République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 26 juin 2003 à 16h
55e législature - 2e année - 10e session - 55e séance -autres séances de la session
Séance extraordinaire
La séance est ouverte à 16h, sous la présidence de M. Bernard Lescaze, président.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle qu'il s'agit d'une séance extraordinaire dans laquelle l'ordre du jour ne saurait être modifié.
Assistent à la séance: Mmes et MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, Robert Cramer, Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht, Micheline Spoerri et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: M. Charles Beer, conseiller d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Bernard Annen, Thierry Apothéloz, Luc Barthassat, Caroline Bartl, Blaise Bourrit, Gilbert Catelain, Renaud Gautier, Alexandra Gobet Winiger, Mariane Grobet-Wellner, David Hiler, Pierre Kunz, Michèle Künzler, Ueli Leuenberger, Jacqueline Pla, Véronique Pürro, Pierre Schifferli, Louis Serex, Ivan Slatkine et Jean Spielmann, députés.
Le président. Les candidatures suivantes sont parvenues à la présidence : M. Daniel Devaud, juge d'instruction, présenté par l'Alliance de gauche, et M. Christian Coquoz, présenté par le parti démocrate-chrétien.
Monsieur Christian Grobet, vous avez la parole.
M. Christian Grobet (AdG). Nos partis respectifs ont délégué - peut-on dire - la compétence du choix des différentes candidatures au pouvoir judiciaire à une commission dite interpartis, formée d'un représentant par parti, qui est quasiment officielle. Elle est même, sauf erreur, mentionnée dans la loi pour avoir accès à toutes les informations requises en ce qui concerne les qualifications et les qualités des candidats à une élection au pouvoir judiciaire. C'est cette commission judiciaire composée de sept membres qui essaye de répartir les sièges et, dans ce cadre, un accord a été signé par chacun de ses membres, au nom de leur parti, au début du mois d'avril, prévoyant de donner la priorité à l'élection des juges de certains partis. Et, notamment, le parti démocrate-chrétien avait admis de passer son tour pour les candidats aux postes soumis à élection aujourd'hui...
Peu de temps après la signature de cette convention, M. Coquoz a démissionné de ses fonctions de chef de la police, et notre formation politique, comme les autres, ont été unanimes pour déroger à cet accord et permettre au PDC de solliciter immédiatement un poste pour le pouvoir judiciaire, quand bien même ce n'était pas son tour et quand bien même le PDC est surreprésenté au pouvoir judiciaire... Il était entendu que M. Coquoz se présenterait au poste de juge d'instruction, M. Devaud, de son côté, ayant fait acte de candidature pour accéder à la Cour de justice.
Je dois dire que nous sommes profondément déçus aujourd'hui - pour ne pas dire davantage... - de constater, après avoir accepté de remettre en cause l'accord interpartis pour permettre à M. Coquoz de réintégrer immédiatement le pouvoir judiciaire, que la règle de l'ancienneté n'est pas respectée pour l'élection de M. Devaud au poste de juge à la Cour de justice. Actuellement, presque la moitié des membres de la Cour de justice fait partie du PDC - la Cour est quasiment à majorité PDC ! - et il n'est pas normal que le droit d'ancienneté ne soit pas appliqué pour M. Devaud, dans la mesure où ce droit a constamment été admis pour l'élection à la Cour de justice.
J'espère que les députés membres des partis ici présents qui ont été engagés par la signature de leur représentant au sein de cette commission interpartis la respecteront. A défaut, il faudra bien admettre que les accords pris devant cette commission et dûment signés n'ont aucune valeur...
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Je ne reviendrai pas sur le début de l'historique fait par M. Grobet, parce qu'un accord a effectivement été passé entre les différents partis, accord que nous tenons à respecter. Dans cet accord, un principe de dérogation a été introduit, à la demande du reste - je crois - d'un membre de l'Alliance de gauche, et l'interpartis judiciaire a admis, effectivement, que les circonstances - la démission de M. Coquoz du poste de chef de la police et sa réintégration rapide au Palais de justice qui est demandée par l'ensemble du Palais de justice et par de nombreuses personnes de droite comme de gauche - nous donnaient la possibilité de postuler à un poste. Jusqu'à présent, nous sommes donc d'accord avec ce qui a été dit par M. Grobet.
Par contre, nous divergeons en ce qui concerne le poste à la Cour de justice. Il faut tout d'abord savoir que ce poste est nouveau, qu'il ne revenait a priori pas à un parti de gauche mais plutôt à un parti de droite et qu'il était vacant jusqu'à il y a très peu de temps. Etant donné que ce poste était vacant et qu'il a reçu de nombreux appels de différentes personnalités du monde judiciaire et politique en faveur de la candidature de M. Coquoz, le parti démocrate-chrétien a décidé à l'unanimité de présenter la candidature de M. Coquoz à ce poste. Ce dernier, je le précise, n'a absolument jamais conclu d'accord ou fait une quelconque démarche au sujet du poste de juge d'instruction... M. Coquoz a toujours dit qu'il était candidat au Palais de justice: c'est la seule candidature qu'il ait présentée.
A partir de là, le parti démocrate-chrétien a transmis immédiatement sa décision de présenter M. Coquoz à la Cour de justice à l'interpartis judiciaire, qui devait rencontrer M. Coquoz environ une semaine après. La veille de cette rencontre, l'interpartis a reçu la candidature de M. Devaud, qui est donc postérieure à celle de M. Coquoz...
Nous considérons que le parti démocrate-chrétien a tout d'abord une légitimité politique à présenter ce candidat à ce poste. La légitimité est également professionnelle, puisque les compétences de M. Coquoz sont unanimement reconnues, et, je le répète, il a reçu de nombreux appels de différentes personnalités de gauche comme de droite pour réintégrer rapidement le Palais en postulant au poste de juge à la Cour de justice.
M. Michel Halpérin (L). Le groupe libéral soutiendra la candidature de M. Coquoz. Il n'y a pas ici à entrer en matière de façon détaillée sur les discussions qui ont eu lieu dans le groupe interpartis qui essaye de préparer les élections judiciaires - qui y parvient parfois, mais pas toujours...
Je voudrais simplement rappeler à M. Grobet - dont la mémoire est longue, mais il sait que la mienne l'est parfois aussi - qu'il n'y a pas deux ans, à deux élections de suite de magistrats du pouvoir judiciaire, la gauche unanime a voté pour des candidats qui n'étaient pas ceux de l'interpartis, ce qui prouve bien que, selon les circonstances, elle ne se sent pas plus liée par les décisions de l'interpartis que la constitution ne l'y oblige...
Quoi qu'il en soit, la raison - s'il en fallait une - indépendamment des qualités que l'on prête individuellement à tel ou tel magistrat, de préférer la candidature de M. Coquoz est tout simplement qu'il a quitté le Palais de justice avec la fonction déjà très haute dans notre hiérarchie judiciaire de procureur adjoint, qu'il a une plus longue carrière judiciaire au total que son opposant et qu'il a l'habitude des rédactions de jugements, notamment civils, puisqu'il a été greffier-juriste au Tribunal fédéral.
Ces éléments suffiraient, s'il fallait les décrire, à vous expliquer le vote du groupe libéral.
M. John Dupraz (R). Je comprends que M. Grobet soit un peu ulcéré que l'accord trouvé par l'interpartis judiciaire ne soit pas respecté...
J'aimerais toutefois dire ici que le mandat que nous détenons, nous le détenons du peuple et que nous devons rendre des comptes au peuple et à notre parti.
En ce qui me concerne, je dénonce la façon dont les juges sont désignés... L'interpartis est un groupuscule de copains qui ont fait leurs études de droit ensemble, qui se connaissent... (Rires.)...et qui se répartissent les postes à tour de rôle ! Et puis, au caucus, on nous invite à voter pour tel ou tel candidat en vertu d'un accord qui a été conclu, alors que nous ne les avons jamais vus et que nous ne savons pas qui ils sont...
Je trouve cette manière de procéder digne des républiques bananières et des dictatures ! (Exclamations.)Il n'est pas acceptable qu'un parlement élu démocratiquement par le peuple se laisse imposer des candidats à ces élections par un petit groupe de copains qui décident qui sera candidat, quand, comment et à quel poste !
Je connais cette procédure depuis trente ans. Je la trouve désastreuse, et je vous promets que je déposerai très prochainement un projet de loi bien que je ne sois pas juriste, pour modifier cette manière de faire, qui est profondément scandaleuse et qui est à la limite du copinage ! (Commentaires.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons procéder au vote. Je prie les huissiers de bien vouloir distribuer les bulletins de vote, et j'en profite pour saluer à la tribune les nombreuses personnalités présentes, anciens présidents du Grand Conseil et magistrats de l'ordre judiciaire. (Applaudissements.)
Je vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, d'inscrire un seul nom sur votre bulletin. Au premier tour, est élu le candidat qui obtient la majorité absolue, c'est-à-dire la moitié des voix valables plus une. S'il y a un second tour, il faut la majorité relative. (Les huissiers récoltent les bulletins.)Le scrutin est clos. Je prie les scrutateurs de bien vouloir se rendre à la salle Nicolas-Bogueret pour dépouiller les bulletins. (Les scrutateurs procèdent au dépouillement.)
Bulletins distribués: 78
Bulletins retrouvés: 78
Bulletin blanc: 0
Bulletin nul: 0
Bulletins valables: 78
Majorité absolue: 40
Est élu : M. Daniel Devaud, par 42 suffrages. (Vifs applaudissements.)
Obtient des suffrages : M. Christian Coquoz (36).
Le président. Est parvenue à la présidence la candidature de M. Olivier Bindschedler Tornare, présenté par l'Alliance de gauche.
Etant seul candidat, M. Olivier Bindschedler Tornare est élu tacitement. (Applaudissements.)
Le président. Les candidatures suivantes sont parvenues à la présidence : Mme Séverine Guex, présentée par le parti libéral, et M. Claudio Mascotto, présenté par le parti socialiste.
M. Pierre Bungener, de l'Union démocratique du centre, m'a fait parvenir une lettre tout à l'heure annonçant le retrait de sa candidature.
En conséquence, étant seuls candidats, Mme Séverine Guex et M. Claudio Mascotto sont élus tacitement. (Applaudissements.)
Le président. Comme nous avons eu huit noms pour les associations représentatives des employeurs, les candidats seront proclamés élus tacitement. Je vous les cite:
M. Philippe Carruzzo, Mme Giovanna Descloux, Mme Daniela Jobin, Mme Violaine Landry Orsat, M. Olivier Levy, M. Roger Lozeron, M. Bertrand Reich et M. Laurent Velin.
Nous avons également reçu huit candidatures présentées par les associations représentatives des salariés. Ces huit personnes seront proclamées élues tacitement, à moins que nous ne découvrions un cas d'incompatibilité. Je vous les cite:
M. Philippe Balzano, Mme Nicole Bassan Bourquin, Mme Florence Brütsch, Mme Christine Bulliard Mangili, M. Gérald Crettenand, M. Pierre Guérini, Mme Teresa Soares et Mme Daniela Werffeli Bastianelli.
Etant seuls candidats, ces seize assesseurs sont élus tacitement au Tribunal cantonal des assurances sociales. (Applaudissements.)
Et il ne semble pas qu'il y ait d'incompatibilité.
Communication de la présidence
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je tiens à vous dire que j'avais demandé une séance spéciale du Grand Conseil, afin que nous marquions, avec une relative solennité, l'introduction d'une nouvelle juridiction dans les tribunaux genevois, celle du Tribunal cantonal des assurances sociales.
Le projet de loi du Conseil d'Etat, après de nombreuses discussions et consultations internes, avait été déposé le 12 octobre 2001, et c'est suite à plusieurs séances de commission, le 3 octobre 2002, que votre Grand Conseil a accepté de créer un Tribunal cantonal des assurances sociales. Je me plais d'ailleurs à relever que, par une ironie du sort, c'est le premier vice-président du Grand Conseil qui était rapporteur, alors que votre président était président de la commission judiciaire... (Exclamations.)Mais ce n'est là qu'un hasard ! (Exclamations, applaudissements et sifflets.)L'introduction de cette nouvelle juridiction marque une étape importante dans l'histoire de la justice genevoise. Si les tribunaux civils et pénaux datent de plusieurs siècles, les juridictions spéciales ont fait leur apparition au XXe siècle, en particulier le Tribunal administratif et les juridictions spéciales concernant l'enfance.
C'est d'ailleurs un des problèmes qui concerne la justice: savoir s'il vaut mieux avoir des tribunaux généraux ou des tribunaux spéciaux. Vous savez qu'il a souvent été question à Genève d'introduire un Tribunal de commerce, ce qui n'a jamais été le cas depuis que nous n'avons plus le droit français.
Aujourd'hui, le problème qui s'est posé était de savoir si nous allions donner la compétence générale en matière d'assurances sociales, telle que l'exigeait le nouveau droit fédéral, au Tribunal administratif ou si nous allions créer un tribunal spécial. La décision du Grand Conseil a été de créer un tribunal spécial. Cela permettait notamment de conserver des assesseurs - que vous venez, Mesdames et Messieurs les députés, d'élire - et c'est également une tradition judiciaire genevoise - souvent certes combattue par certains juristes, mais importante - de garder un aspect populaire à la justice, tant par les jurés des Cours d'assises ou correctionnelle que, par exemple, par un certain nombre d'assesseurs au Tribunal de police, à la Chambre d'accusation, et, maintenant, au Tribunal cantonal des assurances sociales.
Celui-ci, particulièrement à l'aube du XXIe siècle, aura une mission importante en raison de la prépondérance que prennent les assurances sociales et, tant au point de vue de la pratique judiciaire que de la théorie juridique, nous pensons que ce tribunal est apte à faire face à sa mission, particulièrement aujourd'hui.
Nous formulons en votre nom à tous, Mesdames et Messieurs les députés, les souhaits les meilleurs pour une heureuse destinée de ce nouveau tribunal, auquel nous espérons que son efficacité, sa bonne et prompte justice, lui attireront la reconnaissance de tous les justiciables. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Ont prêté serment en qualité de juges:
Mme Juliana Balde, Mme Maya Cramer (poste à mi-temps), Mme Isabelle Dubois-Dognon, Mme Valérie Montani (poste à mi-temps), Mme Karine Steck et Mme Doris Wangeler.
Ont prêté serment en qualité de suppléants:
M. Jean-Louis Berardi, M. Howard Jan Kooger et M. Marc Mathey-Doret. (Applaudissements.)
Le président. M. Henri Nanchen est excusé. Il prêtera serment le 29 août prochain.
Ont prêté serment (représentant les employeurs):
M. Philippe Carruzzo, Mme Giovanna Descloux, Mme Daniela Jobin, Mme Violaine Landry Orsat, M. Olivier Levy, M. Roger Lozeron, M. Bertrand Reich et M. Laurent Velin.
Ont prêté serment (représentant les salariés):
Mme Florence Brütsch, Mme Christine Bulliard Mangili, M. Gérald Crettenand, M. Pierre Guérini, Mme Teresa Soares et Mme Daniela Werffeli Bastianelli. (Applaudissements.)
Mme Nicole Bassan Bourquin et M. Philippe Balzano sont excusés et prêteront serment ultérieurement.
M. Daniel Devaud est assermenté. (Vifs applaudissements.)
M. Olivier Bindschedler Tornare est assermenté. (Vifs applaudissements.)
Mme Séverine Guex et M. Claudio Mascotto sont assermentés. (Vifs applaudissements.)
Le président. Afin de clore cette cérémonie de façon conviviale, nous vous invitons toutes et tous, Mesdames et Messieurs les députés, Mesdames et Messieurs les invités, Mesdames et Messieurs les personnalités et participants à cette séance, depuis la tribune du public, à l'apéritif qui vous est offert dans la cour de l'Hôtel-de-Ville.
La séance est levée, et nous reprendrons nos travaux à 17h.
La séance est levée à 16h45.