République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 26 juin 2003 à 17h
55e législature - 2e année - 10e session - 56e séance
PL 8954
Préconsultation
M. Christian Grobet (AdG). Ce projet de loi, comme beaucoup d'autres et comme les lois qui leur succéderont, a pour but de remettre en cause une réforme législative intervenue lors de la dernière législature. Nous nous opposons à un tel retour en arrière, car la protection des monuments, de la nature et des sites nous paraît être un objectif toujours plus prioritaire dans un canton au territoire aussi exigu que le nôtre. Cette exiguïté engendre une pression extrêmement forte sur notre territoire cantonal, et il existe une tendance à sacrifier soit des éléments naturels importants, soit des éléments de notre patrimoine. Mon collègue Pagani aura du reste tout à l'heure l'occasion d'intervenir sur un autre projet de loi prévoyant purement et simplement l'abattage complet d'une forêt, et ceci en violation totale de la loi fédérale sur les forêts. De telles situations montrent combien il est indispensable que la commission des monuments, de la nature et des sites joue son rôle. Elle ne fait du reste qu'émettre un simple préavis.
Il est légitime que cette commission soit formée d'une majorité de personnes issues d'associations de protection des monuments, de la nature, des sites et de notre patrimoine. Si l'on veut que la commission remplisse pleinement son rôle, il importe que le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement entende l'avis exprimé par ces associations, lesquelles ont pour but idéal - et non pas commercial - de défendre notre patrimoine genevois. Je répète en outre que le département n'est nullement lié par le préavis de cette commission. L'on sait qu'en cas de désignation par le Conseil d'Etat d'un certain nombre de personnes il peut arriver, selon les choix de l'exécutif, que des individus ne portant que peu d'intérêt pour le patrimoine bâti et la protection de la nature siègent au sein de cette commission et que cette dernière en vienne finalement à ne plus jouer son rôle. Pour que cette commission puisse pleinement remplir son rôle, il est essentiel que la majorité des membres appartiennent à des associations n'étant du reste pas du tout jusqu'au-boutistes. Je regrette que l'on propose aujourd'hui un retour en arrière avec la volonté politique claire, par le biais de nominations de magistrats communaux ou d'autres personnes, d'en arriver à créer à une commission molle qui n'assume pas son rôle.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Tout comme l'Alliance de gauche, le groupe socialiste est défavorable à ce projet de loi, qui propose de revenir à la situation antérieure. Les modifications apportées en 1998 à la composition de la CMNS n'ont apparemment pas déclenché de séisme dans notre République, et le fonctionnement de cette commission apporte entière satisfaction: elle n'a pas été décrédibilisée et n'a pas failli à sa tâche. Je ne vois dès lors pas l'intérêt de revenir sur la composition de cette commission, et ceci notamment pour les raisons avancées tout à l'heure par M. Grobet. En relisant le Mémorial du débat qui a eu lieu en 1998, l'on peut constater que M. Koechlin craignait à l'époque que le fait d'accorder une place importante à des associations à but idéal ne contribue à ouvrir la voie à l'amateurisme. Cette crainte ne s'est à mon sens pas vérifiée. Il faut en outre relever le fait que certaines associations comportent également des professionnels. La discussion se poursuivra en commission, mais nous pouvons d'ores et déjà annoncer que nous sommes défavorables à un tel retour en arrière.
M. Pierre-Louis Portier (PDC). Je ne vous étonnerai pas en affirmant que le groupe démocrate-chrétien fait, lui, bon accueil à ce projet de loi qui, comme le relevait tout à l'heure fort justement M. Christian Grobet, n'est pas sans lien avec le PL 8955, prévu au point 17 de notre ordre du jour. Il nous paraît important de rouvrir au sein de ce Grand Conseil, et plus particulièrement dans sa commission de l'aménagement, un débat sur la composition, le fonctionnement et l'usage qui est fait des commissions consultatives. Un certain nombre de dysfonctionnements sont effectivement apparus ces dernières années, notamment à la suite des changements intervenus lors de la précédente législature. En tant qu'ancien magistrat communal j'ai par ailleurs souvent été étonné de la part belle qui était faite aux préavis des commissions, et ceci contre l'avis des autorités communales. Il nous semble donc indispensable d'en revoir tant la composition que l'usage qui en est fait. C'est pourquoi le groupe démocrate-chrétien vous propose le renvoi de ce PL 8954. Il en fait de même pour le PL 8955 qui va suivre.
M. David Hiler (Ve). La protection du patrimoine constitue en principe un objectif cantonal: il s'agit d'un objectif poursuivi par le canton de façon générale. A partir de là, plusieurs modes d'organisation peuvent exister quant aux moyens de réaliser cet objectif. Il nous semble pour notre part que l'on doit trouver en premier lieu, dans une commission consultative de ce type, un certain nombre d'experts professionnels dont le but premier, en siégeant dans cette commission, est de défendre le patrimoine. Il ne nous semble pas qu'il s'agisse de l'une de ces innombrables commissions bien connues à Genève dont le but est de trouver un consensus: il s'agit de donner une opinion fondée sur la protection du patrimoine dans le cas d'espèce.
S'agissant des dysfonctionnements, Monsieur Portier, il est vrai qu'il y en a eu puisque ce service a dû être réorganisé. Mais, curieusement, j'ai plutôt le sentiment que, depuis 1998, nous entendons beaucoup moins gémir à propos de la commission des monuments, de la nature et des sites qu'auparavant - par exemple au début des années 1990.
Nous sommes donc clairement opposés à la modification proposée par ce projet de loi. Nous estimons que recréer une sorte de corps mou d'arbitrage des intérêts constitue un véritable recul. L'arbitrage entre les intérêts économiques, environnementaux, sociaux et de protection du patrimoine incombe, en dernière analyse, au département. Au vu de sa composition et des objectifs qui lui sont fixés par la loi, la commission consultative se doit de donner un préavis en termes de valeur patrimoniale, point. Si on lui ôte cette caractéristique au niveau de la composition pour en faire un aréopage de notables du canton, je vois mal qui défendra le point de vue du patrimoine dans les procédures d'autorisation d'aménagement telles que nous les connaissons.
M. Gabriel Barrillier (R). J'aimerais en premier lieu préciser que ce projet de loi ne possède aucun caractère revanchard. Il me semble que les députés de tous les bancs de cet hémicycle sont sensibles à la protection des sites et de la nature. Il est cependant vrai que la révision de 1998 avait accordé des avantages quelque peu exorbitants à certains milieux de protection de la nature et des sites. D'ailleurs, comme vous pouvez le voir dans l'exposé des motifs, le président du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement avait à l'époque déclaré: «Je vous demande de ne pas faire de cette commission une simple fédération des mouvements de protection du patrimoine, dont les avis sont précieux mais qu'il convient de ne pas confondre avec le travail de la CMNS». Il avait ainsi bien exprimé cette légère dérive. Le parti radical souhaite que l'on en revienne à une composition plus pluraliste et plus équilibrée des différents intérêts de la société civile.
Je saisis cette occasion pour faire remarquer tant au sujet de la CMNS que d'autres commissions - je pense notamment aux commissions d'urbanisme et d'architecture, qui font l'objet du prochain projet de loi - que certains acteurs de l'urbanisme, de l'architecture, de la protection ou de l'aménagement des sites n'ont jamais été entendus ni acceptés comme pouvant faire partie de ce type de commissions. Il existe donc bien une forme d'ostracisme à l'égard d'autres acteurs de la société civile. C'est pourquoi nous souhaitons un nouvel examen de la composition de cette commission.
Tout comme M. Portier, le parti radical vous propose de renvoyer ce projet de loi ainsi que le projet de loi 8955 à la commission de l'aménagement.
M. Jacques Baud (UDC). J'aimerais souligner que la commission des monuments, de la nature et des sites n'est pas une simple chambre d'enregistrement, mais qu'elle est la gardienne de nos valeurs et de nos racines architecturales. Il est donc indispensable qu'elle puisse faire son travail en toute quiétude. Bien sûr, cela n'est pas facile: des décisions extrêmement difficiles doivent parfois être prises, des intérêts énormes sont parfois en jeu, intérêts auxquels l'on est obligé de prendre un peu part. Mais c'est la vie ! Ce sont les seules conditions dans lesquelles on peut conserver une petite partie de notre patrimoine. N'oubliez pas cela !
Que ce projet de loi soit renvoyé en commission de l'aménagement, je le veux bien. Mais que les membres de cette commission n'oublient pas le principe de base de ce qu'est la commission des monuments, de la nature et des sites. Ce principe consiste en la recherche d'une philosophie et d'une politique permettant à nos enfants et à nos petits-enfants de garder un souvenir de ce qu'étaient nos ancêtres.
Ce projet est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.