République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8885
Projet de loi de Mmes et MM. Antonio Hodgers, Michèle Künzler, Ueli Leuenberger, Ariane Wisard-Blum, Anne Mahrer, Esther Alder, Sylvia Leuenberger, Christian Bavarel, Morgane Gauthier, Stéphanie Nussbaumer pour un plan d'urgence en faveur du logement des personnes en formation
M 1482
Proposition de motion de MM. Rémy Pagani et Pierre Vanek concernant des logements pour les personnes en formation
I 2030
Interpellation de M. John Dupraz : Logement des étudiants de l'Université de Genève

Préconsultation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, ces trois objets sont liés, mais nous allons les traiter séparément. Nous commençons par le projet de loi 8885. J'ouvre le tour de préconsultation. La parole est à Mme Michèle Künzler.

Mme Michèle Künzler (Ve). Pour nous, ce projet de loi est extrêmement important. Il est vrai que les préoccupations sont moins vives en ce moment, car nous ne sommes pas en période de rentrée universitaire, mais, d'ici quelques mois, le problème se reposera avec beaucoup d'acuité. Il nous semble donc important de réagir maintenant pour anticiper les besoins spécifiques des étudiants en matière de logement, qui n'ont rien à voir avec les besoins généraux de la population. En effet, la plupart des étudiants ont besoin de logements pour une durée courte, alors qu'il faut rester au moins deux ans pour avoir droit à un logement social, ce qui ne correspond pas à leurs besoins. D'autre part, ils ne correspondent pas forcément aux critères financiers pour obtenir des logements sociaux, parce que, parfois, leur salaire estival est multiplié par douze, ce qui ne reflète pas la réalité puisqu'ils ne le touchent pas toute l'année. Pour toutes ces raisons, il faut traiter le problème du logement des étudiants de manière spécifique afin de répondre à leurs besoins.

Aussi, nous proposons trois pistes. D'une part, la création un fonds destiné aux logements d'urgence. Pour parer au plus pressé en réglant certaines situations, comme, par exemple, l'immeuble Pfister, dont les sanitaires étaient à refaire. Il n'aurait pas été normal de demander au propriétaire de remettre cet immeuble en état en raison de son changement d'affectation. On pourrait donc imaginer la création d'un fonds modeste - 300 000 F - pour réhabiliter temporairement quelques immeubles afin d'assurer la sécurité et le strict nécessaire des étudiants.

Par ailleurs, pour le long terme, il nous semble important d'avoir un fonds de 10 000 000 F pour acquérir ou faire construire des logements, le but étant d'avoir cinq cents chambres au moins à mettre à disposition des étudiants. Nous prévoyons de verser cette somme à une fondation déjà existante.

Troisièmement, il nous semble nécessaire qu'il y ait un organe de coordination étant donné que rien n'existe à ce niveau. Il faut en effet savoir que de nombreuses formations durent moins d'un semestre et que les étudiants doivent tout de même se loger. Il serait donc judicieux de trouver un moyen pour que chaque étudiant puisse trouver un logement et faire en sorte que certaines formations soient temporisées pour faciliter les choses.

C'est la raison pour laquelle je vous invite à réserver un accueil favorable à ce projet de loi, et, pour le moins, de le renvoyer en commission.

Le président. Avant de poursuivre le tour de préconsultation, nous allons procéder à la lecture de la lettre du Rectorat de l'université concernant les objets que nous traitons, comme cela a été demandé.

Madame de Haller, vous avez la parole.

Courrier 1585

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais beaucoup que les débats continuent dans la sérénité et qu'on écoute lorsqu'une lettre est lue.

Madame Fehlmann Rielle, pour le groupe socialiste, vous avez la parole.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Le groupe socialiste accueille avec beaucoup d'intérêt ce projet de loi. Il reflète en effet les préoccupations d'un grand nombre de jeunes qui se retrouvent en situation précaire: il s'agit non seulement des étudiants qui séjournent dans notre canton pendant le temps de leurs études mais aussi d'un certain nombre de collégiens et d'apprentis qui ne peuvent plus habiter chez eux pour diverses raisons.

A cet égard, il faut aussi rappeler que des jeunes se sont trouvés dans des conditions précaires depuis que l'âge de la majorité est passé à 18 ans, ce qui n'était pas prévu au départ. Les services sociaux qui s'occupent spécifiquement de jeunes, par exemple «Infor Jeunes», sont régulièrement sollicités pour des demandes de logements. En 2002, «Infor Jeunes» a dû répondre à une centaine de demandes. Même si certaines de ces demandes n'ont pas été confirmées, cela reflète un malaise certain.

Néanmoins, d'une façon plus générale, s'il est nécessaire de prévoir des logements d'urgence, cela ne peut pas remplacer une politique plus globale qui devrait permettre à chacun d'être logé convenablement, comme d'ailleurs notre constitution le prévoit.

Nous souhaiterions aussi relever que les jeunes ne sont pas la seule catégorie de citoyens à avoir besoin de logements d'urgence pour des durées limitées. On peut citer les femmes avec ou sans enfant qui doivent quitter précipitamment le domicile conjugal pour des raisons de violence; on peut citer également les personnes qui ont suivi une cure de désintoxication - alcool ou autres drogues - pour lesquelles des perspectives de réinsertion sont compromises parce qu'elles ne trouvent pas de logement rapidement. De tels logements disponibles dans l'urgence et pour une durée temporaire pourraient être un sas de décompression appréciable.

Malheureusement, les foyers sont pleins à l'heure actuelle. Même si ce projet de loi est tout à fait intéressant et bienvenu, il ne faut toutefois pas perdre de vue que ce problème doit être traité de façon globale. Mais le groupe socialiste est intéressé à étudier attentivement ce projet de loi en commission.

M. Pascal Pétroz (PDC). Le groupe démocrate-chrétien a pris connaissance avec un intérêt certain du projet de loi que nous devons traiter ce soir, de même que de la motion 1482, et il se réjouit de débattre de toutes ces questions en commission du logement. A n'en point douter, les débats seront certainement très intéressants et vifs, comme à l'accoutumée dans cette commission dans laquelle le dialogue est éminemment difficile.

Cela étant, au stade de la préconsultation, j'ai été chargé de vous faire part d'un certain nombre de réserves au sujet de ce projet de loi que je vais vous exposer brièvement ici.

Le premier problème que nous pose ce projet de loi est le suivant: finalement, s'il ne saurait être contesté que la situation des étudiants a été absolument dramatique lors de la dernière rentrée universitaire et que tout laisse à penser qu'il en sera de même pour la prochaine, il nous semble que la problématique du logement des étudiants doit s'inscrire dans le cadre de la problématique du logement à Genève sur un plan plus général. Et nous nous sentons un peu mal à l'aise parce que nous avons l'impression d'être les otages de ce projet de loi, dans une certaine mesure, et que, si nous ne le soutenons, on risque de dire que le PDC est contre le logement pour les étudiants, ce qui n'est pas du tout le cas. Je le répète, nous sommes un peu gênés d'être les otages dans cette affaire-là.

Ce projet porte sur le problème de la pénurie de logements pour les étudiants, mais ce problème ne se pose pas que pour eux, il est général à Genève. Si nous avions de nombreux logements à disposition dans notre canton, les étudiants pourraient être logés! A quelles conditions? C'est un autre aspect du problème, mais ils pourraient tous, au moins, disposer d'un logement convenable!

Faut-il aujourd'hui prévoir une loi spécifique pour les étudiants ? Faut-il prévoir une loi pour les petits, pour les grands, pour les noirs, pour les riches, pour les pauvres, pour les blancs, pour les étrangers, pour les Suisses ? Je laisse la question ouverte.

Pour nous, le problème est tout autr, c'est le logement à Genève. Le problème est qu'il n'est pas possible de planter un clou dans cette République pour toute une série de raisons! Et c'est sur ce point que nous devons porter notre attention ! Nous pensons que c'est faire fausse route que de nous attacher à la défense d'intérêts particuliers, même si la démarche est éminemment louable s'agissant des étudiants et qu'ils méritent, peut-être plus que d'autres, que nous réglions ce problème.

Ce projet de loi sera certainement l'occasion de débattre de la situation du logement à Genève sur un plan général. En ce qui nous concerne, nous considérons que, si nous voulons sortir de cette situation, nous devrons arriver à une sorte d'union sacrée, non seulement pour le logement des étudiants mais pour le logement à Genève en général. Il faudra pour cela sortir d'un certain dogmatisme incarné par un certain nombre de milieux et sortir d'un certain égoïsme incarné par d'autres milieux. Il faut maintenant impérativement - et la situation est grave - sortir de l'ornière!

Cela peut être réalisé par des mesures assez simples. A titre d'exemple, je vous rappelle que les jeunes démocrates-chrétiens ont appelé à faire application de la LDTR qui permet d'affecter temporairement des logements commerciaux, qui ne peuvent pas être loués pour diverses raisons, à du logement. C'est une piste toute simple qui ne nécessite pas de modification de la législation, il suffit juste de faire un effort!

Le groupe démocrate-chrétien vous invite donc à renvoyer ce projet de loi en commission du logement, mais, je le répète, toutes réserves sont émises quant à l'issue que notre groupe lui réservera.

M. Hugues Hiltpold (R). Permettez-moi, en guise de préambule, de saluer l'initiative des Verts de vouloir traiter le problème du logement pour les étudiants. Il convient de rappeler - et cela a été fait par Mme Fehlmann Rielle - que le problème de la pénurie de logements ne concerne pas exclusivement les étudiants mais aussi d'autres catégories de personnes qui connaissent des situations souvent dramatiques.

La première proposition de ce projet de loi, à savoir la création d'un fonds «logements d'urgence pour personnes en formation», prévoit la mise à disposition pour le DAEL d'un montant annuel de 300 000 F, destiné à parer aux urgences par la mise à disposition de logements temporaires, il est vrai de moindres standards.

La question qu'on est en droit de se poser est de savoir comment réaliser de façon concrète cet objectif urgent, puisqu'on relève un taux de vacance extrêmement bas et qu'on est dans l'impossibilité aujourd'hui de réaliser rapidement des logements, et ce, quel qu'en soit le type.

La deuxième proposition est la suivante. Il s'agit d'un programme de création de logements pour personnes en formation qui prévoit la dotation d'une somme de 10 millions de francs destinée à une fondation de droit public à laquelle serait confiée la mission d'aménager au moins cinq cents chambres supplémentaires d'ici cinq ans. A ce stade, il est légitime de penser que la production de logements - et ce quel qu'en soit le type - est liée aux opportunités foncières. Or, Mesdames et Messieurs les députés, le montant alloué ne permettra pas de dégager ces opportunités foncières ! Et la question est de savoir où il sera possible de réaliser ces cinq cents chambres supplémentaires, à quel endroit du canton ?

La commission proposée, de coordination et de suivi - c'est la troisième proposition qui est faite - aura pour mission de planifier et de coordonner le programme de création de ces logements. Il faut savoir que cette commission spécifique risque de surcharger l'Etat, car c'est un organe supplémentaire, alors que les tâches qui seraient confiées à cette commission pourraient tout à fait l'être au DAEL ou à différents instituts, écoles et universités.

En guise de conclusion, et j'en terminerai par là, le mérite de ce projet de loi est de susciter le débat sur la problématique du logement pour étudiants, et il conviendra de trouver une solution heureuse afin de permettre à qui le souhaite d'effectuer ses études à Genève.

Cela étant, il semblerait plus judicieux de traiter la problématique du logement pour étudiants de façon globale, avec les autres types de logements, afin de ne pas en favoriser une sorte au détriment des autres, tout en gardant à l'esprit une certaine réalité financière quant aux moyens proposés. Compte tenu de ce qui précède, le groupe radical vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer ce projet de loi à la commission du logement qui l'examinera avec célérité et avec toute sa bienveillance habituelle.

M. Christian Grobet (AdG). Lorsque ce projet de loi a été mis au point par le groupe des Verts, nous avons été contactés pour voir si nous voulions le cosigner...

Nous sommes bien entendu favorables à ce que davantage de logements soient mis à la disposition des étudiants, car le problème est réel. Par contre, nous ne sommes pas convaincus par le moyen proposé pour résoudre ce problème.

En effet, lors de la dernière législature, nous avons voulu - et je crois qu'il y a eu unanimité dans ce Grand Conseil - tenter de réduire le nombre de fondations qui s'occupaient de logement - à quatre, sauf erreur. Ensuite, nous avons créé une fondation particulière - qui est du reste présidée par notre collègue M. Barro - qui s'est vu attribuer comme compétence de mettre des fonds à disposition des différentes institutions qui s'engagent dans la construction de logements sans but lucratif. Donc, c'est une fondation qui va financer à la fois des fondations de droit public, des sociétés coopératives, des associations, etc.

Et il nous paraît contradictoire, au moment où cette fondation est en train de démarrer et qui, je crois, fait du bon travail, de créer un nouveau fonds. Je pense qu'il serait plus judicieux de faire une dotation supplémentaire à cette fondation. Pourquoi pas d'une dizaine de millions, puisque cette somme est articulée dans le projet? C'est cette fondation qui serait habilitée à s'occuper de cette question. Ce serait plus simple car, à force de multiplier les fondations, Mesdames et Messieurs les députés, on se marche sur les pieds et on ne sait plus laquelle fait quoi... Madame Schenk-Gottret, vous souriez, mais c'est une réalité !

Par ailleurs, on ne dispose pas de dizaines de spécialistes de ces questions. Le nombre de ces fondations a été réduit, précisément parce qu'on s'est rendu compte que, tous partis confondus, il était difficile de trouver des personnes pour siéger dans leurs conseils. Il est donc souhaitable de concentrer les compétences...

C'est pourquoi nous pensons que le moyen proposé n'est pas judicieux, à savoir la création d'un nouveau fonds, alors qu'un fonds a été créé il y a deux ans à peine.

Néanmoins, nous suggérons, Monsieur le président, que ce projet de loi soit renvoyé en commission parce que la meilleure solution, la plus simple et la plus rapide, me semble-t-il - mais nous entendrons l'avis de M. Moutinot à ce sujet - consisterait à ajouter 10 millions à la dotation de la fondation présidée par M. Barro, au lieu de se lancer dans l'examen d'un projet de loi compliqué qui va prendre beaucoup de temps...

M. Claude Blanc. On n'entend rien du tout ! (Le président agite la cloche.)

M. Christian Grobet. Ah, Monsieur Blanc, je suis navré, je vous oubliais ! (Rires.)Bien, alors, je vais essayer de parler plus fort !

Le président. Il vous reste une minute, Monsieur Grobet ! Ne vous laissez pas distraire...

M. Christian Grobet. Je disais que le montant de la dotation est indiqué dans la loi - de mémoire, il s'agit de 30 ou 35 millions. Il suffit de l'augmenter de 5 à 10 millions en disant que cette somme, puisqu'il était prévu que 80% de cette dotation devaient être partagés entre les fondations de droit public, les coopératives, et caetera... (Exclamations.)

Le président. Monsieur Blanc !

M. Christian Grobet. M. Blanc est bouché, c'est pas de ma faute ! (Rires.)C'est très simple, Monsieur le député, vous qui êtes un des plus anciens, lisez la loi générale sur le logement et vous trouverez le chapitre sur la fondation pour la construction de logements !

Je suggère simplement de renvoyer ce projet de loi en commission afin que toutes les bonnes intentions qui se sont exprimées - dont je crois comprendre celle de notre collègue M. Blanc - conduisent à augmenter la dotation de la fondation déjà créée à cet effet. C'est une solution toute simple qui nous permettra d'agir. Il y a effectivement des possibilités, mais il faut des crédits pour les concrétiser.

M. Jacques Baud (UDC). Ce n'est pas avec 10 millions que l'on va régler le problème ! (Exclamations.)Ce n'est pas avec une fondation pour la promotion de logements à bon marché et de l'habitat coopératif que l'on va trouver une solution !

Il faut des logements pour les étudiants ! Cela fait quinze ans que cela dure ! Ce problème prend des proportions ahurissantes ! On ne connaît pas les besoins réels des étudiants, ni le nombre de logements qu'il faudrait ! Quand on songe que l'Ecole de pharmacie vient à Genève et que les étudiants vont arriver de toute la Suisse romande, on peut se demander comment on va les loger !

Tout est bloqué à Genève dans le secteur de la construction, en raison des lois votées par la gauche, et la pénurie de logements est effroyable: tout le monde le reconnaît ! Je le répète, ce ne sont pas ces 10 millions et une fondation de plus qui vont résoudre ce problème !

Il faut s'atteler rapidement à l'évaluation des besoins actuels en logements pour nos étudiants, mais il faut aussi anticiper les besoins futurs et prendre le taureau par les cornes pour effectuer ce qui doit l'être !

M. Florian Barro (L). J'ai le privilège de présider cette année la fondation évoquée par M. Grobet et la commission du logement, ce qui fait que je suis intéressé à double titre par ce projet de loi, en tant que député et en tant que président.

J'aimerais juste dire à M. Grobet qui a peut-être un peu été abscons pour M. Blanc... (L'orateur est interpellé. Rires.)Abscons ! Que la fondation dont il a évoqué l'existence dans la LGL n'a pas attendu que ce projet de loi existe pour se préoccuper du logement des étudiants. Nous avons en effet eu l'occasion de rencontrer à la fois la Ciguë et la FULE et de mettre à disposition un terrain pour construire une soixantaine de logements pour des étudiants.

Cela veut dire en clair que la proposition de M. Grobet est tout à fait intéressante: il ne faut pas créer un fonds spécifique pour les étudiants. La fondation peut élargir la palette de ses prestations et offrir également des logements pour étudiants.

A cet égard, le parti libéral encourage tout investissement qui serait fait dans le domaine de la construction, de l'immobilier en général, puisque, évidemment, c'est susceptible de relancer l'immobilier et favorable au marché de l'emploi. Le groupe libéral accueille avec un esprit d'ouverture ce projet de loi qui sera discuté en commission, tout en relevant que les besoins estudiantins en matière de logement sont très souvent spécifiques puisqu'ils doivent se trouver à proximité des lieux d'enseignement ou, alors, à proximité des équipements de transports publics pour être pratiques. Il est de toute façon difficile de trouver des solutions pour loger les étudiants en milieu urbain, mais le groupe libéral est, bien entendu, attentif à cette préoccupation et se réjouit d'en discuter en commission.

M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vous êtes unanimes à considérer qu'il faut faire un effort pour le logement des étudiants... De ce point de vue-là, le Conseil d'Etat ne peut que partager vos préoccupations: nous devons faire cet effort. Toutefois, comme plusieurs d'entre vous l'ont relevé, on ne peut pas en matière de logement, alors que la pénurie frappe tout le monde, faire des catégorisations qui pourraient s'avérer dangereuses si l'on se mettait à favoriser une catégorie au détriment d'une autre. Il faut bien l'admettre, les étudiants bénéficient du soutien unanime de votre Grand Conseil, mais il y a d'autres tranches de la population qui ont de la peine à trouver un logement et pour lesquelles l'unanimité se ferait avec plus de difficulté...

Cela dit, en ce qui concerne le logement des étudiants, vous avez d'ores et déjà émis un certain nombre d'idées qui ne sont pas celles du projet de loi, qui propose en effet une structure nouvelle un peu lourde et compliquée. Il y a en tout cas deux manières de parvenir au but que vous visez: soit en passant par la fondation présidée par M. Barro, soit en renforçant les moyens des structures spécifiques existantes du logement étudiant, c'est-à-dire la Fondation universitaire pour le logement étudiant, qui a des projets mais qui a de la peine à les financer - ou ceux de la Cité universitaire dont c'est le rôle.

Par conséquent, avec les pistes qui ont été évoquées par les uns ou par les autres, ou celles que j'ajoute encore dans la discussion, il me semble qu'on doit pouvoir arriver, en commission du logement, à trouver des solutions pour faire un effort en matière de logements pour les étudiants, parce que cela est légitime. Toutefois, cet effort doit être proportionné, car ce n'est pas la seule catégorie de la population qui a besoin de notre aide. Pour cela, nous devons utiliser le moyen le plus rationnel, le plus simple et le plus efficace possible.

Le projet de loi 8885 est renvoyé à la commission du logement

Le président. Ce projet de loi est donc renvoyé à la commission du logement, et il en va de même de la motion 1482... La parole n'étant pas demandée... (Exclamations.)Non ! On la renvoie à la commission du logement ! Vous voulez la renvoyer au Conseil d'Etat ? Non ! Bien, alors, prenez la parole, mais soyez bref, je vous en prie, Monsieur Pagani ! Et suivez, parce que j'ai pris mon temps pour dire les choses !

M. Rémy Pagani (AdG). Je rappelle l'historique de cette motion... Nous nous trouvions en septembre de l'année passée dans une situation dramatique quant à la pénurie de logements pour les étudiants. Nous avons trouvé des solutions de fortune, certaines se conformant à la légalité, les autres à la légitimité de pouvoir trouver un logement... (L'orateur est interpellé par M. Blanc.)La différence, je vais vous l'expliquer, Monsieur Blanc !

Nous avons donc soutenu l'occupation du 1, rue Gevray, où il y a soixante logements. Cet immeuble était occupé par Protectas - ou une organisation de ce genre - qui l'utilisait pour faire courir les chiens dans les couloirs de plus de 100 mètres de long... On imaginait à ce moment-là qu'une telle occupation était impossible, mais c'était légitime. Nous avons alors demandé au Conseil d'Etat de réquisitionner ces appartements, ce qui n'a malheureusement pas été fait. La population et les habitants du quartier des Pâquis se sont donc organisés pour faire en sorte que la constitution de notre République et canton de Genève soit respectée. Je vous rappelle que celle-ci stipule que les propriétaires d'appartements vides - et ces soixante logements étaient vides depuis dix ans - doivent être mis en demeure de les louer. A défaut, le Conseil d'Etat doit les réquisitionner pour les mettre en location. Ensuite, nous avons heureusement pu nous arranger avec les propriétaires, et, aujourd'hui, soixante logements sont habités et les occupants payent un loyer, tout cela grâce à la coopérative la Ciguë. Voilà pour l'historique.

Nous demandons dans l'invite de cette proposition de motion que les dispositions de la LDTR, quant à l'expropriation temporaire de ces appartements locatifs laissés abusivement vides, soient respectées. En effet, non seulement la constitution impose au gouvernement de réquisitionner ce type d'appartements mais la LDTR en fixe les conditions. De ce point de vue-là, nous estimons qu'il n'y a pas lieu de refuser cette motion, puisqu'elle correspond tout simplement à la loi et au besoin légitime des étudiants de pouvoir se loger, ce qui a été le cas, bien heureusement.

Toujours est-il - l'un d'entre vous a soulevé ce point, je crois qu'il s'agit de M. Baud - que la question va se reposer en septembre et que le problème va être à nouveau crucial pour une bonne partie des étudiants, d'autant plus que l'Ecole de pharmacie accueillera de nombreux étudiants supplémentaires.

En dehors de la question de savoir s'il faut adopter ou non cette motion, la question suivante se pose: le gouvernement a-t-il déjà mis en place un programme pour pouvoir accueillir tous les étudiants tentés de faire leurs études à Genève ? Il ne suffit pas, en effet, de faire de la publicité en disant que Genève dispense de nouveaux enseignements universitaires et qu'elle est prête à accueillir des étudiants... Il faut se sentir concerné par le manque crucial de logements pour les étudiants, qui se voient imposer des conditions de travail inacceptables ! On a pu constater que des étudiants logeaient à plusieurs - quatre ou cinq - dans des petits studios... C'est inadmissible ! Ce ne sont pas des conditions favorables pour les études.

Nous pouvons donc légitimement nous demander aujourd'hui comment la situation sera réglée à la rentrée! Nous espérons bien ne pas avoir à manifester en septembre et à occuper des logements pour nous substituer au gouvernement auquel la légalité de cette tâche est confiée et qu'il ne veut pas appliquer !

Merci, Monsieur le président. J'espère avoir été assez bref...

Le président. Du coup, le débat s'enclenche... Après les interventions des autres députés, nous mettrons au vote le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat, puisque j'ai cru comprendre de votre intervention que c'est ce que vous demandiez.

Monsieur Sommaruga, vous avez la parole.

M. Carlo Sommaruga (S). Cette motion traite du problème des logements vides et focalise la problématique sur le logement des étudiants.

Il faut distinguer les deux problèmes abordés par cette motion. Le problème des logements destinés aux étudiants a été évoqué lors des débats de préconsultation sur le projet de loi des Verts tout à l'heure. La question de la pénurie est un problème général et important, qui n'est pas seulement dû à un manque de disponibilités financières mais, plutôt, à un manque de disponibilités de terrains.

En effet, il existe toute une série d'institutions à Genève pour assumer la question du logement des personnes en formation - la FULE, des foyers, des cités universitaires - celles-ci pourraient construire des logements pour étudiants, mais ne disposent pas des terrains pour le faire. Il nous faut donc demander que des terrains soient mis à disposition pour remédier au problème de logement des personnes en formation et des étudiants, car c'est sur ce point que le Conseil d'Etat devrait pouvoir intervenir. Il est clair que cela sera relativement difficile, dans la mesure où les terrains sont rares, et qu'il faut tenir compte des besoins des autres catégories de la population.

Le problème visé dans l'invite de la motion, c'est-à-dire celui des logements vides, peut, par contre, être résolu. En effet, on ne peut que regretter que le Conseil d'Etat n'ait pas une pratique un peu plus agressive en la matière, pour déceler les propriétaires qui gardent, d'une manière que je qualifierai «d'éhontée», des logements vides dans cette période de grave pénurie. On nous dira qu'il s'agit de cas isolés, mais la réalité est malheureusement différente... Certes, ces logements sont dispersés, donc plus difficiles à trouver. Toutefois, il ne faut pas seulement compter sur la dénonciation de telles violations de la loi par des citoyens pour ce faire. On sait que certains types d'immeubles dans des situations particulières - soit qui vont être vendus soit qui paraissent délabrés de l'extérieur - comportent des logements vides. Il faudrait simplement augmenter la pression sur les propriétaires de tels logements pour permettre à des étudiants ou à d'autres personnes de trouver une solution pour se loger en cette période de crise.

Nous soutenons donc l'invite de cette motion et pensons qu'il serait opportun de la renvoyer en commission plutôt qu'au Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Monsieur le député ! Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais que l'on puisse procéder au vote après l'intervention de M. Mark Muller. Parce que, pour le moment, pas une seule chambre d'étudiant ne se construit... Après M. Muller la parole sera donnée à M. Moutinot.

M. Mark Muller (L). Nous accepterons évidemment le renvoi en commission de cette motion, mais, suite aux interventions de M. Pagani et de M. Sommaruga, un certain nombre de précisions méritent d'être apportées.

Tout d'abord, les occupations de locaux que M. Pagani soutient par le biais de sa motion sont illégales. A ce titre, il est bien évident que notre groupe ne saurait soutenir cette motion, même si la problématique générale du logement des étudiants nous tient à coeur.

Autre précision : l'Hôtel California dont vous avez parlé tout à l'heure est un hôtel, comme son nom l'indique, ce n'est donc pas du logement, et vous êtes complètement hors sujet, Monsieur le député, lorsque vous assimilez la problématique de cet immeuble à celle, générale, de l'expropriation de l'usage de logements vacants ou vides !

Quant à l'efficacité de l'expropriation de l'usage de tels logements, permettez-moi d'en douter très fortement ! Pourquoi ? Premièrement, parce qu'il n'y a jamais eu aussi peu de logements vides qu'aujourd'hui. C'est une conséquence tout à fait naturelle de l'assèchement du marché du logement. Il y en a environ huit cents aujourd'hui... C'est encore beaucoup, je vous le concède, mais c'est moins que jamais. Pourquoi sont-ils vides ? Ce sont généralement des logements dont les propriétaires attendent un permis pour les rénover. Dans la grande majorité des cas, c'est pour ce type de raisons que ces logements sont vides et pas pour des raisons spéculatives. Cela dit, je ne nie pas que ce soit vrai dans certains cas - que nous ne cautionnons pas - mais ils sont peu nombreux.

Dernier élément, Mesdames et Messieurs les députés, la procédure d'expropriation de l'usage de logements vides prévoit que les propriétaires de ces logements soient mis en demeure dans un premier temps de les relouer et, pour cela, ils bénéficient d'un délai de trois mois. Vous pensez bien que l'objectif que vous voulez atteindre, c'est-à-dire le logement des étudiants, ne pourra pas l'être par ce moyen ! En effet, si ces logements sont vides sans motif légitime, c'est-à-dire s'il n'y a pas de projet en attente, ces logements sont remis sur le marché ordinaire et reloués à des familles et non pas à des étudiants.

Même si nous ne sommes pas particulièrement favorables à ce que le Conseil d'Etat fasse application de ces dispositions légales, nous admettons qu'elles existent, et nous ne nous opposons donc pas à leur application. Nous constatons, par contre, qu'elles n'ont jamais été appliquées et que le Conseil d'Etat n'a jamais considéré - et ce depuis le début - qu'elles pouvaient être un moyen efficace de lutter contre la pénurie de logements, dans aucune catégorie que ce soit d'ailleurs.

Le président. Sont inscrits M. Pétroz, M. Pagani et M. Moutinot. Je ne sais pas qui a envie de bloquer tous les projets du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, mais nous avons plus de trente-cinq objets au DAEL !

Monsieur Pascal Pétroz, vous avez la parole.

M. Pascal Pétroz (PDC). Merci, Monsieur le président, de me donner la parole. Nous sommes dans un dilemme du côté de l'Entente, dans la mesure où nous entendons, d'une part, un certain nombre de contrevérités et, d'autre part, nous voulons que les débats progressent. Nous hésitons donc, parfois, à nous exprimer. Mais il nous semble que nous devons le faire à propos de cette motion... Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il faut être clair: cette motion n'est rien, ni plus ni moins que la tarte à la crème de l'Alternative...

Elle reprend des sujets qui ont été amplement débattus durant toutes ces dernières années. On nous ressasse sans cesse le fait que des logements seraient laissés abusivement vides... Que c'est proprement scandaleux... Et que ça ne va pas du tout... Et qu'il faut tout faire pour que ça change...

Oui, si des logements sont laissés abusivement vides alors que des personnes ont des difficultés à se loger, ce n'est effectivement pas normal!

J'observe toutefois que la situation n'est pas si simple que cela. Nous avons une loi : la LDTR, la loi sur les démolitions, transformations, rénovations de maisons d'habitation, qui prévoit précisément de pouvoir exproprier - M. Muller l'a évoqué - les propriétaires d'appartements laissés abusivement vides... Alors, franchement, demander au Conseil d'Etat d'appliquer une loi en force par le biais d'une motion, cela ne me paraît pas éminemment utile ! De deux choses l'une: soit l'Alliance de gauche demande à un conseiller d'Etat socialiste d'appliquer une loi - et, dans ce cas, je ne comprends pas très bien la cohérence du propos - soit il faut faire confiance au Conseil d'Etat - ce serait ma position - donc pour lui M. Laurent Moutinot. On peut penser que, s'il n'y a pas une mesure d'expropriation temporaire des appartements laissés abusivement vides, c'est qu'il n'y en a pas qui méritent un tel traitement et que, par conséquent, cette motion est dénuée de tout fondement. Cela me semble d'une logique absolue parce que je pars du principe que, s'il y avait tellement d'appartements laissés abusivement vides, le Conseil d'Etat interviendrait. C'est aussi simple que cela, et il me semble que c'est l'expression du bon sens le plus élémentaire!

C'est la raison pour laquelle il me semble que cette motion doit mourir de sa belle mort, même si, par politesse, on pourrait admettre de la renvoyer en commission du logement. (Applaudissements.)

M. Rémy Pagani (AdG). Une fois n'est pas coutume: il faut apprécier à sa juste valeur l'intervention de M. Mark Muller et celle de M. Pétroz... D'une certaine manière, ils reconnaissent qu'il y a, en effet, des logements vides et que, parmi ces derniers, il y en a laissés vides abusivement, et qu'ils ne s'opposeraient pas à ce que le Conseil d'Etat respecte la loi en mettant ces propriétaires en demeure de remettre ces logements sur le marché! En ce qui me concerne, j'apprécie à sa juste valeur cette prise de position, parce que c'est la première fois que j'entends des partis de droite reconnaître honnêtement ce problème et dire qu'il serait possible et recommandé que le gouvernement mette cette loi en oeuvre. Même si on ne s'entend pas sur le nombre de ces logements - nous estimons pour notre part qu'il y a encore aujourd'hui mille deux cents logements vides et non pas huit cents - eh bien, en un mois, Mesdames et Messieurs les députés, en faisant une simple enquête dans la ville, nous avons remis sur le marché soixante-huit logements, soixante logements du 1, rue Gevray, et huit à la rue du Conseil général!

Nous, nous estimons qu'une opération doit être menée, même si elle n'aboutit pas à remettre sur le marché les huit cents ou les mille deux cents logements qui sont retirés du marché - j'expliquerai pourquoi ils sont retirés du marché parce que je ne suis pas du même avis que celui de M. Muller. Il faut donc écrire aux propriétaires et, le cas échéant, les mettre en demeure: cela permettra peut-être de remettre un certain nombre de logements sur le marché, ne serait-ce qu'une centaine ou plus. Ce serait déjà bien, car les logements sont une denrée rare à l'heure actuelle. On ne peut pas passer à côté: il faut appliquer cette mesure qui, je vous le signale, peut permettre d'éviter de construire deux ou trois immeubles.

Deuxième volet de la réponse à la question: pourquoi ces logements sont-ils laissés vides ? Nous estimons que, depuis les années 70, les propriétaires de ces mille deux cents logements - ce socle incompressible de logements - les laissent vides en attendant de les vendre! Et de les vendre soit de manière spéculative, soit en retirant un petit bénéfice! Toujours est-il que cela semble plus judicieux, dans la logique capitaliste que nous connaissons, que certains propriétaires - je ne dis pas la majorité... En effet, un immeuble vide qui aurait été rempli, excusez-moi! Mais certains propriétaires ont compris qu'un immeuble vide, ou un logement vide, était beaucoup plus lucratif qu'un immeuble vide - ou censé l'être - occupé par des locataires... (Exclamations. Le président agite la cloche.)Nous divergeons avec vous sur ce point, notre conception des choses est différente! Nous, nous estimons que se loger, avoir un toit et payer un loyer bon marché est une chose indispensable pour la population, afin que les salaires ne soient pas trop grevés - salaires payés par certains d'entre vous - parce que c'est l'avantage de tout le monde. Car l'augmentation abusive des loyers revient à verser une rente de situation à des gens qui, malheureusement, ne font pas grand chose pour améliorer la condition de tous dans ce domaine!

M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Votre motion invite le Conseil d'Etat à respecter la constitution... Si cette motion m'invite à relire la constitution, c'est une chose sage parce qu'il faut toujours la lire et la relire... Si elle signifie que la constitution est violée, cette motion est inacceptable !

J'ai entendu des choses curieuses sur ces dispositions... Elles sont très utiles, contrairement à ce qu'a dit M. Muller, parce qu'elles sont l'unique instrument à notre disposition pour faire en sorte qu'un logement vide ne le soit plus. Simplement, on n'arrive jamais à la phase finale, spectaculaire, qui consiste en l'expropriation du droit d'usage ! Et fort heureusement ! En effet, avant d'en arriver là, le propriétaire se décide à faire ce qu'il doit, quelques fois d'ailleurs aidé par les milieux immobiliers eux-mêmes qui le poussent à faire quelque chose, car ils pensent que l'expropriation ne donne pas une bonne image du secteur immobilier. Alors, ne dites surtout pas que cette loi sert à rien: elle a un effet préventif dissuasif qui est très utile !

Sur certains bancs, vous dites en filigrane que nous ne sommes pas assez énergiques... J'ai demandé quelques exemples de ce qui a été fait récemment. J'en ai quelques-uns, mais j'expliquerai volontiers les autres en commission. Il y a le 48, rue de Saint-Jean, le 13, rue de l'Arquebuse, etc. Pourquoi ces logements sont-ils laissés vides ? Toutes les explications données sont justes parce que les cas sont très nombreux. Il y a effectivement des motifs spéculatifs, mais il y a aussi toute une série d'autres cas où, malheureusement, il n'y a parfois plus d'interlocuteurs suite à une faillite, en raison de la disparition du propriétaire dans la nature, etc. Il y a aussi un certain nombre d'appartements vides dans un état tel qu'il faut procéder à des travaux. Et on ne peut pas en disposer immédiatement, ce qui complique les choses!

C'est la raison pour laquelle, lorsque des appartements vides nous sont signalés, le processus prend quelques fois assez peu de temps, lorsqu'on tombe sur des personnes raisonnables, et quelques fois davantage.

La question, qui a déjà été abordée, est de savoir quelle est la capacité du département à maîtriser l'ensemble du problème. J'ai toujours agi sans faire appel à la délation, mais j'ai toujours dit que nous étions prêts à examiner tous les cas qui nous étaient soumis, et vous, les uns et les autres, êtes intervenus. Mais nous le faisons aussi par nos propres moyens! Et vous avez relevé à juste titre qu'il y a assez peu d'immeubles entièrement vides. C'est donc beaucoup plus difficile, tant pour vous que pour le département, de faire la chasse aux appartements vides qui sont isolés, parce que c'est moins spectaculaire! Mais je vous assure de la détermination du département à appliquer cette loi dans la limite des forces dont nous disposons.

Le président. Le renvoi à la commission du logement de la motion 1482 ayant été demandé, je mets aux voix cette proposition au moyen du vote électronique. Si le renvoi à la commission est rejeté nous mettrons ensuite au vote la demande de renvoi au Conseil d'Etat faite par M. le député Pagani. Si cette deuxième proposition est également refusée, cette motion mourra de sa belle mort...

Celles et ceux qui acceptent le renvoi de la motion 1482 en commission du logement voteront oui, celles et ceux qui le rejettent voteront non. Le vote est lancé.

Mise aux voix, cette proposition est rejetée par 39 non contre 35 oui.

Le président. M. Pagani ayant demandé le renvoi au Conseil d'Etat... Monsieur Sommaruga vous avez la parole.

M. Carlo Sommaruga (S). Monsieur le président, dans la mesure où le renvoi de cette motion en commission a été refusé, la seule possibilité, à la fin du débat de fond, est de la renvoyer ou pas au Conseil d'Etat. Donc, il faut laisser se dérouler le débat de fond, puisque la droite a voulu un débat immédiat sur ce sujet ! (L'orateur est interpellé.)Non, moi, je n'ai pas pu m'exprimer suite à certaines interventions !

Le président. Monsieur le député, je pense que le débat de fond a largement eu lieu, mais si quelqu'un d'autre que vous demande la parole, il l'aura. Nous pouvons continuer le débat un moment... Allez-y, Monsieur Sommaruga. Moi, j'ai tout mon temps...

M. Carlo Sommaruga. Merci, Monsieur le président ! Tout à l'heure il y a eu une intervention de M. Pétroz sur laquelle je tiens à revenir puisqu'il a dit de cette motion qu'elle était une «tarte à la crème» de l'Alternative... Je ne comprends pas sa position. Car après avoir fait quelques déclarations de ce type, il a proposé que son groupe soutienne le renvoi en commission dans la mesure où il lui semblait opportun de parler de la problématique du logement des étudiants et de la problématique des logements vides... Il est vrai que le PDC nous a habitués à des changements de position fréquents, ce n'est pas nouveau !

Cela dit, il me paraît opportun, puisqu'on ne pourra pas en parler en commission, de faire le distinguo entre le problème des logements d'étudiants et le problème des logements vides. Je rejoins, du reste, les propos de M. Muller s'agissant de la rénovation des logements qui ne peuvent pas être prêts à temps pour les étudiants.

La problématique du logement étudiant est sérieuse et complexe puisqu'elle va aussi influencer le rayonnement de notre université, étant donné qu'il s'agit d'accueillir des étudiants dans le cadre d'échanges, notamment le programme Erasmus. Et il faut trouver des solutions!

Mais, pour ce qui est des logements vides, j'ai pris note de l'intervention du Conseil d'Etat et de la difficulté à l'heure actuelle d'identifier les logements vides du fait de leur dispersion. Il n'empêche que ces logements sont répertoriés par l'office de la statistique cantonale, et il semblerait plus facile d'agir par le biais de cet office. Cela permettrait d'obtenir davantage de renseignements et d'être plus efficace par rapport à la localisation de ces appartements.

J'ai aussi pris note du fait que, dans le cadre d'une évaluation des objectifs divers et des priorités, il faut pondérer les forces et les répartir. Même si le problème du logement des étudiants est important, il ne faut peut-être pas mettre la priorité absolue sur ce point. Il n'empêche que huit cents appartements vides en période de crise, c'est beaucoup trop ! Et on ne peut pas imaginer qu'ils sont tous dans un état de délabrement avancé ou en attente d'être rénovés ou de changement d'affectation. Je pense que c'est un filon à exploiter, même s'il n'est certes pas le plus rentable, car il peut permettre de mettre quelques dizaines, voire quelques centaines, d'appartements à la disposition de la population.

Si, aujourd'hui, en pleine période de crise immobilière, l'accent n'est pas mis sur cette question, je ne vois pas quand on le fera ! En effet, quand le marché se détendra, le problème des locaux vides ne se posera pas de façon aussi aiguë. Il faut réfléchir à la possibilité d'avoir... (Exclamations.)

Le président. On laisse parler M. Sommaruga, qui n'a pas épuisé son temps de parole !

M. Carlo Sommaruga. Je vous remercie, Monsieur le président. (Exclamations.)

Le président. Il vous épuise, mais il n'a pas épuisé son temps de parole... Nous le laissons parler ! (Exclamations.)

M. Carlo Sommaruga. Je reste persuadé qu'en créant un poste d'inspecteur des immeubles sur le canton de Genève il sera possible de découvrir des appartements vides mais aussi des changements d'affectation illégaux. Je rappelle à cet égard que certaines régies éminentes de la place n'hésitent pas à changer l'affectation des appartements qui jouxtent leurs bureaux pour s'agrandir... Une affectation judicieuse d'un ou deux fonctionnaires et une réflexion sur la manière de déceler les infractions à la LDTR permettraient certainement de trouver les appartements vides.

Cela dit, je pense, vu l'interprétation de cette motion par M. Moutinot, qu'il ne reste plus aujourd'hui qu'à la renvoyer au Conseil d'Etat pour améliorer le processus de recherche de ces appartements vides et de contrôle des infractions à la LDTR.

M. Christian Grobet (AdG). Il y a véritablement un malaise en ce qui concerne les logements vides à Genève, dont, à vrai dire, on ne connaît pas le nombre exact avec certitude. Mais il est évident qu'en cette période de crise du logement celles et ceux qui ne trouvent pas de logements, plus particulièrement les jeunes, et les jeunes en formation, ne comprennent pas du tout que des logements puissent être maintenus vides pour des raisons purement spéculatives... (L'orateur s'interrompt.)

Le président. Nous vous écoutons, Monsieur le député !

M. Christian Grobet. Oui, mais je vois que les conseillers d'Etat concernés semblent intéressés par d'autres affaires...

Le président. Mais pas l'assemblée, et si ces messieurs ne veulent pas vous écouter, je n'y suis pour rien ! Allez-y, Monsieur Grobet ! (Exclamations.)

M. Claude Blanc. Il faut que ce soit intéressant pour qu'on écoute !

M. Christian Grobet. Je pense quand même que le Conseil d'Etat pourrait... C'est peut-être très drôle, Monsieur Cramer, je sais que vous avez la plaisanterie facile, mais, moi, je me sens concerné par le problème des jeunes qui ne trouvent pas de logements et qui voient que certains immeubles entiers, comme l'hôtel des Pâquis, restent vides ! C'est une situation absolument scandaleuse ! C'est vrai, la tâche du département des travaux publics - je l'appelle toujours ainsi... (Exclamations. Le président agite la cloche.)...n'est pas aisée! Il n'est pas facile de savoir quels sont les logements vacants, mais il y a manifestement un dysfonctionnement au niveau de l'Etat. J'ai vu avec satisfaction dans la «Feuille d'avis officielle» qu'on publie des rappels aux bailleurs de signaler tous les changements de locataires, ce qui est obligatoire en vertu de la loi à Genève. Il est donc très facile, par le biais de l'office cantonal de la population qui est responsable, de savoir quels sont les appartements vacants. Je trouve ce problème d'autant plus incroyable que, dans le temps, cela fonctionnait - il paraît que les renseignements ne sont plus donnés à la police des constructions - au temps où le département de justice et police et sécurité était entre les mains de M. Fontanet - cela devrait vous faire plaisir (Exclamations.)- la collaboration était excellente entre la police... (L'orateur est interpellé.)

Le président. Monsieur Blanc !

M. Christian Grobet. C'était moi, voyez-vous ! On s'entendait très bien... On s'entendait très bien sur ce point ! Je pense qu'il faut maintenant mettre en place un système plus efficace pour déceler les appartements vacants. Je rappelle que, lors de la votation du mois de novembre sur la modification de la LDTR pour augmenter les loyers en cas de rénovation d'immeuble, certains députés, M. Barrillier, M. Muller et d'autres, ont parlé de huit cents appartements qui pourraient être remis sur le marché... Du reste, je vous ai écrit une lettre, Monsieur Muller, pour savoir quels étaient ces logements. Bien entendu, vous n'aviez pas la liste, et il y avait beaucoup de bluff derrière vos affirmations, mais, enfin, je vous prends au mot, car je crois qu'il y a effectivement un certain nombre d'appartements qui, moyennant des travaux relativement légers, peuvent être remis sur le marché !

Je rappelle au Conseil d'Etat à cet égard que le peuple genevois a approuvé des dispositions très claires en la matière. Mais vous avez raison, Monsieur Moutinot, de dire qu'il faut essayer de convaincre les propriétaires de remettre les appartements vides sur le marché par la persuasion, après avoir épuisé les procédures de conciliation. Mais, dans certains cas, comme ceux qu'on a connus cet automne, lorsque les propriétaires refusaient pour des raisons purement spéculatives de mettre les logements, ne serait-ce que temporairement, à disposition de personnes qui en ont besoin, il faut appliquer cette loi dont le but est, justement, de permettre de mettre la main sur des logements qui échappent au marché pour ce type de raisons.

Je comprends que vous, les députés de droite, ne veuillez pas renvoyer cette motion au Conseil d'Etat... (Exclamations.)Parce que vous couvrez ces procédés inadmissibles en période de crise du logement, vous couvrez ces opérations spéculatives !

Je dirai simplement au président du Conseil d'Etat - que cette motion soit renvoyée ou non au Conseil d'Etat ne change rien à l'affaire... (Exclamations.)Le Conseil d'Etat a l'obligation d'appliquer les dispositions qui ont été votées par le peuple. Nous attendons maintenant que le Conseil d'Etat aille de l'avant et qu'il applique la loi !

M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vous m'avez suggéré deux pistes pour identifier les appartements vides: l'office des statistiques qui n'est pas praticable en raison du secret statistique; l'office cantonal de la population qui, malgré tous ses efforts, ne suit pas non plus à la trace les moindres mouvements des habitants de ce canton.

En revanche, il y a une méthode beaucoup plus efficace, que je viens de mettre en oeuvre: j'ai demandé aux Services industriels, parce qu'il se trouve que tout le monde dans un appartement a besoin d'électricité et de gaz, de nous fournir la liste des appartements dont les compteurs ont été résiliés il y a plus de trois mois sans qu'un nouvel abonnement ait été convenu. C'est avec des méthodes de travail de ce genre que nous aurons de fortes chances d'identifier les appartements vides.

Le président. La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix, par vote électronique, le renvoi de la motion 1482 au Conseil d'Etat, selon la proposition de M. Pagani. Je vous signale que nous avons mis une heure pour ces deux objets... (Exclamations.)C'est bien, mais il y en a encore cinquante pour le DAEL: je viens de les compter !

Le vote est lancé.

Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée par 41 non contre 33 oui.

Le président. Nous avons cherché l'interpellation 2030 de M. John Dupraz à plusieurs reprises. Il n'est pas là. Comme elle concernait directement ce sujet, nous la considérons close.

Cette interpellation est close.