République et canton de Genève

Grand Conseil

IN 120
Initiative populaire pour la sauvegarde et le renforcement des droits des locataires et des habitant-e-s de quartiers
IN 120-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la validité et la prise en considération de l'initiative populaire 120 "Pour la sauvegarde et le renforcement des droits des locataires et des habitant-e-s de quartiers"

Préconsultation

M. Carlo Sommaruga (S). Je tiens tout d'abord à préciser qu'il s'agit d'un débat de préconsultation et qu'il ne porte donc pas sur le rapport du Conseil d'Etat. Pour le reste, je voulais simplement mettre en perspective l'initiative cantonale, déposée par les milieux des locataires genevois dans le contexte global... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît, Mesdames, Messieurs ! Vous écoutez M. Sommaruga !

M. Carlo Sommaruga. ...dans le contexte global de la situation des locataires en Suisse et à Genève. Je vous rappelle que les locataires de Suisse se sont mobilisés, il y a de cela six ans, pour lancer une initiative fédérale, l'initiative "Pour des loyers loyaux", sur laquelle nous voterons le 18 mai. Bien entendu, les milieux des locataires, dont je suis, appellent à voter oui, puisqu'il s'agit d'une protection accrue des locataires, un renforcement des droits des locataires, tant au niveau des loyers qu'au niveau de la protection contre les congés.

Dans ce cadre, l'Association de défense des locataires a également déposé voici quelques jours un référendum au sujet de la révision de la loi votée par le parlement fédéral au détriment des locataires. Je rappelle que plus de 100 000 signatures ont été collectées et 90 000 déposées et légalisées par les communes. Il s'agit donc d'une collecte extrêmement importante, réalisée en quelques semaines, en quelque trois mois, qui montre le ras-le-bol des locataires de ce pays, et particulièrement ceux de Genève. En effet, parmi les 90 000 signatures déposées, plus de 11 000 signatures provenaient de Genève.

La réaction des locataires genevois est compréhensible, puisque nous assistons ici, à Genève, depuis quelques mois, à une attaque sans précédent de la part des milieux immobiliers à l'encontre des locataires. C'est dans ce contexte-là et pour cela que les milieux des locataires ont lancé cette initiative IN 120. Certes... (Brouhaha.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie d'écouter calmement l'orateur ! Monsieur Vaucher, je vous en prie ! Vous vous asseyez ou vous sortez de la salle !

M. Carlo Sommaruga. Merci, Monsieur le président, d'avoir obtenu le silence ! Cette initiative IN 120 est donc née dans ce contexte difficile pour les locataires, avec pour but de les protéger contre le démantèlement progressif des différentes lois acceptées à Genève depuis 20 ou 25 ans en votations populaires. Il y a eu quatre initiatives populaires et différents référendums qui sont à l'origine de la protection actuelle.

Cette initiative, que le parti socialiste soutient, contient deux volets. Il y a tout d'abord la volonté d'introduire dans la constitution une protection contre le démantèlement mentionné, à savoir un vote obligatoire du peuple en cas de remise en question des lois instituées suite à l'adoption par le peuple d'une initiative. C'est donc le peuple qui pourra défaire ce que le peuple a fait. Nous soutenons naturellement cet aspect-là, puisque cela garantit une sécurité du droit et de la volonté populaire.

Que propose ensuite cette initiative et pourquoi la soutenons-nous ? Fondamentalement, cette initiative ne fait que proposer de mettre au niveau constitutionnel toute une série de règles législatives qui ont déjà été adoptées dans le cadre d'initiatives ou de concrétisations d'initiatives, sans qu'il y ait formellement une révision complète de notre ordre juridique. Il y a donc une volonté de passer du terrain législatif au terrain constitutionnel. Vous me direz qu'il s'agit là d'une démarche peu habituelle, parce qu'un certain nombre de dispositions devrait rester au niveau législatif. Il apparaît cependant important, dans le contexte actuel, où l'on dénote une volonté de s'en prendre régulièrement aux lois votées par le peuple, de faire passer la teneur de ces lois dans la constitution pour préserver leur teneur, de façon aussi à ce que ce soit le peuple qui puisse, en dernier ressort, se prononcer. A ce propos, je tiens à dire que ces dispositions sont pour la plupart contenues dans la loi générale sur le logement, adoptée en 1977, suite à une initiative populaire, qui favorisait... (Brouhaha. L'orateur est interpellé.)Monsieur Dupraz, si vous faites... (Brouhaha.)

Le président. Nous sommes réunis et cela durera ce que cela durera ! M. Sommaruga a la parole.

M. Carlo Sommaruga. Merci, Monsieur le président ! Je rappelle donc que les dispositions de l'article 160E visent essentiellement à donner la priorité au logement social, au logement HBM - les habitations à bon marché - qui s'adresse à la population la moins favorisée de ce canton, dont le revenu est inférieur à 50 000 F par année, et qui constitue une part importante des locataires de ce canton. En cela, le parti socialiste retrouve dans cette intitiative les objectifs qui sont les siens et qui figurent dans son programme.

Il y a également, dans cette initiative, la volonté de préserver la politique du Conseil d'Etat, et même de renforcer l'affectation des zones de développement en faveur de logements destinés à la classe moyenne et aux classes les moins favorisées et d'éviter qu'elles ne soient affectées aux besoins d'un groupe minoritaire en vue de l'acquisition d'appartements. (Brouhaha.)

Autre volet de cette initiative, celui de la LDTR, la loi sur les démolitions, transformations et rénovations. Notre parti défend cette loi, car elle est issue d'un vote populaire et a permis de maintenir à long terme, dans le cadre de la Ville de Genève et des autres zones urbaines, des loyers bon marché. Cette initiative renforce cette disposition au niveau constitutionnel, ce qui empêchera à l'avenir le dépôt systématique de petits projets de lois destinés à éroder progressivement les droits des locataires. Elle permet également d'éviter le changement d'affectation des appartements ou des logements en surfaces commerciales. Je rappelle à ce propos l'importante diminution du nombre d'appartements au cours des dix ou vingt dernières années en raison de la transformation abusive de ces logements en locaux commerciaux. Cette initiative répond à ce problème de manière relativement pointue et nous ne pouvons que soutenir cette démarche.

Je rappelle aussi que cette initiative instaure la gratuité du Tribunal des baux et loyers et du Tribunal administratif. Le parti socialiste y retrouve là ses objectifs de programme. Cette gratuité du Tribunal des baux et loyers avait été remise en cause par certains milieux, notamment judiciaires, alors même qu'il s'agissait d'un acquis important pour la défense des locataires à Genève. Il apparaît donc important de l'ancrer au niveau de la constitution pour éviter que d'aucuns, qui seraient aujourd'hui majoritaires, puissent remettre en question cet acquis-là.

Comme je vous l'ai dit, il y a dans cette initiative la volonté d'instituer un référendum obligatoire pour un certain nombre de lois et d'acquis obtenus au cours de ces dernières années. En cela, nous ne pouvons que soutenir cette initiative qui, sur beaucoup de points, reprend les préoccupations du parti socialiste et la législation fondée sur les iniatives soutenues voire lancées par le parti socialiste.

Juste deux mots sur la question formelle, même si l'on aura l'occasion d'y revenir. Le rapport du Conseil d'Etat évoque la problématique d'une initiative relativement dense, avec un certain nombre d'articles constitutionnels. En cela, cette initiative ne nous paraît pas présenter de problème, puisqu'elle vise un objectif, le renforcement des droits des locataires à Genève. Cet objectif est visé par un certain nombre de dispositions que l'on pourrait appeler un programme. Or le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de s'exprimer dans le dossier "L'énergie, notre affaire", une initiative lancée par les milieux anti-nucléaires. Cette initiative, fondée sur plusieurs dispositions constitutionnelles touchant différents domaines de l'énergie, a été considérée comme recevable par le Tribunal fédéral. Nous pensons donc qu'il n'y a pas là de problème majeur. A ce propos...

Le président. Il est temps de conclure !

M. Carlo Sommaruga. Je constate que le Conseil d'Etat ne voit pas de problème sous cet angle-là. Il y a finalement lieu de relever qu'à part quelques éléments secondaires mis en perspective par le Conseil d'Etat de manière différente, le Conseil d'Etat ne remet pas en question le fond de cette initiative, qui est compatible avec le droit fédéral. Pour ces motifs, je vous prierai de faire bon accueil à cette initiative, qui sera renvoyée, j'imagine, à la commission du logement...

Le président. Législative d'abord !

M. Carlo Sommaruga. Non ! Selon les dispositions du règlement, la commission législative devrait être automatiquement saisie au moment où le Conseil d'Etat constate... Je vous renvoie au règlement... (Brouhaha. L'orateur est interpellé.)

M. John Dupraz. C'est nous qui décidons, pas le Conseil d'Etat !

M. Carlo Sommaruga. Si, c'est le règlement du Grand Conseil, mais peu importe !

Le président. Merci, Monsieur Sommaruga ! Vous avez déjà très largement dépassé votre temps de parole !

M. Carlo Sommaruga. Je ne l'ai pas dépassé, Monsieur le président, vu les interruptions ! Cela dit, ce texte ira en commission législative, pour l'examen formel - mais il y a normalement, comme je vous l'ai dit, une autosaisine dès qu'il y a reconnaissance de l'aboutissement de l'initiative - et ensuite à la commission du logement, j'imagine, pour l'examen au fond.

Le président. Dès que nous avons reçu l'initiative, nous l'avons renvoyée au Conseil d'Etat, conformément aux articles 119 et 119A. Nous avons aujourd'hui en retour le rapport du Conseil d'Etat. Il est vrai que celui-ci a très largement utilisé son délai, puisque nous n'avons plus que cinq jours pour le renvoyer à la commission législative afin d'en examiner la validité.

M. Gabriel Barrillier (R). Dans cette ambiance survoltée, j'aimerais faire quelques commentaires...

M. John Dupraz. Le tee-shirt ! Le tee-shirt ! Le tee-shirt ! (M. Sommaruga ayant arboré ce soir un tee-shirt soutenant une opinion.)

M. Gabriel Barrillier. Je n'ai pas de tee-shirt ! ...quelques commentaires sur cette initiative, en regrettant, il est vrai, que le Conseil d'Etat ait attendu le dernier moment pour rendre son rapport.

M. John Dupraz. Non, ce n'est pas vrai ! Ce n'est pas ce que M. Moutinot a dit !

M. Gabriel Barrillier. Cette initiative, n'ayons pas peur des mots, est le fruit d'une manoeuvre politique particulièrement habile et machiavélique.

M. John Dupraz. Ce n'est pas nouveau !

M. Gabriel Barrillier. Ses auteurs ont «poussé très loin le bouchon». En fins juristes, je le souligne, ils ont imaginé un mécanisme qui dévoie complètement la hiérarchie des normes de fonctionnement de notre Etat et les règles d'élaboration et de ratification de législations d'exécution de principes constitutionnels. La manoeuvre, on l'aura compris, consiste à faire remonter à l'étage le plus élevé de la constitution des lois d'exécution à caractère technique pour les rendre quasiment intouchables en cas de modification. Le Grand Conseil, Mesdames et Messieurs les initiants, n'aurait plus qu'à se saborder, car les compétences des représentants élus du peuple deviendraient parfaitement inutiles.

La constitution est une loi fondamentale qui contient les principes essentiels de l'organisation et du fonctionnement de l'Etat. C'est du moins ce que j'ai retenu, il y a 30 ans c'est vrai, de l'enseignement du constitutionnaliste Jean-François Aubert à l'université de Genève.

S'agissant du logement, l'article 10A de la constitution consacre un droit au logement, qui fait partie du titre réservé à la déclaration des droits individuels. L'alinéa 3 énumère huit mesures à prendre pour atteindre cet objectif. La concrétisation de ces mesure figure dans des lois d'application, dont par exemple la LGL, la LDTR, dont on a mentionné tout à l'heure l'existence, la LGZD, etc. On peut ainsi affirmer que le principe constitutionnel de l'article 10A est concrétisé correctement, tant du point de vue de la hiérarchie des normes que du contenu des mesures à prendre.

L'initiative 120, Mesdames et Messieurs les députés, est donc contraire à l'ordre constitutionnel de notre République, parfaitement inutile, en ce sens qu'elle ne propose rien qui ne puisse être couvert par la législation d'application de l'article 10A.

Fait plus important, le groupe radical juge que cette initiative ne répond pas à l'unité de la matière et qu'elle doit être déclarée nulle en vertu de l'article 66, alinéas 2 et 3 de la constitution. Ce défaut d'unité saute aux yeux déjà dans le titre. L'initiative vise à sauvegarder et renforcer premièrement les droits des locataires et deuxièmement les droits des habitants de quartier. Il y a donc deux catégories de destinataires de cette initiative. La première catégorie, Monsieur Vanek, englobe les locataires, dont on veut renforcer la position dans un rapport de droit privé, soit le contrat de bail! La seconde catégorie englobe les habitants des quartiers dont on veut favoriser la participation à la préservation de leur cadre de vie, selon les termes de l'article 160D nouveau, intitulé: «Droit des locataires et des habitants». Or, il y a manifestement une nette différence entre l'état de locataires, qui est traité dans le Code des obligations, et l'état d'habitants, dont la participation est souhaitée, par exemple, à l'article 4, alinéa 2, de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, qui précise que «les autorités veillent à ce que la population puisse participer de manière adéquate à l'établissement des plans».

On ne peut traiter dans la même initiative, formulée qui plus est, deux domaines foncièrement distincts, soit d'un côté celui des rapports de droit privé relevant des articles 253 et suivants du Code des obligations, consacrés au bail à loyer, et d'autre part du rôle des habitants dans la mise en application ou l'élaboration de mesures d'aménagement du territoire, qui concernent leur cadre de vie pris au sens large : la mobilité, les zones de détente, les aménagements de quartier, les zones piétonnes par exemple, et non pas uniquement les conditions d'accès à des logements à prix abordables. Deux choses différentes.

En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe radical estime que cette initiative 120 est irrecevable car, premièrement: contraire à l'organisation et au fonctionnement de notre Etat; deuxièmement: inutile et superfétatoire, puisque toutes les mesures proposées sont contenues dans les lois d'application de l'article 10A de la constitution; troisièmement: nulle, par défaut d'unité de la matière et parce qu'elle trompe le peuple de façon crasse sur ses véritables objectifs. Mais, mais...

Des voix. Mêêêêh, mêêêêh !

M. Gabriel Barrillier. Mais, mansuétude suprême, nous sommes favorables à la renvoyer en commission législative...

Une voix. Ahhh !

M. Gabriel Barrillier. Pour vérifier notre position. (Applaudissements.)

Une voix. Pour mieux la massacrer !

Le président. Nous poursuivons le débat. Je rappelle à tous les orateurs qu'ils ont sept minutes au maximum.

M. Alain Charbonnier. Cinq !

Le président. Cinq minutes! C'est en préconsultation. Vous avez donc parfaitement raison, Monsieur Charbonnier ! Je suis un peu troublé ce soir ! C'est à vous, Monsieur le député Pagani !

M. Rémy Pagani (AdG). M. Barrillier s'étant exprimé pendant sept minutes, il y a une inégalité ! (Brouhaha.)Mais l'on ne va pas commencer par là...

Tout d'abord, je trouve l'argumentation de M. Barrillier intéressante parce qu'il présente, de son point de vue, les avantages de cette initiative et qu'il démontre, mieux que je ne saurais le faire, à quel point il est essentiel d'inscrire dans la constitution tous les principes qu'il dénigre. Notamment un principe qui m'apparaît essentiel aujourd'hui au vu des attaques répétées que subissent les locataires, tant au niveau fédéral - M. Sommaruga nous l'a rappelé - qu'au niveau cantonal.

Pourquoi serait-il impossible, Mesdames et messieurs les députés, d'inscrire dans notre constitution le droit des locataires et notamment le droit de se loger à peu près correctement dans de bonnes conditions? Pourquoi serait-il en particulier impossible d'inscrire ce que le Conseil d'Etat nous dénie, à savoir le prix des terrains à 100 F le m2, par exemple, pour permettre la construction de logements à bon marché dans les zones de développement? Nous estimons pouvoir aller dans ce sens-là avec M. Barrillier. Pourquoi est-il inscrit dans la constitution que la Step d'Aïre appartient à l'Etat? Pourquoi est-il indiqué que notre canton doive lutter avec énergie, justement, contre l'énergie nucléaire? Pourquoi a-t-on mentionné dans notre constitution le fait que l'on puisse réquisitionner des appartements vides? Tous ces aspects sont constitutifs des droits fondamentaux explicités tout à l'heure, en particulier le droit au logement.

La constitution genevoise, contrairement à d'autres constitutions, a évolué avec le temps. On n'a donc pas besoin de mettre sur pied une constituante pour la réviser. Beaucoup de gens se sont plu à le relever, parce que la constitution genevoise elle-même permet non seulement d'inscrire des principes dans ce texte fondamental , mais aussi d'y inscrire les conditions de concrétisation de ces principes dans la réalité. Il ne s'agit pas simplement, Monsieur Barrillier, de mentionner la garantie du droit au logement pour que chacun puisse effectivement disposer d'un toit selon ses besoins et selon ses moyens. Il s'agit d'y inscrire des conditions précises et cette initiative permettra, je l'espère, si le peuple le veut bien, d'inscrire ces conditions susceptibles de garantir le droit au logement.

En ce qui concerne le deuxième volet de l'intervention de M. Barrillier, qui mentionne une différence entre les locataires et les habitants... Je ne sais pas où vous habitez, Monsieur Barrillier...

M. Gabriel Barrillier. Aux Eaux-Vives!

M. Rémy Pagani. Vous irez expliquer à vos voisins qu'il y a une différence entre le statut de locataire et le statut d'habitant. Comme si l'on pouvait dissocier le loyer que l'on paye dans certains quartiers et le cadre de vie dont on dispose! Tout cela forme un tout. Nous estimons de ce point de vue-là qu'il est légitime de dire que cette initiative présente une excellente unité de matière. Elle permettra enfin d'inscrire le droit des locataires non seulement à devoir payer un loyer, mais aussi à pouvoir s'exprimer et à pouvoir dire leur mot sur l'aménagement et la rénovation de l'immeuble qu'ils ont en face de chez eux, sur l'aménagement des combles dans leur immeuble. Ils pourront s'exprimer par rapport au plan d'utilisation du sol et notamment - ce qui vous fait bondir par rapport à ces plans d'utilisation du sol - par rapport à la densité de certains plans d'utilisation du sol.

Nous estimons que les associations de quartier, des organes légalements constitués selon le Code des obligations, qui regroupent des habitants se préoccupant de manière idéale des conditions de vie dans leur quartier, nous estimons donc que ces associations peuvent et doivent donner leur point de vue sur la densité d'un plan d'utilisation du sol. N'en déplaîse à M. Muller qui s'est ingénié ces deux dernières années... (L'orateur est interpellé.)Il n'a peut-être rien dit, mais il a fait beaucoup de choses pour casser toute une série de lois qui protégeaient les locataires et qui garantissaient ou octroyaient des droits essentiels, tel le droit de pouvoir décider de l'avenir de son quartier ou de la densité d'habitation du quartier dans lequel on vit!

Vous vous êtes ingéniés au cours de ces deux dernières années, Mesdames et Messieurs les députés d'en face et notamment les libéraux, et j'en terminerai par là, Monsieur le président, vous vous êtes ingéniés à déconstruire ce que de nombreux locataires, associations de locataires, associations d'habitants avaient bâti ces vingt dernières années. Vous avez allégrement marché sur des droits populaires. Prenons l'exemple le plus caricatural, à savoir le fait que l'on puisse proposer à un locataire d'acheter son appartement ou de partir - les congés-ventes! (Brouhaha.)Vous vous apprêtez à voter ce projet de loi pour expulser les locataires! Vous avez saucissonné votre stratégie... (Brouhaha.)

Le président. Monsieur Muller!

M. Rémy Pagani. Vous avez saucissonné votre stratégie! Nous inscrirons donc dans la constitution, si le corps électoral nous donne raison, un principe essentiel, qui n'entend pas tout verrouiller, mais fait en sorte que toute inscription dans la loi, passée devant le peuple, fasse l'objet d'une votation populaire pour être «déconstruite» et ne puisse être l'objet de manigances telles celles que vous avez suscitées ces deux dernières années dans ce parlement pour «déconstruire» ce qui constitue quand même une garantie pour chacun d'entre nous de pouvoir disposer d'un toit à soi... (Rires et applaudissements.)Oui, oui, Monsieur Muller, d'avoir un toit sur la tête! Un texte qui permette donc à chacun de pouvoir disposer de ce droit au logement, un des besoins essentiels qui doit être satisfait dans notre République! Personne ne doit en effet se retrouver à la rue parce que d'autres spéculent sur son logement! Nous estimons que cette initiative garantira cette logique.

Vous avez beau caricaturer cette initiative, Monsieur Barrillier, en disant qu'elle est perfide, ce n'est pas du tout le cas! Cette initiative inscrira les conditions de ce droit au logement...

Le président. Il est temps de conclure!

M. Rémy Pagani. J'en finis par là, Monsieur le président! Elle permettra au corps électoral, qui s'est déjà prononcé sur toute une série de points, en particulier les congés-vente, de pouvoir à nouveau donner son avis, si vous le désirez, sur les congés-ventes et, j'espère, de repousser ces tentatives maladroites de casser le marché du logement !

M. René Koechlin (L). Je voudrais d'abord rappeler une règle, que l'on respectait encore dans ce Grand Conseil voici quelques années, mais que l'on ne respecte malheureusement plus depuis le début de cette législature, comme beaucoup d'autres règles qui émanent du règlement même de notre parlement. Je le déplore! Je le déplore avec fermeté parce que c'est l'une des raisons pour lesquelles nos débats deviennent interminables. Cette règle à laquelle je fais allusion voudrait... Je vous remercie d'être attentif, Monsieur le président, parce que c'est vous qui êtes finalement le gardien des règles et du règlement de ce Grand Conseil! Je m'adresse à vous, Monsieur le président! Je dis que vous êtes le gardien du respect des règles et du règlement.

Or, en matière d'initiative, il y a deux phases de traitement au sein de cette enceinte. Première phase, c'est lorsque l'initiative nous revient du Conseil d'Etat. Il y a préconsultation sur la re-ce-va-bi-li-té! Point à la ligne. On ne parle pas du fond. Mes préopinants n'ont fait que parler du fonds, ce qui est tout à fait contraire à la règle. On ne se prononce que sur la recevabilité. Et, Mesdames, Messieurs, ce n'est que sur la recevabilité que je m'exprimerai!

Le Conseil d'Etat a déclaré qu'il y avait trois paragraphes d'articles nuls. J'invite la commission législative à se pencher très attentivement sur ces trois articles. Je ne reviendrai pas sur le détail. Mais cela me parait fondamental, parce que de cet examen dépend en premier lieu la recevabilité ou non de cette initiative. En deuxième lieu, si la commission législative découvrait qu'elle était franchement irrecevable, elle pourrait proposer que ce Grand Conseil élabore un contre-projet, ce que, dans sa grande sagesse, le Conseil d'Etat a fait. Je voudrais tout de même attirer votre attention sur les propositions du Conseil d'Etat, qui sont celles qui font l'objet de cette préconsultation et rien d'autre. Le Conseil d'Etat est très clair. Il précise que «le Grand Conseil pourrait élaborer un contre-projet, mais l'initiative est en l'état difficilement recevable». Dont acte.

J'invite donc la commission législative à traiter cette initiative avec beaucoup de prudence. Nous nous réjouissons du résultat de ses travaux. Ce n'est que lorsque nous serons de nouveau saisis, à l'issue des travaux de la commission législative, que nous pourrons, en préconsultation, parler du fond, Monsieur Pagani ! (L'orateur est interpellé.)C'était une erreur, une mauvaise application du règlement ! C'est lorsque l'objet revient de la commission législative que l'on a un débat de préconsultation sur le fond, à l'issue duquel l'initiative part à la commission à laquelle le Grand Conseil la destine. Ce sera, j'imagine, le logement. Lorsque l'initiative revient de la commission en question, il y a le débat final sur le fond. Voilà, Mesdames et Messieurs, j'aimerais quand même que l'on respecte les règles et le règlement de ce Grand Conseil ! (Applaudissements.)

M. Pascal Pétroz (PDC). J'aimerais remercier M. Koechlin des propos qu'il vient de tenir. Il est vrai que nous sommes censés respecter, dans cette enceinte, un certain nombre de règles, et force est de constater qu'elles ne le sont pas souvent. Pour moi qui ne suis pas député depuis longtemps et qui ai eu l'occasion auparavant de venir quelquefois à la tribune, je dois dire que l'image que nous donnons n'est pas franchement excellente! Il faut que nous en soyons conscients. Quand je vois un député - il arrive justement à point nommé ! - qui soutient un projet et qui arbore un tee-shirt constituant un outil de propagande, cela ne me semble honnêtement pas compatible avec la dignité que nous devons attendre de la part des députés que nous sommes ! (Applaudissements.)C'est la première des choses que je voulais vous dire en matière de dignité.

Deuxième chose, comme M. Koechlin l'a indiqué, on ne doit en principe se prononcer, à ce stade, que sur la question de la recevabilité de l'initiative. Le problème qui se pose, c'est de savoir ce qu'il faut faire lorsqu'on vient, en face, nous raconter des insanités, nous dire que la droite voudrait rétablir les congés-ventes, ce qui est totalement faux, nous raconter un certain nombre de choses toutes plus erronées les unes que les autres, et lorsqu'on vient nous dire, la bouche en coeur, que cette initiative constitue la réponse à tous les maux et à tous les problèmes des locataires... Rien n'est plus faux, Mesdames et Messieurs les députés! Cette initiative aurait dû s'intituler: «Pour une absence de constructions à Genève et des gens à la rue» ! Parce que voilà ce que cette initiative vous propose, c'est cela ! Plus aucun logement construit dans notre canton, des locataires à la rue, parce qu'il faut bien pouvoir trouver, pour être locataire, un endroit où l'on peut loger. Et si l'on ne construit pas, on ne peut pas louer le moindre logement !

C'est uniquement ce que je voulais vous dire sur le fond. J'ai été très sobre, très court. Cela a duré une minute. Pour le surplus, le groupe démocrate-chrétien a pris acte de la position du Conseil d'Etat s'agissant de la recevabilité et de la prise en considération de l'initiative. Le Conseil d'Etat nous indique un certain nombre de dispositions de cette initiative qui doivent être annulées. La question qui se posera sera de savoir si le Conseil d'Etat n'a pas fait preuve d'une trop grande mansuétude à cet égard, si cette initiative conserve encore un sens compte tenu des dispositions annulées, et si les citoyens qui ont signé cette initiative l'auraient quand même fait sans les dispositions amputées. La question qui se posera également, peut-être ultérieurement, si nous décidons de déclarer cette initiative recevable, sera celle d'un contre-projet. Le groupe démocrate-chrétien se réjouit de débattre de toutes ces questions en commission législative, mais, de grâce, ne faisons pas ici, des heures durant, le débat de fond! J'ai été raisonnable, je n'ai parlé qu'une minute, faites-en de même, s'il vous plaît!

Mme Michèle Künzler (Ve). Je n'ai pas l'intention de donner des leçons à gauche et à droite, car je n'aime pas trop les donneurs de leçons ! Les Verts suivront le Conseil d'Etat. Nous trouvons en effet que ses conclusions sont tout à fait acceptables. La validité de l'initiative ne fait aucun doute à nos yeux. L'analyse du Conseil d'Etat nous paraît tout à fait convaincante et, par respect pour les signataires, je pense qu'il faut déclarer valide cette initiative.

Il est par contre vrai que nous ne l'avons pas soutenue et nous ne la soutiendrons pas en l'état. Il est clair que nous défendons les locataires et que nous adhérons à tous les principes décrits dans cette initiative, mais nous ne voulons pas les inscrire dans la constitution. Il faut le répéter, la plupart des choses qui se trouvent dans cette initiative sont déjà dans la loi. Et cela devient dramatique s'il faut tout inscrire dans la constitution pour que les lois soient appliquées! Je veux que les lois soient appliquées, même lorsqu'elles sont au niveau législatif, je n'ai pas besoin qu'elles figurent dans la constitution! C'est déjà l'un des points essentiels.

D'autres choses, mises en lumière par cette initiative, pourraient être modifiées. C'est vrai que le fait de pouvoir défaire ce que le peuple a décidé peu avant doit être étudié. Nous proposons un contre-projet. Nous avons déjà des idées dans ce sens. Il faudrait peut-être envisager un référendum obligatoire pour toutes les modifications législatives qui ne seraient pas obtenues à la majorité qualifiée. Ce serait peut-être cela, la solution! Il n'est pas possible, comme en matière fiscale, de voter des choses sur lesquelles tout le monde est d'accord et de reprendre à chaque fois le débat! Si l'on arrive par contre à trouver un mode de concrétisation permettant de ne soumettre en votation que ce qui est obtenu à l'arraché, eh bien, le référendum devrait alors être obligatoire dans cette hypothèse-là, surtout s'il intervient dans un laps de temps très limité. C'est l'un des points qui nous paraît fondamental.

Le deuxième est un sujet qui nous tient à coeur. C'est le déclassement de la zone agricole. Ce n'est pas réglé par la loi et il faudrait envisager des modifications au niveau légal afin de clarifier la situation pour savoir comment se passe ce déclassement auquel nous ne souscrivons guère.

Nous pensons pour le moment qu'il faut accepter la validité de cette initiative pour respecter la volonté populaire. Il est vrai que l'IN 116 a aussi été déclarée valide. Ces deux initiatives sont le pendant l'une de l'autre. Nous, les Verts, avons combattu les deux initiatives parce que nous voulions un contre-projet. Nous refusons de rentrer dans cette guerre du logement qui n'amène à rien. Je vous en supplie, votez en tout cas la validité et engageons-nous dans un contre-projet !

M. Jacques Pagan (UDC). Je prends la parole en dernier, ce qui fait que mon excellent collègue Pétroz a déjà mentionné des choses tout à fait sensées, que je me permettrais de répéter. J'aimerais quand même, Monsieur le président, qu'il y ait une tenue décente dans cette enceinte de la part des membres du Grand Conseil, ne serait-ce que pour prendre en considération le Conseil d'Etat comme il le mérite. Je regrette que l'on s'affiche avec des tee-shirts promotionnels, non pas concernant l'objet dont nous parlons, mais pour des sujets de votation qui vont venir en date du 18 mai prochain. Je ne sais pas si nous pouvons faire la même chose, porter des tee-shirts sympathiques et élégants «Votez UDC», au pire «Votez pour moi»... Ce serait un slogan à la mode. J'aimerais donc, Monsieur le président, que le bureau du Grand Conseil se penche, à l'occasion de ce débat, sur ce problème.

Le président. Nous prenons note!

M. Jacques Pagan. Concernant la recevabilité, qui sera traitée en commission législative, nous vouerons bien entendu à cet objet le soin le plus attentif, dans le respect de l'ordre juridique qui est le nôtre. Quant au fond, Messieurs les députés de gauche, vous faites du logement votre cheval de bataille. Vous avez certainement raison, il y a peut-être des abus, les choses ne vont pas si bien que cela, mais est-ce que vous êtes seuls à pouvoir résoudre le problème du logement ? Ne pensez-vous pas qu'il faut, à un moment donné, compter sur les promoteurs immobiliers, ceux qui construisent ? A moins que vous n'ayez décidé vous-mêmes de construire votre propre logement, au moyen de vos fonds propres ! Je regrette personnellement que vous essayiez de bétonner notre ordre législatif. Ce n'est pas ainsi que vous arriverez à construire des logements. Vous voulez codifier le logement ? Libre à vous ! Mais dites-vous bien que vous momifierez à un moment donné le logement ! (Applaudissements.)

M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. J'ai tout d'abord pris note que le Conseil d'Etat, lorsqu'il respecte les délais constitutionnels, a tort et qu'il doit anticiper sur lesdits délais ! C'est une leçon, donnée par le premier intervenant, qui m'a légèrement surpris...

Maintenant, en ce qui concerne l'initiative dont vous avez à traiter et sa validité, le Conseil d'Etat l'a examinée soigneusement. Comme il s'agit, pour une très grande part, de lois existantes dont le Tribunal fédéral a eu à connaître et qu'il a considérées comme étant compatibles avec le droit supérieur, cette législation, qu'elle soit dans l'ordre légal ou dans l'ordre constitutionnel, reste pour l'essentiel la même. Par conséquent, la validitié formelle de l'initiative en tant que telle et la validité matérielle ne posent pas de problème, sous réserve des trois points mis en évidence par le Conseil d'Etat. Parce qu'en même temps que l'on monte au niveau constitutionnel une législation existante, il y a quelques rajouts et il se trouve que certains de ces rajouts ne sont manifestement pas compatibles avec le droit fédéral supérieur. Si l'on enlève ces rajouts, le solde existant représente un corps important, puisque c'est précisément le corps actuel de la loi, et je vois assez mal, malgré la tentative de démonstration de M. Barrillier, que l'on puisse considérer cette initiative comme n'étant pas recevable.

En ce qui concerne le fond, je vais être très clair. En tant que militant socialiste, j'aurais combattu très violemment l'initiative «Pour un toit à soi» et soutenu très ardemment l'initiative qui nous occupe aujourd'hui. Mais, en tant que membre du gouvernement, je constate que ces deux initiatives présentent un peu les mêmes caractéristiques. L'une et l'autre s'opposent sur des principes éminement défendables, font des avances dans des directions légèrement différentes, il est vrai, mais font des avancées que l'on doit discuter. L'une et l'autre vont cependant trop loin. C'est ce que dit le Conseil d'Etat dans les deux initiatives. Elles vont trop loin et il faut les refuser, mais elles posent de bonnes questions, c'est pourquoi il faut concrétiser ce qu'elles ont de bon par un contre-projet. Dans le cas de l'initiative qui nous occupe, l'IN 120, il ne s'agit pas d'un compromis mou au sein du Conseil d'Etat, mais d'une vision gouvernementale normale. Une question est posée et, comme souvent, les initiants - et c'est normal - vont un peu loin. Le gouvernement - et c'est normal aussi - les freine un peu et on en arrive à un contre-projet.

Concernant le contre-projet, Mesdames et Messieurs les députés, il y a des choses extrêmement importantes et intéresantes à aborder, en particulier toute la problématique des déclassements, qui fonctionne aujourd'hui extrêmement bien du point de vue procédural - parce que l'on sait comment l'on fait - mais extrêmement mal sur le fond, puisque, de manière très étonnante, personne ne sait très bien, pas même en lisant la jurisprudence du Tribunal fédéral, comment on doit vraiment calculer le prix d'un terrain déclassé, avant le déclassement, après, un peu entre les deux. Vous savez que cette question, extrêmement importante, est mal réglée. Si l'on pouvait, sur ce point, faire quelques progrès, ce serait alors manifestement dans l'intérêt des locataires et dans l'intéret de tout le monde.

Une autre idée intéressante de l'initiative est celle qui consiste à dire que, par souci de symétrie des formes, ce que le peuple a voulu, il n'y a que lui pour le défaire. Je ne suis pas certain que la proposition de Mme Künzler - une forme de référendum obligatoire sur une majorité qualifiée - soit ce qu'il y a de plus simple, mais on doit néanmoins pouvoir trouver une formule qui permette de respecter les votes populaires, non pas de manière indéfinie, parce qu'il n'est pas certain que l'on se sente particulièrement lié aujourd'hui par un vote populaire du XIXe siècle, mais un vote populaire récent, quelle que soit la matière, indépendamment cette fois-ci du logement, afin qu'il ne puisse pas être défait un soir à 23 h 30 au Grand Conseil dans un moment d'humeur. Cela ne me paraît pas conforme aux principes démocratiques.

Je ne crois pas, Mesdames et Messieurs, que les travaux de la commission législative seront très compliqués! Il ne me paraît pas qu'il y ait une difficulté si importante que cela. En revanche, j'imagine, sans trop de risque de me tromper, que les travaux en commission du logement seront notablement plus passionnés. J'espère qu'ils parviendront à des résultats positifs, dans l'intérêt des locataires et dans l'intérêt de celui de la République.

Le président. Le tour de préconsultation étant terminé, nous renvoyons l'initiative 120-A, c'est-à-dire le rapport du Conseil d'Etat sur sa validité et sa prise en considération, en commission législative, comme vient de le souligner le président du Conseil d'Etat. Nous sommes juste dans les temps, puisque le délai échoit le 10 avril 2003 et que nous sommes le 4 avril !

Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat.

L'IN 120 est renvoyée à la commission législative.