République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 28 mars 2003 à 17h
55e législature - 2e année - 6e session - 32e séance
IU 1381
M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Ma réponse à M. le député Charbonnier se fera en trois parties.
Premièrement, comme je l'ai effectivement déclaré dans «Le Temps», je constate que les emplois temporaires et les allocations de retour en emploi sont loin de remporter le succès que la loi escomptait.
Par rapport aux emplois temporaires, il est reconnu que leur capacité de réinsertion professionnelle est faible, car les collectivités publiques qui en font l'usage ne disposent que rarement des postes nécessaires pour pouvoir les engager de manière définitive dans la fonction publique. De surcroît, l'effort de formation consacré aux bénéficiaires des emplois temporaires, dans les services étatiques et para-étatiques, est jugé insuffisant ou inadéquat pour pouvoir aboutir à une réinsertion professionnelle dans le marché de l'emploi privé, devenu extrêmement exigeant.
Les emplois temporaires sont davantage considérés comme un outil permettant à l'assuré d'obtenir un deuxième délai d'indemnisation sur le plan fédéral. Je ne suis pas le seul à faire ce constat puisqu'aussi bien le rapport Flückiger que celui de la CEPP vont dans ce sens.
Au niveau des allocations de retour en emploi dont vous faites mention et qui sont certainement la meilleure formule de réinsertion professionnelle, malgré les multiples démarches de mes services - quatorze mille deux cents entreprises contactées en cinq ans, PME, PMI, multinationales, établissements bancaires et de services, secteur industriel y compris, ce qui représente à peu près 80% du marché du travail - force est de constater, suite aux nombreux courriers, contacts directs, sans parler des campagnes répétées de promotion à travers Léman Bleu auprès des associations professionnelles et des entreprises, que le nombre de contrats signés est nettement insuffisant par rapport au nombre de demandeurs d'emploi actuellement sur le marché.
Ce phénomène, Mesdames et Messieurs les députés, s'est encore aggravé depuis septembre 2001, la tendance de tous les secteurs de l'économie étant plutôt à la réduction des effectifs qu'à l'embauche.
Pour que les allocations de retour en emploi fonctionnent, c'est-à-dire que les personnes à la recherche d'un emploi soient engagées dans le cadre de cette mesure, il faut à la fois que le marché du travail soit demandeur, que les employeurs veuillent bien adopter cette mesure, mais aussi que le profil des chômeurs de longue durée corresponde aux besoins réels des entreprises. Or, au vu de la situation économique actuelle, la tendance n'est guère favorable au recrutement, et l'administration n'a pas la maîtrise de ces paramètres.
Vous m'interrogez également sur la commission tripartite chargée de la délivrance des permis frontaliers. Je sais qu'elle fait son travail au plus près de sa conscience pour satisfaire la demande du marché local à ce niveau.
Je dois tout de même vous faire part, Mesdames et Messieurs les députés, de ma profonde inquiétude par rapport à ce phénomène. Je reçois de nombreux courriers de Genevois et de Confédérés qui se plaignent de ne pas avoir accès à un emploi alors que le nombre de frontaliers ne cesse d'augmenter de manière spectaculaire. Ils peuvent légitimement se poser des questions à ce sujet sans arrière-pensée, et nous devons, nous aussi, nous poser des questions. Au niveau de l'entreprise, il est plus que souhaitable, dans la difficile période que nous connaissons aujourd'hui, de prêter une attention encore plus soutenue au marché local du travail, pour éviter les dérapages et les préjugés qui commencent à prendre naissance au sein de la population. Je demande pour ma part également un effort particulier dans ce sens à l'office cantonal de l'emploi, pour mieux mettre en valeur les atouts des demandeurs d'emploi locaux et pour favoriser le recrutement du personnel sur place.
Je suis conscient, Monsieur le député, que les partenaires sociaux associés aux préavis à donner aux demandes de permis ont les mêmes préoccupations afin que les travailleurs locaux ne soient pas défavorisés. Je suis conscient également que l'économie genevoise ne peut se passer des compétences et de l'apport des travailleurs frontaliers. Mais tout doit être mis en oeuvre aujourd'hui pour que nos demandeurs d'emploi puissent retrouver à leur tour une activité professionnelle, ce d'autant plus qu'un très grand nombre d'entre eux présentent des qualifications au-dessus de la moyenne!
Pour conclure, vous signalez dans votre intervention l'arrivée de nouvelles entreprises. Mais celles-ci, contrairement à vos dires, n'arrivent pas seulement avec leurs cadres et leurs employés: elles engagent une partie de leur équipe sur le marché local ! J'en veux pour preuve les deux dernières installations en date: Gillette et Ralph Lauren, qui doivent engager ces jours-ci respectivement quatre-vingts emplois environ et deux cents emplois sur le marché local! Vous le savez, ces entreprises ne font pas que créer des emplois pour répondre à leurs besoins. Comme je l'ai dit à multiples reprises, elles permettent également la création de nombreux emplois induits, aujourd'hui bienvenus dans cette période de marasme économique. (Applaudissements.)
Cette interpellation urgente est close.