est pourquoi la commission de contrôle de gestion dépose cette motion. Il s'agit de s'assurer d'un suivi à long et à court terme de cette problématique.
Nous vous remercions, Monsieur le conseiller d'Etat, d'y attacher la meilleure des attentions.
M. Albert Rodrik (S). Je tiens tout d'abord, au nom de la commission de l'enseignement supérieur, à remercier la commission de contrôle de gestion, sa présidente et son rapporteur. Nous sommes contents d'avoir pris le pari de confier cette affaire à cette commission en pensant qu'elle serait mieux outillée pour faire ce travail.
Je rappelle que nous avons transféré ce dossier après deux auditions exploratoires. La première étant celle du pétitionnaire et la seconde celle du rectorat et en particulier du responsable des questions de collaboration public - privé. La première audition nous a convaincus que beaucoup de choses relevaient de la justice et de la procédure civile et ne nous concernaient donc pas.
La deuxième audition en revanche nous a convaincus que les pouvoirs publics, Grand Conseil et Conseil d'Etat, avaient beaucoup de choses à voir là-dedans et les deux exposés que nous venons d'entendre ne contredisent pas ce point de vue.
Cela étant, M. Froidevaux n'a pas souligné la seule anomalie: la production insuffisante de rétrocession sur la base de la précédente révision de la loi. Ce qui est nouveau et réjouissant, c'est que dans la dernière révision, adoptée il y a environ un an, nous avons introduit un début de base légale pour régler ces questions. Autant l'Université doit être dans la cité, autant elle doit avoir des rapports et des collaborations avec le secteur privé, autant ceci doit se faire dans la clarté, la transparence et dans le cadre de règles d'éthique et de transparence claires.
Nous avons mis quelques débuts de base légale en faisant confiance au Conseil d'Etat pour réglementer cette affaire. Il est clair que nous sommes au début du chemin et il faudra examiner si les dispositions que nous avons introduites - et qui commencent à avancer comme un bébé marche à quatre pattes - suffisent ou s'il faut ajouter beaucoup plus et beaucoup mieux dans la loi elle-même. En attendant, le règlement auquel la loi renvoie doit voir le jour et la loi elle-même doit être suffisamment précise et forte.
Voilà ce que nous souhaitons et, encore une fois, merci à la commission de contrôle de gestion d'avoir fait ce travail.
M. Robert Iselin (UDC). Je souhaite remercier les trois intervenants qui m'ont précédé. Je relèverai brièvement que des phénomènes relativement bizarres se produisent effectivement à l'Université. M. Rodrik et, respectivement, la personne qui lui succédera le moment venu seront assurés du plein soutien de l'UDC pour que les abus éventuels que l'on a pu constater ne se reproduisent pas.
Pour le surplus, je recommanderai à M. Sommaruga d'utiliser sa plume plutôt que Léman Bleu lorsqu'il doit remercier toute la République...
Le président. Merci, Monsieur le député. (Ton amusé.)La parole est à M. le conseiller d'Etat Charles Beer.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Le rapport de la commission de contrôle de gestion dont nous devons discuter en premier lieu se conclut par une motion qui résulte du travail engagé à la suite de la pétition 1420. Il convient de noter que la commission de contrôle de gestion s'est attaquée à un problème important, vaste et complexe qui touche non seulement aux différentes questions institutionnelles ayant trait à l'articulation de l'organisation de l'Etat, mais également au rôle spécifique de l'autonomie universitaire et au fonctionnement de cette institution - notamment dans le cadre des liens pouvant exister entre la recherche et le secteur privé. Par secteur privé, j'entends principalement le secteur doté d'une capacité lucrative.
Evoquer ces questions, c'est évidemment entamer un vaste débat. Nous pouvions donc craindre que traiter une telle pétition ne revienne à traiter de tout. Je tiens à saluer le fait que la commission de contrôle de gestion ait su éviter cet écueil en restant centrée sur l'objet même de la pétition - les problèmes annexes ou connexes qu'elle a mis en évidence se trouvant directement en lien avec la problématique soulevée dans la pétition elle-même. Je soulignerai également que, tout en ayant auditionné au cours de vos travaux les plaignants ainsi que les diverses personnes mises en cause, vous avez su vous détacher des problèmes individuels pour en venir à la question de principe.
Pour ma part, je souhaite également m'exprimer sur ces questions de principe. Le premier risque que nous voyons apparaître dans le rapport s'agissant des liens entre le secteur privé à but lucratif et la recherche réside dans la tentation d'orienter cette dernière par les deniers. Il s'agit là d'un risque majeur. Nous avons eu l'occasion de constater dans quelques affaires célèbres - qu'il ne convient par ailleurs pas de commenter ici - à quel point ce problème peut atteindre des proportions terribles. Il serait cependant beaucoup trop rapide, brusque et dangereux de vouloir jeter le bébé avec l'eau du bain, si vous me passez l'expression. En d'autres termes, vouloir se débarrasser de tout fonds privé dans les recherches constituerait un appauvrissement terrible pour notre université. Ce n'est bien évidemment pas la direction que vous nous invitez à suivre: il s'agit de trouver un équilibre complexe entre l'instance qui finance la recherche et celle qui réalise les travaux pour le compte du mandant.
Le deuxième élément à définir est le suivant: à qui appartient la recherche ? Ici, on constate que l'on s'est efforcé avec la nouvelle loi - respectivement, avec le nouveau règlement - de répondre à cette question. On a concentré son attention sur l'université sans forcément réaliser qu'il pouvait exister, ici ou là, des brèches que certains et certaines sont prêts à utiliser de manière à pouvoir s'approprier un certain nombre de recherches alors qu'au regard des éléments en possession de la commission ils n'étaient manifestement pas autorisés à agir de la sorte. Dès lors, nous devons également statuer sur cette complexité même en fonction de ces deux éléments. Il nous faut savoir comment définir à qui appartient un travail. L'université en constitue la base, mais nous avons vu que des brèches permettaient de remettre en cause ce principe. Nous devrons donc remettre l'ouvrage sur le métier. J'aimerais, à cet égard, remercier la commission de contrôle de gestion pour avoir attiré l'attention du Conseil d'Etat et du département de l'instruction publique sur cette nécessité.
Je vous annonce par ailleurs que, connaissant vos travaux en cours, nous avons déjà engagé - ou préengagé - des discussions avec le rectorat, lui-même sensible à ces problématiques. Ce dernier souhaite traiter ces questions et définir des règles permettant d'articuler l'indépendance et la notion de propriété. Ce travail doit être fait avec précision. Nous attendions, à cet égard, le vote du Grand Conseil sur cet objet avant de demander un avis de droit à l'un des plus grands spécialistes en matière de propriété intellectuelle. Cet avis de droit devrait vous permettre de vous orienter en évitant d'agir comme un mammouth dans un magasin de porcelaine ou comme le premier des naïfs dans la forêt vierge. Evitons ces deux écueils ! Nous souhaitons nous outiller, et cet avis de droit constituera notre outil de référence. Nous vous proposons de vous le transmettre sitôt en notre possession de manière que vous puissiez, le cas échéant, avant même l'élaboration de propositions, nous faire les observations que vous jugerez nécessaires par rapport aux directions qui devront immanquablement être prises dans le cadre de l'application de ce règlement.
Pour conclure, j'aimerais vous dire la chose suivante: sur le plan institutionnel, nous attendons de la part du nouveau rectorat, du tout nouveau conseil de l'université, de la nouvelle loi, de la nouvelle mouture du règlement d'application, mais également du nouveau secrétariat général et de la nouvelle présidence au département de l'instruction publique l'opportunité de mettre un certain nombre d'éléments à jour. Je remercie la commission de contrôle de gestion de nous aider dans cette mission.
Le président. La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la commission de contrôle de gestion (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.
Le président. Je mets également aux voix le renvoi de la motion annexée au présent rapport au Conseil d'Etat afin qu'il complète le règlement d'application de la loi C 1 30 dans les meilleurs délais.
Mise aux voix, la motion 1558 est adoptée.
Le président. En raison de l'absence ultérieure de M. le député Vaucher, nous passons maintenant au point 24.