République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 29 août 2003 à 8h
55e législature - 2e année - 10e session - 62e séance
M 1470
Débat
Le président. Ce point sera le dernier que nous traiterons avant la pause. Il va de soi que cette motion sera probablement renvoyée à la commission d'aménagement du canton. Je prie les orateurs d'être brefs; nous clorons le débat à 10 h, car nous traitons les urgences ensuite.
Monsieur le député Jeannerat, vous avez la parole.
M. Jacques Jeannerat (R). Entre 1997 et 2001, la majorité de gauche du Grand Conseil s'est souvent appliquée à prendre des décisions qui allaient contre le développement économique du canton...
En février 2001, notamment, elle avait refusé de déclasser un terrain de quelques hectares à proximité de la plate-forme douanière de Bardonnex, terrain prévu pour y construire une aire autoroutière comprenant station-service, restaurant et différents commerces, avec le principal argument que c'était brader la zone agricole... Cet argument est purement théorique puisque la Chambre genevoise d'agriculture, devenue depuis Agri Genève, s'était déclarée, elle, favorable à ce projet. En effet, les agriculteurs auraient pu ainsi présenter, à travers commerces et vitrines, les produits du terroir genevois à toutes les personnes de passage, et elles sont nombreuses.
Nous voulons aujourd'hui relancer la procédure de déclassement. Il s'agit de faire bénéficier Genève et ses habitants d'un projet d'intérêt général touchant trois secteurs de l'économie: la construction, le commerce et l'agriculture. Rappelons qu'il y a quelques années l'idée de construire une aire autoroutière a été envisagée à Versoix, mais, trop proche de celle de la Côte, elle a rapidement été abandonnée. Puis c'est le secteur de Blandonnet qui avait retenu l'attention, mais les terrains situés entre la route de Vernier et de Meyrin n'offraient pas la possibilité d'intégrer correctement une aire autoroutière au réseau autoroutier de la région. En outre, l'Office fédéral des routes s'était opposé à ce projet, notamment pour des questions de sécurité.
C'est donc le périmètre de la plate-forme de Bardonnex que le Conseil d'Etat choisissait en lançant un concours en 1996. Le projet retenu à l'époque avait obtenu le préavis favorable de l'Office fédéral de l'environnement, des forêts et des paysages. Mais on connaît la suite, longueurs administratives et politiques, vote final du Grand Conseil en février 2001, refus de la gauche...
Nous voulons, comme je l'ai dit, remettre l'ouvrage sur le métier. Le projet assurera aux entreprises et aux corps des métiers du bâtiment la réalisation d'un chantier important. Cette aire autoroutière permettra également la création de nouveaux emplois dans le secteur du commerce, de la restauration et des services, et il est - je le répète - prévu également des vitrines pour les produits agricoles genevois.
Sur le plan fiscal enfin, les prévisions de rentrées sont importantes sur le plan cantonal, communal et fédéral, notamment via les taxes et la TVA sur l'essence. A titre de comparaison, le restoroute de Pratteln dans le canton de Bâle, qui se trouve dans une situation comparable, soit en bordure de la frontière allemande, a réalisé un chiffre d'affaires de 60 millions en 2001. On peut donc envisager les mêmes résultats à l'autre bout d'un axe nord-sud de 300 kilomètres sur le territoire suisse, situation idéale pour refaire le plein et faire une halte.
Ce projet s'inscrit donc remarquablement dans le contexte du développement des infrastructures et des équipements liés à la mobilité générale de notre canton. Si nous ne réalisons pas ce projet, les Français le réaliseront quelques kilomètres plus loin, et ils en tireront, eux, les bénéfices, notamment sur le plan fiscal et sur le plan de l'emploi.
Il faut savoir enfin que le Conseil municipal de la commune de Bardonnex, par 12 oui contre 3 non et 1 abstention, a décidé, en automne dernier, de soutenir cette motion - en automne dernier, parce que ce projet est à l'ordre du jour depuis plus de douze mois... (Applaudissements.)
M. Luc Barthassat (PDC). Comme l'a dit mon collègue Jeannerat, il y a déjà quelques années, notre parlement à majorité de gauche avait traité un projet de loi sur le déclassement des terrains visant à la construction d'un restoroute sur le site attenant à la douane de Bardonnex. Ce déclassement a été refusé par la majorité rose/verte de notre parlement de l'époque, ce qui n'était qu'un rejet idéologique. Aujourd'hui, certains députés de l'Entente reviennent d'une façon modérée, à travers cette motion, sur la nécessité d'un projet d'une aire autoroutière à Bardonnex. Il répond en premier lieu à une demande légitime des usagers autoroutiers.
Rappelons qu'aujourd'hui l'aire autoroutière la plus proche sur le territoire helvétique se situe à environ 40 km. Le restoroute de Bardonnex est aujourd'hui un projet plus que nécessaire pour le canton! La douane de Bardonnex est une des douanes les plus fréquentées d'Europe, par les automobilistes mais aussi par un trafic de poids lourds qui transitent parfois de longues heures, voire souvent la nuit entière, sans avoir à disposition les commodités qui s'imposent en pareil cas: absence de WC, pas moyen de prendre une douche, pas moyen de se restaurer ni de séjourner sur place durant leur repos. Sans parler du fait que la construction de ce projet ne serait pas négligeable pour soutenir les entreprises et les métiers du bâtiment de notre canton.
Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que l'ancienne Chambre genevoise d'agriculture, aujourd'hui Agri Genève, est toujours favorable au déclassement de ces terrains agricoles, entre autres parce que le futur restoroute présenterait une magnifique vitrine pour les produits du terroir dans notre canton, comme cela se fait depuis longtemps sur l'aire de la Gruyère près de Fribourg.
Les communes de Bardonnex et de Perly ne s'opposent pas - elles ne s'y sont jamais opposées - au projet du restoroute. Bien au contraire, puisque le Conseil municipal de Bardonnex avait, à l'époque, déposé une motion auprès de notre Grand Conseil.
Les services de l'écotoxicologue cantonal ainsi que l'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage ainsi que celui des routes ont aussi donné leur aval quant au choix de ce site. Il est bien entendu que le groupe démocrate-chrétien défend à travers cette motion le projet initial «Genève, porte de la Suisse», issu d'un concours remporté à l'époque par M. Santiago de Calatravas, architecte de renommée internationale.
L'intérêt du site a son importance, avec une volonté de développement mesurée et équilibrée pour notre canton: des aménagements extérieurs, par exemple aires de pique-nique fortement arborisées avec des pièces d'eau et des étangs, loin des habitations mais proches de la plate-forme douanière elle-même, ce qui sera un plus pour le projet. L'aire autoroutière de Bardonnex sera une véritable carte de visite pour notre canton. Il ne faut pas - et c'est un peu la cerise sur le gâteau - oublier non plus que ce projet ne coûtera pas un centime à notre canton, car l'entreprise, elle, est toujours intéressée à assurer le coût de la construction et de l'exploitation. Je ne vous parle pas de la création d'emplois que ce projet favorisera ni des retombées fiscales non négligeables pour la commune de Bardonnex, le canton et le pays.
Mesdames et Messieurs les députés, le parti démocrate-chrétien vous demande de soutenir cette motion en la renvoyant à la commission d'aménagement du canton.
Mme Anne Mahrer (Ve). Ressortir des tiroirs le projet d'aire autoroutière de Bardonnex signifie déclasser une grande surface de zone agricole sans compensation... Les Verts et les Vertes y sont fermement opposés !
Jamais un restoroute n'aura été si proche d'habitations, et le trafic supplémentaire qu'il induira provoquera de nouvelles nuisances aux riverains déjà fortement gênés par celles liées à l'autoroute. Ils souhaitent préserver ce poumon de verdure. Route, autoroute, restoroute, jolie vitrine pour Genève, où la voiture occupe déjà un espace démesuré. On a bétonné et imperméabilisé des hectares de terres pour ces mêmes voitures en construisant l'autoroute, une plate-forme douanière surdimensionnée, et, maintenant, Genève a absolument besoin d'une aire autoroutière pour promouvoir les produits de son terroir...
Lorsque l'on sait que les aires autoroutières de Bavois et de Bursins sont un échec pour la promotion des produits régionaux, imaginons une vitrine différente pour Genève et laissons aux générations futures autre chose que des stations-service comme héritage architectural !
Les Vertes et les Verts vous demandent, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser cette motion.
Le président. Le quatrième orateur inscrit est M. Reymond. Nous avons décidé de clore la liste. La voici: MM. Reymond, Thion, Koechlin, Pagani, Brunier, Desbaillets, Dethurens, Grobet, et, bien entendu, le conseiller d'Etat. Nous interromprons nos débats à 10 h et nous les reprendrons dans l'après-midi.
Monsieur le député Reymond, vous avez la parole.
M. André Reymond (UDC). Il est certain que Genève a besoin de places de travail pour son économie.
Ce projet d'aménagement d'une place autoroutière à Bardonnex est entièrement privé, et il est nécessaire, car il donnera du travail à nos entreprises dans un premier temps et, par la suite, il créera des emplois. Plusieurs commerces de représentation seront - comme cela a été dit tout à l'heure - une excellente vitrine pour notre économie. Ce sera également l'occasion de fournir une information touristique hôtelière, non seulement pour Genève mais également pour la Suisse. Et, il faut le souligner ici, cette place autoroutière sera une source fiscale de revenus pour Genève, dont nous avons grandement besoin.
C'est pour toutes ces raisons que je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de soutenir cette motion en la renvoyant au Conseil d'Etat et non à la commission d'aménagement du canton.
M. François Thion (S). Le projet de restoroute de Bardonnex, si l'on examine attentivement le dossier, est un projet dangereux pour l'environnement de notre canton. Et je crois que la majorité de gauche du Grand Conseil a bien fait de l'enterrer en 2001...
Ce projet est gigantesque: quatorze aires de distribution d'essence, un libre-service, une terrasse pour deux cents personnes, un bar, une échoppe de vente pour les produits agricoles et régionaux, un stand de l'office du tourisme, etc. Pourquoi ne pas avoir songé carrément à mettre un cinéma ? (Brouhaha.)Un tel projet va occuper une surface énorme, puisqu'il faut déclasser quatre hectares de terres agricoles dans la région de Bardonnex qui est un véritable poumon de verdure à quelques minutes à peine de la zone urbaine!
Dès 1995, les associations de protection de l'environnement et des habitants de la commune de Bardonnex se sont inquiétés de ce projet. Face au développement considérable à la fois de la commune de Plan-les-Ouates, du côté suisse, et de la zone d'Archamps et de la ville de Saint-Julien, de l'autre côté de la frontière, nous devons être extrêmement attentifs au maintien d'une zone de verdure au sud de notre canton.
Il faut également tenir compte des nuisances considérables, bruit et pollution, que subiront les habitants de Perly. Faut-il rappeler que bon nombre d'immeubles locatifs sont situés à proximité de l'aire de ravitaillement ? Ces coûts sociaux n'ont pas été pris en compte...
Et en ce qui concerne l'aspect économique du projet, permettez-moi de douter des arguments économiques avancés par les motionnaires dans l'exposé des motifs. A quelques kilomètres des restoroutes français, qui va s'arrêter pour manger à Genève ? Quels sont les produits agricoles que l'on veut vendre ? Du vin, des cardons ? Au point de vue de l'emploi, cela représentera quelques emplois frontaliers supplémentaires, rien de plus !
Mesdames et Messieurs les députés, si vous voulez créer des emplois et assurer un chantier important pour les entreprises et corps de métiers du bâtiment, il existe à Bardonnex un chantier en attente depuis de nombreuses années: je veux parler de la construction de l'école ! (Applaudissements.)
M. René Koechlin (L). Je vous rappelle tout d'abord que le projet proposé sur l'aire de Bardonnex était bon projet et qu'il y avait une unanimité pour reconnaître cela. Simplement à l'époque, c'est-à-dire au cours de la dernière législature, la gauche, qui avait la majorité, estimait que si une aire autoroutière pouvait effectivement être utile - elle le reconnaissait - pour le canton et pour son économie, cette même gauche estimait qu'il fallait l'implanter ailleurs, et elle proposait un emplacement proche de l'aéroport. C'était une alternative, et c'est en vertu de cette dernière qu'elle a refusé de déclasser le périmètre de Bardonnex. Or, il s'est avéré que le projet de Cointrin était irréalisable, donc irréaliste. C'était un alibi et les constructions fédérales ont démontré que la proposition alternative était impossible pour toutes sortes de raisons techniques sur lesquelles je ne reviendrai pas ici.
Il reste donc au seul projet réalisable, qui est un bon projet, à Bardonnex. Il a le soutien des autorités communales et il a le soutien d'une majorité de ce Grand Conseil, c'est la raison pour laquelle nous demandons de le renvoyer au Conseil d'Etat et non pas en commission, car nous aurons encore le loisir d'en discuter lorsque ce dernier nous fera une proposition de déclassement sous forme de projet de loi. Le véritable débat aura lieu à ce moment-là. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat pour qu'il y donne suite rapidement.
M. Rémy Pagani (AdG). Au-delà de la saga à propos de cette plate-forme aéroportu... (Exclamations.)...autoroutière, pardon ! C'est un petit peu difficile après un été pareil de reprendre le collier ! Je vous rappelle qu'il était question de l'implanter à Blandonnet, et pour finir, le choix s'est porté sur Bardonnex. Je trouve nécessaire de mener une réflexion sur ce projet...
On nous a parlé tout à l'heure du «geste architectural» d'un fameux architecte - un pont sur l'autoroute qui est, au demeurant, effectivement assez beau sur le plan esthétique - mais nous devons réfléchir à ce que signifie un «geste architectural», s'il revient à privilégier encore et toujours la voiture. Or, Mesdames et Messieurs, vous avez fait comme moi l'expérience d'un été caniculaire qui va se reproduire, qui est la cause d'un certain nombre de dérégulations et de fractures écologiques graves.
Mesdames et Messieurs les députés, il faudrait s'interroger une fois pour toutes sur ce qui s'est passé il y a quelques jours encore et sur la volonté politique de certains! Or malheureusement, à écouter certains de nos préopinants, ils n'ont pas encore compris qu'il fallait non seulement arrêter avec le «tout à la voiture», qui nous conduit à une catastrophe annoncée sur le plan écologique, mais aussi en tirer les conclusions du point de vue architectural! Cela pour ne pas nous retrouver devant des sortes de pyramides, devant des ponts, des «gestes architecturaux» qui feront la risée des générations futures!
Nos petits-enfants diront que c'était encore une façon pour leurs grands parents de sanctifier la voiture - c'est bien ce qu'on nous propose avec ce projet - et je dois le déplorer. Parce que, à mon avis, autant il serait utile de mettre à disposition des automobilistes - à Blandonnet par exemple - une petite station de relais autoroutier, autant il est complètement aberrant - aberrant! et je pèse mes mots - de mettre sur pied une infrastructure aussi énorme que celle prévue à Bardonnex! Et nous avons visité les lieux! Il est projeté un pont pharaonique qui implique un déclassement de terrain important - et je ne sais pas si certains d'entre vous connaissent les dimensions de la plate-forme actuelle de Bardonnex - puisqu'il est prévu d'utiliser le double de la surface actuelle! C'est un «truc» gigantesque, équivalent à la ville de Saint-Julien.
Notre groupe combattra, y compris par référendum, cette plate-forme aéroportuaire de Bardonnex... (Rires et exclamations. Le président agite la cloche.)Autoroutière, pardon! Nous nous y opposerons s'il le faut, car nous pensons qu'elle est complètement anachronique, pharaonique et déplacée !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je vois qu'il est temps de faire la pause.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous le rappelle que la liste a été close, et nous avons gardé soigneusement la liste des orateurs encore inscrits. Nous reprendrons le débat après les urgences et l'ordre du jour tel qu'il a été prévu. Peut-être à 11h30, sinon cet après-midi.