République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 13 juin 2003 à 17h
55e législature - 2e année - 9e session - 53e séance
IUE 54
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. L'interpellation urgente écrite, formulée par M. Weiss, vise à démontrer un rapport de cause à effet entre les propos tenus ou attribués à M. de Marcellus et les actes délictueux commis par les casseurs en ville de Genève à l'occasion du G8.
Monsieur Weiss, vous accordez à M. de Marcellus une influence déterminante sur ces voyous, sans pour autant savoir s'ils lisent M. de Marcellus, sans savoir s'ils l'écoutent et, surtout, sans savoir s'ils le connaissent. Ce qui est particulièrement frappant dans votre interpellation urgente écrite - et cet exercice prend quinze pages ! - c'est le fait que vous additionnez des citations, des suppositions et des affirmations. Vous vous livrez ici à un exercice qui s'appelle une construction, qui a sans doute beaucoup de valeur d'un point de vue intellectuel, mais qui peut poser problème lorsqu'il s'agit d'en vérifier le résultat. Vous savez qu'il n'est pas possible, dans l'art des réponses aux interpellations urgentes où nous avons peu de temps, de répondre à quinze pages. Tel n'est pas tout à fait mon but.
J'aimerais quand même dire quelque chose concernant certains éléments sur la violence. Vous avez eu la correction - et je vous en remercie - de remettre les pièces sur lesquelles vous vous basiez pour analyser les propos que vous attribuez à M. de Marcellus. Il en ressort quand même ceci: un certain nombre de pièces proviennent d'un contexte dans lequel il est question de lutte au Mexique, en Amérique latine, au Chiapas, avec le sous-commandant Marcos, où, effectivement, les rapports de force et les rapports politiques ne sont pas tout à fait les mêmes qu'en démocratie suisse. Faut-t-il pour autant interpeller M. de Marcellus, si celui-ci s'exprime au niveau de la lutte dans le Chiapas, concernant le pouvoir au Mexique ? Ce qu'il dit ici mérite certes un examen plus attentif. Mais, Monsieur Weiss, au-delà de l'examen plus attentif, vous nous demandez si le Conseil d'Etat entend dénoncer M. de Marcellus au Procureur général, pour un certain nombre de délits ou de crimes dont il se serait rendu coupable. En tout état de cause, vous faites très clairement allusion à l'article 259 du Code pénal, soit la provocation publique au crime ou à la violence. Et vous savez également qu'il s'agit de crimes que le Procureur général poursuit d'office, s'il estime qu'il est nécessaire de le faire. C'est dire quand même que cet article 259 du Code pénal mérite en tous les cas d'être cité - car c'est là-dessus, à mon avis, que vous vous basez - de même que l'article 26 de la loi pénale genevoise, qui - je me permets de le dire - date de 1942 et concerne la provocation de fonctionnaires à la désobéissance. A cet égard, le Procureur général qui, je crois, n'a pas d'amitié particulière avec tel ou tel milieu, effectuera son travail de manière parfaitement indépendante, s'il estime opportun de l'effectuer. Je crois que c'est un élément qui mérite d'être dit et pour lequel vous n'avez pas besoin du Conseil d'Etat. Si la gravité de l'affaire est aussi importante que vous le dites, il y aura probablement travail du Procureur, surtout que vous n'ignorez pas que des enquêtes sont en cours par rapport au G8. Je reviens donc à ce rapport de cause à effet que vous établissez entre ces propos et les destructions liées au G8: je crois qu'il convient là d'attendre l'enquête de police pour déterminer les responsables de ces différents incendies et casses commis à l'occasion de ce G8.
L'autre question que vous posez est également importante, puisque vous voulez savoir si le devoir de réserve d'un fonctionnaire doit s'appliquer à M. de Marcellus. Vous dites en fait que ce devoir s'applique, que M. de Marcellus l'a violé, et que le Conseil d'Etat doit d'ores et déjà prononcer l'ouverture d'une enquête administrative, suspendre M. de Marcellus et également, quel que soit le résultat, décider de le licencier. J'aimerais simplement vous dire que toutes les pièces sont évidemment examinées en profondeur, et - comme cela vous a été dit hier par Mme Spoerri au nom du Conseil d'Etat - d'une façon très générale et concernant d'autres fonctionnaires également, la notion même du devoir de réserve doit être réexaminée à la lumière de l'actualité. Je crois qu'il s'agit de considérer le tout dans un contexte général et de ne pas chercher à stigmatiser.
Enfin, Monsieur Weiss, je me permets encore - et n'y voyez aucune volonté de provocation - de relever la gravité de certains de vos propos. Vous reprenez certains de mes propos oraux, et je me permets de vous citer, à la page 6 de votre interpellation urgente. Vous dites: «[...] Charles Beer a signé un courrier à son attention - donc celle de M. de Marcellus - "s'inquiétant de ce qu'il écrivait et l'appelant bien évidemment à souscrire à ses propres propos concernant les manifestations du G8"». Et vous en déduisez, sans posséder le texte de ce courrier: «[...] ce sont bien ces derniers mots qui nous paraissent particulièrement maladroits, puisqu'ils peuvent être compris, sinon comme une incitation pour M. de Marcellus à mettre en pratique sa conception du recours à la violence contre les choses, du moins comme une démonstration du malentendu - ou plutôt du mal-lu.» Je vous mets en garde par rapport à ce type d'amalgames, selon quoi les casseurs agiraient sur ordre de M. de Marcellus, et celui-ci serait, le cas échéant, soutenu par un magistrat. Vous franchissez ici un certain nombre de pas qui relèvent de la calomnie. Je me permets de vous le dire non pas pour être formaliste, mais parce que nous devons, malgré la gravité des événements, garder la tête froide et rester lucides. (Applaudissements.)
Cette interpellation urgente écrite est close.