République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 28 mars 2003 à 20h30
55e législature - 2e année - 6e session - 33e séance
PL 8677-A
Premier débat
M. Alain Etienne (S), rapporteur. Il s'agit d'un projet de déclassement en vue de la création d'une zone de développement 4B protégée et affectée à de l'équipement public.
En effet, un nouveau centre d'action sociale et de santé doit être construit à Bernex. Un terrain est tout désigné à cet effet, mais il existe un projet de construction de villas qui, pour l'instant, a été refusé par le département. Ce projet de loi demande donc d'introduire dans la loi de déclassement une clause d'utilité publique.
Je vous fais part d'une rectification que je dois apporter à mon rapport. En page 3, j'ai mentionné que la commune de Bernex avait donné un préavis défavorable... En réalité, elle a donné un préavis favorable dans un premier temps. Ensuite, le conseil municipal a demandé, par une résolution adressée au conseil administratif, de déposer un projet de loi pour mettre ce terrain en zone d'utilité publique. Les promoteurs ont alors déposé une demande complémentaire à la commune, et c'est dans ce cadre-là que la commune a formulé un préavis défavorable. Je tenais simplement à préciser les choses.
M. Mark Muller (L). Le groupe libéral a voté en commission contre ce projet de loi pour la raison suivante, et cette position fera - avec le groupe radical - l'objet d'un amendement que je déposerai sur votre bureau. Ce projet de loi prévoit en effet de déclarer une partie du périmètre d'utilité publique dans le but, évidemment, de permettre l'expropriation dudit périmètre s'il y a lieu.
Nous considérons pour notre part que cette mesure n'est pas nécessaire, d'autant moins qu'il nous a été expliqué en commission que les propriétaires étaient disposés à vendre pour permettre la réalisation de cet équipement.
Si nous sommes favorables à la réalisation de ce centre, nous sommes opposés, par principe, aux mesures coercitives du type expropriations. Et c'est dans ce sens-là, Mesdames et Messieurs, que nous vous proposons d'accepter notre amendement
Le président. Monsieur Pagani, rapporteur de minorité, vous avez la parole.
M. Jean-Michel Gros. Encore !
M. Rémy Pagani (AdG). Je suis désolé, mais je fais partie de la commission de l'aménagement, Monsieur Gros ! En l'occurrence, nous avons décidé aujourd'hui de traiter de l'ensemble des projets d'aménagement, alors je dois intervenir à chaque fois... Je suis navré, mais c'est mon boulot !
Cela étant, faut-il rappeler, Monsieur Muller, la procédure utilisée par la majorité de ce parlement jusqu'à maintenant ? Je pense que oui, en tout cas mon collègue Vanek me le demande !
Les mesures d'expropriation, Monsieur Muller, servent à négocier, car la construction de cet EMS est important pour notre canton. Un moratoire a été décidé, qui a été critiqué avec force par les uns et les autres, y compris dans vos bancs et dans les journaux, pour que des EMS soient construits le plus rapidement possible. Pour nous protéger et pour essayer d'avancer dans ce dossier, nous avons décidé de déclarer cet objet d'utilité public. Le but n'est pas d'exproprier qui que ce soit, mais de pouvoir négocier la vente de ces terrains avec les propriétaires sans qu'ils puissent «faire monter la sauce», au point que l'Etat ne serait plus en mesure d'acquérir ces terrains que vous pourriez destiner à d'autres objectifs...
Ce que sous-tend votre demande, c'est effectivement de laisser le libre choix aux propriétaires de vendre à qui ils le désirent. Ils disent aujourd'hui vouloir les vendre à l'Etat, mais, demain, si des offres alléchantes leur étaient faites, ils pourraient changer d'avis. Nous ne faisons que nous prémunir contre cette éventualité. Nous sommes d'accord de payer le juste prix à ces propriétaires, mais nous devons prendre des précautions. Et c'est bien le but de cette procédure. Jusqu'à maintenant, nous n'avons jamais introduit une clause d'utilité publique pour exproprier, mais pour cadrer les transactions, et je vous propose de vous en tenir à ce mode de faire, comme cela a toujours été le cas dans ce parlement.
Mme Michèle Künzler (Ve). Personne ne conteste le bien-fondé de ce projet de loi ni l'intérêt de construire ce centre social dans la commune de Bernex.
Au fond, la discussion porte seulement sur un point purement idéologique: à savoir la clause dite «d'utilité publique», qui fait pousser des hauts cris aux défenseurs des propriétaires, mais, comble du paradoxe, les propriétaires de ces parcelles eux-mêmes demandent cette clause, pour pouvoir saisir la commission de compensation afin de définir un prix !
De toute façon, il nous semble important de voter ce soir ce projet de loi, tel qu'il est sorti des travaux de la commission: sans tergiverser, parce que cela ne sert à rien ! D'autant moins que la clause d'utilité publique a été légèrement amendée, dans le sens qu'on en ferait usage dans une année seulement. Alors, cessons ces discussions !
Le président. Malheureusement, je ne suis pas sûr que vos sages paroles soient entendues, Madame la députée... Car cinq intervenants sont encore inscrits ! Monsieur le député Rodrik, vous avez la parole.
M. Albert Rodrik (S). Je regrette que ni notre collègue, le maire de Bernex, ni M. Unger ne soient là, car j'avais une question à leur poser. Mais peut-être M. Moutinot sera en mesure de me répondre...
Monsieur le président du Conseil d'Etat, l'intervention de notre collègue Muller aurait-elle quelque chose à voir avec la procédure aujourd'hui pendante devant le Tribunal administratif où un particulier a fait opposition à la commune ? La commune a été déboutée à la commission LCI et on attend que le Tribunal administratif juge... Ce dont nous parle M. Muller est-il de nature à donner un «coup de main» à l'initiateur de cette procédure ? J'aimerais bien comprendre la relation entre les deux, et, surtout, je voudrais m'assurer que le CASS de Bernex voie le jour.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Je serai également assez brève, parce que nous sommes conscients du fait qu'il faut voter rapidement ce projet de loi.
Je déplore toutefois que le groupe libéral - suivi par les radicaux - persiste dans ses positions idéologiques, comme l'a dit Mme Künzler, sur la question de la clause «d'utilité publique». Ils nous reprochent assez souvent d'avoir des positions idéologiques... Il me semble que, ce soir, ce sont eux qui montrent une certaine crispation sur ce point...
J'aimerais aussi préciser - vous l'aurez vu si vous avez lu le rapport - qu'un amendement a été proposé par les PDC proposant une sorte de compromis en repoussant la mise en oeuvre de l'utilité publique une année après l'entrée en vigueur de la loi. C'est un compromis sur lequel nous sommes entrés en matière.
Je vous propose donc de voter ce projet de loi tel qu'il a été voté par la majorité de la commission.
Le président. Merci, Madame. Cet amendement figure dans le projet de loi, et c'est pourquoi nous n'avons pas à le voter aujourd'hui.
La parole est à vous, Monsieur le député Portier.
M. Pierre-Louis Portier (PDC). Je ne veux pas me substituer au Conseil administratif de Bernex, mais je crois avoir une amorce de réponse pour notre collègue Rodrik...
Il s'agit, me semble-t-il, de deux procédures totalement distinctes. En effet, les propriétaires actuels sont devant le Tribunal administratif parce qu'ils contestent la procédure, en ce sens que le département a refusé une autorisation de construire. C'est ce point qui est contesté. Par contre, la clause d'utilité publique serait d'un grand secours pour la commune de Bernex au cas où les négociations d'acquisition viendraient à échouer. A cet égard, le groupe démocrate-chrétien ne changera pas d'avis par rapport à ce qu'il avait exprimé lors des travaux en commission. Comme le groupe libéral et le groupe radical, nous ne sommes pas toujours à l'aise lorsqu'il faut décréter la clause d'utilité publique... En l'occurrence, il s'agit d'un problème important, et nous avons aussi bien entendu les représentants de la commune de Bernex nous dire qu'ils mettraient tout en oeuvre pour négocier à l'amiable l'acquisition de ces terrains et qu'ils entendaient respecter les prix du marché pour que cette affaire se passe dans les meilleures conditions.
Il n'empêche que, si ces négociations venaient à échouer, la commune de Bernex devrait repasser devant le Grand Conseil pour faire décréter la clause d'utilité publique. C'est pour cette raison que - d'ailleurs par la voix des membres du groupe démocrate-chrétien - nous avions à l'époque proposé un amendement un petit peu tiré par les cheveux - nous le reconnaissons - faisant en sorte que l'utilité publique ne serait effective qu'une année après le vote de ce projet de loi.
Petit détail encore en passant: cela fait une année moins deux semaines que nous avons étudié ce projet en commission, soit le 17 avril 2002. Il est quand même regrettable de traiter en plénière, seulement maintenant, des projets de lois aussi importants pour une commune mais également pour toute une région, puisqu'il s'agit du CASS de la Champagne. En l'occurrence, les choses sont retardées par ladite procédure évoquée devant le Tribunal administratif, mais, en admettant que les choses se soient passées différemment, la commune attendrait toujours ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo, Monsieur le maire !
Le président. Vous êtes applaudi par certains, Monsieur le député, mais, enfin, nous sommes tous responsables de la lenteur de nos travaux !
Monsieur le député Büchi, vous avez la parole.
M. Thomas Büchi (R). Le groupe radical, comme le groupe libéral, s'est opposé en commission à la clause d'utilité publique. Il ne conteste pas le bien-fondé de réaliser cet équipement au plus vite, mais il pense que les moyens pour y parvenir en utilisant la clause d'utilité publique pourrait, au contraire, être de nature à retarder le projet, parce que les opposants qui ne sont pas d'accord avec cette façon de faire pourraient prolonger les procédures, aller au tribunal et plus loin encore. Nous pensons donc qu'un arrangement à l'amiable permettrait de débloquer ce projet beaucoup plus rapidement.
De notre point de vue, l'utilisation de la clause d'utilité publique représente une limitation indéniable des droits démocratiques. Mesdames et Messieurs les députés, nous pensons que cette clause doit être utilisée avec beaucoup de parcimonie et seulement dans des cas bien particuliers, et nous y tenons absolument.
En ce qui concerne ce projet, nous nous opposons à l'amendement proposé par les PDC en commission, parce qu'il est alambiqué et à deux vitesses. Il revient à mettre le pistolet sur la tempe des propriétaires, en leur disant qu'on appuiera sur la détente plus tard, s'il y a lieu... Nous ne sommes pas d'accord avec ce mode de faire; ce n'est pas clair ! En effet, vous devez le savoir, la commune a quand même commis un certain nombre de maladresses dans ce projet...
M. John Dupraz. C'est le moins qu'on puisse dire !
M.Thomas Büchi. Notamment, de donner un préavis favorable à la construction des villas du projet initial... Les gens qui voulaient les construire ont notamment entamé beaucoup de démarches et procédé à des études avec des architectes et des ingénieurs... (L'orateur est interpellé.)Non, quand les gens reçoivent un préavis favorable et qu'ils sont encouragés dans leur projet, ils commencent à faire des démarches. Des gens se sont donc trouvés lésés, et c'est pour cela qu'un accord doit être trouvé dans des conditions raisonnables et correctes pour tout le monde. Ce n'est pas seulement le prix d'achat du terrain qui est en jeu !
Monsieur le conseiller d'Etat, je crois savoir que des faits nouveaux sont intervenus dans ce dossier, dont nous ne sommes pas forcément au courant, par rapport aux procédures mises en oeuvre par les opposants à ce projet de loi. Si vous pouviez nous éclairer un peu sur la situation, cela nous permettrait de trancher ce soir en toute connaissance de cause. Autrement, peut-être faudrait-il envisager un renvoi en commission?
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Première chose, Mesdames et Messieurs les députés, je ne peux pas répondre à la devinette de M. Büchi... J'ai quelques notes avec moi, dont la plus récente date de fin novembre 2002... S'est-il passé quelque chose la semaine dernière ? Si vous le savez, Monsieur Büchi, dites-le, mais je ne suis pas au courant de ce qui s'est éventuellement passé ces derniers jours dans ce dossier !
Le problème n'est pas très compliqué, Mesdames et Messieurs les députés, les représentants de la commune de Bernex nous ont demandé de déclasser ce terrain afin d'y construire le Centre d'action sociale et de la santé de la Champagne. Ce n'est pas nous qui avons été les chercher ! Ils ont demandé que ce déclassement soit effectué en zone 4B, protégée et affectée à de l'équipement public.
A partir de là, il a fallu, effectivement, opposer un refus conservatoire à un projet de villas; un recours a été interjeté et une procédure d'expropriation peut être mise en oeuvre.
L'amendement qui vous est proposé par le parti libéral et le parti radical est très simple: il demande si vous voulez, ou non, que la commune paye ce terrain 200 000 F ou 300 000 F de plus ! Si vous voulez que la commune paye plus, vous acceptez cet amendement; si vous estimez que c'est gaspiller les deniers publics, vous le refusez... C'est aussi simple que cela, le reste, c'est de la littérature ! (Applaudissements.)
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés .
Le président. Un amendement a été proposé à l'alinéa 1 de l'article 1er, par M. Mark Muller et M. Thomas Büchi, consistant à biffer «et d'un périmètre d'utilité publique, au lieu-dit «Bernex Mairie»» après «équipement public». Je vous soumets cet amendement au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 38 non contre 28 oui et 2 abstentions.
Mis aux voix, l'article 1 est adopté.
Le président. Un autre amendement a été déposé par M. Mark Muller et M. Thomas Büchi, à l'article 2, qui consiste simplement à le supprimer. Je mets aux voix cet amendement, toujours au moyen du vote électronique. Monsieur Grobet, vous vouliez vous exprimer à ce sujet ? Nous sommes en procédure de vote... Bien, M. Grobet ne demandant pas la parole, nous passons au vote. Le vote est lancé.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 37 non contre 28 oui et 2 abstentions.
Mis aux voix, l'article 2 est adopté.
Mis aux voix, l'article 3 est adopté.
Troisième débat
La loi 8677 est adoptée par article.
La loi 8677 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 55 oui contre 7 non et 9 abstentions.