République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8990
Projet de loi de MM. Claude Marcet, Jacques Pagan, Gilbert Catelain, Jacques Baud, André Reymond, Georges Letellier, Robert Iselin, Yvan Galeotto modifiant la loi sur les taux d'intérêts dus sur les créances fiscales (D 3 55) et la loi générale sur les contributions publiques (D 3 05)

Préconsultation

M. Claude Marcet (UDC). J'interviens pour la deuxième fois - je vais être aussi bref que pour la première. En ce qui concerne les créances fiscales de l'administration fiscale contre un certain nombre de contribuables, vous le savez, l'administration fiscale prélève un intérêt de 5% sur ces créances.

Bien évidemment, cet intérêt peut, dans un premier temps, être qualifié «d'usuraire», puisque l'Etat lui-même le refinance - on le sait, dans le cadre du budget - à un taux de 2,40 ou 2,50% -  peu importe. Cela permet de dire que ce taux d'intérêt - ne serait-ce que sur la quotité même du taux - est un impôt déguisé...

Deuxième chose. On commence à calculer un impôt dès le premier jour de la période fiscale. On me dira que c'est tout à fait normal, mais il faut tout de même savoir que les entreprises ont six mois pour établir leur bilan, selon la loi. Et je vois mal comment on peut commencer à réclamer des intérêts à une entreprise sur une créance que celle-ci ne connaît même pas, le premier jour de l'année qui la concerne !

Il est en effet tout à fait normal de réclamer des intérêts sur une créance qui n'est pas payée - je le conçois parfaitement - mais, si l'administration avait un minimum le sens de l'équité, elle renverrait cette créance à une date valeur, pour le début du calcul des intérêts, qui soit une date honnête, éthique, et qui corresponde à une réalité économique. Ensuite, l'intérêt serait également calculé à un taux économique et non pas à un taux usuraire, hors de proportion.

Mme Mariane Grobet-Wellner (S). Les choses sont un peu plus compliquées dans ce cas de figure...

Je voudrais tout d'abord rappeler, si mon souvenir est bon, la quasi-unanimité de ce parlement sur la nécessité de diminuer la dette de notre canton... Or, ce projet va à fins contraires !

Il propose non seulement d'augmenter d'une année la durée d'avance de trésorerie de l'Etat à 0%, mais encore de diminuer fortement, par la suite, la rémunération en intérêts de cette avance.

Ce projet aura pour effet de supprimer l'incitation - principale  à adapter les acomptes relatifs à la facture fiscale finale en cas d'augmentation de revenus taxables du contribuable et d'accroître les besoins d'emprunt de l'Etat.

Le passage au système postnumerando a eu pour effet que les impôts dus pour une année x sont déterminés au courant de l'année suivante. Entre-temps, le contribuable est invité à verser des acomptes durant l'année x, à valoir sur sa facture fiscale finale. En théorie, les acomptes versés doivent correspondre, à peu de chose près, à la facture finale. C'est la raison pour laquelle l'AFC invite le contribuable à adapter le montant des acomptes à la hausse, en cas d'augmentation de revenu taxable. Elle est, pour la même raison, également tout à fait ouverte à une diminution du montant des acomptes, sur demande justifiée du contribuable.

Si l'administration ne peut connaître l'évolution de la situation fiscale de chaque contribuable avant d'avoir reçu sa déclaration fiscale, il est peu probable que le contribuable l'ignore totalement lui-même... En cas de doute, du reste, les aimables services de l'AFC sont certainement à sa disposition pour l'éclairer. C'est dire que le contribuable peut, s'il le souhaite et en tout temps, adapter le montant de ses acomptes, afin de ne pas avoir à payer une somme importante correspondant aux intérêts sur le solde d'impôts. Le fait de savoir - et c'est ce qui est important - qu'il faudra verser un intérêt sur le solde dû - facture fiscale finale, moins les acomptes versés - est une incitation importante pour le contribuable à adapter de lui-même ses acomptes à la hausse, s'il le faut.

Le groupe socialiste est d'avis qu'au lieu de diminuer l'effet incitatif d'adapter ses acomptes, il faudrait, au contraire, rendre cette incitation plus attrayante pour réduire le besoin d'emprunter de l'Etat.

Et c'est dans cet objectif que nous examinerons ce projet de loi en commission.

Mme Michèle Künzler (Ve). Je rappelle que cette procédure avait été mise en oeuvre d'après l'exemple canadien... Il faut en effet inciter les contribuables à payer leurs impôts à l'avance, ce qui diminue d'autant la dette de l'Etat. Il faut toutefois signaler que le même taux est appliqué pour les remboursements effectués aux contribuables qui payent trop... A la limite, ils font un bon placement !

Nous avons donc tout intérêt à ce que les contribuables payent rapidement leurs impôts, mais nous sommes évidemment disposés à examiner ce projet de loi de plus près en commission.

M. Christian Luscher (L). En un mot, j'estime que ce projet a ceci de séduisant qu'il correspond à une norme assez générale admise en Suisse, selon laquelle on ne prélève des intérêts qu'à partir du moment où une somme est exigible. C'est à partir de ce moment-là que les intérêts moratoires commencent à courir - ce sont les articles 102 et suivants du Code des obligations. Je pense qu'il est bon pour l'unité et la sécurité du droit que les mêmes critères soient appliqués, quel que soit le domaine concerné.

Ce projet me semble donc sensé.

Ce projet est renvoyé à la commission fiscale.

Le président. Monsieur Cramer, vous pourrez intervenir en commission... (Exclamations.)Nous passons au point 21 de notre ordre du jour.