République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 18 septembre 2003 à 17h
55e législature - 2e année - 11e session - 66e séance
IU 1464
M. Ueli Leuenberger (Ve). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, dans le message relatif aux mesures d'allègement du budget, le Conseil fédéral propose entre autres un arrêté urgent modifiant la loi sur l'asile. Il est prévu d'exclure de l'assistance aux requérants d'asile ceux qui auront fait l'objet d'une décision de non-entrée en matière, même si le renvoi ne peut être exécuté immédiatement. Si ce projet est adopté lors de la session d'automne, celui-ci s'appliquera dès le 1er janvier 2004. Il aura de graves conséquences pour les cantons dans lesquels un grand nombre de personnes se retrouveront sans moyen d'existence, avec des risques pour leur santé et la tentation de se livrer à une délinquance de survie. Paradoxalement, le message du Conseil fédéral, tout en voulant exclure ces requérants déboutés de l'assistance prévue par la loi sur l'asile, mentionne qu'en cas de besoin ces personnes pourraient bénéficier d'une assistance cantonale, sur la base de l'article 12 de la Constitution fédérale qui prévoit le droit à une assistance minimale.
Mes questions s'adressent à la délégation aux réfugiés du Conseil d'Etat: combien de requérants d'asile ayant fait l'objet d'une décision de non-entrée en matière vivent actuellement dans le canton, et combien s'en ajoute-t-il par mois ? Qu'entend faire le Conseil d'Etat de toutes ces personnes le jour où elles devraient, comme le prévoit le message du Conseil fédéral, quitter les structures d'accueil et d'aide aux requérants d'asile de l'Hospice général ? Le Conseil d'Etat entend-il adapter en conséquences les dispositions relatives à l'assistance, de façon à assurer le respect du droit constitutionnel à un minimum d'assistance, soit logement, nourriture et habillement ? Un nouveau service séparé sera-t-il créé ? A-t-on une idée des effectifs, de son emplacement et de son mode de fonctionnement ? Sera-t-il en mesure de répondre aux besoins sans délai ? Est-il prévu d'informer systématiquement les requérants déboutés de ce système d'assistance cantonale alternatif, pour éviter que ceux-ci ne tombent dans le dénuement, avec tous les effets pervers qui en résulteraient ? Enfin, le canton dispose-t-il de garanties de la Confédération sur le remboursement des frais entraînés par ce nouveau système, y compris sous l'angle de la sécurité et de la santé publiques ?
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Monsieur le député, j'aimerais peut-être vous rappeler dans un premier temps que le Conseil d'Etat avait fortement marqué son opposition en consultation fédérale, lorsqu'il avait été interrogé sur cette hypothèse. Nous l'avions d'ailleurs fait non seulement par courrier, mais aussi par la présence de l'un d'entre nous à Berne, lors de la conférence de consultation qui a eu lieu en mai ou juin dernier. Nous l'avions fait à plusieurs titres, mais surtout à un titre, au fond, élémentairement simple: la décision de non-entrée en matière, lorsqu'elle ne peut pas s'assortir d'une mesure de renvoi, ne peut pas signifier l'abandon des mesures qui permettent actuellement d'héberger ces personnes. On nous demanderait au fond de prendre en charge des personnes, parce que la Confédération a pris une décision qu'elle n'est pas en mesure d'appliquer. Ce type de non-sens conceptuel nous paraissait à lui seul suffisant pour ne pas aller beaucoup plus loin.
Cela étant dit et pour essayer de répondre à vos questions, s'agissant du nombre, je crois savoir que, depuis le 1er janvier de cette année, c'est un peu plus de cent septante décisions de non-entrée en matière qui sont à Genève, soit un taux de l'ordre de vingt-cinq par mois, d'ailleurs plutôt en baisse ces derniers mois.
Qu'est-ce que le Conseil d'Etat entend faire ? Le Conseil d'Etat, pour le moment, réfléchit. Cette décision - vous en conviendrez - est très récente, même si on pouvait s'y attendre. Tout d'abord, un groupe de coordination qui s'occupe des réfugiés et des oeuvres d'entraide va recevoir M. Gerber début octobre - le 6, je crois - à Genève, pour que soit discuté très largement l'ensemble des questions que vous avez posées. D'un autre côté, je viens de créer un groupe de travail pour déterminer les conditions de prise en charge, et je ne peux donc pas donner de réponse détaillée à l'ensemble de vos questions. La ligne politique sera simple: il faut éviter à ces gens de devoir rentrer dans la clandestinité sous peine, premièrement, d'aggraver leur situation et, deuxièmement, de rentrer dans une hypocrisie dont nous entendons bientôt sortir dans d'autres domaines.
Le logement se fera dans les structures habituelles d'accueil aux requérants. Nous n'avons plus de CERA à Genève - vous le savez, il est à Vallorbe - mais nous avons des structures d'accueil et de logements qui seront mises à disposition de ces requérants comme des autres.
Enfin, nous appliquerons à la lettre les considérations de notre Constitution helvétique, qui nous imposent - et c'est une imposition que je ne qualifierai pas de douce, mais de légitime - de permettre à chaque personne qui est dans notre pays de pouvoir y vivre avec un minimum, de pouvoir y vivre dignement. Quant aux garanties de la Confédération, vous l'aurez bien compris, quand on cherche à économiser d'un côté, on ne vous fait pas de promesse de remboursement de l'autre ! Il y a toutefois une possibilité pour que la Confédération accorde aux cantons-villes, dont on imagine qu'ils pourraient être la solution de repli la plus facile pour des gens abandonnés à une forme de clandestinité, des montants supplémentaires pour la prise en charge de ces personnes.
Cette interpellation urgente est close.