République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9067
Projet de loi du Conseil d'Etat instituant une subvention globale de fonctionnement pour des incubateurs (soutien logistique à la création d'entreprise)

Préconsultation

M. Gabriel Barrillier (R). J'ai lu ce projet de loi avec intérêt. J'avoue rencontrer un problème de procédure et d'attaque de la question qui est important.

Dans l'exposé des motifs, il est écrit que le dispositif actuel d'aide financière est très complet - il y a même une pléthore d'institutions qui s'occupent de ce genre de problèmes, à savoir de financer des entreprises naissantes. Les difficultés actuelles pourraient être résolues par une harmonisation entre ces institutions et la révision de tout le dispositif, mais il est vrai que la liste des institutions et des bureaux est très longue. Or, en même temps, le département et le Conseil d'Etat nous proposent de coiffer ce dispositif, jugé pléthorique et sans harmonisation, par un nouveau dispositif d'aide... Je ne conteste pas cette proposition, mais j'y vois un problème ! Ne serait-il pas possible de joindre les deux textes de projets de lois, puisque vous annoncez un projet de loi d'harmonisation, de façon à examiner de manière cohérente toute cette problématique des start-up et de l'aide financière à ces jeunes entreprises ?

Encore une fois, je ne conteste pas bien évidemment l'effort fourni, cependant il me semble que nous devrions être un peu plus cohérents et effectuer les deux travaux en même temps.

M. Souhail Mouhanna (AdG). Pour une fois, je suis d'accord avec M. Barrillier et son constat. Effectivement, comme lui, j'ai eu la surprise de voir qu'on nous présente un projet de loi dont l'exposé des motifs mentionne que le dispositif actuel comporte des lacunes, qu'il faudra revoir tout cela, et l'on nous annonce un projet de loi tendant justement à cette simplification.

Je pense qu'il aurait été sage que le Conseil d'Etat retire ce projet de loi et qu'il en propose un nouveau, issu d'une étude approfondie et cohérente de l'ensemble du dispositif d'aide aux entreprises. C'était ma première remarque.

Voici la deuxième: on nous dit que les incubateurs d'entreprises vont bénéficier d'un report de capital de Start-PME de l'ordre de quarante millions. En ajoutant aux frais de fonctionnement des crédits de fonctionnement de l'ordre de huit à neuf millions pendant les années de l'expérience, puisqu'il s'agit d'une loi expérimentale, on constate que, là, le Conseil d'Etat fait preuve de largesses absolument indécentes au moment où une majorité de ce Grand Conseil veut couper dans des budgets essentiels, que ce soit au niveau des investissements ou au niveau du fonctionnement de l'Etat et des prestations sociales, éducatives et sanitaires !

Je trouve cela indécent, d'autant plus - et on va le voir tout à l'heure peut-être, quand j'interviendrai sur le rapport concernant Start-PME - que des millions sont jetés par les fenêtres ! J'aurai l'occasion de revenir sur cet aspect.

Je propose par conséquent, et au nom de mon groupe, que le Conseil d'Etat retire ce projet de loi. Quoiqu'il en soit, nous n'entrerons pas en matière.

M. Luc Barthassat (PDC). Il s'agit d'un bon projet de loi. Ce projet d'incubateurs permettra à Genève de dynamiser sa recherche et sera au service de la croissance économique, des emplois, donc du progrès social.

Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que la biotechnologie représente l'un des secteurs économiques les plus prometteurs; active dans de nombreux domaines, comme la recherche fondamentale, la médecine, la fabrication de médicaments ou encore l'environnement, elle est l'une des technologies de l'avenir et porteuse d'un marché porteur.

En favorisant ce projet d'incubateurs, Genève soutient ses chercheurs en mettant à leur disposition le premier financement, le développement technique pour aboutir à un produit ou à un procédé commercialisable, les ressources humaines, le management et la préparation au prochain tour de table financier. En outre, l'incubateur comprend des laboratoires, des bureaux et des infrastructures permettant l'éclosion de nouvelles entreprises.

Le groupe PDC demande donc le renvoi de cet objet en commission - où l'on aura l'occasion de discuter de tous les problèmes soulevés - afin d'avancer dans ce dossier et d'activer l'incubateur cité aussi rapidement que possible.

M. Robert Iselin (UDC). Je suis désolé de devoir vous dire que tous ces systèmes que l'on invente et que l'on nomme «incubateurs» - j'ai dû lire le texte deux fois pour comprendre qu'il ne s'agissait pas d'encourager la naissance des poulets - ne mènent nulle part...

Dans l'économie, il n'y a qu'une seule chose qui compte: ce sont des hommes d'affaires ou des capitaines d'entreprises qui sont décidés à prendre des risques et qui doivent être soutenus par des mesures fiscales ou autres pour faciliter leur démarche et leur action.

Les incubateurs sont pleins de gens qui n'y comprennent strictement rien et qui dirigent tous ces projets dans des directions où ils ne devraient pas aller !

M. Sami Kanaan (S). Je me réfère à ce que vient de dire notre collègue Iselin. C'était peut-être valable à une certaine époque, Monsieur Iselin, cela ne l'est plus que très partiellement voire plus du tout !

De nombreux incubateurs ou de technoparcs ont rencontrés des problèmes, c'est un fait, mais il y a aussi toute une série d'institutions qui fonctionnent très bien. Vous n'avez, pour vous en convaincre, qu'à visiter l'EPFL et son parc scientifique - il y en a d'autres en Suisse. C'est une grave erreur que de croire que ces institutions sont inutiles sur le principe.

Il se trouve, Monsieur Iselin, que les conditions dans lesquelles on peut créer une entreprise aujourd'hui ont changé. C'est devenu extrêmement complexe. Certaines mauvaises langues diront que ce sont essentiellement des règlementations étatiques excessives qui rendent les choses complexes, ce n'est pas vrai: les conditions d'entrée sur le marché sont complexes; les paramètres scientifiques sont complexes. D'ailleurs, nous avons souvent affaire à des gens géniaux sur le plan scientifique ou technologique, mais qui n'ont pas forcément les compétences sur le plan de la gestion ou des finances. A priori, ce genre d'initiative n'est pas négative, bien au contraire !

Cela étant, j'apporterai un bémol, à deux titres. Premièrement, il faut faire attention aux règles du jeu, parce que l'expérience des dernières années montre que, en général, dans le domaine du partenariat privé, l'Etat n'a pas fini d'apprendre comment être partenaire sans «se faire avoir», sans que les fonds publics soient utilisés de manière plus ou moins transparente - même si cela n'est pas à mauvais escient. L'Etat doit également apprendre à être sûr que les règles du jeu sont claires: qui gagne quoi, quand, qui investit quoi, quand, et qui est propriétaire de quoi. D'ailleurs, l'université l'a appris récemment et plusieurs fois, à ses dépends.

Donc, l'amateurisme n'a aucune place et, même si le but premier est de soutenir des entreprises - nous y avons tout intérêt - je crois qu'il faut faire extrêmement attention. Sans rendre le contrôle trop lourd, un suivi rapproché de ce genre d'opérations est indispensable.

Sur le plan des biotechnologies, il y a un autre bémol. J'aimerais tout de même rappeler qu'il n'y a pas de consensus absolu sur un enthousiasme illimité pour toutes les variantes de cette biotechnologie, en particulier lorsqu'il s'agit de manipulations génétiques. Sur le plan éthique et sur le plan des principes, nous ne sommes pas forcément enthousiastes pour n'importe quelle initiative. Notre entousiasme est donc sélectif.

Je voudrais donner un exemple de ce que nous aimerions éviter dans ces interfaces public/privé. Il y a des investissements spéculatifs en bourse, comme cela a été le cas avec l'université qui investissait des fonds publics à une époque où c'était effectivement rentable. Or on se retrouve tout à coup avec des taux négatifs de rendement; et qui doit potentiellement payer la facture ? C'est l'Etat, sans avoir jamais eu d'influence sur les choix d'investissement. C'est aussi le cas avec Start-PME. Là aussi, on aimerait un suivi extrêmement strict. On se demande d'ailleurs s'il ne faudra pas, un jour, prévoir un cadre plus général pour ce genre de partenariat public/privé, pour être certains que les choses se déroulent de manière transparente.

Ce projet est renvoyé à la commission de l'économie.