République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 26 juin 2003 à 16h
55e législature - 2e année - 10e session - 55e séance
E 1197
Le président. Les candidatures suivantes sont parvenues à la présidence : M. Daniel Devaud, juge d'instruction, présenté par l'Alliance de gauche, et M. Christian Coquoz, présenté par le parti démocrate-chrétien.
Monsieur Christian Grobet, vous avez la parole.
M. Christian Grobet (AdG). Nos partis respectifs ont délégué - peut-on dire - la compétence du choix des différentes candidatures au pouvoir judiciaire à une commission dite interpartis, formée d'un représentant par parti, qui est quasiment officielle. Elle est même, sauf erreur, mentionnée dans la loi pour avoir accès à toutes les informations requises en ce qui concerne les qualifications et les qualités des candidats à une élection au pouvoir judiciaire. C'est cette commission judiciaire composée de sept membres qui essaye de répartir les sièges et, dans ce cadre, un accord a été signé par chacun de ses membres, au nom de leur parti, au début du mois d'avril, prévoyant de donner la priorité à l'élection des juges de certains partis. Et, notamment, le parti démocrate-chrétien avait admis de passer son tour pour les candidats aux postes soumis à élection aujourd'hui...
Peu de temps après la signature de cette convention, M. Coquoz a démissionné de ses fonctions de chef de la police, et notre formation politique, comme les autres, ont été unanimes pour déroger à cet accord et permettre au PDC de solliciter immédiatement un poste pour le pouvoir judiciaire, quand bien même ce n'était pas son tour et quand bien même le PDC est surreprésenté au pouvoir judiciaire... Il était entendu que M. Coquoz se présenterait au poste de juge d'instruction, M. Devaud, de son côté, ayant fait acte de candidature pour accéder à la Cour de justice.
Je dois dire que nous sommes profondément déçus aujourd'hui - pour ne pas dire davantage... - de constater, après avoir accepté de remettre en cause l'accord interpartis pour permettre à M. Coquoz de réintégrer immédiatement le pouvoir judiciaire, que la règle de l'ancienneté n'est pas respectée pour l'élection de M. Devaud au poste de juge à la Cour de justice. Actuellement, presque la moitié des membres de la Cour de justice fait partie du PDC - la Cour est quasiment à majorité PDC ! - et il n'est pas normal que le droit d'ancienneté ne soit pas appliqué pour M. Devaud, dans la mesure où ce droit a constamment été admis pour l'élection à la Cour de justice.
J'espère que les députés membres des partis ici présents qui ont été engagés par la signature de leur représentant au sein de cette commission interpartis la respecteront. A défaut, il faudra bien admettre que les accords pris devant cette commission et dûment signés n'ont aucune valeur...
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Je ne reviendrai pas sur le début de l'historique fait par M. Grobet, parce qu'un accord a effectivement été passé entre les différents partis, accord que nous tenons à respecter. Dans cet accord, un principe de dérogation a été introduit, à la demande du reste - je crois - d'un membre de l'Alliance de gauche, et l'interpartis judiciaire a admis, effectivement, que les circonstances - la démission de M. Coquoz du poste de chef de la police et sa réintégration rapide au Palais de justice qui est demandée par l'ensemble du Palais de justice et par de nombreuses personnes de droite comme de gauche - nous donnaient la possibilité de postuler à un poste. Jusqu'à présent, nous sommes donc d'accord avec ce qui a été dit par M. Grobet.
Par contre, nous divergeons en ce qui concerne le poste à la Cour de justice. Il faut tout d'abord savoir que ce poste est nouveau, qu'il ne revenait a priori pas à un parti de gauche mais plutôt à un parti de droite et qu'il était vacant jusqu'à il y a très peu de temps. Etant donné que ce poste était vacant et qu'il a reçu de nombreux appels de différentes personnalités du monde judiciaire et politique en faveur de la candidature de M. Coquoz, le parti démocrate-chrétien a décidé à l'unanimité de présenter la candidature de M. Coquoz à ce poste. Ce dernier, je le précise, n'a absolument jamais conclu d'accord ou fait une quelconque démarche au sujet du poste de juge d'instruction... M. Coquoz a toujours dit qu'il était candidat au Palais de justice: c'est la seule candidature qu'il ait présentée.
A partir de là, le parti démocrate-chrétien a transmis immédiatement sa décision de présenter M. Coquoz à la Cour de justice à l'interpartis judiciaire, qui devait rencontrer M. Coquoz environ une semaine après. La veille de cette rencontre, l'interpartis a reçu la candidature de M. Devaud, qui est donc postérieure à celle de M. Coquoz...
Nous considérons que le parti démocrate-chrétien a tout d'abord une légitimité politique à présenter ce candidat à ce poste. La légitimité est également professionnelle, puisque les compétences de M. Coquoz sont unanimement reconnues, et, je le répète, il a reçu de nombreux appels de différentes personnalités de gauche comme de droite pour réintégrer rapidement le Palais en postulant au poste de juge à la Cour de justice.
M. Michel Halpérin (L). Le groupe libéral soutiendra la candidature de M. Coquoz. Il n'y a pas ici à entrer en matière de façon détaillée sur les discussions qui ont eu lieu dans le groupe interpartis qui essaye de préparer les élections judiciaires - qui y parvient parfois, mais pas toujours...
Je voudrais simplement rappeler à M. Grobet - dont la mémoire est longue, mais il sait que la mienne l'est parfois aussi - qu'il n'y a pas deux ans, à deux élections de suite de magistrats du pouvoir judiciaire, la gauche unanime a voté pour des candidats qui n'étaient pas ceux de l'interpartis, ce qui prouve bien que, selon les circonstances, elle ne se sent pas plus liée par les décisions de l'interpartis que la constitution ne l'y oblige...
Quoi qu'il en soit, la raison - s'il en fallait une - indépendamment des qualités que l'on prête individuellement à tel ou tel magistrat, de préférer la candidature de M. Coquoz est tout simplement qu'il a quitté le Palais de justice avec la fonction déjà très haute dans notre hiérarchie judiciaire de procureur adjoint, qu'il a une plus longue carrière judiciaire au total que son opposant et qu'il a l'habitude des rédactions de jugements, notamment civils, puisqu'il a été greffier-juriste au Tribunal fédéral.
Ces éléments suffiraient, s'il fallait les décrire, à vous expliquer le vote du groupe libéral.
M. John Dupraz (R). Je comprends que M. Grobet soit un peu ulcéré que l'accord trouvé par l'interpartis judiciaire ne soit pas respecté...
J'aimerais toutefois dire ici que le mandat que nous détenons, nous le détenons du peuple et que nous devons rendre des comptes au peuple et à notre parti.
En ce qui me concerne, je dénonce la façon dont les juges sont désignés... L'interpartis est un groupuscule de copains qui ont fait leurs études de droit ensemble, qui se connaissent... (Rires.)...et qui se répartissent les postes à tour de rôle ! Et puis, au caucus, on nous invite à voter pour tel ou tel candidat en vertu d'un accord qui a été conclu, alors que nous ne les avons jamais vus et que nous ne savons pas qui ils sont...
Je trouve cette manière de procéder digne des républiques bananières et des dictatures ! (Exclamations.)Il n'est pas acceptable qu'un parlement élu démocratiquement par le peuple se laisse imposer des candidats à ces élections par un petit groupe de copains qui décident qui sera candidat, quand, comment et à quel poste !
Je connais cette procédure depuis trente ans. Je la trouve désastreuse, et je vous promets que je déposerai très prochainement un projet de loi bien que je ne sois pas juriste, pour modifier cette manière de faire, qui est profondément scandaleuse et qui est à la limite du copinage ! (Commentaires.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons procéder au vote. Je prie les huissiers de bien vouloir distribuer les bulletins de vote, et j'en profite pour saluer à la tribune les nombreuses personnalités présentes, anciens présidents du Grand Conseil et magistrats de l'ordre judiciaire. (Applaudissements.)
Je vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, d'inscrire un seul nom sur votre bulletin. Au premier tour, est élu le candidat qui obtient la majorité absolue, c'est-à-dire la moitié des voix valables plus une. S'il y a un second tour, il faut la majorité relative. (Les huissiers récoltent les bulletins.)Le scrutin est clos. Je prie les scrutateurs de bien vouloir se rendre à la salle Nicolas-Bogueret pour dépouiller les bulletins. (Les scrutateurs procèdent au dépouillement.)
Bulletins distribués: 78
Bulletins retrouvés: 78
Bulletin blanc: 0
Bulletin nul: 0
Bulletins valables: 78
Majorité absolue: 40
Est élu : M. Daniel Devaud, par 42 suffrages. (Vifs applaudissements.)
Obtient des suffrages : M. Christian Coquoz (36).