République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 21 mars 2003 à 17h
55e législature - 2e année - 6e session - 29e séance
IN 116-D et objet(s) lié(s)
Débat
M. Mark Muller (L), rapporteur de majorité. Nous sommes ici ce soir pour adopter quatre projets de lois élaborés en commission et destinés à concrétiser l'initiative 116 «Pour un toit à soi», dont le but est de démocratiser l'accession à la propriété dans le canton de Genève.
Je tiens à préciser que ce soir, c'est le dernier délai pour adopter ces quatre projets de lois et qu'à défaut d'y parvenir l'initiative 116 sera soumise au peuple telle quelle, c'est-à-dire dans sa forme non formulée. Le respect des droits populaires et des règles démocratiques qui régissent notre Grand Conseil exige donc que nous puissions voter ce soir ces quatre projets de lois. J'en appelle donc à la sérénité des débats.
Nous avons effectué un très gros travail en commission, aussi bien au sein de la commission du logement que de la commission fiscale et de la commission de l'aménagement. Je tiens à remercier ici tous les députés ainsi que toutes les personnes qui y ont participé.
L'accession à la propriété est le parent pauvre de la politique du logement dans notre canton, depuis de très nombreuses années. L'objectif poursuivi est de remédier quelque peu à cette situation. D'après des sondages effectués par l'EPFL, une grande partie de la population souhaiterait devenir propriétaire, et deux tiers estiment qu'il faudrait faire quelque chose pour répondre à ces aspirations. C'est dans cet esprit que la Chambre genevoise immobilière a lancé, il y a de cela trois ans, ces deux initiatives 115 et 116 pour tenter d'améliorer le régime juridique général qui régit l'accession à la propriété à Genève, en axant ses propositions sur deux domaines: le premier touche à la possibilité de réunir les fonds propres nécessaires à l'accession à la propriété, et le deuxième vise à faire en sorte qu'il y ait davantage d'objets à acheter à Genève, qu'ils soient moins rares et donc moins chers. Les projets de lois qui vous sont proposés ce soir tentent de répondre à ces diverses préoccupations. Je ne les présente pas maintenant, car nous aurons l'occasion d'en parler tout à l'heure.
Je voudrais tout de même insister sur deux points communs à ces quatre projets de lois, outre le fait - bien entendu - qu'ils ont pour but de faciliter l'accession à la propriété dans le canton. Le premier point commun aux quatre projets est qu'ils s'adressent à tous les locataires du canton - c'est-à-dire à tous ceux qui ne sont pas encore propriétaires - quelle que soit leur condition sociale... (Rires.)...dans la mesure où ces projets ont précisément pour but de permettre à ceux qui aujourd'hui n'ont pas les moyens de devenir propriétaires de réaliser ce rêve-là. Nous savons tous ici que cela restera interdit à un certain nombre d'entre nous - hélas ! - mais l'objectif est d'abaisser le seuil que doivent franchir ceux qui souhaitent devenir propriétaires. Le deuxième point commun à ces projets de lois - et je voudrais insister là-dessus, car je n'y reviendrai pas - est le fait qu'ils n'entraînent aucune atteinte aux droits des locataires dans le canton: ils facilitent l'accession à la propriété des locataires, mais ils n'amoindrissent pas la protection des locataires, actuellement en vigueur.
J'en viens maintenant à la procédure d'adoption de ces quatre projets de lois, à la procédure de concrétisation de l'initiative 116, qui va faire l'objet d'un débat ponctué par un vote. La commission du logement s'est longuement penchée sur cette question. Elle a pris connaissance de trois avis de droit. Comme vous le savez, un dicton veut que si l'on pose la même question à deux juristes, on obtienne trois avis différents. Ici, nous avons interrogé trois juristes: l'un d'eux estime que nous devons concrétiser l'initiative 116 par un seul projet de loi, les deux autres estiment que nous pouvons parfaitement adopter plusieurs projets de lois. Je voudrais insister sur le fait que l'un de ceux qui se sont prononcés dans ce sens est l'ancien chef du service juridique de la section des recours du Conseil d'Etat - juriste éminemment respecté dans notre République. Celui-ci a rendu son avis sans qu'on l'ait sollicité, mais de façon tout à fait spontanée, et qu'il conclut donc par la possibilité de procéder de cette façon-là sans aucune atteinte aux droits populaires ou aux principes démocratiques.
Fort de ces différents avis, le Bureau a estimé que la commission du logement pouvait librement décider de la forme de concrétisation de l'initiative 116. La commission du logement a considéré que, vu la diversité des projets de lois qui devaient être modifiés pour cette concrétisation, il était parfaitement justifié d'adopter quatre projets de lois formellement distincts. C'est donc sur cette base-là que nous allons entamer nos travaux et ceci, je l'espère, dans un excellent état d'esprit.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je donne la parole à M. Carlo Sommaruga, rapporteur de minorité, puis à M. Grobet, rapporteur de seconde minorité, et ensuite aux personnes inscrites. Monsieur Sommaruga, vous avez la parole.
M. Carlo Sommaruga (S), rapporteur de première minorité. Mon intervention sera orientée sur deux points essentiels: d'abord sur une question de fond, puis sur la procédure, qui a déjà été abordée par M. Muller.
En ce qui concerne le fond, il s'agit aujourd'hui de discuter d'une initiative qui n'a rien d'anodin. Il s'agit d'une initiative qui constitue une charge sans précédent contre les droits des locataires et contre la situation des locataires de ce canton. Il est regrettable d'arriver en 2003 à une situation de ce genre, alors que depuis 1957 avait cours à Genève une politique sociale du logement consensuelle, née d'ailleurs à l'instigation d'un conseiller d'Etat du nom d'Emile Dupont qui sortait des rangs du PDC. Qu'on renie aujourd'hui l'héritage de cette personne, c'est à sa fraction politique de l'assumer. Redisons-le, par cette initiative 116 et essentiellement par sa concrétisation, on remet en cause aujourd'hui toute la politique menée et construite par les modifications légales successives, les propositions du Conseil d'Etat, les initiatives populaires. Cela est extrêmement grave.
Quoi qu'il en soit, jusqu'à récemment nous avions une politique sociale du logement - disons même jusqu'à aujourd'hui. Elle est effectivement contestée par l'Entente, et tout particulièrement par le parti libéral. Dans un premier temps, l'Entente a souhaité que cette politique sociale du logement soit réduite à une politique du logement social, c'est-à-dire que l'Etat s'intéresse uniquement à la catégorie de logements destinés à la population la plus démunie, sans avoir de perspective sur l'intérêt général et public. Aujourd'hui la droite va encore plus loin, puisqu'elle veut supprimer tout moyen à l'Etat pour mener une politique sociale, je dirais même toute politique du logement, cela uniquement afin de favoriser les intérêts privés et particuliers. C'est grave, car c'est la première fois à ma connaissance que, dans ce parlement, on tente de concrétiser une initiative sur le logement tendant à favoriser uniquement l'intérêt des personnes les plus aisées de ce canton, ceci au détriment de la majorité des habitants de ce canton, qui sont locataires à plus de 80%. Jusqu'à aujourd'hui, toutes les classes sociales pouvaient espérer trouver un logement. Cela empêchait l'exclusion. Cela favorisait et garantissait la cohésion sociale. L'initiative 116 qui vous est proposée aujourd'hui va exactement dans le sens contraire. Elle favorise l'exclusion. Elle rompt la cohésion sociale. Ceci n'est pas acceptable.
Les lois en vigueur permettent la construction de logements subventionnés, de locatifs libres et de PPE. Celles qui vous seront proposées par la majorité aujourd'hui visent, d'une part, à favoriser l'accession à la propriété et, d'autre part, à porter atteinte au parc immobilier locatif existant, ceci au détriment des locataires de ce canton. Il ne s'agit rien de moins que d'une rupture du contrat social en matière de logement.
Les projets de lois seront examinés dans le détail tout à l'heure.
Le rapporteur de majorité vous a indiqué qu'un travail avait été fait par l'EPFL sur l'accession à la propriété. Il prétend, à la lecture de ce rapport, qu'une grande majorité de Genevois souhaite accéder à la propriété du logement. Erreur ! Et c'est là où je considère que cette initiative 116 est une escroquerie politique, car si l'on examine de manière précise ce que dit ce document de l'EPFL, on découvre que les locataires suisses rêvent d'être propriétaires d'une maison individuelle. Or, on sait bien qu'à Genève et nulle part en Suisse, il n'est possible que tous les habitants soient propriétaires d'une maison individuelle. Je renvoie à l'annexe qui figure à la page 17/39 du rapport IN 116-C, pièce d'ailleurs produite par le rapporteur de majorité, qui met justement en avant le fait que les locataires rêvent d'une maison individuelle. Par ce rêve, on manipule les gens uniquement pour favoriser les vendeurs d'appartements et les propriétaires de parcelles.
En ce qui concerne la procédure de traitement des lois de concrétisation, il a été dit par le rapporteur de majorité que trois avis de droit avaient été déposés. La situation est un tout petit peu différente: un avis de droit a été sollicité par le Bureau du Grand Conseil, alors que celui-ci était présidé par M. Bernard Annen. Il a sollicité M. le professeur Andreas Auer qui a rendu un avis de droit, lequel dit clairement que la concrétisation doit se faire par une seule et unique loi. Je rappelle que le professeur Andreas Auer, qui était de ceux qui ont inspiré la réforme du droit d'initiative en 1992 - qui fait aujourd'hui l'objet d'une première mise en application - est un éminent spécialiste en matière de droits politiques et de leur exercice, peut-être le meilleur spécialiste que nous ayons dans ce pays. Son avis compte donc à double titre: d'une part à cause sa compétence et, d'autre part, du fait qu'il connaisse parfaitement les rouages du droit d'initiative et de son application dans le cadre de la constitution genevoise. Je ne veux pas du tout critiquer les autres avis de droit et leurs auteurs, si ce n'est que l'un des deux autres avis de droit a été commandé par la Chambre genevoise immobilière et remis par elle au Bureau. On ne peut pas mettre sur un pied d'égalité une commande faite par un groupe d'intérêts et une demande formulée par le Bureau du Grand Conseil. Il est vrai qu'un juriste de l'Etat est allé dans le même sens que le juriste de la Chambre immobilière, non pas dans un avis de droit mais dans une note - il s'agit de réflexions personnelles - que je ne mettrai pas non plus sur un pied d'égalité avec la recherche faite au niveau théorique par le professeur Auer.
Aujourd'hui, l'objectif de la droite de concrétiser l'initiative 116 par quatre projets de lois différents vire à éviter que l'on puisse lancer un seul référendum, et obliger les référendaires à en lancer quatre s'il le faut, et ceci pour entraver l'exercice des droits politiques sur ce canton. Cette manière de faire est inadmissible ! Elle relève du même esprit que celui qui a animé le traitement de l'initiative 116: un passage en force au détriment des locataires, du bien-être et de l'intérêt général, un passage en force sur les droits politiques pour imposer la volonté de quelques-uns, et surtout la vision de la société telle que la souhaite la Chambre genevoise immobilière.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de deuxième minorité. Monsieur le président, en prévision du débat qui s'annonce, vous avez pris l'initiative - comme cela vous arrive de temps en temps - de nous adresser la bonne parole, en demandant lecture d'une lettre de l'Entente genevoise concernant les débats qui vont avoir lieu au sujet de l'initiative «Pour un toit à soi» - alors que je pensais qu'il s'agirait de l'initiative «Casatax». C'est là où je me suis rendu compte qu'au fond M. Lescaze - c'est vrai qu'il attache beaucoup d'importance à sa fonction - vaut son pesant de vingt députés - c'est pas mal, quand même ! - puisque, selon le règlement, la demande de lecture d'une lettre doit être appuyée par vingt députés. Il semble donc que le président du Grand Conseil ait droit à un privilège, puisqu'il n'a pas besoin de demander si vingt députés appuient la petite manoeuvre qu'il a organisée avec ses amis politiques. Je suis certain, Monsieur le président, que vous auriez trouvé les vingt députés, mais dans votre précipitation - qui est dans votre habitude - vous avez tout de même oublié cette disposition assez importante du règlement, par contre vous savez bien rappeler d'autres dispositions à d'autres députés...
J'aimerais profiter de cette occasion pour revenir tout d'abord sur nos séances du vendredi après-midi... (Brouhaha.)
Le président. Monsieur Grobet...
M. Christian Grobet. Je voudrais donc pouvoir dire quelques mots sur ces séances du vendredi après-midi, qui suivent un régime à deux vitesses. Entre 14 h et 17 h, on appelle ça des séances «extraits», tandis qu'à partir de 17h, ce ne sont plus des séances «extraits». Nous avons bien compris que les députés de la majorité actuelle du Grand Conseil n'avaient pas le temps de venir à des débats durant l'après-midi, et que, par voie de conséquence, ils souhaitaient que ces débats soient bien ordonnancés par le Bureau, de manière que même si la majorité est absente ou mal représentée, la machine marche bien et les choses soient votées comme elles doivent l'être. (Protestations, le président agite la cloche.)
Le président. Monsieur Grobet, vous n'avez que sept minutes !
M. Christian Grobet. Mais je le sais, Monsieur le président ! J'ai le droit de les utiliser comme je veux, et je ne vais pas lire des extraits du rapport de M. Muller. Comme on ne nous donne pas la parole au moment où on est mis en cause, je prends la parole maintenant. Voyez-vous, j'étais désireux d'éviter qu'il y ait encore plus d'embrouillaminis dans cette salle, et j'aimerais simplement dire qu'il n'y a pas deux catégories de séances du Grand Conseil ! Mesdames et Messieurs de l'Entente, lorsque vous participez à une séance de l'après-midi, entre 14 h et 17 h, sachez qu'en effet les députés ont la possibilité de déposer des amendements. Il faudra vous y faire ! Si vous voulez supprimer les séances du vendredi, faites-le, mais en ce qui nous concerne, nous n'entendons pas participer à des séances mascarades durant lesquelles on ne pourrait plus présenter d'amendements, où on ne serait que des marionnettes qui devraient voter dans le sens souhaité par la majorité.
J'aimerais dire également, Monsieur le président, que je m'abstiendrai d'écrire une lettre, mais qu'en tant que chef de groupe je pourrais - ce serait pour la séance de ce soir - écrire une lettre au président du Grand Conseil, où je m'étonnerais que certains députés, notamment sur les bancs de votre parti, jouissent d'une tolérance énorme pour intervenir, interrompre et formuler des grossièretés, comme si cela était parfaitement normal... Par contre, lorsque deux députés demandent simplement qu'on traite d'un sujet que vous avez oublié de soumettre aux députés, ça ne vous va pas ! Ce qui ne va pas, selon moi - je vous l'ai déjà dit gentiment et je vous le répète en toute quiétude - c'est votre façon de faire. Nous vous demandons donc de faire preuve d'un peu plus de hauteur, quoi que vous soyez déjà bien en hauteur, de présider ces débats avec sérénité, sans précipitation, et en veillant à ce que les uns, les unes et les autres puissent s'exprimer. Voilà.
J'en arrive à cette initiative 116 «Pour un toit à soi» (L'orateur est interpellé par M. Muller.)Rassurez-vous, Monsieur Muller, vous aurez encore le temps de m'entendre.
Une voix. Il n'écoute pas !
M. Christian Grobet. Eh bien, je reprendrai la parole... Merci d'attirer mon attention sur la question de l'horaire, Monsieur le président.
Je voudrais tout d'abord rappeler que nous avons dans notre constitution un article 10 qui porte sur le droit au logement, voté à une très forte majorité par le peuple genevois, ce qui paraît tout à fait normal. En effet, qui peut aujourd'hui vivre sans avoir un logement ? Encore que... on s'aperçoit depuis plusieurs années qu'il y a des malheureux qui n'ont pas de logement, on les voit dormir sur les bancs publics, à la gare ou ailleurs. Evidemment, il ne faudrait surtout pas que les personnes qui n'ont pas les moyens de se payer un toit occupent des logements qu'on laisse volontairement vides pour des opérations spéculatives... En fin de compte, qu'est-ce que ça signifie, le droit au logement ? Je crois qu'on peut quand même se poser la question, puisque tout le monde était soi-disant en faveur du droit au logement. Cela signifie que chacun doit pouvoir bénéficier d'un logement à la mesure de ses moyens financiers. Et que nous propose-t-on aujourd'hui sous l'égide de cette initiative lancée par les milieux immobiliers ? C'est en fait de construire des logements - comme l'a dit Carlo Sommaruga - pour une minorité de la population seulement ! En effet, le nombre de citoyennes et citoyens qui peuvent, aujourd'hui, acquérir un logement, que ce soit un appartement en propriété ou une villa, est forcément minime, et cela restera - malheureusement, c'est ainsi - une minorité, il ne faut pas se leurrer.
Nous n'avons rien contre la propriété, je tiens à le souligner. En effet, je suis propriétaire - je me sens à l'aise - mais je défends la propriété d'une manière raisonnable, qui ne va pas dans le sens de l'accaparement et de l'exclusion d'une partie importante de la population du droit au logement. Nous ne sommes pas contre la propriété, mais nous ne sommes pas d'accord avec le fait qu'aujourd'hui on veuille, par le biais de cette initiative, ne faire construire que des logements en propriété, alors qu'on sait que ce type de logements ne bénéficiera qu'à une petite minorité de la population, et que devant la crise du logement qui ne fait que s'aggraver, les 80% de la population de notre canton ne trouveront pas d'appartement à la mesure de leurs moyens financiers.
Je terminerai simplement en disant, Monsieur Muller, que cette initiative des milieux immobiliers est une provocation délibérée et inadmissible. Vous voulez relancer la guerre du logement à Genève, et vous avez tort ! Vous avez tort, car cela va pourrir le climat social à Genève. Je ne vous dis qu'une seule chose: les milieux des locataires - dont je fais partie bien qu'étant propriétaire, car, voyez-vous, je suis aussi locataire de mes bureaux - et les partis de gauche vous attendront sur le terrain, comme cela était le cas au mois de novembre. Nous savons que vous avez des moyens financiers considérables, puisés chez les locataires. Nous n'avons pas les mêmes moyens que vous, car les vôtres viennent d'une taxe obligatoire: vous la prélevez auprès de vos copains régisseurs sur les états locatifs, alors que nous sommes financés par des donations bénévoles - ce n'est certainement pas la même chose, vous me permettrez de le dire ! Mais malgré cette disproportion totale de moyens, vous verrez que nous nous battrons, et j'attends de voir comment la population va réagir à cette déclaration de guerre que vous lui avez adressée, semblable à la déclaration de guerre de Bush contre l'Irak !
Le président. La parole est à M. le député Vanek. Monsieur Vanek, vous ne voulez pas parler ? Dans ce cas, la parole est à M. le député Brunier.
M. Christian Brunier (S). Mesdames et Messieurs les députés, lors de la séance des chefs de groupe, le président du Grand Conseil nous a dit: «J'espère que nous n'allons pas trop débattre de procédure.» Puis, en entendant M. Mark Muller, il est allé plus ou moins dans le même sens en disant qu'on ne devrait pas trop s'occuper de procédure, pour aborder tout de suite le fond du problème. C'est une façon de faire que généralement j'apprécie, et je me suis dit que, si la droite ne voulait pas aborder le débat de procédure, il fallait peut-être que je regarde pourquoi. On l'a vite vu: cette initiative devait être soumise au peuple, et la droite a soudain décidé d'éclater le projet en quatre pour que les trois quarts de ce projet échappent complètement aux droits populaires.
On ne vous entend d'ailleurs pas beaucoup, aujourd'hui, sur l'avis de droit du professeur Auer, le grand spécialiste du droit constitutionnel que vous ne cessiez d'évoquer lorsqu'il fallait combattre, entre autres, le projet de loi sur le financement des partis politiques... Or, que nous dit ce professeur ? Il nous dit que «en votant la validité formelle de l'IN 116 en date du 23 mars 2001 le Grand Conseil a décidé qu'elle respectait l'unité de la matière, et qu'il n'y avait dès lors pas lieu de scinder ce projet en plusieurs volets». Il confirme encore un peu plus loin que «ni la commission du logement, ni même le Grand Conseil ne sont habilités, au moment de la concrétisation de l'initiative 116, à scinder celle-ci en plusieurs volets», et enfin que «la loi de concrétisation est soumise au référendum facultatif». Voici ce que nous dit le professeur Auer.
Aujourd'hui, vous êtes en train de manipuler - et le mot n'est pas trop fort ! - ce projet pour éviter que la population puisse s'exprimer. Pourquoi ? Parce que vous avez peur de la population, parce que vous savez très bien que vous allez être balayés sur certains projets, notamment sur le congé-vente. M. Muller nous explique que les droits des locataires ne sont pas remis en cause; pourtant, on a connu la période des congés-ventes où les locataires étaient menacés d'être mis à la porte s'ils n'achetaient pas leur appartement dans les plus brefs délais. Aujourd'hui, vous voulez replonger le monde des locataires, c'est-à-dire 70% des citoyennes et citoyens de ce canton, dans ce cas de figure, refusé par une large majorité. Evidemment, vous n'allez pas expliquer cela à la population, et donc vous la manipulez: vous dites que nous sommes en train de démocratiser l'accès à la propriété et que, d'ailleurs, la plupart des Genevoises et Genevois le souhaitent. M. Sommaruga a cité une étude qui prouve le contraire, pourtant je suis prêt à accepter votre point de vue. Allez, on y va ! Admettons que la plupart des Genevoises et des Genevois rêve d'être propriétaire. Après tout, pourquoi pas ? Mais vous savez très bien, Monsieur Muller, que si la plupart d'entre eux en rêve peut-être, la plupart n'y arrivera jamais ! Nous sommes sur un territoire extrêmement exigu, où le prix du logement est très cher, et il n'y a pas de possibilité - malheureusement, peut-être - d'élargir le nombre de personnes qui seraient en mesure d'acquérir un logement. D'ailleurs, il y a des gens qui gagnent un revenu convenable, mais qui n'arriveront pas à acheter leur logement, car ils n'ont pas de fonds propres; à l'inverse, certaines personnes ont des fonds propres, par exemple grâce à un héritage, mais pas suffisamment de revenus pour acheter.
Vous êtes donc en train de faire des cadeaux à une toute petite minorité. Vous jouez le collectif contre quelques individus, vous utilisez les deniers publics, les lois et tous les moyens possibles pour faire bénéficier une toute petite minorité d'un droit qu'une grande majorité ne pourra jamais se payer. Dans ce cas de figure, vous rallumez la guerre du logement à une époque où on devrait plutôt jouer solidairement pour répondre aux besoins prépondérants de la population. Vous savez qu'on manque sensiblement de logements aujourd'hui. Vous êtes en train de pilonner, notamment dans le dernier projet de loi, le logement social, puisque vous dites que les communes devront sur une période de cinq ans réaliser 20% de logements locatifs, c'est-à-dire que pour tout le reste, elles pourront faire ce qu'elles veulent. Même l'expression «logement social» disparaît. Vous êtes donc en train de casser le logement social à Genève, alors que vous savez parfaitement que s'il n'y a pas un minimum de contraintes, personne aujourd'hui ne fera du logement social, parce que les communes privilégiées ne veulent pas jouer la solidarité et offrir du logement aux plus pauvres ni aux revenus relativement confortables de ce canton, tandis que les communes qui ont déjà fait un effort dans ce sens n'ont plus envie de le faire.
Vous êtes donc en train de casser la politique sociale du logement, vous faites des cadeaux aux plus privilégiés de ce canton sur le dos de la majorité, et vous rallumez la guerre du logement à un moment où il faudrait jouer solidairement pour répondre aux besoins de la population qui souffre d'un mal de logements. Les gens n'arrivent pas à se loger, et c'est là le problème qu'il nous faut évoquer dans la plus grande urgence, c'est là notre devoir de politiques, nous ne sommes pas dans ce parlement pour faire des cadeaux à nos petits copains !
M. Robert Iselin (UDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, pour ceux qui apprécient la dispute juridique et l'art de trouver des arguments, de couper les cheveux en quatre et de se titiller les méninges avec des arguties contournées, l'initiative 116 et ses enfants légitimes ou pas sont un miel exquis. Il faut, je crois, remonter aux contestations, interprétations et déductions théologiques savantes échangées par les plus grands esprits du temps - à commencer par le cardinal Wolsey - dans la question du divorce d'Henri VIII et de Catherine d'Aragon pour trouver l'équivalent. Dans ce cas comme dans celui qui nous occupe, les arguments échangés ne convainquent que ceux qui entendent l'être. Soyons pratiques: nous sommes en présence d'une initiative dûment acceptée; qu'elle soit mise en pratique par une loi ou par plusieurs, peu importe. Déposer en une fois quatre référendums si nécessaire n'est pas plus compliqué que d'avoir à n'en déposer qu'un seul. (Le député Vanek rit.)Je suis enchanté de vous faire rire, car il n'y a rien de tel que le rire dans l'existence, cher ami !
L'initiative cherche à s'attaquer à la situation tendue du marché immobilier. Cette situation existe et devient un problème lancinant à Genève, qui n'a pas toujours connu une telle tension, comme je le rappellerai plus loin. On peut penser - comme on le croit sur les bancs d'en face - que les solutions proposées ne valent pas pipette. Par contre, il est parfaitement abusif d'essayer de faire croire, en utilisant des termes outranciers tels que «modifications scandaleuses», «bonifications démesurées», «une loi favorisant les plus riches», «l'indécence de la révision de la loi», et j'en passe, qu'on cherche à avantager les citoyens les mieux nantis aux dépens et à la charge des milieux les moins favorisés. Je dois dire que ceci est une fameuse plaisanterie, car on peut admettre que les milieux en question, nos concitoyens moins nantis - dont j'ai aussi fait partie quand j'étais beaucoup plus jeune, maintenant ça va un petit peu mieux, mais pas tellement - sont composés des 40% de contribuables qui ne contribuent en rien aux impôts, et des quelque 25% des contribuables dont les versements sont quasiment nominaux. On ne voit pas, dans une telle situation, en quoi des groupes moins favorisés se verraient pour ainsi dire ponctionnés en faveur des gens fortunés, puisque de toute manière ils ne paient rien du tout à l'Etat.
Je m'arrêterai ici, je proposerai plus tard quelques développements au sujet du marché en tant que tel. Je pense qu'on ne s'attaque pas à la vraie racine du problème, mais j'en resterai là pour l'instant.
M. Florian Barro (L). J'interviendrai sur la procédure, notamment en raison du fait qu'avec Mme Marie-Paule Blanchard j'ai présidé la commission du logement, chargée principalement de concrétiser cette initiative. Cela a déjà été dit par MM. Muller et Sommaruga: il y a eu trois avis de droit, dont certains ont contesté le titre lui-même, puisque celui de M. Raphaël Martin est plutôt considéré comme une note. En tout cas, si la forme ressemble peut-être à une note, le contenu évoque pour un non-juriste des éléments constitutifs d'un avis de droit.
M. Brunier a donné une lecture partielle de l'avis de droit de M. Auer, pour ma part je m'abstiendrai de lire des tronçons des autres avis de droit, car vous avez sans doute eu le loisir de le faire. Ce que je veux juste signaler et qui est relevé en particulier dans la note de M. Martin, c'est que les députés disposent d'une certaine liberté pour concrétiser les initiatives. Il évoque notamment l'hypothèse d'une concrétisation sous forme d'une loi constitutionnelle et sous forme d'une loi ordinaire. Si les députés prenaient ce chemin, cela impliquerait de facto la nécessité de concrétiser l'initiative par deux lois, en respectant l'unité de la forme et l'unité de la matière. Voilà pour la théorie, qui nous permet de dire que le choix de quatre projets ne semble pas à nos yeux et de ce point de vue là être irrespectueux du droit.
Par rapport à l'initiative 116, vous avez lu qu'elle proposait une palette de mesures respectant l'unité de la matière. Sa concrétisation s'est faite à la commission du logement, mais également à la commission fiscale et à la commission de l'aménagement. Cela montre la diversité des lois à considérer pour la concrétisation. Le fait de proposer ce soir quatre projets de lois offre également la possibilité à chaque député et députée du Grand Conseil, mais aussi au peuple, de choisir de soutenir l'une ou l'autre de ces concrétisations. M. Brunier disait: «Vous allez vous faire balayer sur les trois quarts de la concrétisation», mais le but est de donner au peuple la possibilité de choisir, et si, selon votre appréciation, le peuple estime que les 25% de l'initiative est bon et qu'il en rejette les trois quarts, on lui aura au moins donné la possibilité d'accepter un quart de la concrétisation - même si, bien entendu, nous espérons plus.
Le fait d'offrir au peuple une possibilité comme celle-ci, c'est déjà un plus au niveau de la démocratie. Vous qui trouvez bien souvent l'occasion de nous donner des leçons de démocratie, je pense que vous devriez avoir l'honnêteté intellectuelle d'accepter celle-ci.
Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG). «Pour un toit à soi», nous y voilà... «L'accession à la propriété à la portée du plus grand nombre», «vous avez toujours rêvé d'être propriétaire, l'initiative 116 veut satisfaire vos désirs», «majorité de la population de ce canton», «avoir un toit bien à soi», «l'indépendance et la liberté en matière de logement», «à votre portée», voilà la genre de mots que l'on trouve dans le rapport général de majorité de M. le député Muller, représentant dans ce parlement les intérêts des milieux immobiliers, auteurs de l'initiative. Ces mots sont l'expression des motifs de base pour lesquels la majorité entend favoriser l'accession à la propriété individuelle: réaliser des rêves, qui plus est les rêves des autres. Les propriétaires qui veulent réaliser les rêves des locataires ?! Comme on dit lorsqu'on va à Disneyland: rien que d'y penser, ça fait rêver ! (Rires.)
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je vais m'employer à tenter de vérifier les affirmations de ce rapport général pour pouvoir répondre à cette question: à qui profitera l'initiative 116 ?
Point numéro 1: pour étayer sa thèse, le rapporteur veut donner «une information précise sur la question de l'accession à la propriété» en se référant à l'enquête Thalmann-Favarger menée auprès de 2800 personnes, soit 66% de locataires et 33% de propriétaires dans toute la Suisse. Je crois important d'insister sur ce point, car il constitue les motifs de base de la majorité pour justifier les mesures proposées dans les quatre projets de lois. Cela arrange bien nos faiseurs de rêves de constater que si l'on demandait à ces personnes si elles avaient la possibilité de choisir librement leur logement, elles choisiraient le statut de propriétaire à 83%, mais bien évidemment hors contraintes financières et professionnelles, qui sont les plus importantes. Cette information est certes précise, mais très insuffisante. En effet, dans ses conclusions générales, ce rapport donne des renseignements beaucoup plus serrés sur les personnes interrogées. Thèse numéro 1 des conclusions de ce rapport: même si les Suisses préfèrent en majorité la propriété à la location, le désir d'accéder à la propriété n'est véritablement fort que parmi les locataires dits par obligation, c'est-à-dire 21% des locataires. Une bonne partie de ces locataires ne dispose de loin pas des ressources nécessaires à l'accession, par conséquent de nombreux locataires sont peu sensibles aux encouragements à l'accession à la propriété, soit à cause de moyens financiers largement insuffisants soit tout simplement par manque d'intérêt. Pour les auteurs de cette enquête publique, le public cible pour l'accession à la propriété est donc le groupe des locataires par obligation, soit 21% des personnes interrogées, et, pour les aider, il faudrait un soutien financier très important. On est ici loin du rêve de la majorité de la population...
D'autre part, la thèse numéro 2 des conclusions exprime clairement que l'on peut très bien rêver d'accéder à la propriété d'un logement plus confortable et être satisfait de son logement locatif. Cette enquête révèle aussi que les critères les plus importants dans le choix d'un logement sont le calme, l'ensoleillement et le fait de disposer de grandes pièces, ce qui est le cas des maisons individuelles hors des villes, comme l'a dit le rapporteur de minorité M. Sommaruga. Thalmann et Favarger précisent en thèse numéro 5 que «dans leur imaginaire, les Suisses associent logement en propriété et maison individuelle». Et si une grande majorité des ménages rêve de devenir propriétaire, c'est pour vivre hors des villes dans un cadre agréable. De plus, la thèse numéro 8 des conclusions précise encore que les locataires qui rêvent de propriété la considèrent comme hors de portée et ne ressentent pas non plus un fort besoin de quitter le marché locatif.
Conclusion de ce premier point: on propose des changements de lois conséquents - sur lesquels nous reviendrons plus tard pour chaque projet de loi - pour une minorité de personnes qui, de plus, ont déjà les moyens de réaliser leurs envies.
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, quelques définitions tirées du dictionnaire: le désir est une tendance à vouloir obtenir quelque chose pour satisfaire ses envies. Satisfaire les désirs d'une minorité, voilà le programme de la majorité. Le besoin est ce qui est indispensable à l'existence quotidienne. De notre côté, nous voulons garantir à tous ce qui est indispensable à la vie quotidienne, et le logement en fait partie.
Point numéro 2. Je cite à nouveau le rapport de majorité: «Outre la satisfaction du désir - de nouveau ! - de la majorité, une politique d'accession à la propriété se justifie par l'indépendance et la liberté de chacun sur le plan du logement», et par le fait que «les propriétaires occupants investissent généralement davantage dans l'entretien de leur logement que les locataires ou les bailleurs». Bien évidemment, le rapporteur de majorité n'en dit pas plus pour justifier ces affirmations. Des chiffres, s'il vous plaît ! A ce stade, je me pose la question de savoir ce qui empêche les bailleurs d'entretenir leur logement. Quelles garanties nous donnez-vous que le patrimoine sera mieux protégé par l'indépendance et la liberté des futurs propriétaires de faire ce qu'il leur plaît chez eux ? Idem pour l'environnement: respect de l'environnement et liberté de faire comme bon leur semble sont-ils compatibles ? Sans réponse à ces questions, vos affirmations sont gratuites et, jusqu'à plus amples informations, sans fondement.
Point numéro 3. Le rapport dit encore qu'«il convient d'insister sur le fait que ces mesures ne font pas appel à un investissement supplémentaire par le biais de subventions et autres aides». C'est tout simplement faux ! Les bonifications de l'Etat pour les épargnes en logement auraient un coût public, puisque selon les chiffres fournis par l'administration fiscale et mentionnés dans le rapport de minorité, au bout de dix ans, une famille de quatre personnes épargnant le maximum légal percevrait une prestation globale de l'Etat de plus de 105 000 F, et ceci sans compter l'économie fiscale sur l'impôt immobilier complémentaire de plus de 16 000 F. Tout ceci serait bien sûr en diminution des recettes de l'Etat.
Point numéro 4: quant au souci qui a soi-disant guidé la majorité de «ne pas favoriser l'accession à la propriété au détriment de la protection des locataires», je dirais: «Et puis quoi encore ?» Le rapporteur ose affirmer qu'une politique d'accession à la propriété se fait en faveur des locataires ?! Bon sang, mais c'est bien sûr ! Les milieux immobiliers défendent les intérêts des locataires, c'est bien connu ! (Rires.)Le rapporteur précise plus loin: «Les tenants de l'idéologie que l'intérêt public réside dans le maintien d'un parc de logements à louer pour le plus grand nombre sont en contradiction avec le sondage cité plus haut.» Mais, Monsieur le député Muller ainsi que vos collègues et les milieux que vous représentez, nous vous le rappelons encore une fois: l'idéologie dont nous parlons ici, c'est la volonté populaire exprimée par plusieurs initiatives de maintenir un parc de logements en ville à des prix accessibles, de mettre fin aux congés-ventes, et j'en passe - vous connaissez la suite. Il s'agit également de la volonté du Conseil d'Etat de garantir l'application de la constitution - dont M. Grobet a rappelé tout à l'heure les tenants - sur la garantie de logement pour tous, sur les objectifs du plan directeur cantonal. En bref, M. le rapporteur et ces milieux qu'il représente se fichent éperdument de tout cela, en ayant le culot d'affirmer - mais le peuple appréciera - que l'intérêt public réside dans le développement de la propriété individuelle.
En conclusion et pour terminer, je dirais aux initiants et aux défenseurs de l'initiative 116 «Pour un toit à soi»: laissez leurs rêves aux locataires, ne les confisquez pas pour justifier vos intérêts de propriétaires-promoteurs, arrêtez déjà d'être un enfer pour eux. En ce qui me concerne, pour ajouter une petite note personnelle, je dirais que liberté ne rime pas avec propriété, mes rêves ont décollé du sol depuis longtemps et volent dans des sphères bien plus hautes. (Applaudissements.)
Le président. La parole est à Mme la députée Künzler. Je vous rappelle que les interventions durent sept minutes au maximum.
Mme Michèle Künzler (Ve). Je n'ai jamais abusé de ce droit, Monsieur le président.
Mesdames et Messieurs les députés, les Verts sont favorables à l'accession à la propriété et à la démocratisation de cet accès. Mais ce qui nous est proposé ici est tout à fait inacceptable, et nous regrettons d'être conviés à ce débat. Nous avions proposé en son temps un contre-projet qui aurait peut-être pu sortir cette assemblée de ce débat sans issue, car - nous le savons tous ici - cette initiative va être frappée d'un ou plusieurs référendums qui vont aboutir. Le peuple va trancher, et il va évidemment refuser ce projet de loi, nous le savons déjà. C'est vrai que, d'un côté, on se demande pourquoi certains s'obstinent à aller dans le sens de propositions inacceptables et à perdre leur temps ici.
Pour nous, sur les quatre projets de lois, deux sont inacceptables, un est soit inutile soit indécent, et le dernier est franchement inconsistant. Pour l'instant, nous allons surtout nous occuper de ces avis de droit et reviendrons plus tard sur les autres points.
Force est de constater qu'on ne peut pas trancher la question de la concrétisation au regard des avis de la doctrine - c'est ce que dit M. Auer et c'est vrai. Par ailleurs, celui-ci reconnaît plus loin que, premièrement, «la possibilité de scinder une initiative populaire qui ne respecte pas l'unité de matière n'existe qu'au stade de l'examen de sa validité». En aucun cas on ne peut revenir en arrière. Or, l'initiative a été considérée comme valide, et l'unité de la matière reconnue. Ainsi, le Grand Conseil ne peut pas revenir en arrière pour trancher dans un autre sens, car il s'agirait d'une décision contradictoire de la même instance. Deuxièmement, il faut que les initiants et les citoyens qui ont signé puissent reconnaître la concrétisation de leur initiative et, le cas échéant, manifester leur désaccord. Donc, si une partie de l'initiative était refusée, on ne respecterait ni la volonté des initiants, ni celle de ce Grand Conseil qui avait jugé l'initiative valide dans son ensemble. Troisièmement, je crois que même l'avis de droit demandé par la Chambre immobilière dit que c'est dans leur ensemble que les projets de lois représentent la transcription matérielle de l'initiative. Si on devait échelonner dans le temps les projets de lois, les gens ne pourraient plus reconnaître leur initiative. On pourrait également imaginer qu'une initiative propose un projet et son financement, et il serait alors absurde que le financement soit accepté sans le projet, ou le projet sans son financement ! Il est donc évident que tous les projets de lois doivent être votés ensemble. C'est d'ailleurs ce que conclut l'avis de droit qui propose les quatre projets de lois.
D'autre part, nous savons que si nous faisions durer ce débat trop longtemps, il se pourrait que cette initiative soit présentée au peuple dans son état actuel. On ne voterait alors que sur une initiative. Or, cela paraît étrange que cette initiative puisse, durant un temps très bref, être scindée en quatre, alors qu'elle ne le pourrait plus après un certain temps, et qu'elle ne l'était pas à l'origine.
La conclusion qui s'impose est qu'il faut voter un seul projet de loi, puisque c'est uniquement ainsi qu'on respecterait la volonté des initiants. Il faudrait aussi le voter au même moment. De plus, l'avis de droit de la Chambre immobilière dit encore qu'il ne faut pas susciter de récoltes successives de signatures. Or cela signifie aussi: pas de récoltes excessives ! Ce serait tout de même curieux qu'on doive trouver dix mille signatures pour lancer une initiative, tandis que pour l'annuler, il en faille vingt-huit mille, voire plus ! A l'évidence, une seule chose s'impose: il faut voter un seul projet de loi.
M. Rémy Pagani (AdG). Je n'aime par particulièrement revenir sur le passé, mais en l'occurrence, il faudrait peut-être se rappeler ce que la politique des congés-ventes a impliqué il y a une quinzaine d'années dans notre République. Je citerai deux exemples pour personnifier un peu cette question, car on peut très bien parler de choses théoriques dans ce parlement, sans voir ce que cela implique dans la pratique. De ce point de vue là, il est bon de rappeler un certain nombre de situations personnelles, afin de montrer à quel point les quatre projets de lois qui nous sont soumis ce soir sont iniques pour l'ensemble de la population.
Le premier exemple concerne une dame issue de nos milieux. Il y a quinze ans, nous nous étions mobilisés, mon ami René Ecuyer, M. Ferrazino et moi, pour défendre un appartement d'une dame de 92 ans qui allait se faire expulser parce qu'elle n'avait pas les moyens d'acheter son logement. Il s'agissait au demeurant d'une petite maison locative, un appartement à Carouge - je ne me souviens pas exactement de la rue. Nous étions sous la pluie à devoir défendre cette dame contre les appétits de propriétaires, qui voulaient effectivement accaparer ce logement qu'elle occupait depuis une trentaine d'années. Or, c'est de cela dont on parle aujourd'hui: certains locataires se retrouveront dans cette situation-là, si ces projets de lois sont approuvés ce soir.
Ceci étant, d'autres situations doivent aussi, de manière ironique, être mises en avant. Je veux parler de la situation dans laquelle s'est trouvé M. Gautier, président du parti libéral à cette époque, conseiller national, qui avait eu le malheur de voir son immeuble acheté par M. Jürg Stäubli - je ne sais pas si certains s'en rappellent... On pourrait en effet préciser qui est M. Jürg Stäubli: peut-être est-il déjà passé en prison pour ses activités de promoteur-spéculateur. Quoi qu'il en soit ce monsieur avait à cette époque-là accaparé un certain nombre d'immeubles pour les vider de ses locataires et les revendre, étage par étage, appartement par appartement, à l'aide d'un certain nombre de jeunes qu'il avait dressés à expulser ces locataires. Nous nous étions opposés, d'ailleurs à de nombreuses reprises, à ses activités. Après avoir fait fortune dans l'immobilier, il est passé dans d'autres secteurs de l'économie et a participé aux désastres qu'on a connus - je ne veux pas y revenir. Ce monsieur Stäubli avait donc acquis l'immeuble de M. Gautier, président du parti libéral, bien connu, tandis que M. Gautier avait quant à lui trouvé le moyen subtil - à ce moment-là, il en avait en effet les moyens - de dénoncer cette situation comme parfaitement scandaleuse. Or il avait, lui, les moyens non pas d'acheter son appartement, mais de trouver un ami régisseur qui lui fournisse un logement ailleurs.
Nous tous qui sommes ici ce soir allons nous retrouver dans cette même situation, qu'on soit pauvre ou riche ! Nous serons mis devant le fait accompli, avec pour seul choix celui d'acheter son appartement ou de le quitter. C'est bien de cela dont on discute ce soir, et c'est pour cela que nous sommes déterminés à gauche - puisque vous avez déterré la hache de guerre - à lutter contre ces projets de lois, y compris par un référendum populaire que vous voulez tant éviter, et à gagner non seulement par le vote des locataires qui nous sont favorables et paient régulièrement leurs loyers, mais aussi grâce à l'ensemble des locataires, y compris les riches locataires, qui seront eux-mêmes mis devant ce dilemme: acheter ou partir.
M. Carlo Sommaruga (S), rapporteur de première minorité. Je voulais revenir sur l'affirmation de M. Barro concernant l'honnêteté intellectuelle. J'avoue être surpris que le président de la commission du logement considère qu'il s'agit d'une question d'honnêteté intellectuelle que d'aller dans le sens de quatre projets de lois sur la question de la forme. En fait, l'honnêteté intellectuelle devrait inciter tout député à aller relire le Mémorial, notamment celui de 1992 et le rapport unique sur la révision du droit d'initiative, lorsque l'ensemble de la procédure pour les initiatives formulées et non formulées a été discuté. Or, dans le cadre de l'article 65 sur l'initiative non formulée actuellement en vigueur, le rapporteur nous dit ceci: «l'expression «une proposition» n'exclut pas que ses auteurs formulent plusieurs propositions, mais autour d'un même sujet, dans le respect de l'unité et de la matière. Le voeu des initiants doit de surcroît se limiter à un sujet qui ne soit pas trop vaste, et qui ne prête pas à des abus. [...] Le voeu des initiants doit pouvoir dès lors se concrétiser en une seule loi, en une seule révision de la constitution, quitte à ce que cette loi modifie le texte de plusieurs dispositions constitutionnelles ou légales préexistantes. Si tel n'est pas le cas, le problème de l'unité de la matière se pose.» En d'autres termes, la lecture de ce rapport donne un éclairage parfait de ce qui est applicable dans le cadre de l'initiative 116 non formulée.
Plus loin d'ailleurs, sur l'article 66, le rapporteur unique de l'époque disait: «En vertu du principe de l'unité de la matière, le citoyen a droit qu'on présente à son suffrage une question unique à laquelle il puisse répondre par oui ou par non. Ce principe n'exclut pas qu'une initiative contienne plusieurs propositions. Elles doivent toutefois avoir entre elles un rapport de connexité qui fasse apparaître comme objectivement justifiée la réunion de plusieurs propositions en une seule initiative et une seule question soumise au vote.» Il est donc parfaitement clair que la manoeuvre qui consiste à présenter quatre projets de lois est contraire à l'esprit du Grand Conseil, quand celui-ci a adopté la réforme législative. Alors que l'on parle d'honnêteté intellectuelle, il s'agit plutôt de malhonnêteté intellectuelle que de vouloir présenter quatre projets de lois.
En ce qui concerne le fond, je tiens à préciser que nous avons fait la proposition en commission du logement de favoriser le droit d'emption et le droit de préemption. Qu'est-ce ? Il s'agit du droit pour le locataire d'acquérir son appartement s'il le souhaite, soit de sa propre initiative, soit lorsque le propriétaire entend le vendre à un moment donné. Que nous ont répondu les bancs d'en face, représentant les milieux immobiliers ? «Il est exclu que le locataire puisse décider s'il a envie d'acheter, c'est au propriétaire de décider s'il a envie de vendre.» C'est cela aussi, le subterfuge de cette initiative 116: sous le couvert de vouloir favoriser l'accession à la propriété, elle favorise exclusivement le propriétaire immobilier, qui pourra vendre les logements qu'il possède ou réaliser des immeubles en propriété par étage, quand il l'entend et aux conditions qu'il voudra fixer. Comme cela a déjà été dit, cette manière d'utiliser l'argent public par différents projets de lois en faveur de personnes nanties, qui peuvent économiser jusqu'à 1000 F par personne adulte et 500 F par enfant par mois, est indécente.
Une des concrétisations concerne la possibilité - je dirais - de rafler, confisquer les terrains à bâtir actuels, pour une minorité, puisque pratiquement tous les terrains à bâtir aujourd'hui se trouvent en zone de développement, et que le projet de loi consiste à permettre d'utiliser ces zones à bâtir uniquement pour la propriété par étage, au détriment du logement locatif.
Enfin, le quatrième projet va à l'encontre des intérêts de la majorité des locataires, puisqu'il permettrait de vendre aujourd'hui quasiment dix mille appartements par année, puisque c'est le nombre de logements qui pourraient statistiquement tomber sous le coup de cette modification. Je dis bien dix mille logements par année qui pourraient être vendus, alors même qu'à l'époque des congés-ventes en 1985, il y a eu en tout et pour tout dix mille logements menacés. On voit bien la disproportion de cette loi.
Les milieux des locataires - l'Asloca et le Rassemblement pour une politique sociale du logement, pour les citer - ont décidé avec les partis de l'Alternative de combattre cette initiative par un référendum.
M. François Thion (S). Je voudrais d'abord revenir sur le sondage donné par les milieux immobiliers, et qui fait bien sûr rêver: 77% des locataires ont envie d'être propriétaires, 83% des Suisses veulent être propriétaires. Moi, je trouve ça fantastique ! Mais propriétaires de quoi ? D'une villa ? D'une villa entourée de combien d'hectares ? D'une villa avec piscine ? Si on avait demandé aux gens s'ils ne rêvaient pas d'être propriétaires d'un château, n'aurions-nous pas eu des pourcentages encore plus élevés ? Vous auriez dû compléter ce sondage, car il nous manque un certain nombre d'éléments !
Vous vendez du rêve. Vous parlez d'indépendance et de liberté, mais le propriétaire de son logement, la plupart du temps, vit dans un appartement, pas dans une villa ou un château ! Il n'a pas de piscine devant sa maison. Il vit dans un appartement, il a des voisins et vit en fait comme un locataire. Il n'a pas plus de liberté ou d'indépendance. Je crois que ce que vous dites là est faux.
La loi actuelle permet à ceux qui en ont déjà les moyens d'être propriétaires. En fait, vous vendez du rêve, vous faites croire à tout le monde qu'il peut être propriétaire, alors qu'on sait très bien que de toute façon, cela est réservé à une minorité de personnes, ici, dans ce canton. En ce qui nous concerne, nous voulons défendre l'ensemble des personnes qui recherchent un logement, notamment les locataires. Or vous savez qu'en ce moment le plus gros problème lié au logement est celui de la crise à laquelle sont confrontés les gens - et notamment les plus jeunes - qui ne trouvent pas de logement.
Il y a aussi dans cette initiative une ambiguïté - mais beaucoup en ont parlé - avec la constitution. Nous avons une initiative d'un côté, et quatre projets de lois de l'autre. Les juristes ne sont pas tout à fait d'accord, mais quoi qu'il en soit, je suis gêné par cette ambiguïté.
Je crois que la politique du logement telle qu'elle a été pratiquée à Genève jusqu'à présent est un pilier de la cohésion sociale. Elle permet de lutter contre l'exclusion, contre les inégalités sociales. L'initiative des milieux immobiliers est une attaque contre cette cohésion sociale. En voulant mettre en avant la propriété privée comme une valeur prédominante dans notre société, la Chambre immobilière genevoise - qui n'est pas mal représentée au Grand Conseil - a tendance à oublier une valeur plus fondamentale à nos yeux: la solidarité.
Cette initiative propose des mesures qui visent à l'accaparement des terrains de la zone de développement en faveur d'une minorité de gens, et au détriment des locataires et de la population genevoise.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Je crois qu'il est parfois nécessaire de donner quelques éléments chiffrés, qui permettent de situer certaines déclarations par rapport à la réalité des faits.
Il a été dit que la grande majorité des habitants de notre canton rêvaient d'être propriétaires, ceci n'est pas faux. Je pense d'ailleurs que les 100% des gens rêve d'être millionnaires, multimillionnaires, et caetera,mais qu'entre le rêve et la réalité, il y a un certain nombre d'obstacles. Le rapporteur de majorité nous dit par exemple que cette initiative a pour but de démocratiser l'accès à la propriété. Mais, lorsqu'on parle de démocratie - et on le voit ici dans ce Grand Conseil - on parle d'une majorité et d'une minorité, et le jeu démocratique veut que la majorité arrive, dans un cadre législatif, à l'emporter dans un certain nombre de votes. Or, c'est cette démocratie dont on empêche l'exercice à la population et à nos citoyens, en prétendant que cette initiative décrit leur rêve à tous. La réalité, c'est que les députés qui ont essayé de soustraire cette initiative au verdict populaire par le biais de cette explosion en quatre projets de lois, dont trois ne seraient pas soumis au référendum, ont réellement peur de voir le rêve de cette grande majorité de la population se transformer en cauchemar des milieux immobiliers.
Quelques chiffres par rapport à ce qui a été dit, des chiffres que j'avais déjà donnés lorsque nous avions pour la première fois débattu de cette initiative, mais qu'il est bon de rappeler, puisque les mêmes arguments qui avaient été avancés lors de nos anciens débats ont été resservis pendant cette séance. Je donnerai les chiffres de 2000, car ce sont les seuls disponibles dans les rapports de gestion du Conseil d'Etat, je suppose que nous aurons prochainement les chiffres correspondant au système postnumerando. 22,63% des contribuables, c'est-à-dire 53 000 personnes sont sans revenu imposé. Si je prends, par exemple, la proportion des contribuables ayant un revenu imposé inférieur à 50 000 F, je trouve 76%. Par conséquent, cela fait 24% de personnes au-dessus de 50 000 F de revenus imposés. Admettons maintenant que je prenne quelqu'un qui se trouve au niveau le plus élevé de cette tranche de 76%, c'est-à-dire à 50 000 F de revenus imposés, et admettons que sur le plan du revenu brut cela corresponde à 6000 F par mois. Certains ont prétendu qu'avec leur deuxième pilier les gens auraient les moyens d'acheter leur logement à un prix de l'ordre de 400 000 F. Mais si je considère ces 6000 F par mois, qui correspondent à un revenu annuel brut de 70 000 F, et que je prélève les 15% correspondant au deuxième pilier - et je suis généreux par rapport à un grand nombre de salariés - on arrive à 10 000 F par année. Pour atteindre les 400 000 F - et encore, je ne parle pas des intérêts ! - il faudrait quarante ans. De qui se moque-t-on ? D'autant plus que j'ai pris en considération la tranche la plus élevée des 76% de contribuables et sachant que 22% n'ont même pas de revenu imposé !
On ose nous dire que l'accession est démocratisée, alors qu'on élargit la possibilité d'acheter un appartement à quelques dizaines, quelques centaines, voire quelques milliers sur environ deux cents à deux cent trente mille personnes fiscales à Genève. Si c'est ça la démocratisation, il va falloir revoir toutes nos conceptions liées à la démocratie.
Concernant les fortunes, je vous donne encore quelques chiffres, dont deux sont très significatifs: vous avez par exemple 100 fortunes imposées à Genève, contre 76,24% des contribuables sans fortune imposée. Les chiffres sont éloquents à l'autre bout de l'échelle, puisque 3,1% des contribuables possèdent à eux seuls 35 milliards et 700 millions, c'est-à-dire 76,82% de toute la fortune imposée. 76% qui n'ont pas de fortune imposée, et 3% qui possède les 76% de la fortune imposée. Quels sont donc les gens qui vont pouvoir acquérir ces logements ? Ne nous dites pas que c'est la majorité de la population, c'est une toute petite minorité.
Je reviendrai sur certains points lors du débat, car j'aurai d'autres choses à dire, mais je crains que le président ne me rappelle à l'ordre par rapport à la durée de mon intervention. Je voudrais cependant répondre à M. Iselin, qui reprochait à un grand nombre de personnes de ne rien payer à l'Etat. Je viens de le confirmer par ces chiffres: effectivement, Monsieur Iselin, 53 000 contribuables à Genève n'ont pas de quoi payer des impôts. Ne vous est-il jamais arrivé d'imaginer qu'en même temps il y a peut-être un certain nombre de patrons avec très peu de sens citoyen - je ne dis pas tous les patrons, mais une certaine partie - qui ont prélevé la dîme au passage et empêchent ces gens d'avoir de quoi payer des impôts. Mais ça, vous ne le dites pas! Lorsque vous voyez les millions, les centaines de millions qui sont accumulés par des casseurs d'entreprises, qui empêchent justement que l'argent ne revienne aux personnes qui travaillent, il ne vous est jamais venu à l'esprit que cet argent provenait en fin de compte du travail des autres. Mais vous oubliez de le dire, de même que vous oubliez de dire que les travailleurs ne demandent pas mieux que de pouvoir payer des impôts, mais qu'ils ont besoin pour cela de salaires décents.
Le président. La parole est à M. Grobet, rapporteur de minorité. Il nous reste encore MM. Ecuyer et Gautier, puis nous allons clore là le débat général. M. le rapporteur, vous avez la parole.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de deuxième minorité. M. Iselin a souri, je reviens néanmoins sur ses propos. Vous avez parlé de la crise du logement; selon vous, il faut pour la résoudre instituer l'acquisition de son logement en propriété. Effectivement, la proposition qui nous est faite ici par les milieux immobiliers est intéressante pour un petit secteur de la population confrontée à la crise du logement: favoriser l'acquisition à la propriété, cela me fait penser à ces condominiums aux Etats-Unis, où l'on se barricade pour être sûr que les pauvres, les moins favorisés ne puissent pas entrer.
Une voix. Il n'y a pas de condominium aux Etats-Unis !
M. Christian Grobet. Il y a beaucoup d'endroits, hélas, où les gens veulent défendre leurs privilèges en s'enfermant. Nous pensons que c'est totalement indécent, en pleine crise du logement, de préconiser de tels remèdes.
En ce qui concerne les droits politiques, on voit que M. Iselin, malgré sa longue expérience, n'a jamais dû participer à des récoltes de signatures pour des initiatives ou des référendums, en tout cas pas pour quatre à la fois, car il saurait que ce n'est pas une mince affaire. Moi, cela m'est arrivé, voyez-vous, pour la poste, lorsque le Conseil fédéral, pour bien arriver au bout de ses peines et rendre le référendum extrêmement difficile, avait disloqué la loi sur les postes en quatre. Je doute, Monsieur Iselin, que vous ayez récolté des signatures pour quatre référendums à la fois. Il est évident qu'il y a une stratégie - que je trouve antidémocratique - qui est ici poursuivie par la majorité de droite. Du reste, si vous étiez véritablement soucieux de l'avis du peuple, cela aurait été très facile: il aurait suffi de voter une seule loi, comme pour Casatax, et comme il y a un aspect fiscal, le peuple se serait prononcé.
Mais, évidement, vous ne voulez pas que le peuple se prononce et souhaiteriez même qu'il ne le fasse pas. Vous avez le secret espoir qu'il n'y aura pas de référendum et qu'ainsi, avec votre tactique de saucissonner les projets de lois, vous arriverez à vos fins. Ce que je constate surtout - et cela démontre votre conception de la démocratie - c'est votre faculté extraordinaire à appliquer un régime dans un cas, et un autre régime dans un autre cas. Je crois que la constitution est parfaitement claire: à moins que le principe de l'unité de matière ne soit pas respecté - et à ce sujet notre constitution a prévu une disposition généreuse qui permet de rattraper des initiatives qui ne respecteraient pas l'unité de la manière - la constitution veut que le peuple se prononce sur une seule question, ceci également pour la clarté du vote.
Et que constate-t-on ? Souvenez-vous: l'Alliance de gauche dépose une initiative constitutionnelle qui porte sur deux objets et respecte à son avis l'unité de la matière - et, même si cette initiative ne respectait pas l'unité de la matière, les dispositions constitutionnelles prévoient de scinder l'initiative en deux pour que le peuple puisse se prononcer. Comme par hasard, la droite, avec l'UDC, prétend s'intéresser aux droits populaires et refuse de scinder en deux ladite initiative, pour pouvoir l'annuler. Ceci dit, lors de la récente votation fédérale, on a vu de quel côté se trouvait l'UDC, et ce n'était en tout cas pas du côté de l'amélioration des droits populaires ! Elle est ensuite revenue sur sa position au Conseil national et a reçu une claque de la population... Puis, voilà soudain une autre initiative, qu'il est subitement possible de concrétiser en quatre projets lois au lieu d'un seul ! Si le Grand Conseil n'avait pas décidé de concrétiser cette initiative, si une majorité l'avait refusée, l'initiative aurait été soumise telle quelle au peuple, qui se serait prononcé sur cette initiative en une seule question. Et vous le savez ! Par contre, pour la concrétisation, vous soumettez l'initiative à un autre régime, et c'est évidemment délibérément que vous l'avez fractionnée, pour rendre plus difficile la contestation de ces lois par voie référendaire.
Je constate également que pour la concrétisation de l'initiative sur les grandes fortunes et les gros bénéfices, qui a été approuvée par le Grand Conseil et sera soumise au vote populaire le 18 mai, deux lois différentes sont touchées: il s'agit de deux problèmes fiscaux totalement différents. Et pourtant, on a fait une seule loi. Cela nous a paru correct; deux questions nous auraient peut-être été plus favorables, mais nous avons trouvé tout à fait naturelle la démarche du Conseil d'Etat de concrétiser cette initiative en une seule loi modifiant deux dispositions diverses.
Il est clair que vous adoptez des procédures totalement différentes dans des cas similaires, pour trouver toujours la solution qui, sur le plan tactique, vous est la plus favorable. Je me permets de considérer que non seulement cela ne respecte pas nos règles constitutionnelles, mais qu'en plus cela dénote un état d'esprit foncièrement antidémocratique.
Le président. Votre temps de parole est écoulé, Monsieur le député. Veuillez conclure.
M. Christian Grobet. Je voudrais simplement dire qu'en ce qui concerne les avis de droit, précisément celui de M. Raphaël Martin, je constate qu'il ne prend pas position en ce qui concerne l'initiative 116 - il le dit expressément. Il évoque un certain nombre de considérations générales et déclare que dans certains cas, on pourrait imaginer de concrétiser une initiative par plusieurs lois, si cela s'avérait justifié, par exemple parce qu'il faudrait une loi constitutionnelle et une loi ordinaire. S'il y avait des motifs particuliers pour diviser cette initiative, on pourrait le comprendre - et M. Raphaël Martin a raison à mon avis de réserver des exceptions - mais dans le cas présent, on ne voit vraiment pas quel motif pourrait justifier la méthode retenue.
M. René Ecuyer (AdG). Ces quatre projets de lois nous portent quelque peu à la méditation... Périodiquement, la droite, emmenée par le parti libéral, nous fournit de bonnes occasions de mobiliser la population. Et grâce à la droite - pour cela, on peut la remercier ! - nous sommes rarement en peine de sujets pour mobiliser les salariés, les retraités, et autres. Cela est assez intéressant.
Avoir un toit à soi, c'est un sujet magnifique ! On peut bien sûr rêver d'avoir sa villa, un appartement sur deux étages, un petit jardin devant où l'on peut voir s'épanouir ses enfants. C'est vrai qu'on peut rêvasser à tout ça. Mais je crois quand même que pour la population - et vous le savez bien - le rêve est un peu plus terre-à-terre: c'est avoir un trois-pièces plutôt qu'une cage à lapin lorsqu'on habite seul, c'est un quatre-pièces plutôt que deux lorsqu'on est en couple, et c'est d'avoir un cinq-pièces lorsqu'on a des enfants, plutôt que d'être serrés dans un trois-pièces. Et parfois, c'est tout simplement d'avoir une pièce, par exemple lorsqu'on a été expulsé parce que le prix du logement est devenu beaucoup trop cher par rapport à ce qu'on gagne. Et les expulsions, nous, on connaît ! On connaît parce que lorsque vous, Messieurs les régisseurs, Messieurs les promoteurs, vous expulsez des gens parce qu'ils ne peuvent pas payer leur loyer, d'autres doivent bien s'en occuper, discuter avec eux et essayer de trouver une solution ! Là, vous n'avez pas trop de souci...
Avoir une villa, c'est un idéal; mais le rêve, et surtout à Genève, c'est d'avoir quelque chose de bon marché, d'accessible à son porte-monnaie, un logement qui corresponde à sa capacité économique, et qui ne vous prenne pas, comme c'est le cas actuellement, 35 à 40% de votre revenu. C'est ça, le rêve ! Les gens n'ont aucun intérêt à en devenir propriétaire ! Lorsqu'ils auront besoin d'un plus grand logement, ils devront trouver un moyen de le vendre et deviendront aussi des promoteurs et des spéculateurs.
Intéressez-vous plutôt à la colère qui monte parmi les locataires. Le logement - surtout la crise du logement - préoccupe les milieux populaires et des retraités. Ces derniers ont bien connu les milieux immobiliers et leurs pratiques. Rassurez-vous donc, nos crayons ont été renouvelés, et si jamais par malheur ces projets étaient acceptés par ce parlement, sachez que ça va être du gâteau pour nous, pour les locataires et pour les retraités, de vous démontrer encore une fois quel est leur véritable rêve.
M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président, loin de moi l'idée de vouloir m'insérer dans un débat dont la qualité et la hauteur ne cessent de m'impressionner, chacun des cent représentants de ce parlement se positionnant comme le seul et unique défenseur de telle ou telle classe, mais bien plutôt de dire à l'un des préopinants que si, effectivement, André Gautier fut membre de ce conseil, du Conseil national et propriétaire de son logement, il n'a pas été président du parti libéral, et qu'en ce qui me concerne j'ai été président du parti libéral genevois, je ne suis pas propriétaire de mon logement, et que ni l'un, ni l'autre n'avons eu affaire à M. Jürg Stäubli.
Le président. La parole est à M. Sommaruga, rapporteur de minorité, puis nous voterons. (L e président est interpellé par M. Grobet.) Nous avons clos le débat, Monsieur Grobet.
M. Carlo Sommaruga (S), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Je tiens à formuler officiellement l'amendement général de la minorité que je représente, qui figure comme annexe 2 à la fin du fascicule des différents rapports, et qui consiste à avoir une seule et unique loi qui modifierait plusieurs lois. Nous avons donc un article premier avec un certain nombre d'alinéas, dont chacun vise la modification d'une loi telle qu'elle a été votée par les députés de la commission du logement. Il ne s'agit pas d'accepter l'ensemble du contenu de cet amendement général, mais simplement le principe même, qui permettrait ensuite de concrétiser l'initiative par un seul projet de loi. Avant de vous rendre la parole, Monsieur le président, j'aimerais juste faire référence à un arrêt du Tribunal fédéral rendu sur l'initiative «L'énergie, notre affaire», qui avait été contestée au moment de la mise au vote par des représentants du parti libéral, dont je ne citerai pas les noms ce soir. L'arrêt remonte à 1986. A l'époque, le Tribunal fédéral disait de l'initiative «L'énergie, notre affaire»: «En tant qu'elle propose non pas un objet particulier, mais bien une politique, soit un faisceau d'objectifs et de mesures censés constituer un ensemble cohérent, l'initiative «L'énergie, notre affaire» est nécessairement complexe.» Plus loin, le Tribunal fédéral indiquait de manière très claire: «En définitive, ce ne serait pas solliciter abusivement le citoyen genevois que de l'inviter à se prononcer en une seule réponse sur l'ensemble des propositions que comportent les deux premiers volets de l'initiative.» A l'époque déjà, la droite avait tenté d'empêcher que cette initiative vienne en un seul vote devant le peuple, et donc de la diviser. Aujourd'hui, le même schéma se reproduit. La seule solution qui soit compatible avec les droits de vote des citoyens, conforme à la volonté de ce parlement et conforme à la jurisprudence de ce Tribunal est celle d'un seul projet de loi, ainsi que je le propose comme amendement général.
Le président. Avant de donner la parole sur la procédure de vote à M. Grobet qui l'a demandée, je vous rappelle, comme vient de le dire M. Sommaruga, que nous allons nous prononcer, puisque nous prenons simplement acte de ce débat général, sur la question suivante: acceptez-vous de concrétiser l'initiative 116 par quatre projets de lois distincts ? Ainsi, le Grand Conseil se sera prononcé, et nous continuerons nos travaux en fonction du résultat, M. le rapporteur de minorité étant libre de revenir avec son amendement au début du débat d'entrée en matière de chacun des quatre projets de lois. Monsieur Grobet, vous avez souhaité vous exprimer sur la procédure de vote, vous avez la parole.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de deuxième minorité. Mon collègue de parti, M. Rémy Pagani, me prie de vous dire, Monsieur Gautier, qu'il est navré d'avoir fait une confusion entre l'éminent et regretté président du Conseil national que j'ai côtoyé, et un autre éminent membre de votre parti qui est M. Gilbert Couteau et qui était à l'époque le locataire de l'appartement en cause. (Le député Muller fat une remarque.)Ecoutez, Monsieur Muller, sans reprendre la grossièreté de vos termes, je pense qu'il vous arrive également de vous tromper; M. Pagani a eu la courtoisie de reconnaître son erreur, j'espère que vous le ferez lorsque ce sera votre tour.
J'en reviens à l'objet de ma demande d'intervention. Rassurez-vous, je ne serai pas long, j'y arrive. Tout à l'heure, j'ai indiqué dans ma deuxième intervention les raisons pour lesquelles nous considérons que la concrétisation de cette initiative en quatre projets de lois n'est pas conforme aux dispositions de la constitution et que, étant donné que ce Grand Conseil a admis le respect du principe de l'unité de la matière dans l'initiative 116, celle-ci doit être concrétisée par un seul projet de loi. J'aimerais dire - et M. Sommaruga en a fourni la démonstration dans son rapport - que cette possibilité de concrétiser l'initiative en un seul projet de loi est tout à fait envisageable, selon une méthode qui consiste à adopter une loi spéciale qui regroupe la modification d'autres lois. Soit sur le plan cantonal, soit sur le plan fédéral, nous avons vu des initiatives de ce type: je crois que le record a été atteint par le paquet ficelé, où le Conseil d'Etat proposait de modifier une vingtaine de lois. Il est donc tout à fait possible de concrétiser cette initiative en un seul projet de loi, selon les propositions faites par la majorité. Par conséquent, comme cette question risque d'être portée devant le Tribunal fédéral, je pense normal qu'une décision claire et nette soit prise par le Grand Conseil. La minorité est bien sûr opposée à ce que l'initiative soit concrétisée par quatre projets de lois, c'est pourquoi j'ai formulé une question que vous pouvez modifier, Monsieur le président, même si l'autre jour, à la réunion du Bureau et des chefs de groupe, vous m'avez fait l'amabilité de me dire que vous trouviez que cette question était fort bien formulée...
Le président. Je viens de la reprendre ! J'ai lu votre formule !
M. Christian Grobet. J'étais très flatté par vos propos, Monsieur le président, mais je laisse à votre sagacité de proposer la formule la plus adéquate pour faire trancher cette question par le Grand Conseil.
Le président. Très bien. Alors, je répète la phrase que j'ai lue tout à l'heure et qui est bel et bien une phrase formulée par M. Grobet: acceptez-vous de concrétiser l'initiative 116 par quatre projets de lois distincts ? Celles et ceux qui acceptent que l'initiative soit concrétisée par quatre projets de lois distincts voteront oui, les autres voteront non. Nous procédons au moyen du vote électronique.
Monsieur Brunier, vous demandez le vote nominal ? Ce vote est appuyé, bien. L'informatique étant ce qu'elle est et vu que nous avons un problème, nous allons procéder au vote nominal à l'ancienne mode... (Exclamations.) (Rires.)Je constate que l'informatique ne doit pas aimer les débats houleux au Grand Conseil, car chaque fois que c'est le cas, il y a quelque chose qui ne va pas. Nous allons donc procéder à l'appel nominal selon la bonne formule traditionnelle... Avez-vous la liste ? Je suis tout de même un peu étonné de ces pannes récurrentes.
M. Christian Grobet. Pourtant les débats ne sont pas houleux !
Le président. Aujourd'hui pas, mais l'informatique coûte toujours très cher ! Madame de Haller, je vous prie de bien vouloir procéder à l'appel nominal.
M. Carlo Sommaruga (S), rapporteur de première minorité. Compte tenu du fait que l'on a un vote particulier en rapport avec la procédure prévue par la loi portant règlement du Grand Conseil, je souhaiterais que l'on puisse disposer d'un extrait du procès-verbal à ce sujet d'ici la fin de cette session, ce soir. Je vous remercie.
Le président. Nous verrons si c'est possible ! Je vais m'y efforcer.
Où en sommes-nous du résultat ? J'attends la réponse du côté droit.
Mise aux voix à l'appel nominal, cette proposition (concrétisation de l'IN 116 par quatre lois distinctes) est adoptée par 46 oui (quatre lois distinctes) contre 37 non (une seule loi).
Ont voté oui (46):
Bernard Annen (L), Claude Aubert (L), Gabriel Barrillier (R), Florian Barro (L), Luc Barthassat (PDC), Caroline Bartl (UDC), Jacques Baud (UDC), Jacques Baudit (PDC), Janine Berberat (L), Claude Blanc (PDC), Blaise Bourrit (L), Gilbert Catelain (UDC), Marie-Françoise de Tassigny (R), René Desbaillets (L), Gilles Desplanches (L), Jean-Claude Dessuet (L), Hubert Dethurens (PDC), John Dupraz (R), Jean-Claude Egger (PDC), Jacques Follonier (R), Yvan Galeotto (UDC), Renaud Gautier (L), Jean-Michel Gros (L), Janine Hagmann (L), Hugues Hiltpold (R), Robert Iselin (UDC), Jacques Jeannerat (R), René Koechlin (L), Pierre Kunz (R), Georges Letellier (UDC), Claude Marcet (UDC), Blaise Matthey (L), Guy Mettan (PDC), Alain Meylan (L), Mark Muller (L), Jean-Marc Odier (R), Jacques Pagan (UDC), Pascal Pétroz (PDC), Patrice Plojoux (L), Pierre-Louis Portier (PDC), André Reymond (UDC), Stéphanie Ruegsegger (PDC), Patrick Schmied (PDC), Ivan Slatkine (L), Olivier Vaucher (L), Pierre Weiss (L)
Ont voté non (37):
Esther Alder (Ve), Thierry Apothéloz (S), Christian Bavarel (Ve), Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG), Loly Bolay (S), Christian Brunier (S), Alain Charbonnier (S), Anita Cuénod (AdG), Jeannine de Haller (AdG), Antoine Droin (S), René Ecuyer (AdG), Alain Etienne (S), Laurence Fehlmann Rielle (S), Morgane Gauthier (Ve), Christian Grobet (AdG), Mariane Grobet-Wellner (S), Pierre Guérini (S), Jocelyne Haller (AdG), Antonio Hodgers (Ve), Sami Kanaan (S), Michèle Künzler (Ve), Nicole Lavanchy (AdG), Sylvia Leuenberger (Ve), Ueli Leuenberger (Ve), Anne Mahrer (Ve), Souhail Mouhanna (AdG), Stéphanie Nussbaumer (Ve), Rémy Pagani (AdG), Jacqueline Pla (S), Véronique Pürro (S), Albert Rodrik (S), Françoise Schenk-Gottret (S), Carlo Sommaruga (S), Jean Spielmann (AdG), François Thion (S), Pierre Vanek (AdG), Ariane Wisard (Ve)