République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 20 mars 2003 à 17h
55e législature - 2e année - 6e session - 26e séance
Discours du président du Grand Conseil
Discours du président du Grand Conseil, M. Bernard Lescaze
Le président. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat,
Monsieur le procureur général,
Mesdames et Messieurs les représentants des autorités judiciaires,
Mesdames et Messieurs les représentants des autorités fédérales et communales,
Monsieur le chancelier,
Mesdames et Messieurs les députés,
Mesdames et Messieurs les représentants des autorités militaires, ecclésiastiques et universitaires,
Mesdames et Messieurs les représentants du corps diplomatique et consulaire,
Mesdames et Messieurs les invités,
Mesdames et Messieurs,
Chères concitoyennes, chers concitoyens,
Depuis près de six siècles, ce lieu est celui où les citoyens genevois viennent assister à la prestation de serment de leurs autorités. Car au rite de l'élection succède toujours celui du serment de l'élu qui répondait au serment que devait prêter l'électeur lui-même: «Nous promettons et jurons devant Dieu [...] d'élire et nommer en l'office [...] ceux que nous pensons être propres et idoines [...] pour conduire et gouverner le peuple en bonne police et conserver la liberté de la Ville et qu'en élisant nous aurons égard au bien public et non pas à quelque affection particulière ni de haine ni de faveur».
Prêter serment devant le peuple revient à s'engager à le servir. L'ancienne République de Genève accordait une attention toute particulière à la promesse solennelle de ses élus parce qu'elle y voyait la garantie, au-delà des passions humaines, que le nouveau magistrat n'aurait pour but de son action que le bien commun. La formule du serment était toute simple: «Nous promettons et jurons de maintenir l'honneur et la gloire de Dieu et la pure religion, et nous acquitter fidèlement du devoir de notre office, de maintenir et défendre de tout notre pouvoir la liberté, les édits et les droits de la Ville, de bien administrer ce que nous aurons entre nos mains, d'exercer bonne et droite justice, rendant à un chacun ce qui lui appartient soutenant les bons et punissant les mauvais sans haine ni faveur.» En prêtant serment aujourd'hui, dans une forme adaptée au XXIe siècle, vous n'avez fait que vous inscrire, Monsieur le conseiller d'Etat, dans la lignée de tous ceux qui, avant de prendre leurs fonctions, ont prêté un serment semblable.
Vous êtes investi en un moment particulièrement troublé, alors que le monde s'apprête à entrer en guerre les yeux grands ouverts, malgré le refus et la réprobation du plus grand nombre, par la seule volonté de quelques-uns et ce, en violation des règles du droit international et de tout l'édifice de la résolution pacifique des conflits patiemment échafaudé depuis plusieurs décennies par l'humanité, en particulier dans cette cité. Malgré l'échec momentané de la paix, nous devons être convaincus que les efforts menés pour conduire les hommes hors de la barbarie et des conflits sanglants ne sont pas vains et qu'il est du devoir de tout magistrat de les poursuivre, à quelque niveau qu'il se situe, selon ses moyens.
La politique est un art de la séduction. Vous y avez réussi puisque vous avez été élu, mais elle a ceci de commun avec la céramique qu'il s'agit aussi d'un art du feu. Alors que des ministres étrangers déclarent sans sourciller qu'il y a un temps pour parler et un temps pour tuer, je vous souhaite de ne connaître que le premier.
Par une décision collégiale du gouvernement - et la collégialité est bien l'une des valeurs essentielles de nos exécutifs qui sont une sorte d'assemblage de cépages, dont l'alchimie demeure toujours incertaine - vous allez reprendre la charge de conduire le département de l'instruction publique. Quel nom magnifique pour un dicastère, conservé depuis plus de cent cinquante ans ! Il ne s'agit pas seulement de la formation et de la jeunesse, ni de l'éducation cantonale, mais bien d'éduquer, de former et d'instruire le public, c'est-à-dire tous les habitants de Genève, dans le respect des principes de l'école publique et laïque définis dès 1846.
Le département que vous reprendrez a eu à sa tête, à plusieurs reprises des personnalités illustres. Comment ne pas citer ici Antoine Carteret, créateur de l'université, notamment de la faculté de médecine, réformateur de l'école primaire, Georges Favon, trop tôt disparu, André Oltramare, qui le premier, vers 1927, eut l'intuition de ce qui deviendrait trente-cinq ans plus tard le cycle d'orientation. Il était latiniste et socialiste, ce qui n'a jamais été incompatible. Enfin André Chavanne qui a marqué de son empreinte la seconde moitié du XXe siècle. Ces modèles ne sauraient vous effrayer, ils devraient plutôt vous stimuler.
Tant de défis attendent le nouveau magistrat que je ne saurais résister à la tentation de lui délivrer, à mon tour, après tant d'autres un conseil que j'emprunte à un illustre inconnu, Paul Laffitte: «Méfiez-vous des idées arrêtées et des vérités en marche, car l'immobilité des premières est suspecte et, des secondes, on ne peut dire par quels chemins elles passeront.»
Bonne route, Monsieur le conseiller d'Etat. Les voeux du Grand Conseil vous accompagnent dans l'accomplissement de votre tâche.
(Quatuor "Dissonances" - allegro - de Wolfgang Amadeus Mozart interprété par le quatuor à cordes de l'Orchestre de la Suisse romande.)
Le président. La parole est à M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat.