République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 29 août 2003 à 10h15
55e législature - 2e année - 10e session - 63e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 10h15, sous la présidence de M. Bernard Lescaze, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, Martine Brunschwig Graf, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Robert Cramer, Carlo Lamprecht et Micheline Spoerri, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Thierry Apothéloz, Thomas Büchi, Philippe Glatz, Mariane Grobet-Wellner, Michel Halpérin, David Hiler, Nicole Lavanchy, Christian Luscher, Claude Marcet, Blaise Matthey, Alain-Dominique Mauris, Alain Meylan, Mark Muller, Pierre Schifferli, Louis Serex, Ivan Slatkine, Olivier Vaucher et Pierre Weiss, députés.
Communications de la présidence
Le président. Vous avez trouvé sur vos places la déclaration du Bureau du Grand Conseil concernant la composition des membres de la commission extraparlementaire chargée de vérifier le fonctionnement des institutions durant le G8, ainsi que le texte de leur mandat. Cette déclaration a été adoptée en concertation avec le Conseil d'Etat.
La commission sera composée de MM. Alex Pedrazzini, ancien conseiller d'Etat du canton du Tessin, Jean-François Pittet, ancien commandant de la gendarmerie vaudoise et responsable de la sécurité d'Expo.02, Curt Gasteyger, professeur émérite de politique internationale à l'Institut universitaire des hautes études internationales, et Jean Rossiaud, maître d'enseignement et de recherche à la Faculté des sciences économiques et sociales de l'Université de Genève.
Mandat de la commission extraparlementaire
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Nous reprenons notre ordre du jour avec les urgences acceptées ce matin. La première urgence concerne le point 103 bis, soit le PL 9068.
Premier débat
Le président. J'ouvre le premier débat. La parole n'étant pas demandée, je mets aux voix l'entrée en matière... (L'orateur est interpellé par M. Pagani.)Monsieur le député Pagani, ce projet se trouve sur vos tables ! L'urgence a été acceptée ce matin, et il a été décidé de le voter en discussion immédiate en raison de divers problèmes juridiques. J'en ai donc conclu que vous étiez d'accord de passer directement au vote d'entrée en matière sans ouvrir le débat de préconsultation. Je suis certes allé quelque peu rapidement en besogne. Cependant, comme je constate que personne ne conteste cette procédure, il en sera fait ainsi.
La loi 9068 est adoptée en trois débats par article et dans son ensemble.
Premier débat
M. Jean Spielmann (AdG), rapporteur. La commission des finances a siégé mercredi pour examiner ce projet de loi. Vous ne trouverez donc bien entendu pas de rapport écrit sur vos tables, puisque c'est un rapport oral que je vous ferai.
Ce projet de loi concerne un problème relativement simple, mais qui n'est pas sans poser quelques problèmes mineurs. Vous savez peut-être que la systématique d'engagement des fonctionnaires était la suivante pour l'ensemble de la fonction publique: ceux-ci étaient engagés deux classes en dessous de leur classe de fonction. Or, de récents accords entre la fonction publique et le Conseil d'Etat ont modifié cette pratique: les fonctionnaires ne sont désormais plus engagés qu'une classe en dessous de leur classe de fonction. D'autres accords doivent encore survenir pour modifier cet état de fait.
S'agissant des magistrats du pouvoir judiciaire, l'on ne peut bien entendu pas modifier par voie réglementaire les pratiques d'engagement inscrites dans la loi et les salaires. Bien qu'élus par le peuple, les magistrats ne sont pas classés dans leur classe de fonction immédiate. Suite à la décision du Conseil d'Etat d'instaurer un règlement prévoyant l'engagement des fonctionnaires deux classes en dessous de leur classe de fonction, notre Grand Conseil a en effet voté une loi stipulant que les magistrats devaient également être engagés deux classes en dessous de leur classe de fonction. Malheureusement, les délais d'une loi étant beaucoup plus longs que ceux d'un règlement, un mois avant que nous ayons commencé à appliquer la nouvelle loi d'engagement des magistrats, les normes d'engagement des fonctionnaires avaient changé, puisque ces derniers n'étaient plus engagés qu'une classe en dessous de leur classe de fonction ! C'est pourquoi nous vous proposons aujourd'hui une nouvelle modification de la loi. Cette modification prévoit que l'engagement des magistrats se fasse non pas deux, mais une classe en dessous de leur classe de fonction. Nous vous proposons en outre d'en faire une loi rétroactive au 1er janvier de cette année pour permettre de verser aux magistrats les classes de fonction correspondant à une, et non à deux classes en dessous de leur classe de fonction, comme le prévoit la loi.
La question qui pourrait se poser - et qui l'a d'ailleurs été en commission - est la suivante: est-il légitime que le Grand Conseil modifie la classe de fonction des magistrats étant donné que ces derniers sont élus par le peuple ? La commission a eu une discussion à ce sujet. La majorité de la commission a néanmoins décidé d'accepter ce projet de loi et d'introduire dans la loi la disposition suivante que vous pouvez lire à la page 2 du document qui se trouve sous vos yeux: le traitement des magistrats situés en classe 29 est fixé une classe en dessous de la classe prévue. C'est la proposition que le Conseil d'Etat vous fait et que la majorité de la commission a approuvée.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole est à M. Mouhanna, qui va vous présenter l'amendement qu'il avait déjà proposé à la commission des finances et que vient, en partie, d'expliquer M. Spielmann.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Ce projet de loi suscite un certain nombre de remarques et de commentaires.
En premier lieu, l'exposé des motifs précise que ce projet a pour objectif l'alignement des mécanismes de traitement des magistrats du pouvoir judiciaire sur ceux des membres de la fonction publique. Or, je tiens à souligner que, même si ce projet de loi était adopté, l'analogie entre ces deux groupes n'est pas aussi totale qu'on pourrait l'imaginer, notamment s'agissant des questions liées aux caisses de retraite et aux cotisations.
En deuxième lieu, l'Alliance de gauche trouve injuste d'engager en dessous de leur classe de fonction des personnes appelées à assumer une charge dans une fonction donnée. Prenons à titre d'exemple le cas des magistrats élus par le peuple pour exercer une fonction: il est absurde de les recruter pour remplir une fonction donnée tout en les engageant une ou deux classes en dessous de leur classe de fonction ! Le peuple les ayant jugés aptes à exercer ces fonctions, nous n'avons pas à faire en sorte que ces fonctions se trouvent dévaluées ou dévalorisées ! Ce projet de loi manque à cet égard de cohérence dans la mesure où il propose, dans le même temps, la prise en compte d'une expérience professionnelle. De deux choses l'une: soit les magistrats exerçant une fonction possèdent un niveau de compétence suffisant - voire supérieur, puisque des annuités pour expérience professionnelle sont prévues. Soit tel n'est pas le cas. Je comprends dès lors mal comment un même projet de loi peut émettre simultanément ces deux propositions !
En troisième lieu, je rappelle que les conseillers d'Etat qui, tout comme les magistrats du pouvoir judiciaire, sont élus par le peuple ne sont pour leur part pas engagés deux classes en dessous de leur classe de fonction. L'Alliance de gauche considère que l'ensemble des membres des différents corps de l'Etat et de ses services devraient être directement engagés dans leur classe de fonction.
Pour conclure, je ferai une remarque d'ordre juridique. Ce projet de loi fait référence à un règlement puisque, comme vous le savez, les normes d'engagement dans la fonction publique font partie d'un règlement du Conseil d'Etat concernant le personnel de l'Etat. Or, en cas de modification dudit règlement suite à des négociations entre le Conseil d'Etat et les syndicats de la fonction publique - il se peut par exemple qu'un accord intervienne au niveau de l'engagement dans la classe de fonction - nous nous trouverions une nouvelle fois amenés à modifier ce projet de loi.
C'est pour toutes ces raisons que je proposerai, à titre d'amendement, l'engagement des magistrats du pouvoir judiciaire directement dans la classe de fonction. Je formule bien évidemment en même temps le souhait que ce procédé soit appliqué à l'ensemble des membres de la fonction publique et des employés des différents secteurs subventionnés de l'Etat.
Le président. Merci, Monsieur Mouhanna. Je vous rappelle que ce projet de loi est déposé en urgence à la demande des magistrats de l'ordre judiciaire.
M. Albert Rodrik (S). Ce projet de loi du Conseil d'Etat a effectivement pour but la mise en conformité du traitement des magistrats du pouvoir judiciaire à celui des membres de la fonction publique. M. Mouhanna vous a toutefois rappelé un certain nombre de points qu'il convient de prendre en considération.
J'ai pour ma part été engagé dans la fonction publique trois classes en dessous de ma classe de fonction. Il semblerait cependant qu'au terme d'un long cheminement il n'y aura plus, à partir de l'année prochaine, de purgatoire. Il s'agit là d'une excellente chose. La suggestion d'harmonisation nous évitant de remettre l'ouvrage sur le métier l'année prochaine me paraît logique, et nous l'avons votée en commission. S'agissant de charges élues, l'on peut toutefois se demander si le parallélisme avec la fonction publique est d'une pertinence totale. Je laisse la question ouverte, car je ne voudrais pas que l'on infère de mes paroles une quelconque infériorité de la fonction publique. Il n'en demeure pas moins qu'un magistrat élu et un fonctionnaire engagé et nommé ne rentrent pas tout à fait dans la même catégorie.
Enfin, nous ne nierons pas qu'il est parfaitement louable de vouloir tenir compte de l'expérience professionnelle dans la magistrature comme ailleurs. Dans beaucoup de partis, des voix se sont d'ailleurs élevées pour disposer de magistrats expérimentés. Il a cependant également été dit en commission que les mécanismes que prévoit ce souci louable de vérification de l'expérience nous paraissent pour le moins abstraits, compliqués et aux effets douteux. Je laisse en partage au Conseil d'Etat, à la magistrature et à sa commission de gestion le soin d'étudier la manière de concilier ce légitime souci de disposer de magistrats d'expérience avec de tels mécanismes.
Pour le surplus, nous voterons l'amendement présenté par M. Mouhanna, et nous accepterons ce projet de loi lors du vote final.
M. Gilbert Catelain (UDC). Ce projet de loi présente en effet un certain intérêt, puisqu'il vise à harmoniser la manière dont sont respectivement calculés le traitement et la retraite des magistrats du pouvoir judiciaire. Il nous manque cependant un élément important dans son évaluation: il s'agit du coût qui découlera de son application. Ce projet est fondé sur une modification de la loi d'engagement du personnel de l'ensemble de la fonction publique visant à faire face à un manque de personnel. Or, la situation s'est probablement modifiée au cours de l'année compte tenu de l'évolution économique; il doit donc, à mon sens, être beaucoup plus facile qu'auparavant d'engager du personnel.
La question que nous devrions plutôt nous poser est la suivante: la mesure prise il y a deux ans d'engager respectivement une classe en dessous et directement dans la classe finale est-elle encore d'actualité au vu, d'une part des finances publiques, d'autre part du coût engendré par une telle mesure ? Le groupe UDC se penchera sur cette question et proposera certainement un projet de loi modifiant les mesures prises il y a deux ans.
Je suis personnellement très sceptique quant à l'adaptation à la magistrature des mesures décidées pour la fonction publique. En revanche, je souhaite obtenir une réponse à la question du coût consécutif à l'application de ce projet de loi.
M. Jean Spielmann (AdG), rapporteur. Je fournirai des éléments de réponse aux diverses questions qui ont été posées.
La première question, posée par M. Rodrik, concernait la manière dont serait prise en considération l'expérience des futurs magistrats. J'y répondrai ainsi: il a été précisé en commission - et les représentants du pouvoir judiciaire l'ont très clairement affirmé - que les connaissances techniques de l'office du personnel seraient utilisées pour l'évaluation des personnes et des expériences mais que la décision finale quant à la classification des magistrats serait du ressort du pouvoir judiciaire. Il s'agit donc simplement d'une aide qui est demandée à l'administration. Dans la loi telle qu'elle est prévue, les renvois à la loi sur la fonction publique ne figurent qu'à titre indicatif et consultatif. C'est la magistrature qui restera responsable de la fixation du traitement des magistrats.
S'agissant des questions soulevées par M. Catelain, j'apporterai deux éléments de réponse. En premier lieu, il est inexact de déclarer que l'on va mettre à plat la situation et que l'on va supprimer l'année de moins pour les magistrats comme cela est le cas pour la fonction publique. Je vais vous expliquer quel est l'objectif de ce projet de loi: l'ensemble des membres de la fonction publique étaient jusqu'alors, par voie de règlement, engagés deux classes en dessous de leur classe de fonction. Quand des accords entre le Conseil d'Etat et les associations du personnel sont intervenus et que les membres de la fonction publique n'ont plus été engagés qu'une classe en dessous de leur classe de fonction, les magistrats ont demandé à bénéficier du même traitement. Mais la loi sur le traitement des magistrats avait déjà été modifiée au préalable pour que l'engagement de ces derniers se fasse deux classes en dessous de leur classe de fonction, et cette loi n'est entrée en vigueur que peu de temps avant que les fonctionnaires ne soient plus engagés qu'une classe en dessous de leur classe de fonction. La loi concernant les magistrats retarde donc toujours d'une année par rapport au traitement des membres de la fonction publique. Ce que nous vous proposons aujourd'hui, ce n'est pas de supprimer l'engagement des magistrats dans une classe inférieure - proposition faite dans l'amendement de M. Mouhanna - mais c'est de mettre en adéquation le traitement des magistrats avec celui de la fonction publique, et ceci afin que les magistrats ne soient pas pénalisés de deux classes. Deux arguments viennent à l'appui de cette mesure: tout d'abord, les magistrats étant élus par le peuple, il est plus discutable de les engager deux classes en dessous de la classe de la fonction pour laquelle ils ont été élus. Ensuite, il n'y a aucune raison de les pénaliser davantage que la fonction publique.
L'autre question qui demeure en suspens, c'est de savoir si l'on veut aujourd'hui modifier la loi pour une classe de fonction alors que l'on sait que cette mesure va être adaptée et qu'il faudra modifier une nouvelle fois la loi dans quelques mois. Il s'agit d'une question que notre Grand Conseil devra trancher en se prononçant sur l'amendement de M. Mouhanna.
Quant au coût de cette mesure, il faut savoir que cette disposition ne touche pas l'ensemble de la magistrature, mais uniquement les nouveaux magistrats. Si l'on modifie la loi, seuls les nouveaux magistrats seront directement engagés dans leur classe de fonction dès l'année prochaine; les anciens magistrats poursuivront pour leur part leur cursus. Voilà, Mesdames et Messieurs, les éléments sur lesquels vous pouvez prendre position.
Concernant le chiffrage, il faut également savoir que la loi proposée aujourd'hui possède un effet rétroactif au 1er janvier 2003. Les fonctionnaires ayant été engagés une classe en dessous de leur classe de fonction bien avant les magistrats, ces derniers demandent un traitement identique. Du fait de l'effet rétroactif de la loi, la nouvelle mesure touchera les magistrats des nouvelles juridictions que le Grand Conseil a décidé de mettre en place ainsi que les magistrats engagés au cours de l'année 2003. Seuls ces magistrats bénéficieront de cet effet rétroactif. Voilà quelles sont les conséquences financières de ce projet de loi, conséquences sans commune mesure avec celles engendrées par les nouvelles dispositions d'engagement de l'ensemble de la fonction publique: il ne s'agit ici que de quelques magistrats entrés au cours de l'année 2003.
Le président. Merci pour vos précisions, Monsieur le rapporteur. Il est vrai que cet objet est relativement compliqué pour les députés qui ne siégent pas à la commission des finances. Le projet de loi concerne donc uniquement les magistrats, tandis que l'amendement de M. Mouhanna tente, lui, d'étendre un certain nombre de points à la fonction publique.
M. Jean-Marc Odier (R). Nous approuverons ce projet de loi, car il vise à rectifier une situation illogique et il demande une égalité de traitement entre les magistrats - notamment du pouvoir judiciaire - et les membres de la fonction publique de manière que tous soient, pour l'instant, engagés une classe en dessous de leur classe de fonction dans l'échelle de traitement des salaires de l'Etat.
Nous ne pouvons en revanche approuver la proposition de M. Mouhanna, car la situation serait dès lors plus favorable aux magistrats qu'à la fonction publique. Une telle situation ne laisserait que peu de marge de manoeuvre au Conseil d'Etat, lequel devrait négocier avec la fonction publique et les syndicats afin de rétablir une égalité de traitement. Nous estimons pour notre part que le Conseil d'Etat doit avoir les mains libres pour négocier l'ensemble des salaires de la fonction publique. Or, en votant l'amendement proposé par M. Mouhanna, nous ne lui en laisserions pas la possibilité. Je vous invite donc à rejeter vivement la proposition d'amendement de M. Mouhanna.
M. Souhail Mouhanna (AdG). L'argumentation de M. Odier ne tient pas la route, et ceci tout simplement parce que les magistrats du pouvoir judiciaire sont élus par le peuple pour occuper une fonction. Ils se trouvent donc exactement dans la même situation que le Conseil d'Etat, également élu par le peuple pour exercer une fonction. Or, les conseillers d'Etat ne sont pas engagés deux classes en dessous de la classe de fonction qui est la leur ! Il existe donc, à mon sens, un problème sur ce point. Je rappelle d'autre part que l'analogie entre les magistrats du pouvoir judiciaire et les membres de la fonction publique n'existe pas d'une manière aussi étendue que certains tentent de nous le faire croire. La caisse de retraite des magistrats du pouvoir judiciaire est, par exemple, beaucoup plus favorable que celle des membres de la fonction publique.
Cela étant, je ne suis pas en train de plaider la cause des membres du pouvoir judiciaire. Le seul point, à mon sens tout à fait logique, sur lequel je souhaite insister est le suivant: il existe une fonction, et des individus ont été élus pour l'exercer. Je ne comprends dès lors pas pour quelle raison le traitement affecté à cette fonction se trouve réduit de deux classes, parce que le Conseil d'Etat a décidé, de manière incorrecte, d'imposer à la fonction publique un engagement deux classes en dessous de la fonction exercée par les membres du personnel ! Il y a là une injustice vis-à-vis de la fonction publique, et cette injustice peut être corrigée par une modification du règlement du Conseil d'Etat. Il appartient au Grand Conseil de faire en sorte que cette irrégularité à l'encontre des membres du pouvoir judiciaire soit rectifiée. Je propose cet amendement précisément dans le but d'éviter cette irrégularité, en espérant que le Conseil d'Etat décidera d'en faire de même pour les membres du personnel de la fonction publique.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Compte tenu de la façon dont vous bouleversez parfois l'ordre du jour, je n'ai pas le projet initial sous les yeux. Je n'ai donc pas pu trouver sur le siège le montant exact de la rétroactivité. Je souhaite en revanche vous faire part de quelques points.
Je tiens en premier lieu à souligner que le projet en lui-même, tel qu'il figure sous vos yeux, est indispensable, car il rétablit une situation qui n'a pas été désirée en tant que telle. Je m'explique: à l'époque où avait été prise la décision concernant la classe de fonction pour la fonction publique, il n'avait probablement pas été remarqué que la loi sur le pouvoir judiciaire devait être modifiée afin de prendre la même disposition pour les magistrats. Lorsque le Conseil d'Etat a déposé ce projet de loi, il estimait qu'il était important de rétablir ce parallélisme.
J'aimerais vous rappeler une deuxième chose. Si vous voulez traiter la problématique du pouvoir judiciaire, de sa rétribution, de son niveau et de la question de savoir s'il devrait faire l'objet d'un traitement séparé ou non, il me semble que vous devriez en faire l'objet d'un débat en tant que tel. Je ne pense pas qu'il faille introduire de nouveaux éléments à l'occasion de ce projet de loi. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes limités au rattrapage d'une année, et non de deux, dans la classe de fonction.
Je profite de cette occasion pour vous informer des discussions du Conseil d'Etat à l'heure actuelle. Si je vous en informe, c'est parce que celui-ci a eu l'occasion d'en faire part aux associations du personnel. Tout est, de par les obligations légales, un dû. Depuis le début des années 90, nous avons vécu des années de déficit qui nous ont contraints à prendre un certain nombre de mesures. Aujourd'hui, nous nous trouvons dans une situation où - nous l'espérons de façon passagère - il nous faut faire face à de nouvelles difficultés financières. Le Conseil d'Etat avait chiffré l'entrée dans la classe de fonction avec un palier d'une année à 16 millions. Lorsqu'il a franchi le pas, ce chiffrage n'était pas encore définitif. J'ai observé le coût de cette mesure pour une demi-année en 2002. Ce chiffre figurant dans les comptes, vous savez que cette disposition a coûté près de 8 millions. Le chiffrage pour la totalité de l'année 2003 se monte quant à lui à 15 400 000 F. Nous avons déclaré aux associations du personnel qu'au vu des difficultés dans lesquelles nous nous trouvions, nous n'avions pas comme première priorité l'introduction d'une deuxième année dans la classe de fonction. Il s'agira d'avoir un débat à ce sujet - et ce d'autant plus que, comme l'a très justement rappelé M. Odier, la situation du marché du travail a évolué entre le moment où a été prise cette décision et le moment présent. Revenir en arrière sur les événements qui se sont produits il y a deux ans nécessiterait un autre débat, car il est dangereux de faire des aller-retour et il faut savoir, à un moment donné, s'arrêter en chemin.
Je peux d'ores et déjà affirmer qu'à moins que le Grand Conseil n'en prenne la décision - mais ce dernier ne peut pas modifier la loi - il est fort probable que le Conseil d'Etat n'introduise pas dans le budget 2004 les éléments supplémentaires qu'entraînent les 15 à 16 millions nécessaires à une nouvelle progression dans la classe de fonction. Vous devez comprendre cette décision. Comme vous mènerez des débats sur cette question, je préfère le dire très clairement aujourd'hui. Cette décision rend à mon sens la discussion sur l'amendement de M. Mouhanna inutile pour l'instant. Nous aurons toujours, le cas échéant, la possibilité de modifier la loi au moment opportun. D'autres discussions devront alors également être menées par rapport à la problématique du pouvoir judiciaire.
En conclusion, je vous demanderai de voter aujourd'hui la loi telle qu'elle a été présentée et de ne pas y introduire d'amendement. Si vous le faites, vous introduirez une autre inégalité. De surcroît, c'est sciemment que vous l'introduirez, en pensant que le Conseil d'Etat en fera de même pour les membres de la fonction publique ! Mais cela coûterait 15 à 16 millions qui, je vous le dis, pèseront lourd dans le budget 2004 !
Le président. La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix l'entrée en matière en premier débat de ce projet de loi.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article 1 (nouvelle teneur).
Le président. M. Mouhanna propose un amendement à l'article 18. Cet amendement consiste à supprimer l'alinéa 3, l'alinéa 4 devenant l'alinéa 3. Je mets aux voix cet amendement.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Le président. Je m'excuse, Monsieur Mouhanna, mais je crois être allé un peu trop vite en besogne: j'ai oublié de mettre aux voix le premier de vos amendements, lequel consiste à supprimer l'article 2, alinéa 3. Monsieur le rapporteur, vous souhaitez prendre la parole ?
M. Jean Spielmann (AdG), rapporteur. Oui, Monsieur le président. Les choses vont parfois vite, parfois lentement. En ce qui concerne la loi que nous sommes en train de modifier, il est vrai qu'elle possède plus d'une année de retard par rapport à la fonction publique, puisque cela fait maintenant plus de deux ans que nous avons, pour cette dernière, ramené la carence de deux ans à une année. Comme les dispositions relatives à la fonction publique sont précisées par un règlement, le changement est plus rapide que pour les magistrats, dont les normes d'engagement sont définies par une loi. Or, au moment où le Grand Conseil a décidé d'engager les magistrats deux classes en dessous de leur classe de fonction, le personnel de la fonction publique n'était déjà plus engagé qu'une classe en dessous de sa classe de fonction. La magistrature souffrait donc d'une année de retard. Les lois qui se trouvent actuellement dans les salles du Grand Conseil ne portent d'ailleurs pas encore cette modification. C'est pourquoi l'amendement de M. Mouhanna ne proposait au départ pas la suppression de l'article 2, alinéa 3: il a fallu le rajouter après avoir retrouvé la loi mise à jour entre-temps...
Selon cette dernière, le traitement des nouveaux magistrats est fixé à la classe 29, ce qui correspond à une classe en dessous de leur classe de fonction. Une question pertinente peut néanmoins être posée: le nombre de nouveaux magistrats étant extraordinairement limité, vaut-il vraiment la peine d'effectuer maintenant cette modification pour une année s'il faut ensuite reprendre la suppression de la classe d'en dessous pour les trois ou quatre nouveaux magistrats nouvellement entrés en fonction ? C'est cette question que nous invite à nous poser l'amendement de M. Mouhanna. Si nous le refusons et que le Conseil d'Etat modifie son règlement, j'espère que la prochaine loi qui sera proposée ne le sera pas avec deux ans de retard...
Le président. Madame la conseillère d'Etat, quel est votre avis à ce sujet ?
Mme Martine Brunschwig Graf. Je n'ai rien compris, Monsieur le président ! (Rires.)
M. Jean Spielmann. Le projet de loi que le Conseil d'Etat nous propose a été déposé environ deux ans après la décision d'engager les fonctionnaires deux classes en dessous de leur classe de fonction. Ce projet est passé dans tous les arcanes du Grand Conseil et a été voté. Cependant, au moment de son application, le règlement du Conseil d'Etat avait déjà changé, et la fonction publique n'avait plus qu'une année de carence ! C'est pourquoi nous corrigeons maintenant la loi concernant les magistrats afin qu'ils ne connaissent, eux aussi, plus qu'une année de carence. La loi actuelle possède une année de retard par rapport au règlement relatif à l'engagement du personnel de la fonction publique. Comme il est prévu, dans le futur, d'engager les fonctionnaires dans leur classe de fonction, il faudra modifier une nouvelle fois la loi concernant les magistrats. La prochaine fois, il serait bien de ne pas modifier cette loi avec deux ans de retard...
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Ce projet de loi a été déposé au début de l'année. D'après ma mémoire, lorsque je suis arrivée en fonction, nous en avons discuté, car nous nous sommes aperçus de la différence de traitement entre la fonction publique et la magistrature. Le Conseil d'Etat a donc déposé ce projet en toute connaissance de cause et au cours de la même année. Aujourd'hui, si j'ai bien compris, M. Spielmann souhaite anticiper le moment où nous discuterons de l'entrée dans la classe de fonction avec une nouvelle année pour la fonction publique afin d'éviter une nouvelle modification de la loi. Est-ce bien exact ?
Une voix. Oui.
Mme Martine Brunschwig Graf. Mais je vous ai précisément invité, lors de ma précédente intervention, à ne pas suivre cette proposition ! Ainsi, le jour où nous devrons prendre des décisions s'agissant d'un nouveau palier pour entrer dans la classe de fonction et, partant, d'une mise à niveau, il sera toujours temps de décider de ce que nous entendons faire par rapport à la modification de la loi sur le pouvoir judiciaire. Je demande donc que l'on n'apporte aucun nouvel amendement au projet qui vous est soumis. Mon intervention avait précisément pour but de vous informer que la position du Conseil d'Etat n'avait nullement changé s'agissant de la somme consacrée à la fonction publique dans le budget 2004. Si le Grand Conseil lance une autre proposition, il devra trouver les moyens supplémentaires pour garantir la couverture; il ne pourra d'autre part pas modifier la loi. Pour l'heure, il ne me paraît pas raisonnable d'apporter des modifications.
Le président. Je donne la parole à M. Mouhanna, puisque la discussion sur son amendement a été rouverte.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Mon intervention sera très brève. Il convient de rectifier: mon amendement n'a pas seulement pour objectif de parer au décalage temporel existant, mais il vise à la suppression d'un système absurde et injuste qui consiste à payer les personnes deux classes en dessous de la classe correspondant à la fonction qu'elles sont appelées à exercer. Pour ce qui concerne le pouvoir judiciaire, il s'agit d'une élection par le peuple, et je trouve totalement absurde que le traitement se situe deux classes en dessous du traitement affecté à cette fonction !
Cependant, je déduis des propos de Mme la présidente que les perspectives qui nous permettraient d'espérer l'abolition de ce système absurde sont plutôt sombres. Au vu du vote précédent, je suppose en outre que le parlement va poursuivre dans cette voie. Comme il me semble inutile de maintenir cet amendement, je le retire.
M. Jean Spielmann (AdG), rapporteur. Je tiens simplement à préciser que je ne veux rien du tout, mais que je me contente d'exposer la situation dans laquelle le Conseil d'Etat nous place par rapport à cette loi. Il est vrai que vous avez récemment déposé ce projet de loi, mais il y a deux ans que la situation a évolué ! La loi que nous avons modifiée visait à engager les magistrats deux classes en dessous de leur classe de fonction. Or, lorsque nous avons voté cette loi, il y avait déjà un mois que les fonctionnaires n'étaient plus engagés qu'une classe en dessous de leur classe de fonction ! Et lorsque la nouvelle loi sera entrée en vigueur et que des nouveaux magistrats seront engagés, il est probable que les fonctionnaires ne seront plus engagés une classe en dessous de leur classe de fonction... Vous reviendrez dès lors avec un projet de loi. J'espère simplement que l'on n'attendra pas deux ans !
Le président. Au bénéfice de ces explications, je mets aux voix l'amendement de M. Mouhanna.
Des voix. Il vient de le retirer !
Le président. C'est juste ! Je mets donc aux voix les articles 2 et 18 ainsi que les articles 1 et 2 soulignés.
Mis aux voix, l'article 2 est adopté, de même que l'article 18.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
Troisième débat
La loi 9037 est adoptée en troisième débat, par article et dans son ensemble.
Le président. Nous passons maintenant à la suite des urgences dans l'ordre suivant: les points 52, 56 et 53; puis le point 103 ter; enfin, puisque la présence de M. Cramer sera nécessaire, le point 115.
Préconsultation
M. Jean-Marc Odier (R). Le groupe radical vous propose un projet de loi et une motion visant à rectifier ce que l'on pourrait appeler un deuxième couac. En effet, lorsque le Grand Conseil a voté la LIPP, nous avons fait usage de l'une des clauses permettant une exonération des rentiers du deuxième pilier. Cette possibilité offerte par le droit fédéral n'a toutefois pas été utilisée jusqu'au bout, puisqu'elle n'a été introduite que pour l'année 2001, et non pour l'année 2002. L'exonération d'environ 10% des rentes n'étant plus autorisée, les rentiers du deuxième pilier se sont trouvés en 2002 dans une situation fiscalement difficile, puisqu'ils se sont vu beaucoup plus taxés. C'est ce couac que nous vous proposons de rectifier par le biais du projet de loi 9010. Ce projet concerne l'exercice 2002, bien que celui-ci soit terminé. Nous tenons à ce qu'il puisse y avoir, d'une manière ou d'une autre, une rétroactivité, même si cette rétroactivité devait, par exemple, être prise en compte sur l'exercice fiscal 2003 des contribuables.
La motion invite pour sa part le Conseil d'Etat à imposer, dès l'année 2003, ces rentiers de manière neutre. Cette demande avait d'ailleurs été formulée par le Grand Conseil au moment du vote de la loi. Pour ce faire, nous demandons une éventuelle modification du barème d'imposition ou la réintroduction du système d'exonération qui prévalait jusqu'en 2000.
Je vous invite à appuyer le renvoi du projet de loi et de la motion à la commission fiscale de manière que cette dernière puisse, d'entente avec le Conseil d'Etat, envisager les meilleurs moyens de rectifier l'imposition exagérée des rentiers LPP.
M. Albert Rodrik (S). Je ne sais fichtrement pas si la solution préconisée par le groupe radical est la bonne, mais il est certain que celui-ci a mis le doigt sur la réalité poignante que connaissent un certain nombre de retraités qui ne sont pas millionnaires. Le renvoi en commission s'impose donc afin que nous puissions travailler. Mme Brunschwig Graf a d'ailleurs anticipé ce problème en faisant part aux membres de la commission fiscale de son désir de s'y atteler.
Faut-il opérer une rétroactivité lorsqu'on a vécu ce que l'on a vécu en 2002 à ce sujet ? Mais la problématique, chère Madame, va au-delà de la technique, et les propos de M. Odier ne doivent pas être négligés, car ils renvoient à des problèmes personnels difficiles. Cela étant, bouleverser deux ou trois années d'affilée la perception normale de l'impôt me paraît aussi être une gageure.
Il est de notre responsabilité politique de renvoyer ce projet de loi et cette motion en commission, de montrer que nous sommes sensibles au problème et que nous allons l'affronter. Les détails techniques suivront.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est maintenant à M. Ecuyer pour l'Alliance de gauche.
M. René Ecuyer (AdG). Lors de l'adoption des modifications de la loi fiscale cantonale - modifications qui avaient été rendues obligatoires en raison de l'adoption de la LHID - il nous avait été assuré que toutes les mesures avaient été prises pour que la situation fiscale des retraités ne subisse aucune aggravation. Or, que s'est-il produit ? Nous constatons maintenant des augmentations spectaculaires d'impôts pour une catégorie d'entre eux ! Il convient donc de modifier la loi en question. Nous soutenons également le caractère rétroactif de cette révision. Je vous signale en outre que l'association Avivo soutient ce projet de loi.
M. Jean Rémy Roulet (L). Le groupe libéral soutiendra le renvoi de ce projet de loi en commission fiscale. J'ajouterai cependant un commentaire analogue à celui fait par mon collègue Rodrik: interrogeons-nous d'abord sur la question de savoir si la rétroactivité est une bonne mesure ou non, sachant que la commission fiscale va être saisie d'un immense chantier du fait de certaines décisions fédérales en matière d'imposition fiscale. Il faudra de toute façon procéder à la révision des LIPP I, II, III, IV et V dans un très bref avenir.
La question que l'on peut dès lors décemment se poser - et qui aurait, à mon humble avis, dû être posée du temps de Mme Calmy-Rey - est la suivante: était-il nécessaire d'avoir une loi fiscale cantonale «splittée» en cinq ? Et ne pourrions-nous pas profiter de l'occasion pour en faire une seule, édulcorée, en tenant compte de toutes les problématiques évoquées, notamment, à l'occasion du débat sur le couac fiscal ? Parmi ces problématiques, nous avons longuement débattu de l'imposition des rentiers. Le projet de loi radical met donc une pression politique supplémentaire sur notre parlement, quand bien même il s'agira pour celui-ci et pour la commission fiscale d'étudier très attentivement toutes les modifications à apporter à ce tome de LIPP dans les mois à venir.
Le président. La parole est à Mme Stéphanie Ruegsegger pour le groupe démocrate-chrétien.
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Le groupe démocrate-chrétien se rallie également au renvoi de ces deux projets en commission fiscale. Lorsque nous avions discuté des différentes LIPP, nous avions déjà soulevé le problème relatif à l'imposition des rentes, mais nous avions quelque peu buté contre une impasse liée notamment au droit fédéral. Nous sommes donc heureux de pouvoir reprendre cette problématique en commission fiscale. Nous verrons bien ce que nous pourrons en faire.
M. Roulet a parlé tout à l'heure du couac fiscal dont il a été question l'année dernière. Pour ma part, je rappellerai simplement que nous avions voté une loi introduisant un bilan obligatoire au terme du premier exercice. Nous nous réjouissons de recevoir rapidement ce bilan, en espérant qu'il inclue également la problématique des rentiers. Il ne me semble pas que cette problématique avait été intégrée au projet que nous avions voté puisque celui-ci était spécifiquement destiné à la classe moyenne et aux familles. Il serait toutefois intéressant de pouvoir également disposer d'une analyse des répercussions de la LIPP sur les rentiers. Nous nous réjouissons que le Conseil d'Etat nous rende rapidement ce premier bilan.
Le président. Merci, Madame. La parole est à Mme la députée Künzler pour le groupe des Verts.
Mme Michèle Künzler (Ve). Nous nous rallions évidemment aussi à la proposition de renvoi en commission. Concernant les questions de neutralité fiscale qui ont été soulevées, il n'est pas surprenant que les retraités aient été confrontés à une augmentation, puisqu'ils ont, la dernière fois, bénéficié d'un traitement favorable. Il s'agissait également d'une question de justice face aux jeunes. Il est vrai qu'il faut s'assurer que chacun soit imposé de manière équitable, et nous sommes tout à fait disposés à examiner la situation des retraités en cas de problème spécifique concernant les rentes LPP, car ces dernières interviennent à un moment précis. Mais pour le reste, ce n'est pas une surprise.
Par ailleurs, la mise en oeuvre d'une mesure rétroactive posera d'énormes difficultés. Nous avons déjà introduit une rétroactivité dans d'autres domaines, et nous introduirons ici un problème supplémentaire. Comme l'a relevé Mme Ruegsegger, il me semble nécessaire de tirer en premier lieu un bilan de la situation effective pour tous les contribuables et d'examiner les incidences du paquet fiscal fédéral avant de s'atteler à des corrections au niveau cantonal. Mais, il est quelque peu énervant de se trouver face à un chantier perpétuel au niveau fiscal !
Le président. La parole est à Mme la conseillère d'Etat Martine Brunschwig Graf.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je vous remercie de donner la parole au contremaître du chantier, Monsieur le président... J'aimerais faire deux remarques.
En premier lieu, je tiens à vous faire savoir qu'avant même le dépôt d'un projet de loi ou d'une motion à ce sujet, j'avais informé la commission fiscale de la problématique consécutive à la suppression de la déduction de 10% sur les rentes de prévoyance professionnelle. Il convient d'être clair à ce sujet: ce phénomène n'intervient pas pour des raisons d'harmonisation fiscale, mais il résulte d'une loi votée en 1986 qui annonçait un délai à fin 2001. Cette loi avait en son temps été introduite en raison de la possibilité limitée de déduire les cotisations de la rente de prévoyance professionnelle.
Cela m'amène à faire une seconde remarque sur le discours politique que nous tiendrons à l'avenir. Il faut être très prudent quant au discours sur la neutralité d'une décision prise. Je prends en effet tous les jours connaissance de courriers de contribuables ayant entendu le discours qui leur a été tenu l'année dernière sur la neutralité des effets de la LIPP, voire sur la réduction pour familles de cinquante millions votée dans l'urgence en octobre 2002. Or, dans la réalité, les décisions prises dans le cadre d'une loi produisent sur les cas individuels des effets parfois positifs, parfois négatifs. Au cours du travail qu'il nous reste à accomplir, il s'agit donc de préciser clairement dans notre discours, quitte à ce que celui-ci ait un coût sur le plan politique, quels sont les effets pour quelles catégories de la population. Il me semble impossible qu'un Etat crédible défende une théorie sur la neutralité générale des coûts tout en faisant face à des contribuables qui, à titre individuel, ne se retrouvent pas dans ce discours. La problématique abordée dans ce projet de loi et dans cette motion n'a pas été évoquée dans le discours tenu l'année dernière. Toutes les mesures étant intervenues au même moment, cela peut prêter à confusion pour le contribuable. Or, cela n'a aucune importance pour ce dernier de connaître l'origine de l'augmentation de sa charge fiscale, même si cette dernière n'est nullement liée à la LIPP ! Il se trouve, à un moment donné, confronté à des lois faisant subir à sa situation personnelle des effets auxquels il n'a pas été clairement préparé.
J'ai rencontré les représentants de l'Avivo au printemps. Lors de notre discussion, nous nous sommes mis d'accord sur un point: nous avons convenu de traiter avec attention ce qui se trouve dans notre latitude s'agissant des cas de rigueur. Il s'agit de la même problématique que pour une autre disposition qui touchait, cette fois, les indépendants liquidant leur commerce. C'est la raison pour laquelle je vous demande de ne pas voter de loi avec effet rétroactif. C'est une autre injustice que vous introduiriez par cette mesure, et c'est lancer un processus sans fin par rapport à la sécurité du droit que de chaque fois donner un effet rétroactif aux lois ! Vous créeriez par cette disposition d'autres éléments de distorsion ! Je répète cependant que, dans la mesure où l'administration fiscale le permet, je m'engage à prendre les dispositions nécessaires pour que les cas soient traités, lorsque nous disposons d'une certaine marge de manoeuvre, avec un maximum d'attention. Ceci est et sera fait ainsi. Pour le reste, nous en traiterons en commission.
Je conclus mon intervention en assurant les députés que, depuis le début de l'année, au fur et à mesure qu'apparaissent des éléments pouvant paraître contradictoires ou entraînant des effets particulièrement négatifs, nous les transmettons aux experts chargés d'évaluer l'application de la LIPP. Ces éléments touchent tant les indépendants que les rentiers. Nous souhaitons vivement intégrer ces éléments dans la discussion politique générale. Je rappelle que le rapport intermédiaire des experts devrait arriver sur mon bureau le 29 août, soit aujourd'hui, et que leur rapport final devrait arriver d'ici la fin du mois de septembre. Il nous faudra donc discuter de ces éléments et, comme je m'y suis engagée, présenter à la commission fiscale comme au Conseil d'Etat - puis au Grand Conseil - les éléments nécessaires et les mesures éventuelles à prendre.
Le projet de loi 9010 est renvoyé à la commission fiscale.
Mise aux voix, la proposition de motion 1546 est renvoyée à la commission fiscale.
Préconsultation
Le président. Je donne la parole à M. Droin.
M. Antoine Droin.Je vous remercie, Monsieur le président, mais peut-être les dépositaires de ce projet de loi souhaitent-ils s'exprimer avant moi ?
Le président.Monsieur le député, seuls vous-même et Mme Morgane Gauthier sont pour l'instant inscrits. Personne d'autre n'ayant appuyé sur son bouton, c'est à vous !
M. Antoine Droin (S). Merci, Monsieur le président.
A la première lecture, nous pourrions penser que ce projet de loi est «le» projet de loi que nous avons toujours voulu avoir sans jamais oser le préparer. A la deuxième lecture, ce n'est plus «le» projet de loi que nous avons toujours voulu avoir sans jamais oser le préparer, mais bien «un» projet de loi ordinaire des bancs d'en face. A la troisième lecture de ce projet de loi que nous avons toujours voulu avoir sans jamais oser le préparer, il nous semble proposer un grand coup de lessive avec une marque connue qui lave en profondeur jusque dans les noeuds...
Pourtant, le but présenté dans l'exposé des motifs est louable. Je cite: «Les buts que poursuit le projet visent en particulier à assurer que les subventions soient allouées selon des principes uniformes et équitables, qu'elles soient adaptées aux possibilités financières de l'Etat et qu'elles atteignent leurs objectifs de manière économique et efficace». Bien. Mais ensuite, nous découvrons un mélange des genres étonnant: les subventions sont classées en deux catégories. La première, la bonne, appelée «indemnités», s'adresse aux institutions qui accomplissent une tâche prescrite par l'Etat, comme les TPG, l'Hospice général ou encore l'Hôpital. Une indemnité parce qu'il y a au bout une prestation reconnue d'utilité publique «noble»... Soit, en bref: une prestation = une indemnité. La seconde catégorie, touchante de bonnes intentions, est appelée «aides financières» et est destinée à assurer ou promouvoir des tâches choisies librement par des bénéficiaires comme les associations de toutes sortes. Une aide parce qu'il y a au bout un gentil groupe de personnes probablement idéalistes qui n'offrent pas de prestation noble... Soit, en bref: une tâche = une aide. Le milieu associatif ne peut donc obtenir qu'une aide. Quel affligeant paternalisme ! Notez qu'en mélangeant les deux on peut obtenir: une aide de prestation = la tâche d'une indemnité. En ce qui nous concerne, nous préférons utiliser le terme de «prestation extérieure» pour le sens large, celui de «crédit de fonctionnement» pour la première catégorie et celui de «subvention» pour la seconde.
Mais le problème ne se focalise pas uniquement sur des questions de termes. La vraie question qui doit être posée - et qui n'apparaît pas dans le projet de loi - est de connaître l'importance et le bien-fondé de l'utilisation des fonds étatiques, et ceci quelles que soient les catégories que nous voudrions aider. Lorsque je lis à l'article 1, alinéa 2, lettre c que la loi assure que les subventions cantonales «atteignent leurs objectifs de manière économique et efficace», je me pose des questions sur l'importance de ce qui définira les critères d'évaluation qui feront référence. L'approche qui a été faite ne l'est que sous l'angle d'une constatation purement mathématique consistant à affirmer que les 40% du budget de l'Etat, soit les subventions, sont traités sur 5% des pages du budget. Il eût été intéressant de se poser les vraies questions sur le bien-fondé du système actuel d'octroi des fonds publics, sur l'importance de la qualité des prestations fournies, sur le rôle social de celles-ci, sur le mode d'attribution des subventions, sur la valeur des prestations fournies dans les institutions publiques et dans les milieux associatifs, sur le gain financier et en prestation de services que l'Etat fait en appuyant les associations, sur la valorisation de la société active et sur son apport incomparable en matière de compétences et de savoir-faire.
Mais gardons à ce projet de loi le mérite, nous l'espérons, de traiter la question récurrente des modes d'attribution et de suivi; le mérite de faire la chasse aux multiples financements de l'Etat; le mérite d'introduire une transparence nécessaire - je dirais même indispensable. N'en oublions pas un élément: le financement du monde associatif ne représente qu'une miette du budget de l'Etat. Alors d'accord, faisons le ménage - avec Omo si vous voulez - mais n'oublions pas non plus d'attribuer les vraies subventions de fonctionnement à ceux qui ménagent les fusibles de la société ! Dans cet esprit, nous nous réjouissons de traiter ce projet de loi en commission. (Applaudissements.)
Le président. Je vous rappelle que nous sommes en débat de préconsultation. La parole est donc limitée à cinq minutes par orateur. La parole est à Mme Morgane Gauthier.
Mme Morgane Gauthier (Ve). Le groupe des Verts réserve un accueil plutôt froid à ce projet de loi déposé par l'Entente. Les intentions ainsi que l'écriture de ce projet de loi sont à modérer. A sa lecture, on pourrait en effet croire que le Conseil d'Etat accorde des subventions à tour de bras sans effectuer de contrôle. Or, des filtres existent, que ce soit notre parlement - lequel peut accepter ou refuser des projets de lois accordant des subventions - l'administration ou encore l'inspection cantonale des finances - laquelle peut aller vérifier ce qui se passe sur mandat ou de son propre chef. Les entités subventionnées doivent également produire des comptes ainsi que des rapports d'activités. Dire que ce système est parfait est impossible. Je tiens cependant à vous rappeler qu'un projet de loi visant à instituer une Cour des comptes est à l'examen devant la commission des finances.
Aux yeux des Verts, il est souhaitable que le contrôle des organismes subventionnés soit différencié en fonction des montants. Les comptes d'une petite association ou, par exemple, ceux de l'Hospice général doivent évidemment être soumis à des examens différenciés. Nous nous demandons si des contrôles pour tout et tout le monde n'en viendront pas à paralyser des services ou des associations et, finalement, à coûter beaucoup plus cher à l'Etat.
Pour conclure, je ferai remarquer que ce projet est axé principalement sur la rentabilité économique, l'efficience et les capacités financières de l'Etat. Il existe cependant des prestations fournies par des associations, des fondations ou des organismes subventionnés qui sont difficilement estimables sous ce seul angle ! C'est laisser de côté bien des aspects du développement durable qui doit être présent dans chaque projet ainsi que dans chaque projet financier !
Nous avons une multitude de remarques à formuler mais je vous rassure, Monsieur le président: nous les ferons en commission.
M. Renaud Gautier (L). Qu'il est difficile d'essayer de construire un projet qui n'est sous-tendu par aucun projet politique sans tomber immédiatement dans le débat interpartisan ! Mon cher voisin, vous me bataillez sur des mots. Je vous l'accorde: on pourra peut-être remplacer tel mot par tel autre. Ce n'est cependant pas là que réside le débat ! Quant à vous, ma chère collègue, vous me faites évidemment, puisque je suis libéral, le procès de la rentabilité. Mais le débat ne réside pas là non plus: en aucune manière ce projet de loi sur les subventions ne tend à vouloir réduire le principe des subventions - lesquelles, ainsi que le précise ce projet de loi, sont parfaitement nécessaires et reconnues comme telles. Il propose simplement de soumettre au même traitement l'ensemble des comptes de l'Etat, pour lesquels différentes commissions de ce parlement passent beaucoup de temps à vérifier l'usage qui en est fait. Les procédures qui ont été mises en place dans le temps varient en effet d'une entité à l'autre.
Je le répète: si l'on essaie de trouver à l'Etat l'efficience du travail réalisé, s'il a été fait référence dans le cadre du discours de Saint-Pierre au contrat de prestations, cela suppose, par exemple, des moyens d'évaluation tant quantitatifs que qualitatifs. Grand bien nous fasse ! Sur ce point, nous serons tous d'accord. Mais comment et pourquoi ne pas appliquer les mêmes critères dont nous souhaitons doter les services de l'Etat à des entités extérieures à l'Etat qui, pour les travaux nécessaires - voire remarquables - qu'elles accomplissent, obtiennent des moyens de l'Etat selon d'autres modalités ? Je vous donnerai un exemple très simple: la commission des finances a eu l'occasion, pas plus tard qu'il y a deux jours, de traiter un certain nombre de demandes. Or, cette même commission s'est posé, dans un cas particulier, la question de savoir si elle était l'instance la plus adéquate à laquelle adresser cette demande de subvention. Il n'y a donc dans ce projet de loi rien d'autre qu'une volonté de mettre à plat une procédure existant ailleurs.
Je répète très clairement que ce projet de loi ne possède aucune volonté de limiter ou de diminuer le principe des subventions, d'autant plus que les libéraux comprennent parfaitement et admettent le principe selon lequel un certain nombre de tâches peuvent, et doivent, être déléguées par l'Etat à d'autres entités. En face de moi se trouve le président d'une institution qui remplit exactement ce rôle, et qui le fait fort bien.
Voilà la raison pour laquelle je vous suggère de transmettre rapidement ce dossier à la commission des finances.
M. Robert Iselin (UDC). Lorsque notre groupe est entré dans ce Grand Conseil, il a agité le problème des subventions après avoir découvert un monde extensible à souhait: à peu d'exceptions près, n'importe quelle personne adressant une demande de subvention la reçoit ! Je suis très content que l'on se soit fait chiper notre sujet par le parti libéral, lequel a présenté cette problématique dans une excellente forme. Nous soutiendrons ce projet de loi en demandant son renvoi à la commission des finances.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Odier pour le groupe radical.
M. Jean-Marc Odier (R). Le groupe radical accueille favorablement ce projet de loi, auquel il reconnaît plusieurs mérites.
Je souhaite en premier lieu relever la nécessité de distinguer, parmi les subventions, celles qui sont destinées à des entités autonomes publiques, celles qui sont octroyées à des associations, celles qui sont versées en échange d'un contrat de prestations ou encore celles qui permettent de remplir un mandat légal - y compris un mandat attribué par la Confédération. Ces distinctions n'existent actuellement pas. Notre budget contenant un fourre-tout de subventions, la ligne budgétaire que nous votons dans le cadre de l'octroi d'une subvention peut être de sept cent quatre-vingt millions s'il s'agit des HUG comme elle peut être de quatre-vingt mille francs s'il s'agit d'une simple association. Le premier mérite de ce projet de loi est donc d'établir des distinctions nous permettant par ailleurs de disposer d'un contrôle plus précis.
En deuxième lieu, il est vrai que l'ouverture d'une ligne budgétaire pour une subvention constitue une pratique perpétuelle d'octroi de subventions dont les montants ne font que s'accroître année après année, avec de rares justifications s'il faut maintenir l'une ou l'autre de ces subventions. Ce projet de loi doit donc permettre d'étudier et de mettre en place un outil jouant véritablement un rôle de contrôle.
En troisième lieu, je tiens à relever que, lorsqu'on traite de subventions, il n'est pas facile de refuser l'octroi d'une subvention plutôt que d'une autre, car nous sommes tous, dans cette enceinte, plus ou moins favorables à certains subventionnés. Il faudra donc que l'on parvienne à mettre en place un système exigeant une réelle justification du maintien d'une subvention dans le temps.
Au-delà de ces quelques éléments, il me semble que nous devons également mener une réflexion sur le rôle de l'Etat. Je ne suis pas en train d'affirmer que nous devrions diminuer les subventions dans un secteur ou dans un autre. J'estime toutefois qu'une telle réflexion est indispensable. L'Etat est en effet omniprésent et tentaculaire: il s'agit d'un Etat-Providence auquel on s'adresse dans n'importe quel cas. Or, je ne conçois pas forcément le rôle de l'Etat ainsi. C'est pourquoi nous devrions, à mon sens, réellement nous interroger sur le rôle primordial de l'Etat ainsi que sur les tâches prioritaires que nous voulons le voir effectuer ou organiser. Au-delà de ces missions, de nombreuses tâches devraient être remises à la maîtrise des associations elles-mêmes - quitte à trouver d'autres sources de financement - ou simplement au secteur privé.
Le président. La parole est à M. Souhail Mouhanna pour l'Alliance de gauche.
M. Souhail Mouhanna (AdG). L'Alliance de gauche accueille avec beaucoup de méfiance ce projet de loi, car la droite nous a habitués à s'attaquer à toute activité à caractère social effectuée par l'Etat. Lorsqu'on aborde la question du rôle de l'Etat, d'aucuns pensent que l'Etat doit se limiter à deux ou trois activités. Parmi ces activités figureraient notamment la protection d'un certain nombre de privilégiés et le maintien d'un minimum vital dans certains secteurs. L'Alliance de gauche reconnaît pour sa part l'importance majeure du rôle assumé par de très nombreuses associations, entre autres sur les plans social et culturel. Nous considérons que ces activités sont indispensables à la collectivité. Il faut par conséquent également tenir compte du rôle assumé par des organisations et des associations effectuant un travail qui incombe normalement à l'Etat.
Par ailleurs, nous trouvons ce projet de loi relativement flou. L'exposé des motifs indique par exemple qu'un montant de 2,8 milliards de francs est accordé à titre de subvention. Mais on ignore si ce projet de loi tente de remettre en cause la totalité des organismes bénéficiant de ce montant ou s'il cherche simplement à assurer une cohérence dans l'octroi des subventions versées par l'Etat. En ce qui concerne la première hypothèse, je rappelle que l'Hospice général, l'hôpital, l'université, les HES et bien d'autres institutions figurent dans les rubriques des subventions. Ces activités sont-elles, oui ou non, indispensables ? Relèvent-elles du rôle de l'Etat ? J'affirme pour ma part que oui. En revanche, si ce projet de loi ne cherche qu'à assurer une cohérence dans l'octroi des subventions sans pour autant remettre en cause la finalité de ces subventions, nous n'y voyons aucun problème. Nous verrons donc, lors des discussions au sein de la commission des finances, quels sont les objectifs visés par ce projet de loi, et nous veillerons à ce que le rôle social de l'Etat ne soit en aucune manière mis en cause.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Patrick Schmied pour le groupe démocrate-chrétien.
M. Patrick Schmied (PDC). Le groupe démocrate-chrétien soutient ce projet de loi, je dirais presque avec enthousiasme, pour deux raisons au moins.
En premier lieu, ce projet permettra de mettre de l'ordre dans un domaine où, comme certains l'ont fait remarquer tout à l'heure, on mélange les subventions octroyées aux hôpitaux universitaires avec celles versées à de petites associations dont, comme l'a relevé ma collègue Morgane Gauthier, on ne peut calculer les prestations, mais qui coûte tout de même de l'argent au moment de la demande de subvention. Il est donc important de mettre de l'ordre dans la définition des subventions.
En deuxième lieu, ce projet garantira une transparence qui nous est, à tous et à toutes, tellement chère. Grâce à cette transparence et selon la maxime «les bons comptes font les bons amis», nous saurons exactement qui reçoit quoi et pour quel motif. On pourra ainsi, du moins je l'espère, éviter que les uns et les autres ne soupçonnent le Conseil d'Etat ou le président du département de l'autre bord de favoriser tel ou tel ami ou amie d'une association.
Nous soutenons donc pleinement ce projet de loi, qui permettra de mettre de l'ordre dans les subventions et qui garantira une certaine transparence.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. J'ai fait un rêve ou, plutôt, je ferai un voeu.
Ce projet de loi possède des avantages et, certainement, des éléments dont il conviendra de débattre. Il possède toutefois au moins le mérite de nous permettre, si nous le souhaitons, d'instaurer un cadre légal moderne, utile et efficace pour traiter les transferts de l'Etat dans les prochaines années. Je rappelle que le Conseil d'Etat s'est, de son côté, saisi du dossier sur les mandats de prestations et sur le traitement des institutions subventionnées en ces termes. Il rejoint ainsi une partie des préoccupations exprimées dans ce projet de loi. Un mandat ayant été donné et des travaux ayant été conduits, nous devrions connaître d'ici la fin de l'année les contours des principaux points et des principaux enjeux.
J'en viens maintenant à mon voeu, ou plutôt à ma demande: l'idéal serait que la commission qui examine ce projet de loi parvienne à travailler de façon transversale entre les partis politiques afin de parvenir à un accord sur le cadre légal et sur la manière de contrôler les institutions. Votre débat devrait porter sur «combien de subventions, à qui». C'est votre politique qui vous y engage. Mais j'imagine qu'un accord devrait pouvoir être trouvé quant à la façon dont l'Etat doit gérer les deniers publics et contrôler les transferts. Je ne saurais trop vous recommander de rechercher au moins un accord sur la façon de faire. Vous vous livrerez ensuite bataille, les uns et les autres, comme vous en avez l'habitude, sur la façon dont il faut les attribuer, sur les montants, sur les priorités et sur toutes ces choses qui font la joie de la vie politique de notre canton...
Ce projet est renvoyé à la commission des finances.
Mise aux voix, la résolution 477 est adoptée à l'unanimité.
Premier débat
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC), rapporteuse de majorité. J'engage tous les députés de ce Grand Conseil à voter ce projet de loi. Genève est un petit canton-ville dans lequel on ne peut se permettre de développer une multitude de politiques des transports différentes. Il est important que notre canton possède une vision claire en matière de transport et de circulation. Or, aujourd'hui, c'est la confusion qui règne ! C'est la gabegie: on ne sait pas qui fait quoi ! Il n'existe actuellement absolument aucune base, aucun document de référence en matière de transport qui fasse véritablement foi. Il faut donc prendre des mesures !
C'est précisément ce que propose ce projet de loi, lequel est plein de bon sens, tout à fait raisonnable et, de surcroît, conforme à la pratique d'autres cantons. Genève est l'un des derniers cantons à ne pas disposer d'une loi claire en matière de circulation et de transport. Or, une telle loi permettrait une meilleure lisibilité des compétences de chacun, que ce soit la Confédération, le canton ou les communes. Elle permettrait par ailleurs de clarifier la situation et de répondre au désir des citoyens genevois. Ces derniers ont en effet souhaité inscrire la complémentarité des modes de transports dans la constitution et disposer d'une politique claire en matière de transport. Cette volonté s'est notamment manifestée par le refus de deux projets de lois qui proposaient de transférer aux communes les compétences relatives aux transports. Le projet de loi tout à fait raisonnable que nous vous proposons va dans le sens souhaité par les citoyens. C'est pourquoi je vous invite à le voter.
Le président. La parole est à M. le rapporteur de minorité, qui est à nouveau parmi nous.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. J'étais simplement sorti deux minutes de la salle, Monsieur le président. J'étais donc toujours présent au sein de ce Grand Conseil !
Je voudrais en premier lieu contester les termes outranciers utilisés par Mme Ruegsegger. Cette dernière a parlé de gabegie et de manque de transparence quant à la politique des transports à Genève. Or, cette politique me semble au contraire parfaitement claire ! Mais peut-être connaissez-vous mal les lois qui s'appliquent ? Nous savons que les transports publics relèvent du domaine cantonal. Nous savons en outre que la gestion du réseau routier se partage entre le canton - pour ce qui concerne les routes cantonales - et les communes - pour ce qui concerne les routes communales. Il n'existe qu'une commune pour laquelle il n'existe aucune route cantonale: il s'agit de la Ville de Genève. La gestion de l'ensemble du réseau routier de la Ville de Genève, qui incombait jusqu'alors à l'Etat, a en effet été transférée à la Ville de Genève en 1975. Par conséquent, contrairement aux quarante-quatre autres communes dont le réseau est formé à la fois de routes cantonales et de routes communales, il n'existe en Ville de Genève que des routes communales.
En ce qui concerne la hiérarchie du réseau routier cantonal, nous connaissons les routes nationales: il s'agit des autoroutes et des routes dites d'importance nationale, qui sont subventionnées par la Confédération. Ces dernières ayant été établies par la Confédération, elles sont parfaitement connues et leur statut est clair. Reste à décider, sur le plan cantonal, quelles sont les routes principales et quelles sont les routes secondaires. Cette distinction est claire pour l'ensemble des communes à l'exception de la Ville de Genève: les routes principales sont définies comme étant des routes cantonales, les autres comme étant des routes communales.
En Ville de Genève se pose la question suivante: faut-il fixer une hiérarchie entre les différentes routes ? Nous doutons pour notre part que cette mesure apporte des éléments nouveaux. Vous affirmez que ce projet de loi vise à clarifier la situation. Nous pensons au contraire que ce projet de loi va précisément à l'encontre d'une clarification de la situation. La hiérarchisation du réseau cantonal que vous proposez dans ce projet de loi implique en effet une intervention de l'Etat pour fixer ledit réseau. On ne parle dès lors plus du tout des communes ! Vous avez déclaré tout à l'heure que les propositions d'octroi de certaines compétences aux communes avaient été rejetées par le peuple - ce que nous regrettons. Ce rejet portait sur des questions relativement mineures. Il ne faudrait cependant pas non plus retirer aux communes les compétences dont elles disposent actuellement. Or, ce projet de loi n'évoque à aucun moment les communes, quand bien même ces dernières sont directement concernées par la hiérarchisation du réseau routier ! C'est la raison pour laquelle je propose dans mon rapport de minorité que le rôle que doivent jouer les communes dans l'établissement de cette hiérarchie soit au moins précisé dans ce projet de loi. Bien que nous estimions que ce projet de loi ne présente pas une grande utilité, il nous semble que la moindre des choses serait de consulter les communes avant que les autorités cantonales n'imposent une hiérarchie de notre réseau cantonal routier ! Il nous paraît absolument inconcevable que les communes soient mises à l'écart et ne puissent pas participer à ce débat. Les partis de l'Entente sont en général les premiers à demander le respect de la maigre autonomie que possèdent les communes genevoises. Nous demandons donc que ce projet de loi soit complété de manière que la collaboration des communes soit inscrite dans la loi.
M. Christian Bavarel (Ve). Ce projet de loi vise à faciliter l'utilisation de la voiture; il apportera certainement différentes améliorations destinées à favoriser cet usage. Suite à l'accident climatique que nous avons vécu cet été et compte tenu des liens de plus en plus évidents et incontestés entre le réchauffement climatique et les usages accrus des énergies fossiles, les Verts sont persuadés de la nécessité d'opérer un changement de civilisation: il s'agit de quitter la civilisation du pétrole pour trouver une autre civilisation !
Nous savons certes qu'il faudra encore utiliser pendant quelque temps des transports consommant du pétrole, tant pour le transport de marchandises d'un point à l'autre de la ville que pour des usages privés. Nous souhaitons toutefois préparer un changement radical dans cette manière de penser. Nous ne pensons pas que ce projet de loi aille dans le bon sens. C'est pourquoi nous le refuserons.
M. Gabriel Barrillier (R). M. Bavarel vient de reconnaître l'utilité du réseau routier pour ce qui concerne le transport des marchandises et la mobilité. Pour ma part, j'irai même plus loin: cette mobilité est l'une des conditions du développement harmonieux d'une société et, partant, de la région genevoise. Or, il est vrai que Genève vit une situation tout à fait particulière - non seulement en matière de réseau routier mais également dans d'autres domaines - du fait de la dualité entre les compétences du canton en matière d'aménagement du territoire et celles d'une commune possédant un certain poids. Ces compétences entrent trop souvent en collision les unes avec les autres.
L'organisation du réseau routier illustre bien cette dualité qui paralyse notre canton. Si j'insiste sur l'importance que revêt la hiérarchisation du réseau routier pour les PME et l'activité économique de notre canton, c'est parce que l'on a vu les obstacles auxquels se heurtent les modifications en matière de liberté de circulation et d'organisation de la circulation en ville de Genève: il s'agit à chaque fois d'une guerre de tranchées entre, d'une part, les habitants, d'autre part, les commerçants et les utilisateurs - lesquels ne sont pratiquement jamais écoutés. C'est la raison pour laquelle le parti radical applaudit à la mise en ordre de cette hiérarchie et des compétences en matière de circulation et de transport en ville de Genève. Nous accepterons donc ce projet de loi.
Le président. Beaucoup d'intervenants se sont inscrits. J'aimerais cependant que l'on parvienne à terminer le traitement de ce projet de loi ce matin. La parole est à M. le député Kanaan.
M. Sami Kanaan (S). Il semblerait que l'Entente possède un certain nombre de croyances relevant du dogme et n'entretenant aucun lien avec la réalité. (Protestations. Le président agite la cloche.) M. Barrillier vient de rappeler l'une de ces croyances: il s'agit de l'obsession selon laquelle, sur le territoire de la Ville de Genève, ce serait la Ville de Genève qui prendrait les décisions en matière de trafic. Comme je ne pense pas que vous soyez tout à fait stupides, je suppose que vous êtes conscients de tenir là des propos inexacts... Si vous voulez critiquer quelqu'un, critiquez le Conseil d'Etat, respectivement le DIAE et l'OTC ! Ce dernier doit en effet valider toutes les décisions: il doit accepter ou refuser les décisions prises sur le canton en matière de circulation - avec toutes les voies de recours existantes s'il s'agit d'arrêtés ou de décisions réglementaires administratives ou avec toutes les voies référendaires s'il s'agit de lois. Le peuple a refusé une délégation partielle de tâches aux communes, et je fais partie de ceux qui regrettent ce refus. Vous avez voulu qu'il refuse cette délégation, il l'a refusée. La seule compétence que la Ville de Genève possède sur son territoire, c'est de payer ! Elle doit en effet payer, y compris pour les routes cantonales, les frais d'entretien liés au réseau routier. Il en va de même s'agissant des changements de marquage: c'est l'OTC qui valide ces changements, mais c'est la Ville de Genève qui doit les exécuter et les payer ! Ainsi, si l'OTC change, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, dix fois par année le marquage à tel ou tel endroit, la Ville de Genève devra payer dix fois ce changement de marquage ! La Ville de Genève possède certes un droit de proposition - qu'elle utilise peut-être trop abondamment à votre goût. Elle ne possède cependant, et j'insisterai sur ce point autant de fois qu'il le faudra, aucune compétence décisionnelle. Quant à la situation actuelle qu'a rappelée notre collègue Grobet, il ne me semble pas que ce soient des majorités de gauche qui l'aient créée: ce n'est pas une majorité de gauche qui avait décidé à l'époque de déléguer la gestion et surtout le paiement des tâches en matière de réseau routier en Ville de Genève - y compris sur les routes cantonales ! Cessez d'accuser la Ville de Genève de prendre des décisions, car elle ne peut pas en prendre !
Nous avons accepté d'entrer en matière sur un projet de loi qui clarifierait certaines confusions liées non pas aux compétences réelles ou supposées de la Ville de Genève, mais aux problèmes de définition par rapport au droit fédéral et au rôle des uns et des autres. Nous avons déclaré d'emblée que nous étions prêts à discuter de cette question. Nous avons également accepté de réfléchir à la possibilité d'établir, par analogie avec le plan directeur des transports publics, un plan directeur du réseau routier: il n'y a en effet aucune raison de ne pas établir un tel plan, qui constituerait un instrument de planification des besoins. Comme cela a été rappelé aujourd'hui, votre vraie obsession concerne malheureusement la situation en Ville de Genève: vous avez décidé une fois pour toutes que cette situation était inacceptable ! Vous faites référence à la constitution: le peuple a effectivement voté le principe de la complémentarité des modes de transports. Or, ce projet viole intégralement ce principe ! Pour créer une complémentarité entre les modes de transports, il vous faut en effet offrir une égalité des chances et un traitement équitable aux différents modes de transports !
Actuellement, circuler en Ville de Genève est certes difficile à certaines heures et en certains lieux. Je puis cependant vous affirmer qu'il est beaucoup plus difficile de s'y déplacer pour les piétons, les cyclistes et même les TPG en raison de l'anarchie totale et de l'excès de trafic qui y règnent ! Même en faisant abstraction des problèmes de pollution et de bruit et en se concentrant uniquement sur des espaces et sur des lois physiques qui devraient théoriquement être identiques pour vous et pour nous, on en arrive au constat que l'espace à disposition est limité. Il semblerait cependant que vous réinventiez en permanence la physique... L'espace étant limité, à moins que vous ne vouliez jouer les Haussman du XXIe siècle et raser des quartiers entiers de la ville, vous n'élargirez pas le réseau routier en Ville de Genève ! Or, le nombre de voitures augmente, et ceci entre autres parce que vous passez votre temps à faire croire à des chimères: «Oui, il est possible en tout temps et à tout moment de circuler en voiture sur un territoire géographiquement restreint» ! Et le pire, c'est que vous prétendez défendre les intérêts des commerçants et des PME alors que votre approche les désavantages en permanence !
Nous avons déclaré que nous étions prêts à entrer en matière s'agissant du trafic dit professionnel - livraisons et autres artisans. Nous saluons à cet égard la mise en place par le Conseil d'Etat d'un groupe de travail mixte chargé d'étudier les moyens d'améliorer les conditions. Cette amélioration passe par des solutions concrètes; elle passe, par exemple, par un contrôle accru des places de livraison. Ce trafic est légitime et nécessaire. Ce qui encombre nos rues, ce sont les pendulaires et les personnes qui font un kilomètre en voiture pour acheter des cigarettes ! Nous devrions théoriquement nous accorder sur le fait que ce trafic est clairement parasite. Invoquer la liberté constitue, dans ce cas, un abus de langage ! Nous possédons tous la liberté de faire ce que nous voulons quand nous le voulons. Mais vous savez fort bien que cela n'est pas possible dans une société civilisée ! Ce projet de loi, du moins dans ses intentions d'origine, viole de surcroît votre propre initiative de l'époque sur la liberté du choix du mode de transport. Il est par ailleurs économiquement contre-productif. Je m'étonne que vous défendiez des positions allant directement à l'encontre de la mobilité professionnelle des artisans et des livraisons en ville de Genève ! (L'orateur est interpellé.)Je conclus bientôt...
Le travail de commission a permis de réparer certaines absurdités contenues dans ce projet de loi. Je pense en particulier à la volonté d'inscrire dans la loi un plan fixant chaque rue. Je vous rappelle la nature de ce plan: vous aviez même mis la rue des Etuves en réseau secondaire, soit donnant la priorité au trafic motorisé ! Cette mesure démontre une réelle compétence et une réelle intelligence... La commission a heureusement réparé de telles absurdités et s'est efforcée de fonctionner sur un mode plus rationnel ! L'ensemble de ce projet de loi - lequel aurait pu être utile à la clarification de certains éléments - a cependant été dévié de cet objectif raisonnable et intelligent. Il a, une fois de plus, servi à alimenter vos obsessions complètement irrationnelles en matière de voitures ! Or, nous ne pouvons soutenir une telle obsession. C'est pourquoi nous voterons contre ce projet de loi ! (Applaudissements.)
Le président. La parole est à M. le député Reymond. Si vous voulez que les urgences se fassent, il faudra quelque peu tarir la source...
M. André Reymond (UDC). Vous savez que la plupart des associations soutiennent ce projet de loi. Genève est le seul canton à ne pas avoir hiérarchisé son réseau routier. Plusieurs cantons tels que Fribourg, Vaud, Valais et Neuchâtel ont déjà entamé ces démarches. Je me permettrai de vous rappeler que cette hiérarchisation améliorera la fluidité du trafic. Il en résultera une diminution de pollution; certains quartiers seront en outre débarrassés du trafic de transit. Il convient également de signaler que ce projet de loi n'engendrera aucune violation du droit fédéral.
Si je regrette que toutes les communes n'aient pas été consultées à ce sujet, je me permettrai de rappeler qu'elles ne disposent pas des ingénieurs spécialisés nécessaires à l'établissement de ce travail. Je vous propose donc et j'espère que vous soutiendrez ce projet de loi, car ce plan directeur doit répondre à des exigences régionales, et non pas uniquement locales.
Le président. Nous poursuivons le débat d'entrée en matière. Une fois que tous les députés inscrits se seront exprimés, je vous proposerai de voter l'entrée en matière. Nous arrêterons le débat après ce vote d'entrée en matière. Nous continuerons ce débat cet après-midi après les points 79 et 102 de notre ordre du jour. La parole sera successivement à Mme et MM. Desplanches, Brunier, Catelain, Ruegsegger, Grobet et Moutinot. (Le président est interpellé par M. Spielmann.)La liste est close, Monsieur Spielmann !
M. Gilles Desplanches (L). Il convient de remettre l'église au milieu du village.
En premier lieu, qui peut affirmer aujourd'hui que la situation fonctionne dans le centre-ville ? La situation me semble claire: comme l'a relevé Mme Ruegsegger, c'est la gabegie ! C'est réellement la gabegie, puisque la circulation ne s'améliore pas aujourd'hui.
En deuxième lieu, lorsqu'on écoute les orateurs, on a de la peine à comprendre les travaux qui ont été menés en commission. Par le biais de ce projet de loi, cette dernière a travaillé sur un concept. Derrière ce projet de loi se trouve surtout un groupe, le CODEP, qui est représentatif de toutes les associations - qu'elles soient favorables ou défavorables à la voiture. Beaucoup d'amendements présentés par le CODEP ont été acceptés par la commission dans le but évident de faire avancer la situation. Il est vrai que pour beaucoup au sein de ce plénum, c'est la politique des rois de France qui prévaut: on divise pour mieux régner en proposant quarante-quatre plans de circulation différents ! La situation me semble très différente: il nous faut, comme dans d'autres cantons, mettre en place un plan de circulation permettant une certaine fluidité du trafic.
Je souhaite en troisième lieu revenir sur quelques concepts. Puisque l'on évoque la complémentarité des modes de transports, je mentionnerai le parking de Sécheron: on n'arrive toujours pas à s'entendre sur ce parking alors que des lignes de tramway sont sur le point d'apparaître ! On ne réussit pas à s'entendre, car même les magistrats ne parviennent pas à convenir d'un rendez-vous ! Ne nous faites donc pas dire que la complémentarité du trafic constitue un élément indispensable à vos yeux ! Nous, nous voulons la complémentarité, et c'est pour cela que nous avons proposé le projet de loi 8748.
S'agissant des PME et des artisans, M. Kanaan devrait examiner de manière plus attentive le nombre de places de parking à proximité des centres commerciaux. Nous ne demandons pas des places pour les véhicules des artisans et des commerçants, mais simplement pour que leurs clients puissent venir ! Il est vrai qu'il y a 50% d'entreprises en moins dans les quartiers; il est vrai que les épiceries ont disparu et qu'il n'y aura bientôt plus de boucherie ni de commerce artisanal. Mais c'est certainement ce que vous souhaitez ! Aujourd'hui, malheureusement ou heureusement, une partie de la population a besoin de son véhicule. Nous n'encourageons ni le trafic pendulaire ni les personnes qui prennent leur voiture pour aller acheter un paquet de cigarettes un kilomètre plus loin. Nous affirmons cependant très clairement qu'il est nécessaire de mettre en place un plan de circulation. Ce plan de circulation doit en outre être de la compétence du canton, car seul ce dernier possède une vision suffisamment large pour intégrer des valeurs démocratiques que l'ensemble de notre parlement devrait défendre.
M. Christian Brunier (S). J'ai le sentiment que certains proposent un projet de loi en pensant que ce dernier permettra à lui seul de résoudre tous les problèmes. Mais ces personnes évoquent des problèmes que n'aborde absolument pas ce projet de loi !
M. Desplanches a par exemple relevé l'existence d'un problème de circulation en prenant à titre d'illustration la construction du parking de Sécheron; il a fait remarquer que ce parking ne serait pas achevé lorsque le tram serait, lui, terminé. Or, ce sujet n'est nullement évoqué dans ce projet de loi ! Il n'a rien à voir avec ce projet de loi ! L'issue de ce projet de loi ne changera pas le fait qu'il y ait eu absence de coordination entre les travaux du tram et les travaux de construction du parking de Sécheron ! Cette absence de coordination est déplorable, et la gauche comme la droite l'ont condamnée. Elle n'est cependant nullement liée au projet de loi 8748 ! Il ne faut pas berner les gens, Monsieur Desplanches !
L'on a par ailleurs entendu sur les bancs de l'UDC que le monde associatif soutenait ce projet de loi. Il s'agit là d'une méconnaissance notoire du monde associatif ! (Brouhaha.)Notre canton a la chance de posséder un tissu associatif large. Or, à l'exception du TCS - lequel a déclaré qu'il soutenait ce projet de loi, mais du bout des lèvres et davantage par affiliation politique que par véritable conviction - et de quelques associations patronales, les autres associations ne se sont pas exprimées sur ce projet de loi ou l'ont fait d'une manière critique.
Examinons maintenant quel sera l'impact réel de ce projet de loi. Je citerai l'un des alinéas de ce projet de loi qui me paraît particulièrement nocif pour les intérêts de la population. Il s'agit de l'alinéa 2 de l'article 3B: «Les réseaux primaire et secondaire sont affectés prioritairement au trafic motorisé public et privé». Analysons concrètement la portée de cet alinéa: la plupart des pénétrantes genevoises sont des axes dont le début peut effectivement être prioritairement attribué au trafic routier, qu'il soit privé ou public. En revanche, dès que la pénétrante arrive dans des zones urbanisées abritant des écoles, des commerces et des personnes se déplaçant à pied, le fait d'accorder la priorité au trafic routier peut s'avérer extrêmement dangereux et casser des compromis qui sont en voie d'être trouvés sur le terrain. Je prendrai à titre d'illustration un compromis que vous connaissez toutes et tous: il s'agit du compromis relatif à la route de Malagnou. Cette dernière peut être attribuée prioritairement à la voiture de l'Autoroute Blanche jusque sur les Hauts-de-Malagnou. En revanche, des Hauts-de-Malagnou jusqu'à la ville, il existe un trafic routier important qui entrave entre autres la sécurité des piétons et des enfants se rendant à l'école. Afin de garantir la sécurité de ces piétons, un plan d'aménagement est en train de se mettre en place. Je prendrai un exemple très concret: ce plan prévoit notamment un passage pour piétons sécurisé - ce qui n'est pas le cas actuellement - qui amènerait les enfants habitant Malagnou à l'école située au chemin de Roches. Or, un tel projet de loi peut nous conduire devant un tribunal, car, en créant un passage sécurisé pour les enfants à cet emplacement, on n'accorde plus la priorité aux voitures. Avec un tel projet de loi, vous exposerez donc des enfants à des risques d'accident dans un secteur extrêmement urbanisé ! Je crois que ni vous ni nous ne souhaitons cela. Mais ce projet de loi contient des travers dangereux qui casseront des compromis sur le point d'être trouvés entre les milieux automobiles, les milieux environnementaux et les associations de quartiers. Vous n'êtes pas conscients des effets qui peuvent être engendrés par un tel projet de loi ! Ce dernier peut se révéler éminemment dangereux pour la vie même des Genevoises et des Genevois qui habitent dans ces quartiers. C'est pourquoi je vous demande de renoncer à ce mauvais projet de loi !
Par ailleurs, faire croire que l'on accroîtra la fluidité en segmentant un peu mieux le réseau de transport routier et en accordant la priorité aux réseaux primaire et secondaire constitue une gageure: ce sont des fausses promesses ! Nous savons fort bien que le problème majeur de notre canton - et il ne s'agit là pas d'une dérive idéologique - c'est qu'il y a un nombre trop élevé de voitures sur un territoire aussi restreint. Sami Kanaan vous l'a d'ailleurs déjà expliqué. Tant que les voitures seront aussi nombreuses, la fluidité ne sera pas possible ! On ne dispose d'aucune solution pour le centre-ville, car on ne peut pas multiplier le réseau routier. Le seul moyen d'assurer la fluidité... (L'orateur est interpellé.)...c'est donc de diminuer le nombre de voitures au centre-ville et dans les communes fortement urbanisées. Cette diminution passe par un développement prioritaire des transports publics, développement auquel vous n'adhérez toujours pas ! Il s'agit là du seul moyen d'atteindre une certaine fluidité ou une situation s'en approchant.
Pour conclure, je relèverai que notre parlement est souvent appelé à voter des textes d'orientation sur le développement durable. Lorsqu'on reste au niveau théorique, nous sommes tous d'accord. En revanche, lorsqu'il s'agit de passer à la pratique, il y a visiblement tout un camp qui se dégonfle en matière de développement durable... Je souhaiterais un peu plus de cohérence entre vos théories, vos propos, les écrits de vos programmes et vos votes parlementaires dans ce Grand Conseil ! (Applaudissements.)
Le président. La parole est à M. le député Catelain.
M. Gilbert Catelain (UDC). Je n'interviendrai pas sur le fond de ce projet de loi, car mon collègue s'est déjà exprimé à ce sujet. Je ferai en revanche remarquer que le seul argument invoqué par le groupe écologique pour ne pas soutenir ce projet de loi réside dans la canicule, phénomène récent, et que ce même groupe préconise un changement de société. Si ce projet de loi n'a pas pour ambition de conduire à un changement de société, j'observe toutefois les éléments suivants par rapport à cette même canicule.
En premier lieu, la canicule a engendré deux problèmes: l'arrêt des TGV en raison du manque d'alimentation électrique et l'arrêt des éoliennes en raison du manque de vent. Je demande donc au parti écologique de nous fournir des éléments qui nous permettront d'alimenter en énergie les autres formes de transports.
En deuxième lieu, n'oublions pas que Genève est un canton-frontière: il s'agit d'une ville de transit, transit sur lequel notre influence est faible. Notre canton fait de plus en plus appel à la main-d'oeuvre frontalière: cette dernière compte 8'000 personnes de plus qu'il y a deux ou trois ans. J'ai assisté hier à la distribution par les TPG de prospectus publicitaires vantant une nouvelle ligne TPG passant par Fossard, ligne totalement illégale sur le sol français puisqu'en contradiction avec les accords de Schengen. J'ai à cette occasion pu constater que nous avions affaire à un véritable problème de société: quasiment aucun automobiliste ne voulait prendre ce prospectus et n'était mentalement prêt à changer de mode de transport. Ces considérations ne rentrent peut-être pas directement dans l'objet de notre débat. Il nous faut toutefois absolument prendre conscience du fait qu'une forte proportion des utilitaires de notre réseau de voirie ne font pas encore preuve de la mentalité que vous voulez leur faire adopter - mentalité qui consiste à utiliser des modes de transports différents. Ces utilitaires continueront à utiliser la voirie et à l'encombrer; or, la hiérarchisation de cette voirie engendre actuellement une pollution supplémentaire, puisque, comme vous savez fort bien, un véhicule à l'arrêt pollue dix fois plus qu'un véhicule qui roule.
Le projet de loi qui nous est proposé risque certes d'engendrer des effets pervers tels que ceux qui ont été soulignés par le groupe socialiste. Il oeuvre cependant également pour la protection de l'air, puisqu'il permettra d'éviter qu'un nombre croissant d'automobiles ne pollue à l'arrêt. Ce projet de loi devrait donc satisfaire le groupe écologique !
Le président. La parole est à Mme Ruegsegger, rapporteur de majorité.
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC), rapporteuse de majorité. Je souhaite simplement apporter deux précisions.
En premier lieu, M. Reymond a déclaré que les communes n'avaient pas été consultées. Cela est faux: l'Association des communes genevoises, qui représente les quarante-cinq communes de notre canton, a été auditionnée. Elle n'a, durant son audition, pas formulé de remarque particulière à l'égard du projet de loi. Une commune a par ailleurs été auditionnée seule et a émis des critiques à l'encontre de ce projet de loi: il s'agit de la Ville de Genève. Ces critiques sont compréhensibles dans la mesure où la Ville de Genève est sans doute la commune qui profite le plus de la gabegie et de la confusion actuelles pour mener la politique qu'elle souhaite en matière de transport et de circulation. Je rappelle toutefois que les Genevois ont clairement refusé cette vision des choses. Le projet de loi 8748 rejoint donc la volonté des Genevois de disposer d'une politique cantonale en matière de transport et de mettre fin à la sempiternelle guerre et à la sempiternelle confusion qui règne à Genève en la matière. Toujours concernant les communes, je vous rappelle que nous avons, en décembre 2001, voté deux projets - qui ont été qualifiés par M. Grobet d'insignifiants. Ces deux projets, qui visaient à transférer certaines compétences aux communes, n'étaient pas si insignifiants que cela. Les communes l'ont du reste fort bien compris, puisque, Ville de Genève comprise, elles les ont rejetées à l'unanimité. (L'oratrice insiste sur ce terme.)Seule une commune a accepté, à cinquante-quatre voix près, l'un de ces deux projets. Le message des communes était, me semble-t-il, on ne peut plus clair !
S'agissant de la complémentarité des transports et des votes parlementaires auxquels a fait référence M. Brunier, j'aimerais rappeler à ce dernier que les récents votes parlementaires de ce Grand Conseil sur les transports ont été acceptés à l'unanimité. Je pense notamment au vote relatif au CEVA et à celui concernant le contrat de prestations des TPG. Ce dernier, largement revu à la hausse, a été accepté par une immense majorité de ce Grand Conseil. Je tenais par là à souligner la volonté de la majorité de ce Grand Conseil de mettre en place une véritable complémentarité des transports dans notre canton. Il est vrai que nous ne partageons peut-être pas tout à fait la même définition de la complémentarité des transports: celle-ci ne consiste à notre sens pas à privilégier totalement un mode au détriment de l'autre et à saccager le mode de transport privé par tous les moyens - comme vous souhaitez le faire. Il s'agit pour nous de développer une politique des transports harmonieuse et de mettre fin à une guerre des transports qui ne profite à personne, qui engendre de la pollution et des pertes de temps et qui n'est pas sans conséquence économique pour les entreprises. Cette guerre des transports engendre également de la frustration et de l'énervement chez les Genevois, qui en ont ras-le-bol de se trouver dans des embouteillages. Nous demandons donc la mise en place au niveau cantonal d'une vraie politique des transports !
Le président. Merci, Madame le rapporteur. Le rapporteur de minorité et le conseiller d'Etat doivent encore s'exprimer, après quoi nous voterons le premier débat et nous ferons la pause. La parole est donc à M. Christian Grobet.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. Le débat sur un projet de loi dont on se dit, à sa lecture, qu'il n'apporte pas grand-chose de nouveau aura au moins eu le mérite de mettre en évidence les arrière-pensées des partis de la droite. Reste à savoir si ce projet de loi atteindra les buts que vous poursuivez. Sachez à cet égard que les partis de gauche et les écologistes se battront pour contrecarrer votre volonté d'augmenter la circulation en Ville de Genève ! Mme Ruegsegger prétend que ce projet de loi a pour but de mettre fin à la guerre des transports. Mais, en réalité, vous êtes en train d'activer le feu de la guerre des transports, laquelle deviendra de plus en plus intense avec la politique que vous voulez mener. Vous affirmez que la politique des transports du canton n'est pas claire. Or, cette politique, qui est menée depuis de nombreuses années, est tout à fait claire !
Il existe de votre part un double discours qui devient de plus en plus difficile à accepter: en votant des plans directeurs des transports reconnaissant la nécessité de faciliter le transfert modal, vous avez admis qu'il convenait de diminuer les déplacements en transports privés au profit des transports publics et de rattraper notre retard considérable par rapport à la situation existant dans les villes suisses alémaniques. Or, dans le même temps, vous menez des batailles qui ont vingt ou trente ans de retard ! Les autorités de toutes les autres grandes villes suisses admettent la nécessité de diminuer le trafic automobile et de développer les transports publics. Voici quelle est la politique des transports qui est inscrite dans les documents des plans directeurs de Genève, mais que vous ne voulez pas appliquer ! Vous cherchez à poursuivre votre politique passéiste en dépit de la situation climatique que l'on a connue cet été et de l'explosion des pointes d'ozone dans notre pays - et en particulier à Genève ! Nous aurons d'ailleurs l'occasion, Monsieur le président du Conseil d'Etat, de revenir sur cette question.
Je dois dire que j'ai quant à moi été stupéfait de l'absence de mesure prise par le Conseil d'Etat face à cette catastrophe climatique dont les conséquences sur la santé sont particulièrement graves. Il serait du reste intéressant de savoir si cette catastrophe a eu des répercussions à Genève. La France a peut-être le mérite de disposer de statistiques que nous ne possédons pas sur les causes de mortalité. Mais lorsqu'on sait que quinze mille personnes sont décédées suite au coup de chaleur en France, on peut se dire qu'il serait temps de prendre conscience de l'erreur que nous commettrions en suivant la route que vous nous proposez ! En tout cas, votre politique d'encourager l'augmentation du trafic en ville sera combattue, car les habitants de Genève souffrent d'une situation absolument intolérable de dépassement en matière de bruit et de pollution de l'air. Non seulement cette situation viole les prescriptions fédérales, mais elle est de surcroît contraire à toute politique raisonnable du respect de la santé de nos concitoyennes et concitoyens !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je constate qu'il est 12h10. M. Moutinot doit encore intervenir avant le vote d'entrée en matière. (Brouhaha.)Vous aviez voté l'urgence, mais je réalise tout d'un coup que le traitement de ce projet de loi n'est pas si urgent... Je demande absolument que nous poursuivions ce débat après les votes sur la fondation de valorisation... (Protestations. Le président agite la cloche.)
Des voix. C'est scandaleux !
Le président. A l'évidence, vous avez besoin d'une pause !
Suite du premier débat: session 10 (juin - août 2003) - séance 64 du 29.08.2003
La séance est levée à 12h05.