République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 18 septembre 2003 à 17h
55e législature - 2e année - 11e session - 66e séance
IU 1455
M. Georges Letellier (UDC). Mon interpellation urgente s'adresse à Mme Micheline Spoerri.
Dans votre interview publiée dans «Le Matin» du 18 août, vous déclarez vouloir nettoyer Genève de ses scènes de la drogue...
Si nous comprenons les raisons politiques de cette louable intention, force est de constater que votre stratégie, opérationnelle depuis un an, ne donne pas les résultats escomptés. Elle ne permet en tout cas pas d'éradiquer le fléau; elle va plutôt l'étendre à tout le canton, voire même, si l'on tient compte des actions dissuasives similaires des autres cantons, à toute la Romandie.
Etant donné que de nombreux centres pour requérants ont été aménagés de longue date pour les recevoir, il est permis de se demander si cette politique de dissuasion et de dispersion des dealers dans les centres-villes n'est pas une méthode généralisée pour faciliter leur intégration sur tout le territoire.
Comme vous le savez, la seule méthode efficace et dissuasive pour lutter contre la drogue est l'expulsion, manu militari, en cas de flagrant délit. Le reste c'est pratiquement du vent !
Vous avez annoncé dans la «Tribune de Genève» cinq cent soixante-deux arrestations pour infraction à la loi sur les stupéfiants, en 2002. Question: sur le nombre d'arrestations, combien y a-t-il eu de procédures d'expulsion ? Sur les expulsions prononcées, combien d'entre elles ont été effectives ?
Vous avez finalement avoué que les dealers ont besoin de l'argent de la drogue pour vivre, alors que leur minimum vital leur est - vous le savez - déjà garanti par l'Etat. Pourquoi cette intox complice, Madame Spoerri ? Par vos propos, voulez-vous justifier le comportement des dealers qui ne sont que le bras visible de la mafia que vous ne combattez pas ou pas assez ?
Vous parlez uniquement des dealers, partie émergée de l'iceberg, mais vous ne parlez jamais du système mafieux qui gère la plaque tournante lucrative de la drogue à Genève. C'est la seconde fois que je pose la question: à qui profite le crime ?
La brigade des stups a-t-elle les moyens de ses prérogatives et la laissez-vous agir comme elle devrait le faire ?
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Monsieur le député, je me demande si vous aviez écouté les considérations que j'avais énoncées lors de la mise en place de la Task Force à l'époque. J'ai toujours dit que ce serait un travail de longue haleine. C'est un travail que j'ai entrepris, car rien n'avait été fait auparavant dans ce domaine, alors même que, depuis des années et des années, la situation se détériorait de façon très visible.
Je n'ai pas de recette miracle, Monsieur, pour résoudre ce type de problèmes, et il était donc évident que la politique mise en oeuvre ne pouvait pas produire ses effets du jour au lendemain. Je le répète, car c'est important: il n'est pas possible de résoudre ce genre de problèmes rapidement.
Deuxième chose. J'avais dit d'emblée que je ne prétendais pas résoudre le problème de la drogue en prenant cette mesure, mais que ce qui m'importait - ce qui m'importe encore aujourd'hui - en sévissant par rapport au trafic de drogue, c'était de dissuader, bien sûr, mais aussi de réduire les effets liés à ce trafic qui génère, vous le savez comme moi, Monsieur, de la criminalité. Il est évident que les opérations menées par la Task Force ne résoudront jamais le problème de fond du trafic de drogue, du grand banditisme, des mafieux, dont vous parliez tout à l'heure, mais il est évident aussi que, sur le long terme, nous arriverons à assainir la situation. La méthode mise en route actuellement est relativement efficace, puisqu'on s'aperçoit qu'il n'y a que 10% de récidive. Le problème est que le phénomène est installé depuis longtemps et qu'aujourd'hui - c'est vrai - nombre de trafiquants ont recours à ce commerce pour se procurer de l'argent. Nous sommes confrontés à un problème très général, problème qui va probablement être débattu dans ce Grand Conseil prochainement concernant le travail clandestin et tout ce qui touche aux problèmes sociaux. Et je ne peux pas apporter des réponses à toutes ces questions du jour au lendemain. Je dis simplement que nous avons besoin de moyens pour continuer cette politique, qui n'a pas encore pu porter ses fruits en un an.
Je vous rappelle encore que pendant le G8 nous avons dû libérer la Task Force de ses tâches habituelles, et j'ai immédiatement reçu des doléances - doléances fondées - car dès l'instant où on n'est plus présent le trafic recommence. Cela veut dire que cette Task Force restera en place une fois pour toutes à Genève, car il n'est pas question qu'un jour, sous prétexte que les choses vont mieux, on prenne la décision de la dissoudre.
Cette nouvelle brigade est mixte et elle a été mise en place à long terme. Il faudra toutefois augmenter son effectif dès que possible. Et je vous informe en outre - dans le cadre des implantations de la police à Genève - que cette brigade est aujourd'hui installée - si j'ose dire - à la rue Marziano. Elle dispose donc des locaux dont elle avait besoin et qu'elle n'avait pas avant. Je vous rappelle enfin qu'il s'agit d'une relation gendarmerie/police judiciaire. L'efficacité de cette brigade en sera donc renforcée. L'ouverture du poste de Cornavin est déterminante dans ce cadre: elle est prévue pour le début de l'année. Avec un noyau policier permanent à Cornavin, dont le relais sera la Task Force, que j'espère renforcer plus tard à Marziano, nous arriverons probablement à de meilleurs résultats, mais il faut un peu de patience.
Voilà, Monsieur le député, ce que je voulais vous répondre.
Cette interpellation urgente est close.
Le président. Nous en sommes à la onzième interpellation. Il en reste dix-huit... J'aimerais vraiment que tout le monde soit bref, dans les questions comme dans les réponses. Monsieur le député Reymond, vous avez la parole.