République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 16 mai 2003 à 14h
55e législature - 2e année - 8e session - 47e séance
PL 8950-A
Premier débat
M. Jacques Baud (UDC). La sécurité actuelle à Champ-Dollon est désastreuse. Lorsqu'on examine les installations de sécurité existantes, l'on se rend compte que la quasi-totalité des écrans sont éteints, que les caméras ne fonctionnent plus et qu'un seul écran nous dévoile une infime partie de l'extérieur de la bâtisse. A l'heure actuelle, c'est une patrouille de sécurité qu'on loue très cher, puisqu'elle nous coûte 40 000 F par mois - soit 480 000 F par année ! - qui assure la sécurité à Champ-Dollon. Il est temps que l'on fasse les réparations qui se doivent et qu'enfin notre prison soit sécurisée ! J'espère que vous lui ferez bon accueil - pas à la prison, mais au projet de loi...
M. Rémy Pagani (AdG). Nous ne nous opposerons bien évidemment pas à ce projet de loi. Il convient toutefois relever un certain nombre de problèmes qui ont été soulevés en commission et qui requièrent selon moi toute notre attention. Si les installations de sécurité qui seront mises en place à Champ-Dollon ne nous paraissent pas excessives, elles posent néanmoins des problèmes relativement importants. Je pense notamment à l'implantation systématique de caméras qui ne surveilleront certes pas les cellules, mais les couloirs, les façades et tous les lieux où il est possible de filmer quelque chose. Nous estimons qu'une réflexion doit être menée, et ceci d'autant plus lorsque l'on sait que l'aéroport abrite pas moins d'une trentaine de caméras vidéos non pas fixes, mais munies de téléobjectifs permettant d'aller jusqu'à constater le type de journaux achetés au kiosque ou encore le type de billets demandés au bureau de la banque. (Brouhaha.)Cette situation nous pose un double problème déontologique et juridique - bien que, pour ce qui est de la prison de Champ-Dollon, le personnel ait donné son accord, car le fait d'installer des caméras dans les couloirs permet d'améliorer la sécurité. Le problème juridique auquel je pense est le suivant: les postes de travail sont, encore aujourd'hui, interdits à la surveillance électronique - et nous espérerons qu'ils le resteront dans notre canton ainsi que dans le reste du pays. Il est vrai qu'il existe des questions de pondération de sécurité. Toujours est-il que le type de caméras existant actuellement permet de lire l'heure sur une montre ! Les conséquences de cette fonction électronique et des avances technologiques qui sont faites doivent à notre avis être mesurées, y compris au sein de la prison de Champ-Dollon. S'il paraît évident pour certains d'aller regarder le numéro des chaussettes d'un détenu, une telle possibilité nous pose un problème, et nous tenions à le faire savoir dans cette enceinte. Je répète pour conclure que nous ne nous opposons cependant pas à l'installation de cette infrastructure nécessaire à Champ-Dollon.
M. Alberto Velasco (S). Il est bien évident que le groupe socialiste votera ce projet de loi. Néanmoins, comme l'a soulevé M. Baud, la surveillance privée coûte quelque 400 000 F par année. Cela pose un double problème: en premier lieu, le coût. En second lieu, il s'agit d'une fonction régalienne qui doit normalement être exercée par l'Etat. Or, en l'occurrence, cette fonction est ici assurée par une société privée. Il me semble qu'il est temps de mettre un terme à cet état de choses. Nous espérons que le vote de ce projet de loi permettra de remettre cette fonction régalienne au centre des préoccupations et des fonctions de l'Etat.
M. Carlo Sommaruga (S). J'aimerais ajouter un autre élément de réflexion sur ce projet de loi: s'il est important que l'Etat veille à la sécurité de la société - et, partant, au fait que les prisons ne permettent pas des évasions faciles - il n'en demeure pas moins qu'il convient également de prendre en considération l'atmosphère et la tension qui règnent dans ces lieux. Or, l'on sait que l'espoir, ou plutôt le fantasme d'une évasion, permet d'apaiser les tensions dans une prison. (L'orateur est interpellé.)Dans la mesure où l'on renforce la sécurité d'une prison pour le bien de la collectivité, il convient de s'assurer que les conditions internes de la prison permettent de maintenir un niveau de tension aussi bas que possible. Or, la commission des visiteurs a eu l'occasion d'évoquer dans son rapport des difficultés dues à l'inadaptation des locaux à un certain nombre d'activités proposées aux détenus. Au-delà du crédit d'investissement, que le parti socialiste votera bien entendu, il conviendra de ne pas s'arrêter à la problématique de la sécurité, mais de mettre en route une réflexion prenant en considération les aspects touchant la personne même du détenu à l'intérieur de la prison et à assurer une gestion de la détention dans les meilleures conditions possibles.
Mme Stéphanie Nussbaumer (Ve). Les Verts ne s'opposeront pas à ce projet de loi. Il existe cependant à notre sens d'autres priorités. Je pense notamment aux internements prononcés en vertu de l'article 43 qui s'effectuent toujours, contrairement à la loi, à Champ-Dollon. Les craintes que nous avions par rapport à ce projet de loi ont été partiellement levées par l'audition de M. Franziskakis. Nous avons notamment obtenu la garantie que les enregistrements seraient détruits après vingt-quatre heures, comme M. Hiltpold le mentionne dans son rapport. De plus, il nous a été garanti que l'intimité des détenus serait préservée et qu'aucun enregistrement n'aurait lieu à l'intérieur des cellules. Suite à ces garanties, nous pouvons donc voter ce projet de loi.
La loi 8950 est adoptée en trois débats par article et dans son ensemble.