République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 31 janvier 2003 à 14h
55e législature - 2e année - 4e session - 18e séance
M 737-A
Débat
M. René Desbaillets (L). Mesdames et Messieurs, j'ignore si c'est l'abondance des objets à l'ordre du jour de cette séance ou la minceur - au propre comme au figuré - de ce rapport sur la sécurité des piétons qui explique le peu d'intérêt suscité par ce dernier. Cependant, je ne peux, pour ma part, prendre acte de ce rapport sans réagir.
Ce rapport montre, ce qui ne me surprend guère, que dans 50% environ des accidents impliquant des piétons, ces mêmes piétons en sont les responsables. Or, toutes les mesures proposées dans ce rapport pour diminuer le nombre d'accidents impliquant des piétons sont des mesures propres à faire des automobilistes de véritables boucs émissaires. De surcroît, le Conseil d'Etat veut, par ces propositions, nous faire accepter par la bande la motion «Vision zéro», motion que nous avons rejetée il y a à peine trois mois.
Comme j'ai l'habitude de proposer des solutions lorsque je critique un objet, je vous en suggère deux, efficaces et surtout bon marché - ce qui est bienvenu après les propos que nous avons entendus hier soir. Il nous faut premièrement restaurer l'obligation faite aux piétons de signaler leur intention de traverser une route.
Il faut en deuxième lieu rappeler à chacun et à chacune que les lois de la physique ne se modifient pas comme nos lois démocratiques. Or, une des lois de la physique est qu'un véhicule en mouvement parcourt encore une certaine distance avant de s'arrêter, distance qui bien souvent peut faire la différence entre la vie et le cimetière. Je vous propose donc, Mesdames et Messieurs, de renvoyer ce rapport autophobe et démagogique à ses auteurs.
Le président. La parole est à Mme la députée Bartl, qui renonce. La parole est à M. le député Bavarel !
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, la question que pose M. Desbaillets est la suivante: faut-il protéger les plus faibles - parmi les piétons, j'inclurai notamment les enfants et les personnes âgées ? Que l'on prenne des mesures et que l'on... (L'orateur est interpellé.)Et tous ceux qui marchent, évidemment, mes chers collègues! (Rires.)C'était simplement pour rappeler à M. Desbaillets que, si l'on adopte des règles qui servent réellement à protéger les plus faibles, il est normal que celui dont le poids et la puissance sont supérieurs veille à ne pas écraser ce qui se trouve autour de lui. Je trouve dès lors quelque peu particulier que M. Desbaillets qualifie cette mesure «d'autophobe». Ce rapport est à mes yeux acceptable, même s'il ne va pas suffisamment loin. Je suis donc tout simplement navré des propos prononcés par M. Desbaillets.
M. Sami Kanaan (S). Excusez-moi pour le bruit dans le micro ! Merci, Monsieur le président. Je souhaite dire en premier lieu que l'intervention de M. Desbaillets est apparemment assez représentative de la conception du trafic de son groupe, qui peut se résumer à la loi du plus fort. Une partie des erreurs est effectivement due, selon les statistiques - nous avons eu le même cas de figure par rapport aux cyclistes - à des erreurs de la part des piétons. Mais je mets pour ma part en doute les statistiques, car il est notoire - et j'ai des exemples concrets en tête, que je ne développerai pas ici - que la manière d'identifier et de caractériser les accidents à Genève est tout à fait rudimentaire et insuffisante.
Je dirai en deuxième lieu que, si certains piétons se montrent effectivement imprudents, tant qu'à faire, allons au bout du raisonnement - et pour un député libéral, c'est intéressant ! - mettons des barrières le long des routes, interdisons de manière physique aux piétons de traverser les routes hors des passages piétons, mettons des policiers partout ! Nous serons ainsi sûrs de ne plus avoir d'accidents impliquant des piétons !
Il est illusoire de croire qu'en zone urbaine les piétons traverseront uniquement sur les passages routiers. Or, compte tenu du fait qu'en cas de conflit, c'est forcément le piéton qui est perdant, les automobilistes doivent absolument admettre qu'ils ne sont pas forcément prioritaires de manière absolue, et ceci quelle que soit la conception qu'en ont certains. Nous trouvons ce rapport, comme l'a dit M. Bavarel, satisfaisant - sans plus - car il va dans la bonne direction. J'estime quant à moi que les interventions telles que celle que vient de faire M. Desbaillets constituent un manque de respect vis-à-vis des gens qui circulent à pied.
Le président. Merci, Monsieur le député. Comme M. le député Desbaillets a exprimé sa volonté de ne pas prendre acte de ce rapport, nous sommes obligés de procéder à un vote. Celles et ceux qui acceptent de prendre acte de ce rapport voteront oui, celles et ceux qui refusent de prendre acte de ce rapport voteront non. Dans ce cas, le rapport serait considéré comme renvoyé au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, la proposition de prendre acte de ce rapport est adoptée.