République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 15 mai 2003 à 17h
55e législature - 2e année - 8e session - 45e séance
IU 1412
M. Pierre Weiss (L). Ma deuxième interpellation porte sur le cas de M. de Marcellus et elle s'adresse à M. Beer.
J'aimerais tout d'abord faire état - la chose n'est pas très connue - de ma parfaite conviction que celui qui était son avocat à l'époque sait se récuser lorsque le nom de M. de Marcellus est avancé. Je suis convaincu que M. Moutinot, qui était son avocat en 1994, lors des faits en question, à teneur d'une interview de M. de Marcellus au «Courrier» réalisée par M. Mugny, à laquelle M. Moutinot a participé, puisque l'on y retrouve ses déclarations, je suis convaincu donc que M. Moutinot n'entre pour rien dans cette affaire (Brouhaha. L'orateur est interpellé.)J'en suis convaincu, mais je ne voudrais pas l'évoquer davantage, Monsieur Sommaruga ! Vous êtes un spécialiste des interventions intempestives !
Je demande donc à M. Beer s'il considère que M. de Marcellus a plus, moins, ou également à M. Hani Ramadan, violé les devoirs de sa charge en tant que fonctionnaire, notamment sous l'angle du devoir de réserve et du devoir de fidélité. En ce qui concerne le devoir de fidélité, on peut se demander si son récent aveu de participation à cette opération - lorsqu'il dit «nous», lorsqu'il évoque les conditions climatiques régnant à Creys-Malville la nuit, la pluie notamment, cela montre bien qu'il y était aussi, aux côtés de M. Nissim - ainsi, lorsqu'il dit «nous» et qu'il s'en glorifie dans la «Wochenzeitung», est-ce qu'il viole son devoir de fidélité ? Deuxièmement, viole-t-il son devoir de réserve en faisant l'apologie de la violence contre les choses, toujours dans ce récent article de la «Wochenzeitung» que j'ai eu à vous signaler il y a un mois et demi de cela ?
Je vous remercie l'un et l'autre des réponses qui pourraient être apportées à ces deux interpellations.
M. Charles Beer. Votre interpellation, Monsieur le député, a trait à un sujet grave. C'est celui du terrorisme, ou plutôt celui du passage d'une partie de la gauche dans les années 70 à une forme d'action qui est allée de la clandestinité à un certain nombre d'actes terroristes. L'histoire dira très exactement comment il convient de qualifier le degré de clandestinité, le degré de terrorisme dans les actes que vous avez vous-mêmes évoqués.
Cela dit, je vous sais gré, Monsieur le député, de m'avoir interpellé à l'avance. Vous m'avez téléphoné à deux reprises, en me laissant clairement entendre que si nous prenions, du côté du département - et je vous ai répondu à cet égard - un certain nombre de sanctions à l'encontre de M. de Marcellus, vous pourriez vous abstenir de commentaires publics là autour. Je n'ai effectivement pas souhaité vous répondre, partant du principe qu'il valait mieux répondre publiquement s'agissant d'un certain nombre de dossiers d'une certaine gravité.
Je vous ai dit en préambule le sérieux avec lequel le département de l'instruction publique et le Conseil d'Etat ont considéré les choses. Je me permets également de confirmer que M. Moutinot, président du Conseil d'Etat, s'est bel et bien récusé concernant le dossier de M. de Marcellus lors de la discussion à cet égard au sein du Conseil d'Etat.
Pour ce qui concerne la question que vous posez, à savoir l'obligation de fidélité et le devoir de réserve, j'aimerais vous dire ceci: les actes reprochés, ou plutôt avoués, de M. de Marcellus remontent à plus de vingt ans. Vous savez qu'il y a, sur le plan pénal, impossibilité de rouvrir l'instruction au niveau suisse.
Pour ce qui concerne le droit administratif, soit le B 5 05.01, il découle de l'article 17 que l'on ne saurait remonter à plus de dix ans pour prendre en compte les faits et les preuves pour instruire un dossier dans une enquête. Dès lors, de ce simple examen, il découle que ce n'est en tout cas pas du côté administratif que l'on devrait préalablement chercher réponse à votre question.
Pour ce qui concerne l'apologie de la violence, Monsieur Weiss, laissez-moi vous dire ici que l'entreprise à laquelle vous participez, ou plutôt dont vous êtes l'auteur, relève d'un procédé intellectuel peu honnête. Parce que, Monsieur Weiss, la citation, qui n'en est pas une - lorsque vous parlez d'apologie de la violence - est sortie de son contexte. J'ai ici l'intégralité des déclarations de la «Wochenzeitung» dans tous les médias confondus. M. De Marcellus ne cesse de dire premièrement qu'il convient de ne pratiquer aucune violence à l'encontre des personnes, aucune violence à l'encontre des biens - c'est très exactement encore la teneur du message par rapport aux manifestations - et qu'il fait exactement le contraire de ce que vous dites lorsqu'il comprend les manifestants de Davos! Il précise qu'ils se sont fait piéger dans la spirale de la violence. Se faire piéger dans la spirale de la violence ne relève pas de l'apologie, Monsieur Weiss! Laissez-moi vous dire que vous commettez, peut-être de bonne foi, un certain nombre de dérapages, parce que vous allez à l'encontre du message global en essayant d'extraire un élément particulier!
A partir de là, et par rapport aux comparaisons, nous avons tous les deux l'article, Monsieur Weiss... (L'orateur est interpellé.)J'espère que vous n'allez pas nous le lire intégralement... J'aimerais, Monsieur le président, pouvoir terminer ma réponse à l'interpellation de M. Weiss.
Le président. Tout à fait, Monsieur le conseiller d'Etat, mais il vous faut conclure.
M. Charles Beer. Je pense que le sujet mérite quand même une réponse.
Le président. C'est pour cela que je ne vous ai pas importuné !
M. Charles Beer. Il vous appartiendra, Monsieur le président, de me couper la parole si vous estimez que je dois m'abstenir de répondre à la question tout à fait grave de M. le député Weiss.
Par rapport à l'égalité de traitement concernant M. Ramadan - c'est ce que vous dites exactement, je reprends vos propos - il y a non seulement décalage temporel, mais aussi quelque chose à prendre en considération, à savoir la loi sur l'instruction publique qui, par un certain nombre d'articles, notamment l'article 6, resserre tout particulièrement le devoir de réserve. Vous le savez bien. M. de Marcellus n'est pas enseignant, il n'a pas de contact avec les jeunes. Le devoir de réserve ne s'applique donc pas tout à fait avec la même rigueur.
Pour ce qui concerne la suite des opérations, j'aimerais vous dire que l'on s'est quand même inquiété des confessions qui sont peu héroïques du point de vue de l'exemple. Nous avons simplement écrit, j'ai signé la lettre, à M. de Marcellus, nous inquiétant de ce qu'il écrivait et l'appelant bien évidemment à souscrire à ses propres propos concernant les manifestations du G8, qui représentent devant nous une échéance importante. Nous aurons besoin, du côté des manifestants, d'un certain nombre de participants pour qu'il y ait un bon ordre. Nous croyons pouvoir compter sur un certain nombre de personnes, dont M. de Marcellus, pour que les choses se passent correctement.
Je conclurai finalement en disant que M. de Marcellus est de citoyenneté américaine et montre par là-même que tout ce qui peut relever d'un boycott à l'égard d'une généralité, c'est-à-dire les Etats-Unis d'Amérique, est aussi quelque peu limité.
Cette interpellation urgente est close.