République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1491
Proposition de motion de Mmes et MM. Loly Bolay, Ariane Wisard, Christian Bavarel, Antoine Droin, Albert Rodrik pour une politique en matière de circulation cohérente et respectueuse des divers modes de transports dans la Vieille-Ville et ses rues adjacentes

Débat

Mme Loly Bolay (S). C'est l'absence de réponse à la pétition 1230 concernant les problèmes de circulation en Vieille-Ville et dans ses rues adjacentes qui a motivé le dépôt de cette motion. La pétition 1230 demandait un respect des zones piétonnes protégées et un projet de circulation cohérent.

Il faut dire que notre Vieille-Ville est devenue un véritable dépotoir à voitures et à motos, je dirais même un bastion pour ce genre de véhicules. Je ne sais pas si, depuis novembre 2002, date de dépôt de cette pétition, le Conseil d'Etat a pris des mesures pour appliquer le règlement en vigueur en Vieille-Ville. En tout état de cause, cette Vieille-Ville doit, selon nous, être protégée. Je vous remercie donc de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

M. Jacques Baud (UDC). Je serai très bref. Je comprends très bien qu'il puisse y avoir des problèmes pour beaucoup de gens dans cette Vieille-Ville, mais des projets de fermeture de la rue St-Léger et de la rue Jean-Daniel-Colladon aux voitures, ainsi que de remodelage complet de la rue de la Rôtisserie et de la rue de la Madeleine, y compris les places attenantes, existent déjà. La Ville de Genève va réaliser ces divers projets qui ont passé la rampe de toutes les commissions ad hoc. Les budgets semblent avoir été votés par la municipalité et les travaux sont prêts à être entrepris. Attendons donc le résultat de ces divers aménagements pour apprécier leur bien-fondé, s'il y en a ! Il sera alors temps d'aviser. Je propose que les auteurs de cette motion la retirent, car ce serait demander un travail inutile à ceux qui en seraient chargés. Je vous en remercie par avance.

Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce sera sans doute une surprise pour de nombreux députés de cette assemblée, mais la Vieille-Ville et ses environs proches abritent aujourd'hui près de trois mille habitants, sept mille deux cents emplois, et accueillent de nombreux visiteurs. Selon les statuts en vigueur, les piétons sont prioritaires sur l'ensemble de la Vieille-Ville, en tout temps et partout. La réalité sur le terrain est tout autre: la circulation motorisée y est constante, et le stationnement illicite permanent. Malgré la persévérance des îlotiers du quartier, les forces de l'ordre ne peuvent faire face à un tel irrespect. Pourtant, le parking Saint-Antoine de cinq cents places devait régler ce problème récurrent de stationnement et de circulation anarchiques dans le secteur. En effet, la construction de ce parking était liée à plusieurs mesures d'accompagnement, dont l'amélioration des possibilités de cheminement des piétons et la suppression du stationnement automobile à l'intérieur de la Vieille-Ville. Le précédent président du DJPS, M. Gérard Ramseyer, a initié une concertation qui a abouti à la levée des oppositions à la construction du parking, ainsi qu'à l'adoption de mesures de modération de trafic dans ce quartier historique. Les accords ont été approuvés par les différents partenaires que sont notamment les associations d'habitants ou de commerçants du quartier.

Depuis l'ouverture du parking en 1995, plusieurs règles de circulation ont été mises en place afin de réglementer les accès à la Vieille-Ville. Certains zones sont placées en rues résidentielles, d'autres en rues piétonnes. Ces mesures reposent sur le principe de signalisation aux entrées de la Vieille-Ville, accompagnée de quelques légers aménagements et de chaînes - mesures dont les applications actuelles se révèlent absolument inefficaces, étant donné l'indiscipline des automobilistes et des motos. Quant aux chaînes bloquant l'accès des rues piétonnes, elles restent régulièrement ouvertes, et ces rues sont colonisées par des voitures. Il est devenu évident que le principe même de la modération du trafic comme mesure de compensation à l'ouverture du parking Saint-Antoine n'est ni appliqué ni applicable en l'état.

Alors que les partis politiques font de la sécurité et du respect leur cheval de bataille, il est inadmissible de tolérer qu'en matière de circulation les lois soient quotidiennement bafouées. Il faut rapidement trouver une solution, afin que la Vielle-Ville devienne un lieu attractif, comme cela est le cas dans de nombreuses villes suisses et européennes. Pour ces raisons, les Verts vous demandent, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Madame la députée. Pourrais-je vous demander, pour la prochaine fois, de mieux parler dans votre micro ? Nous avions beaucoup de peine à vous entendre. Monsieur le député Desplanches, vous avez la parole.

M. Gilles Desplanches (L). Nous avons encore affaire à une motion qui vise à modifier la circulation, plus exactement à l'interdire. Il est vrai qu'il serait assez facile pour nous, plénum, de dire: «C'est une motion qu'on accepte, car politiquement elle nous semble correcte.» Or, la réalité est tout autre: aujourd'hui, on constate que pour tout ce qui concerne la circulation, certains partis veulent, ma foi, absolument la diminuer sans proposer d'autres solutions.

M. Christian Brunier. Si, les transports publics !

M. Gilles Desplanches. Bonne idée, Monsieur Brunier, je reviendrai plus tard sur les transports publics. Quand on lit la motion, il y en a pour tous: pour les commerçants à qui l'on dit qu'il faut des zones piétonnes, pour les habitants à qui l'on promet moins de circulation. Mais, comme toutes les autres motions proposées par les partis de gauche, celle-ci n'apporte strictement rien.

Il existe aujourd'hui un projet de loi, le 8748, qui tente de hiérarchiser le réseau routier et d'apporter une véritable solution à notre canton. Et que constate-t-on ? Les gens qui se plaignent du problème des transports sont ceux qui refusent la hiérarchisation, c'est-à-dire qui regardent le problème par le petit bout de la lorgnette.

Je vous raconterai juste une petite anecdote. Aujourd'hui, c'est jour de Grand Conseil. Et qui ai-je croisé ce matin, qui venait travailler en Vieille-Ville et passait à proximité en voiture ? Une députée socialiste, qui vient jusqu'au centre-ville en voiture, alors qu'elle aurait pu prendre les transports en commun ! A un moment donné, je me pose des questions: soit vous êtes réellement attachés à vos thèses, et vous les appliquez soit vous faites tout simplement un acte politique, et c'est du bouillon pour les morts. Voilà pourquoi je propose qu'on ne traite pas cette motion et qu'on la shoote !

M. Jean Spielmann (AdG). Je ferai part de deux observations. Tout d'abord, concernant la motion, je pense qu'il faudrait ajouter un paramètre qui ne figure pas dans cette motion et qui inquiète beaucoup les habitants de la Vieille-Ville; je veux parler des problèmes d'accès des véhicules prioritaires, soit les camions de pompiers et les ambulances. Il est clair qu'à partir d'une certaine heure le soir, il est impossible pour les pompiers d'accéder à la Vieille-Ville pour éteindre un éventuel incendie. Ce risque-là est extraordinairement important, et je considère qu'il mérite lui aussi une attention toute particulière dans le traitement de ce dossier. Il est parfois impossible de traverser la Vieille-Ville en voiture, imaginez ce qui se passerait si un incendie s'y déclarait ! Cela est si grave qu'il faut en faire une question prioritaire pour la mise en place de mesures de circulation.

Deuxièmement, depuis des années on traite ce problème en disant qu'il faut d'abord interdire la circulation en Vieille-Ville avant de proposer des aménagements. Tout à l'heure, on nous a proposé d'imaginer d'abord des aménagements à réaliser avant d'interdire la circulation. Je crois qu'il faut une hiérarchie des responsabilités ! Je ne vois pas comment vous allez pouvoir aménager des places et du mobilier urbain pour des zones piétonnes si vous ne prenez pas la décision de limiter la circulation ! Il faut donc d'abord renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Prendre des mesures concernant la circulation serait très facile, puisqu'on pourrait par exemple mettre des bornes amovibles aux seuls deux ou trois accès à la Vieille-Ville ! Cela se fait dans toutes les autres villes: seuls ceux qui y sont autorisés peuvent accéder à la zone, grâce à des codes spécifiques. Il n'y a aucun problème technique. Interdire la circulation en Vieille-Ville sera un bien pour tout le monde: et pour les habitants, et pour ceux qui viennent se distraire ou manger en Vieille-Ville. Il faut mettre de l'ordre, et cet ordre passe d'abord par une décision au niveau de la circulation. Dès que cette décision sera prise, on pourra aménager les espaces urbains, le mobilier urbain, et prendre des décisions concrètes.

Sinon, vous pouvez décider de ne rien faire et laisser continuer le capharnaüm, mais je vous rends attentifs à la responsabilité que vous porteriez s'il devait y avoir un accident majeur en Vieille-Ville, puisqu'il est impossible aux véhicules de sécurité d'y accéder. Il est donc de la responsabilité de ce parlement de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, afin qu'il nous fasse des propositions concrètes sur la circulation en Vieille-Ville.

M. Hubert Dethurens (PDC). Le groupe PDC n'est pas loin de partager les options de cette motion mais, pour nous, il lui manque quelques accompagnements. Je rejoins M. Spielmann, mais je mettrais d'autres priorités à côté des siennes: interdire la circulation, oui, mais il faut en même temps trouver une solution pour pallier cette impossibilité d'accéder à la Vieille-Ville. Peut-être n'y a-t-il pas assez de parkings, pas assez d'aménagements du point de vue des transports publics, je ne sais pas. Je compléterais cette motion par une troisième invite qui proposerait des solutions pour pallier le manque de possibilité d'arriver en Vieille-Ville.

M. Robert Iselin (UDC). Je serai relativement bref et peu pratique, mais je trouve votre discussion très pittoresque, car ceux qui connaissent les franchises célèbres octroyées à cette cité par un évêque que les réformés admirent beaucoup, en l'occurrence Adhémar Fabri, savent qu'il y a, outre les articles sur la constitution de la communauté des citoyens, un ou deux articles sur le trafic dans la Vieille-Ville, et notamment sur les mauvaises habitudes de l'époque qui consistaient à laisser stationner des chars à banc pendant la nuit dans les rues de Genève.

M. Sami Kanaan (S). Je n'ai pas l'érudition de notre collègue Iselin, je m'en tiendrai donc au temps présent. Les précédentes interventions ont montré qu'il n'était pas forcément impossible de s'entendre sur cette question. Finalement, la motion ne fait que demander d'appliquer la loi. Certains de nos collègues sont souvent très soucieux de faire appliquer les lois, je suppose qu'ils devraient donc soutenir cette motion. Il se peut qu'elle soit incomplète et mérite un complément.

J'ai l'impression qu'il y a un malentendu permanent sur les intentions qu'on peut avoir avec ce genre de motion. La question n'est pas d'empêcher le trafic professionnel justifié, et encore moins le trafic lié aux urgences. S'il y a des problèmes à ce niveau, il faut qu'ils soient traités de manière à offrir des accès à la Vieille-Ville. Le principal obstacle au trafic professionnel justifié et au trafic en urgence provient justement de toutes ces voitures stationnées de manière illicite et qui encombrent des rues étroites. Je pense qu'on pourrait s'entendre là-dessus et faire appliquer les règles pour que, justement, ceux qui ont une raison objective d'accéder à la Vieille-Ville puissent le faire. Le vrai problème, surtout en soirée, touche à l'encombrement des rues de la Vieille-Ville par des voitures privées, utilisées uniquement à des fins de loisirs, parce que leurs propriétaires sont incapables de concevoir une marche de cinq cents mètres. Cela leur ferait d'ailleurs grand bien pour digérer les boissons qu'ils y auraient consommées.

Le président. Merci. Monsieur Dethurens, vous avez déjà pris la parole. Je vous la cède à nouveau, mais brièvement.

M. Hubert Dethurens (PDC). Monsieur le président, je réclame la parole juste pour préciser - mon ami Guy Mettan l'aurait fait mieux que moi - que le groupe PDC demande le renvoi en commission de cette motion.

Le président. La parole est à M. le conseiller d'Etat Cramer.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je tenais à intervenir à ce stade du débat, d'abord pour vous dire qu'honnêtement c'est un peu frustrant pour nos services, lorsqu'ils s'efforcent de répondre à une pétition, de la voir revenir sous forme de motion. On a une espèce de machine qui s'alimente sans arrêt, un parlement qui fait brûler les fourneaux, et on se demande si cet exercice est très utile pour les habitantes et les habitants de la Vieille-Ville. Au-delà de cette réflexion, je me dis que finalement, le fait que cette motion, déposée le 12 novembre, n'ait pas pu être traitée avant le mois de mai - c'est-à-dire, au fond, dans ce délai de six mois qui est celui demandé pour répondre à une motion - n'est pas une si mauvaise chose, puisque cela me permet de répondre aujourd'hui même aux motionnaires.

Je le ferai par différentes considérations. Tout d'abord, je peux informer ce parlement que les mesures constructives dont traite cette motion vont être réalisées très prochainement. La Ville de Genève a en effet conçu un projet qui s'appelle «Les portes de la Vieille-Ville». Il s'agit d'indiquer, aux différentes entrées de la Vieille-Ville, que l'on entre dans des endroits où le trafic est modéré, et de le faire par des aménagements physiques. Ce projet a fait l'objet d'une très longue étude - vous savez que la Ville de Genève pratique une concertation très importante avec tous les destinataires des projets - et il a aujourd'hui abouti, il a trouvé son financement et a obtenu toutes les autorisations nécessaires, de sorte que nous sommes au stade où l'on va voir, d'ici la fin de l'année, la construction de ces portes de la Vieille-Ville. C'est là un premier aménagement physique qui devrait donner la possibilité de réguler le trafic, en tout cas de faire en sorte que les prescriptions en Vieille-Ville soient observées.

Deuxièmement, en ce qui concerne la question du contrôle du stationnement et de la circulation, vous savez que ce problème n'est pas propre à la Vieille-Ville, mais à tout le canton de Genève. En ce qui concerne la ville de Genève, le Conseil d'Etat a eu en décembre dernier des contacts avec une délégation du conseil administratif, pour examiner comment nous allions, ensemble, essayer de mieux gérer ces questions relatives au contrôle de la circulation et du stationnement. Ces discussions vont se concrétiser très prochainement par un projet de modification réglementaire, déposé par le département de justice, police et sécurité. Grâce à ce projet, des compétences accrues vont être accordées aux ASM.

En même temps que les ASM recevront ces compétences accrues pour contrôler le stationnement et la circulation, ils seront également dotés de moyens accrus en effectifs. Vous le savez, la Ville de Genève est actuellement en train de procéder à des recrutements importants, qui seront amplifiés par le fait que, d'ici la fin de l'année et donc à assez brève échéance, une partie du contrôle du stationnement - je pense ici au contrôle des horodateurs - pourra être assumée par la Fondation des parkings. C'est donc des effectifs supplémentaires qui pourront être libérés en ville de Genève pour le contrôle du stationnement.

Il y a une troisième mesure qui a déjà été prise, mais qui reste malheureusement trop ignorée. L'on parlait tout à l'heure de la question du stationnement. M. Spielmann a relevé qu'il existait, dans la Vieille-Ville, un parking que vous connaissez bien et qui est le parking Saint-Antoine. Or le parking Saint-Antoine pratique des tarifs très peu élevés le dimanche et en soirée, précisément pour éviter que l'accès à la Vieille-Ville ne soit perturbé par des gens qui viennent juste y passer la soirée. Le parking Saint-Antoine est actuellement en voie d'engager une grande campagne de communication sur ce qui se fait en matière de stationnement. Cela devrait contribuer également à voir un certain nombre de véhicules n'ayant rien à faire dans la Vieille-Ville se retrouver stockés au parking, en particulier durant ces heures dérangeantes pour les habitants, c'est-à-dire en soirée, et durant celles dérangeantes pour les promeneurs, c'est-à-dire le dimanche.

Voilà en substance ce que l'on peut dire pour répondre à cette motion. Toutes les mesures dont je vous parle ont été prises, ont été décidées ou se sont concrétisées réellement depuis le dépôt de la motion. Je crois qu'on y a répondu et que, peut-être, on vous a démontré que les préoccupations des autorités vont tout à fait dans le sens de celles de ce Grand Conseil. Permettez-moi donc une suggestion: évitez aux employés du service d'avoir à vous redire par écrit, après avoir fait des recherches complémentaires, ce que je vous ai dit oralement, et permettez-leur de concentrer leur énergie sur les mesures de terrain, plutôt que sur le traitement de dossiers administratifs.

Le président. Bien. Je suis tout de même obligé de mettre aux voix cette motion. Le Conseil d'Etat nous dit qu'elle est devenue sans objet, mais il répondra d'autant plus volontiers si on la lui renvoie. Monsieur Dethurens, est-ce que vous maintenez votre proposition ? Il faudrait que vous soyez plus précis. Monsieur Spielmann, je vous donne la parole.

M. Jean Spielmann (AdG). Si la proposition de renvoi en commission est maintenue, c'est cette proposition qui doit être votée en premier lieu. Il me semble que toutes les informations fournies tout à l'heure par M. Cramer constituent une réponse parfaite à cette motion. Je trouverais en outre utile de renseigner la population. Dans les quelques jours qui suivent le traitement de ma motion, vous pourrez la publier et la diffuser. Cela constituera à mon sens une excellente information et une réponse à toutes les interrogations que beaucoup se posent ici. Je propose donc que l'on renvoie directement cette motion au Conseil d'Etat et que ce dernier nous mette par écrit ses réponses de manière que nous puissions vérifier le suivi de ses travaux.

Le président. C'est exactement ce que je suggérais. M. Dethurens maintient cependant sa proposition de renvoi en commission. Je mettrai donc en premier lieu aux voix ce renvoi en commission.

M. Hubert Dethurens (PDC). Compte tenu de toutes les explications apportées par un bord ou de l'autre, je retire ma proposition de renvoi en commission.

Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée par 36 non contre 32 oui.