République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 29 août 2003 à 8h
55e législature - 2e année - 10e session - 62e séance
PL 8909-A
Premier débat
M. Rémy Pagani (AdG). Nous adhérons à ce projet de loi visant à ouvrir un crédit d'étude pour la «Maison de la Paix».
Il m'amène toutefois à faire quelques remarques. Nous sommes bien évidemment d'accord avec l'implantation de cette maison dite «de la paix» - j'y reviendrai - car ce lieu a été judicieusement choisi, d'autant plus que c'est le résultat d'un référendum que nous avons gagné.
Je vous rappelle en effet que cette «Maison de la Paix» devait être construite à la Place des Nations, et ce projet est bien la preuve qu'il y avait d'autres possibilités, puisque cette maison sera réalisée en bas de la campagne Rigot.
Nous sommes allés voir le concours d'architecture ouvert sur ce projet dont sont issues des idées très intéressantes. Le dossier primé est de très bonne qualité, et nous nous en réjouissons.
Nous aimerions néanmoins revenir sur le contenu de cette «Maison de la Paix», car c'est la principale de nos préoccupations. Si nous approuvons l'implantation de cette «Maison de la Paix» et le fait que les hautes écoles internationales y résident - notamment la bibliothèque qui est aujourd'hui encore dans les locaux de l'OMC - nous remarquons que des militaires vont y tenir des colloques sur la guerre, et non pas sur la paix... ce que nous déplorons. D'autant plus que Genève se prévaut depuis longtemps d'être un lieu de paix...
Alors, nous ne voyons pas pourquoi l'Etat participerait à améliorer le sort de ceux qui, sous prétexte de politique de paix dans le monde, font les guerres, comme l'a fait M. Bush dernièrement.
Nous estimons donc qu'il faut revoir le contenu de cette «Maison de la Paix» et faire très attention à certaines organisations qui se parent du mot de «paix» pour mieux faire la guerre et en étudient concrètement toutes les stratégies.
Mme Morgane Gauthier (Ve). Mon intervention ira dans le même sens que celle que vient de faire M. Pagani...
Ce projet de loi s'inscrit dans la ligne de la Genève internationale, dans sa volonté d'offrir un cadre d'étude correct pour les étudiants et professeurs de l'Institut universitaire des hautes études internationales. Mais, de fait, ce projet est issu du département fédéral de la défense, et le terme même de «Maison de la Paix» prête alors à quelques interrogations...
A la page 16 du rapport de M. Hiltpold se trouve une liste non exhaustive des institutions qui seront présentes. Non seulement nous tenons à dire que certaines de ces institutions se rapprochent plus des affaires militaires que de la paix, mais encore nous tenons à réaffirmer ici, avec force, notre désapprobation si ce lieu devait servir de lieu d'accueil pour de telles institutions, voire à la formation de militaires. Nous ne pouvons pas aujourd'hui modifier le nom donné à cette maison, mais nous le regrettons quelque peu.
Ma seconde remarque concerne le bâtiment en lui-même. Il compte beaucoup trop de places de parking à notre goût. La situation de cette maison permet un accès aisé en transports publics puisque les bus desservent les organisations internationales ainsi que le tram dans un proche avenir. Et, vu la pléthore de places disponibles dans le quartier, cela est particulièrement regrettable. Il faut impérativement que les futurs cahiers des charges tiennent compte des autres possibilités de déplacement et, surtout, de l'offre disponible en transports publics pour ce type de projets.
En conclusion, comme en commission les Verts voteront ce projet de loi, mais ils insistent sur les deux remarques précédentes.
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Nous ne pouvons qu'approuver ce qu'ont dit nos préopinants. Nous soutenons également ce projet de loi et nous regrettons, en fait, d'avoir dû attendre six mois pour pouvoir, enfin, voter ce crédit d'étude. Mais, bien, cela vient du fonctionnement de notre Grand Conseil...
Nous aimerions aussi que l'on parle de paix dans cette «Maison de la Paix» et, pour ma part, je suis contente qu'un centre de déminage ou que le GIPRI - le Geneva International Peace Research Institute - fasse partie des institutions qui y seront accueillies. Mais il faudra effectivement veiller à maintenir un équilibre entre les associations qui y siègeront.
Je le répète: j'approuve pleinement les propos de M. Pagani et de Mme Gauthier.
M. Christian Grobet (AdG). Je voudrais d'abord intervenir dans le sens de Mme Gauthier concernant le problème du parking de cet immeuble.
Nous n'avons toujours pas - le président du Conseil d'Etat le sait - la garantie que le parking d'échange de Sécheron, qui est la priorité des priorités dans ce secteur, sera exécuté, conformément aux engagements qui ont été pris par le Conseil d'Etat - un parking de huit cents places - et conformément aux conditions de l'autorisation de construire la ligne de tram 13. Il serait absolument inadmissible que l'on autorise la réalisation d'un parking privé supplémentaire - je rappelle en effet que le Conseil d'Etat invoque déjà aujourd'hui un parking privé postérieur au projet de construction du parking d'échange, je parle du parking qui a été autorisé pour le projet de construction de Serono - qui aurait pour conséquence de saboter définitivement le projet de parking d'échange qui traîne depuis des années et qui aurait déjà dû être réalisé.
Il importe par conséquent que la question de ce parking, qui a été soulevée par Mme Morgane Gauthier, soit examinée de très près et ne porte pas préjudice au parking d'échange.
La deuxième chose est qu'il est effectivement un peu paradoxal de donner l'appellation «Maison de la Paix» à un complexe de bâtiments qui a diverses vocations, dont celle de réaliser des locaux pour l'Institut des Hautes études internationales. Je reviendrai dans un instant sur ce point. A mon avis, on devrait, pour ne pas commettre d'abus, limiter l'appellation de la «Maison de la Paix» à la partie du bâtiment qui sera effectivement consacrée à des organisations, à des activités dévolues à la paix. C'est en effet un abus d'appeler ce bâtiment «Maison de la Paix», alors qu'une partie de ses locaux ne concerne pas la construction de la paix. Cet abus avait déjà été dénoncé lorsque le Conseil d'Etat monocolore avait présenté le projet d'urbanisation de la Place des Nations qui a été rejeté en votation populaire, et, déjà à l'époque, il était visible qu'on essayait d'utiliser abusivement le nom «Maison de la Paix» pour tenter de faire passer un mauvais projet urbanistique... Alors, de grâce, ne continuons pas à commettre cet abus, cela d'autant moins qu'aujourd'hui il n'y a plus de nécessité électorale à faire passer ce projet en l'appelant faussement «Maison de la Paix» pour ce qui ne correspond pas à la paix!
J'ai une dernière question à poser à propos de l'importance de l'investissement prévu pour l'Institut des Hautes études internationales dont l'avenir paraît - à lire la presse - à nouveau relativement incertain. A-t-on une garantie, en ce qui concerne la pérennité de cet institut, qui a du reste eu toutes les peines du monde à se trouver un nouveau directeur ? Et, surtout, quelle sera la part de la Confédération s'agissant des frais de fonctionnement de l'institut, à un moment où la Confédération est en train de diminuer les prestations versées au canton dans maints domaines, comme nous le savons. Si la Confédération ne garantit pas l'avenir de l'Institut des Hautes études internationales, cela signifiera que les charges financières de cet institut retomberont sur le canton. Il me semble donc tout à fait prématuré de s'engager aujourd'hui dans des constructions très coûteuses pour cet institut sans être sûr de sa pérennité. Car cet établissement universitaire ne faisant pas partie de l'université de Genève, il risque de disparaître, comme cela a été le cas d'un ou deux autres instituts universitaires qui étaient en marge de l'université.
J'aimerais à ce sujet - si M. Moutinot veut bien m'écouter - insister sur le fait qu'il serait souhaitable que le projet de construction soit conçu de manière que les locaux prévus pour l'institut et, bien entendu, pour la bibliothèque - il est effectivement indispensable qu'elle soit transférée de l'OMC dans un autre bâtiment - fassent l'objet d'une construction distincte qui puisse, le cas échéant, si l'institut devait disparaître, servir à d'autres besoins de l'université. Si les locaux de la Confédération et les locaux de l'institut sont trop imbriqués, j'y vois d'éventuels problèmes futurs. Et il serait souhaitable aussi, pour la clarté de la participation financière de l'Etat de Genève, que les constructions soient bien séparées, parce qu'il n'y pas de raison non plus que le canton subventionne le projet de la Confédération. Et pour la transparence des coûts de construction, il faut que ce projet soit extrêmement clair à ce sujet.
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Vous avez relevé un certain nombre d'éléments et posé un certain nombre de questions...
Le premier élément central est la question des parkings dans cette zone - vous avez raison, Monsieur Grobet. Nous avons - M. Robert Cramer et moi - rencontré pas plus tard qu'hier matin M. le maire de la Ville de Genève pour lui redire que nous entendons construire ce «P+R» dans la formule: première étape, 450 places; deuxième étape,400 places. Il s'agit d'une contrainte naturelle, puisque c'était, comme vous l'avez rappelé, une des conditions pour l'obtention de la concession de la ligne de tram. Comme évidemment cette construction ne pourra pas être achevée pour le mois de décembre, date de la mise en service de la ligne, il y aura un parking provisoire dans l'intervalle.
Par conséquent, le nombre de parkings qui peuvent être réalisés, ou doivent l'être, ou qui seraient souhaitables, pour la «Maison de la Paix» et l'IHEI qui viennent après, est forcément conditionné par l'existence des parkings déjà décidés dans ce secteur et par l'accessibilité en tram. Le chiffre de 130 est évidemment - et vous l'avez remarqué - inférieur au chiffre normal usuel, selon les ratios de l'OTC. S'il peut être baissé - s'il doit l'être -il le sera, parce qu'effectivement le «P+R» se trouve pratiquement à côté.
Deuxième élément: vous avez évoqué le fait que le nom de la «Maison de la Paix» n'était pas forcément bien approprié... On peut diverger sur le fait de savoir ce qui concerne la paix ou ce qui ne la concerne pas. Si l'on veut parvenir à la paix, il vaut d'ailleurs mieux discuter avec ceux qui la font plutôt qu'avec ceux qui ne la feront de toute façon pas. Mais, quoi qu'il en soit, les centres dont il est question ici sont des centres de la Confédération, et ils ne sauraient avoir - et c'est aux autorités fédérales plus qu'à nous d'y veiller - la moindre activité en faveur de la guerre. Mais il convient peut-être aussi d'instruire les militaires d'un certain nombre de règles, dont, notamment, le droit humanitaire...
Vous avez dit, Monsieur Grobet, qu'il fallait distinguer clairement les deux parties de cette construction, car le financement fédéral porte sur la «Maison de la Paix» - à laquelle ne s'intéresse d'ailleurs, entre parenthèses, pas seulement le département de M. Schmidt mais également le département des affaires étrangères - et celui du canton de Genève porte évidemment sur l'IUHEI. Et il faut, je suis d'accord avec vous, tirer les avantages des synergies que cela implique et clarifier qui fait quoi dans cette maison...
Lorsqu'elle sera construite, je vous rappelle que nous pourrons, premièrement, respecter les obligations que nous avons à l'égard de l'OMC de restituer les locaux dans lesquels se trouve actuellement la bibliothèque; deuxièmement, faire tomber les deux petits pavillons en bordure de la Place des Nations sur la campagne Rigot.
En ce qui concerne l'avenir de l'IUHEI, les dernières évaluations viennent de nous parvenir par le Peer Committee- si je ne me trompe pas, c'est ainsi que cela s'appelle - qui a formulé une série de propositions dont le Conseil d'Etat a pris connaissance ces tous derniers jours. Ces évaluations ne remettent pas en cause le principe même que l'IUHEI soit à Genève, ni ses capacités, ni le fait qu'il réponde à une nécessité, ni sa qualité.
En revanche, il est vrai que la discussion se poursuit, et c'est naturel, avec la Confédération pour savoir quelle doivent être, de manière optimale, l'implication de Berne dans cet institut et les relations avec l'université de Genève ou d'autres entités. Ce point est à l'ordre du jour du Conseil d'Etat, sauf erreur de ma part, pour mercredi dans dix jours.
Voilà, ce que j'avais à dire sur ce projet qui a été voté à l'unanimité moins une abstention en commission. Je n'ai pas repris le projet dans tous les détails avant ce matin, mais j'espère avoir répondu de la manière la plus complète possible à vos questions, et je vous remercie de bien vouloir voter ce crédit d'étude.
La loi 8909 est adoptée en trois débats par article et dans son ensemble.