République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 28 février 2003 à 14h
55e législature - 2e année - 5e session - 23e séance
P 1388-A et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Vous avez tous reçu une demande d'amendement déposée par le député Hiltpold. Je passe la parole au rapporteur, M. Antoine Droin.
M. Antoine Droin (S), rapporteur. Je souhaite intervenir par rapport aux amendements déposés par M. Hiltpold, que j'ai de la peine à comprendre. J'ai d'autant plus de peine à les comprendre que M. Hiltpold était présent à la commission et a signé la motion rédigée à l'issue des débats. Les invites qu'il nous propose ne font qu'enfoncer des portes ouvertes, puisqu'il s'agit d'éléments déjà inclus dans la motion.
M. Hugues Hiltpold (R). La motion qui est sortie telle quelle des travaux de la commission comporte certains éléments manquant de clarté. C'est donc par souci de clarté que je soumets à votre sagacité cet amendement.
La proposition qui y est faite consiste à ajouter deux invites. La première préconise la poursuite des tirs de régulation de sangliers afin de les cantonner dans les bois, et non sur les terrains cultivés - comme cela est actuellement le cas, ce qui ne manque pas de provoquer d'importants dégâts.
La seconde invite propose la poursuite du parcage électrique dans le but de protéger les cultures les plus sensibles et les plus onéreuses à indemniser. Je pense notamment aux vignes, aux vergers et aux cultures.
Le tout devrait, dans un souci de pragmatisme, être mené en collaboration avec les agriculteurs.
Je vous remercie de votre attention et vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à réserver un bon accueil à cet amendement.
Le président. Vous déclenchez tout un débat. Les sangliers passionnent toujours... Je cède en premier lieu la parole à M. Luc Barthassat.
M. Luc Barthassat (PDC). Lorsqu'on lit de telles pétitions, on peut comprendre le ras-le-bol et le grognement de certains agriculteurs et viticulteurs de notre canton face aux problèmes liés aux sangliers. (Brouhaha.)Il est bien entendu inconcevable de réintroduire la chasse dans notre canton, et ceci pour garantir une certaine sécurité à la population qui a plaisir à travailler ou à se promener dans nos campagnes.
Comme il est dit dans la motion, il serait en revanche judicieux que le département s'entoure d'auxiliaires, provenant par exemple des milieux de l'agriculture, pour recenser, observer mais également tirer les sangliers en surnombre. Cette action pourrait, bien entendu, s'effectuer sous la forme de bénévolat, pour autant qu'on permette de temps à autre aux bénévoles de tirer une de ces sales bestioles et qu'on les place sous la supervision de garde-faunes, pour des raisons de sécurité bien compréhensibles.
Travailler avec des bénévoles n'occasionnera pour l'Etat aucune dépense, si ce n'est le prix des cartouches. Outre ces économies de postes, on peut également espérer une baisse du coût des dégâts commis par les sangliers - lequel a doublé pour s'élever à deux millions trois cent mille francs. Si le département souhaite améliorer le sort des sangliers, nous voulons pour notre part simplement régulariser leur surpopulation.
Quant aux amendements de mon collègue Hiltpold, j'appuie totalement le premier. Je suis également favorable à son deuxième amendement, tout en soulignant, d'une part, le risque de voir nos campagnes transformées en parcs électrifiés, d'autre part, la lourdeur des travaux occasionnés par la pose de ces barrières.
Le parti démocrate-chrétien soutient le renvoi de cette motion et de cette pétition devant le Conseil d'Etat.
Le président. La parole est demandée par MM. Bavarel, Etienne, Desbaillets et Reymond. Monsieur Bavarel, vous avez la parole.
M. Christian Bavarel (Ve). En dehors du fait que les Verts sont bien évidemment, quant à la régulation des sangliers... (Sonnerie d'un téléphone portable.)Un natel sonne juste devant moi...
Je poursuis. En dehors du fait que les Verts sont conscients de la nécessité de réguler les populations de certains animaux du fait de leur surnombre - surnombre dû à l'absence de prédateurs d'importance suffisante - les amendements qui nous sont proposés me posent un léger problème: l'auteur évoque des tirs «réguliers». Or, je suppose que l'auteur faisait allusion à des tirs de régulation. Je demande donc une modification de ce terme.
Le président. Nous modifierons légèrement le texte pour suivre votre avis. La parole est à M. Etienne.
M. Alain Etienne (S). J'aimerais en premier lieu saluer les efforts consentis par l'Etat pour régler le problème des sangliers à Genève. Je rappelle également que la commission de l'environnement s'est penchée à plusieurs reprises sur ce sujet. Nous avons notamment été invités à deux reprises à la maison de la forêt, où l'Etat nous a présenté l'ensemble de la problématique. Nous avons dès lors été très surpris par le dépôt de cette pétition par notre collègue Louis Serex. Il a d'ailleurs été ajouté dans la motion, suite à cette pétition, que nous attendons un rapport du Conseil d'Etat sur l'ensemble de cette problématique. Il faut en outre rappeler que le nouvel inspecteur cantonal de la faune bénéficie de toute notre confiance pour régler ce problème, d'autant plus que la problématique des sangliers n'est pas limitée à notre territoire mais déborde largement sur toute la région transfrontalière.
Je rejoins M. Droin au sujet des deux amendements déposés: ils enfoncent des portes ouvertes, puisqu'ils ne font que demander des mesures déjà prévues ! J'aimerais en outre signaler, concernant la deuxième invite, que l'Etat a mis en place des actions bénévoles pour la pose de ces barrières, actions auxquelles participent, outre des agriculteurs, des bénévoles ainsi que des associations de protection de la nature. C'est pourquoi je propose l'amendement complémentaire suivant: «à continuer en collaboration avec les agriculteurs et les associations de protection de la nature le parcage électrique».
Le président. Vous voudrez bien m'apporter votre sous-amendement, qui sera soumis au vote avant l'amendement de l'invite 2 de M. Hiltpold.
M. René Desbaillets (L). Je ne me prononcerai pas sur tous les propos qui ont été tenus sur les sangliers, car mon intervention serait trop longue. Je n'aborderai donc que les nouveaux amendements qui nous sont proposés.
Je constate que la personne qui les a rédigés n'est malheureusement pas présente aujourd'hui. Or, ces propositions d'amendement sont typiques d'un agriculteur, et non d'un viticulteur. Si la première invite peut en effet se comprendre, la deuxième demande de «continuer en collaboration avec les agriculteurs le parcage électrique pour protéger les cultures les plus sensibles et les plus coûteuses à indemniser», soit la vigne. C'est bien joli de la part d'un agriculteur de dire à son collègue vigneron qu'il n'a qu'à parquer ses vignes, mais je n'ai pas, jusqu'à ce jour, rencontré beaucoup de collègues prêts à me donner un coup de main pour la pose de fils électriques !
Il faut savoir que clôturer des vignes nécessite du temps - car les grands domaines s'étendent parfois sur des dizaines d'hectares, notamment dans le Mandement - ainsi qu'un contrôle journalier du bon fonctionnement de ces clôtures électriques. Cette mesure pose, en outre, un problème au niveau de l'environnement et de la sympathie des promeneurs dans le vignoble. Ces derniers doivent en effet non seulement tenir leurs chiens en laisse, mais également surveiller leurs enfants pour éviter qu'ils aillent toucher les fils électriques et se faire secouer. (L'orateur est interpellé.)Je trouve cela quelque peu lamentable !
Pour ma part, j'estime qu'il conviendrait de repartir à zéro en renvoyant l'ensemble à la commission de l'environnement pour discuter à tête reposée du problème des sangliers. En effet, qu'il s'agisse de la rédaction de cette motion ou des amendements, rien ne fonctionne et rien n'est efficace.
Le président. Le nombre de députés qui demandent la parole augmente. Aussi je vous propose, vu la complexité croissante du débat, que les orateurs suivants ne s'expriment que sur le renvoi en commission de la pétition 1388 proposé par M. Desbaillets.
Je donnerai la parole à M. Reymond, puis à Mme Micheline Spoerri, enfin au rapporteur - et, éventuellement, à M. Pagani. M. Pagani étant le dernier inscrit, il attendra, pour une fois, son tour !
M. André Reymond (UDC). Il est inutile de recommencer le débat sur les sangliers, qui ont posé moult problèmes à nos agriculteurs.
En ce qui concerne la motion 1501, nous sommes d'accord avec la première invite, dont le contenu est plus précis que les dispositions prévues dans le texte. En revanche, nous estimons quant à la deuxième invite - dont nous avons d'ailleurs longuement discuté en commission - qu'il ne sert à rien de multiplier les tâches de nos vignerons en les obligeant à mettre des kilomètres de fil de fer autour de leurs vignes.
C'est pourquoi le groupe UDC accepte de soutenir la première invite, mais non la seconde.
Le président. Je vous rappelle, Monsieur Reymond, que vous deviez vous exprimer sur le renvoi en commission. La parole est à Mme la conseillère d'Etat Micheline Spoerri.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Je ne suis évidemment pas une spécialiste des sangliers...
M. Claude Blanc. Mais des poulets ! (Rires et applaudissements.)
Mme Micheline Spoerri. A chacun sa spécialité !
Je veux simplement vous rendre attentifs au fait que la question des sangliers représente un combat permanent. Le mérite de cette motion est d'être issue d'un consensus de la commission, et ceci après de nombreux débats et polémiques.
J'attire dès lors votre attention sur le fait que les multiples amendements qui semblent maintenant tomber sur les tables risqueraient de compromettre ce consensus; le cas échéant, un retour en commission serait nécessaire.
M. Antoine Droin (S), rapporteur. Je trouve le renvoi en commission absurde. La problématique des sangliers fait en effet l'objet de discussions depuis de nombreux mois. Elle est en pleine évolution, le département de M. Cramer prenant toutes les mesures dont il dispose pour améliorer la situation. Je ne vois donc pas l'intérêt de rediscuter en commission de deux amendements qui ne font qu'enfoncer des portes ouvertes, puisqu'ils concernent des éléments déjà en vigueur et bénéficiant de l'appui d'associations. Il me semble que les commissions ont des tâches plus importantes que de débattre en permanence de sangliers !
M. Rémy Pagani (AdG). Je ne savais pas que c'était déjà mon tour ! (Rires.)
Lorsque nous avons étudié cette motion en caucus, nous n'avons rien trouvé à redire - si ce n'est que les nouveaux amendements posent effectivement un certain nombre de problèmes. Si ces amendements passent, nous pouvons soit décider de maintenir la motion telle qu'elle a été présentée par le rapporteur, soit entrer en matière sur les amendements. Dans ce dernier cas, il devient nécessaire de rediscuter l'ensemble de la problématique.
Nous possédions quelques réserves sur la question de nommer des gardes auxiliaires. Il existe en effet déjà aujourd'hui des problèmes quant à la «répartition»- si j'ose dire - des bêtes abattues. Le fait de nommer des auxiliaires venus d'on ne sait où risque d'ouvrir la porte à certaines pratiques... (L'orateur est interpellé.)...disons «spéciales». Nous avions donc déjà des réticences. Or, les amendements proposés ne clarifient nullement la situation.
Si les amendements sont maintenus, nous proposons donc le renvoi en commission; si tel n'est pas le cas, nous proposons d'adopter telle quelle la motion.
Le président. La parole est à M. Hiltpold, après quoi nous passerons au vote.
M. Hugues Hiltpold (R). Je suivrai l'avis du rapporteur concernant le renvoi en commission. Je propose que nous traitions cette motion au jour d'aujourd'hui.
S'agissant des deux amendements - ou, plus exactement, des deux parties formant l'amendement - je propose qu'on les vote de façon séparée, puisque le premier semble rencontrer une plus grande majorité que le second.
Le président. Monsieur Droin, comme vous avez déjà pris la parole sur le renvoi en commission, je ne peux pas vous la donner.
Je mets en premier lieu aux voix le renvoi en commission de la pétition 1388, après quoi je vous donnerai la parole au moment des votes.
M. René Desbaillets. Je retire ma proposition de renvoi en commission.
Le président. M. Desbaillets, vous retirez votre proposition d'amendement ? Ce débat valait la peine !
M. René Desbaillets. Excusez-moi, je souhaitais retirer ma proposition de renvoi en commission de la motion, non de la pétition.
Le président. Je fais donc voter le renvoi en commission de la pétition 1388.
Mise aux voix, cette proposition est rejetée.
Le président. Nous pouvons donc voter, dans un premier temps, sur la proposition de la commission de classer la pétition 1388. Nous traiterons ensuite du projet de motion issu des travaux de la commission ainsi que de ses amendements éventuels.
Mises aux voix, les conclusions de la commission de l'environnement et de l'agriculture (classement de la pétition) sont adoptées.
Le président. Nous traitons donc maintenant exclusivement de la motion 1501. La parole est demandée par trois intervenants. Je la donne en premier lieu à M. le rapporteur.
M. Antoine Droin (S), rapporteur. Pour en revenir à la question des amendements, j'estime qu'ils ont d'autant moins de sens que la problématique des sangliers est particulièrement évolutive. Comme M. Cramer nous l'a parfaitement expliqué en commission, réguler la population des sangliers est une question de temps. Cet objet ne peut être résolu en quelques mois, mais il faudra deux ou trois ans pour revenir à un nombre raisonnable de sangliers dans le canton.
L'ajout de ces amendements est donc absurde, puisqu'un travail est déjà effectué dans ce sens.
M. René Desbaillets (L). Je m'excuse pour l'ordre, mais je me situais déjà à la motion 1501, car j'ai pour habitude d'avancer plutôt vite !
La première invite de cet amendement doit être prise en considération. Le texte de la motion invite en effet le Conseil d'Etat «à étudier la possibilité de nommer des gardes auxiliaires». Or, tandis qu'on étudie, on étudie, on étudie, les viticulteurs et les agriculteurs subissent des centaines de milliers de francs de dégâts. De plus, jusqu'à preuve du contraire, on ignore actuellement à combien s'élève, pour la République, le coût de tout l'«escadron» - je ne suis pas tellement militariste, mais il semblerait que ce soit une véritable compagnie de gardes et de personnes qui tentent de contrer ces sangliers. Il ne faut donc pas simplement étudier la question des gardes auxiliaires mais il convient, comme le dit la première invite de l'amendement, de poursuivre des tirs de régulation.
Enfin, il est bien clair que je suis favorable à la suppression du deuxième sous-amendement.
Le président. J'annoncerai clairement la manière dont nous voterons sur les amendements officiels et les autres. Soyez sans crainte à ce sujet !
Je vous propose, pour la motion 1501 issue des travaux de la commission, de voter sur chacune des invites. Nous voterons donc en premier lieu sur l'invite 1, imprimée en page 8; nous voterons ensuite sur le premier amendement de M. Hiltpold, soit l'invite «à poursuivre des tirs de régulation...»; nous voterons, troisièmement, sur le deuxième amendement de M. Hiltpold, soit l'invite «à continuer en collaboration...», qui comporte un sous-amendement de M. Etienne; nous voterons enfin sur l'invite 4, qui demande la présentation d'un rapport sur la problématique de la gestion des sangliers dans le canton.
Je mets donc aux voix la première invite, qui se trouve à la page 8 du rapport et qui demande l'étude de la possibilité de nommer des gardes auxiliaires.
Mis aux voix, la première invite est adoptée.
Le président. Nous passons au vote du premier amendement de M Hiltpold: «à poursuivre les tirs de régulation et à reprendre l'agrenage afin de cantonner autant que possible la population de sangliers dans les bois de Jussy, Versoix et Chancy ainsi que dans le site protégé du Vallon et de l'Allondon;».
Mis aux voix, cet amendement (adoption d'une deuxième invite nouvelle) est adopté. (Contestation.)
Le président. L'issue du vote étant contestée par un député, je vous propose de procéder par vote électronique. Nous procéderons de la façon aussi correcte que possible jusqu'au bout.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 29 oui contre 19 non et 3 abstentions.
Le président. Nous passons maintenant à la troisième invite, que constitue le second amendement de M. Hiltpold. M. Etienne soumettant un sous-amendement à cette troisième invite, je mets aux voix ce dernier: «à continuer, en collaboration avec les agriculteurs et les associations de protection de la nature, le parcage électrique pour protéger les cultures les plus sensibles et les plus coûteuses à indemniser (vignes, vergers, etc.);».
Mis aux voix, ce sous-amendement est adopté.
Le président. Je mets maintenant aux voix le second amendement de M. Hiltpold, qui deviendra la troisième invite: «à continuer, en collaboration avec les agriculteurs, le parcage électrique pour protéger les cultures les plus sensibles et les plus coûteuses à indemniser (vignes, vergers, etc.)».
Mis aux voix, cet amendement (adoption d'une troisième invite nouvelle) est adopté par 28 oui contre 27 non et 2 abstentions.
Le président. Je mets enfin aux voix la quatrième et dernière invite, qui se trouve à la page 8 du rapport de M. Droin: «à présenter un rapport sur la problématique de la gestion des sangliers dans le canton».
Mis aux voix, la quatrième invite (ancienne invite 2) est adoptée.
Mise aux voix, la motion 1501 ainsi amendée est adoptée.