République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1379-A
Rapport de la commission du logement chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Bernard Clerc, Anita Cuénod, Jeannine De Haller, Luc Gilly, Gilles Godinat, Pierre Meyll, Danièle Oppliger, Rémy Pagani, Pierre Vanek, Salika Wenger, Cécile Guendouz sur la remise en état des immeubles dégradés
Rapport de M. Gabriel Barrillier (R)
Proposition de motion et renvoi en commission: Mémorial 2001, p. 631

Débat

M. Gabriel Barrillier (R), rapporteur. Je tiens simplement à relever, de manière claire et officielle, l'excellent esprit qui, une fois n'est pas coutume, a animé la commission du logement. Celle-ci a en effet réussi à transformer une motion quelque peu soupçonneuse à l'égard des propriétaires en une motion incitative ! Au nom des entreprises, des propriétaires et de l'entretien du domaine bâti, je m'en réjouis.

M. Carlo Sommaruga (S). Mesdames et Messieurs, la commission du logement est effectivement parvenue, de manière extraordinaire, à se mettre d'accord à l'unanimité sur un sujet, à savoir la motion 1379. De part et d'autre s'est en effet manifestée la volonté de stimuler la rénovation de bâtiments: d'un côté, constructeurs et entreprises de construction s'inquiétaient quant à la survenance de la crise économique; de l'autre côté, certains se montraient préoccupés du sort des occupants des immeubles, qui souffrent parfois de situations extrêmement dégradées et qui doivent lutter de manière pénible devant les juridictions des baux et loyers, voire face à une procédure administrative, pour obtenir satisfaction.

Je tiens à préciser que l'idée de la commission ne consiste nullement à demander au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement d'entreprendre des expertises privées de tous les immeubles de ce canton. Il ne s'agit pas de mettre à la charge des pouvoirs publics des expertises qui sont naturellement à la charge des propriétaires. Il y a en revanche lieu de souligner la nécessité d'un recensement progressif de l'ensemble du parc immobilier, recensement qui permettra de connaître l'état dans lequel se trouvent les immeubles. Le DAEL pourra dès lors, dans le cadre de l'application de l'article 42A LDTR, intervenir rapidement en cas de graves défauts qui porteraient atteinte à l'habitabilité de l'immeuble.

Nous estimons, et c'est la raison de notre appui à cette motion, qu'il convient de ne pas laisser intervenir le DAEL uniquement dans le cadre de dénonciations faites par des locataires, voire d'autres habitants des immeubles dégradés et n'ayant pas été entretenus par leurs propriétaires.

Nous souhaitons par là aussi revivifier le recensement du domaine bâti, recensement débuté il y a quelques années et qui permettrait de disposer d'une cartographie du domaine bâti genevois. Cette mesure a pour but de faciliter l'intervention des autorités dans les situations où un propriétaire doit effectuer des travaux.

Par ailleurs, et ceci constitue un élément important, nous estimons que la relance du bonus conjoncturel à la rénovation doit constituer une priorité aujourd'hui. Nous avons en effet constaté, lors de la première mise en oeuvre de ce bonus, que celui-ci stimulait un certain nombre de travaux, et ceci à la satisfaction des locataires, des propriétaires, des travailleurs de la construction et des entreprises du bâtiment. Nous tenons à relever qu'en l'état de la législation, ce bonus peut être réactivé par simple décision du Conseil d'Etat. Nous souhaitons que cette motion aille dans cette direction.

Le président. Je rappelle que cette motion a été adoptée, comme l'a écrit le rapporteur, à l'unanimité et dans l'enthousiasme général. Plusieurs orateurs sont cependant inscrits, sans doute dans l'enthousiasme général... La parole est à M. Pascal Pétroz, député.

M. Pascal Pétroz (PDC). Merci Monsieur le président. C'est effectivement d'enthousiasme que je vous parlerai. J'ai envie de dire qu'enfin, en ces temps où l'on ne plante guère de clous alors qu'on devrait en planter beaucoup, en ces temps où le pouvoir politique devrait s'efforcer de prendre toutes les mesures possibles pour mettre sur le marché de nombreux logements, en ces temps où nous nous regardons tous les lundis entre 17 h et 19 h comme des chiens de faïence en commission du logement, voter un texte à l'unanimité et dans l'enthousiasme relève de l'exploit ! J'ajouterai que nous sommes, me semble-t-il, tous très heureux de cet exploit, et que notre premier souhait serait que ce type d'exercice ne demeure pas isolé. Le rapporteur de ce projet a été tellement content de l'issue réservée à cette motion qu'il en est devenu lyrique. Voici un morceau choisi de son rapport: «La commission, au demeurant fort bien disposée, voire même en état de grâce, a voté cette motion».

Sur le fond du problème, nous sommes parvenus à transformer une motion initiale ayant pour but de sanctionner en une motion beaucoup plus incitative, qui devrait apporter des réponses à un certain nombre de questions sur l'état de délabrement de certains immeubles. Cette motion nous permettra également, je l'espère, de dépasser le débat traditionnel selon lequel l'insuffisance des rénovations réside, pour les uns, dans une volonté de différer l'entretien pour pouvoir ensuite augmenter les loyers, pour les autres, dans l'existence de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations. Les données qui seront recueillies nous seront éminemment utiles de ce point de vue. Nous saurons, je l'espère, pourquoi un certain nombre d'immeubles sont mal entretenus, et nous en connaîtrons les causes exactes - causes non seulement financières, mais également techniques.

Nous invitons en outre le Conseil d'Etat à informer les propriétaires concernés des aides possibles et, comme l'a dit M. Sommaruga, à réactiver le bonus conjoncturel à la rénovation. C'est la raison pour laquelle le groupe PDC votera le renvoi de la motion ainsi modifiée au Conseil d'Etat.

M. Olivier Vaucher (L). Mes remerciements vont tout d'abord à M. Barrillier pour l'excellente qualité de son rapport. Je souhaite également louer l'unanimité de la commission quant à un problème d'actualité. La crise dans le bâtiment est en effet à nouveau extrêmement aiguë en ce début d'année 2003. Il me semble indispensable, pour éviter une nouvelle augmentation du chômage, de prendre rapidement des dispositions dans les mois à venir.

Je remercie également M. le député Sommaruga pour avoir évoqué le bonus à la rénovation. Je pense en effet qu'il sera malheureusement utile de le réactiver.

J'aimerais enfin rappeler un élément que beaucoup d'entre nous connaissent: le parc immobilier genevois est le plus vétuste de Suisse. Comme l'a dit l'un des préopinants, nous devrions peut-être nous interroger sur les raisons - certains les connaissent, bien entendu - qui ont mené à une telle situation. J'espère que cette motion permettra au plus vite d'accélérer les choses, car la crise est bien présente - et de manière importante ! - et le chômage se pointe à la vitesse grand V !

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, inutile de vous dire que le groupe des députés de l'AdG est particulièrement heureux du sort favorable fait par la commission du logement à cette motion, dont il est l'auteur. Je ne peux que souscrire aux excellents propos de M. Pétroz et espérer, moi aussi, qu'en dépit de nos divergences sur un certain nombre de sujets, nous parviendrons à nous accorder sur certains points. Je reste persuadé qu'un tel accord s'avère possible. M. Barrillier avait du reste, le jour même d'une certaine votation, suggéré que les milieux intéressés se rencontrent. Peut-être étions-nous les uns et les autres échauffés, mais j'avais effectivement considéré, à l'époque, qu'il s'agissait d'une bonne idée; nous devrions en effet, à mon avis, être en mesure de trouver des accords sur certaines modifications de zones indispensables pour la construction de logements. Nous avons donc été fort réjouis par la décision unanime de la commission - moi le premier, car j'étais absent lors de la séance qui a vu cet acte d'enthousiasme.

Cette motion n'était certes peut-être pas rédigée le mieux qu'il eût fallu. Je tiens cependant à rassurer M. Pétroz sur un point: notre idée n'était en aucun cas de punir des propriétaires. Nous n'avons pas rappelé dans le texte la procédure qui doit de toute façon être suivie par le département, à savoir prendre contact avec le propriétaire pour tenter de trouver un accord avant d'ordonner des travaux. Cependant, à partir d'un certain point, il devient nécessaire de prendre des mesures pour un ou deux cas particuliers. Deux cas ont d'ailleurs été cité dans notre motion, dont celui de la Villa Schaek.

Je profite de cette occasion pour prendre des nouvelles de ce bâtiment. Un problème extrêmement grave se pose en effet au sujet de cette villa. Je rappelle qu'il y a une dizaine d'années, une initiative municipale avait été lancée pour demander l'adoption d'un plan d'utilisation du sol afin de préserver la pointe de Villereuse; un secteur de la partie inférieure de Villereuse avait déjà été préservé et rénové d'une manière qui avait grandement séduit la population, et plus particulièrement les habitants du quartier. Ce plan d'utilisation du sol a finalement été remplacé, à l'époque du gouvernement monocolore, par un plan localisé de quartier qui ne répondait pas, je tiens à le dire, aux objectifs de l'initiative. Si les initiants se trouvaient certes frustrés par ce plan localisé de quartier, ce dernier prévoyait au moins que la Villa Schaek, qui s'était trouvée au centre de la campagne menée à l'époque, soit maintenue. Je me souviens encore des grandes déclarations faites dans la presse par M. Ormiron lorsqu'il a repris ce projet;c'est du reste lui qui avait demandé la création d'un bâtiment sous forme de tour, ce qui constituait un véritable coup de poing dans le paysage. Or, les engagements pris par M. Ormiron n'ont pas été respectés, et ce bâtiment a été laissé à l'abandon. J'ai cru entendre, il y a de cela quelques mois, que M. Ormiron allait enfin tenir ses engagements. Cependant, l'autre jour, quelques membres du comité d'Action patrimoine vivant, qui suivent cette affaire de près, ont fait savoir que le chantier n'avait pas démarré, bien qu'une sorte de bâche ou de protection provisoire ait été mise sur le toit.

Nous nous trouvons là, et j'ai cité le nom de l'acquéreur, face à un homme qui brasse d'immenses affaires immobilières et qui fait des déclarations tonitruantes dans la presse (ce qui me fait par ailleurs penser à un autre promoteur qui tenait des propos analogues il y a de cela une vingtaine d'années). Or, et je souhaite le dire de manière publique, cet homme doit respecter les engagements qu'il a pris. M. Moutinot n'est naturellement en rien responsable de cette affaire. L'on devrait cependant exiger l'ouverture simultanée des chantiers lorsqu'un bâtiment doit être rénové. Un autre plan localisé de quartier avait prévu la rénovation d'un immeuble un peu plus bas, le long de la Terrassière, en même temps que la construction de la banque Lambert. Or, là non plus, le chantier n'a jamais été ouvert. Il ne s'agit bien entendu pas, comme l'a dit M. Pétroz, de punir le propriétaire: il s'agit simplement de l'inciter. A partir d'un certain point, il peut cependant devenir nécessaire d'intervenir. Je serai donc heureux de connaître la situation actuelle de cette affaire.

Puisque nous abordons des objets susceptibles de rencontrer un consensus, j'aimerais terminer en indiquant que j'ai entendu, dans plusieurs milieux de la construction, le désir de réanimer le bonus à la rénovation prévu dans la LDTR - bonus qui n'est plus appliqué depuis deux ans, sauf erreur de ma part. Certains députés du banc d'en face ont également évoqué ce point aujourd'hui, même si M. Vaucher a utilisé le terme «malheureusement» - mais je suppose que ce terme faisait allusion au chômage à venir. Je pense qu'en raison précisément de ce chômage, il faudrait réactiver ce bonus. Je vous rappelle d'ailleurs que nous avons déposé un projet de loi sur cette question. Il est dommage que l'on n'ait pas pu le renvoyer...

Le président . Monsieur Grobet, il faut terminer !

M. Christian Grobet. ...sans débat ou le traiter en urgence. Ce projet de loi pour le rétablissement du bonus à la rénovation se trouve donc à l'ordre du jour de notre séance, projet auquel M. le président est certainement très sensible.

Le président. Je céderai la parole à M. le rapporteur ainsi qu'à M. Moutinot, après quoi nous voterons, car l'enthousiasme général commence à s'émousser.

M. Gabriel Barrillier (R), rapporteur. Je laisserai le président du département apporter quelques précisions concernant le redémarrage du bonus. Un projet de loi a effectivement été déposé par l'Alliance de Gauche, si je ne me trompe pas, mais j'ignore quand il passera à l'ordre du jour.

Je suppose que le président du département vous expliquera que ce projet de loi, bien que partant d'une bonne intention, n'est pas utile; il est en effet possible de faire redémarrer ce bonus sans autre. Le chômage dans le secteur de la construction étant passé de 150 à 450 chômeurs sur un total de onze mille ouvriers, ce qui représente un taux de 4%, il est grand temps de faire redémarrer ce bonus, conformément à la loi.

M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Si je suis extrêmement heureux de la belle unanimité de la commission du logement, je partage nettement moins son enthousiasme quant à la mission qu'elle m'assigne. Ceci dit, je présenterai très volontiers un rapport relatif à l'application de l'article 42A de la LDTR dans les six mois à venir - il s'agit là du délai légal, et nous ferons en sorte qu'il soit tenu.

Il est vrai, en deuxième lieu, que les partenaires sociaux ont demandé la réactivation du bonus conjoncturel à la rénovation. Lorsque cette demande a été formulée au début de l'automne, j'ai eu, dans un premier temps, quelques réticences. Le bonus sur la restauration était en effet lancé à ce moment-là, et l'activation simultanée de ces deux bonus ne me paraissait pas d'une grande habileté car, bien que différents l'un de l'autre, ils touchent pour une large part la même matière. Toutefois, au vu de la conjoncture actuelle dans le secteur du bâtiment, le bonus à la rénovation sera remis en fonction. Je ferai remarquer à M. Barrillier, que la réactivation de ce bonus nécessite tout de même, à un moment donné, un projet de loi doté d'un crédit suffisant. Cette question de crédit ne posera pas de problème dans le budget 2003 car, compte tenu des délais entre la prise de décision de subventionnement et le paiement - qui, lui, n'intervient qu'à l'issue des travaux - aucun paiement ne sera, de fait, effectué avant 2004. L'on doit donc pouvoir faire le joint entre ces deux dates.

J'avais décidé d'être extrêmement sévère. La modération de M. Sommaruga m'incite toutefois à être beaucoup plus raisonnable. Si je dois comprendre cette motion comme étant une demande de suivre attentivement les immeubles qui posent des problèmes de sécurité et de salubrité, je puis l'accepter. Si cette motion avait impliqué la tenue systématique - et à jour - de l'inventaire de tous les immeubles de la République avec la mention systématique de chaque défaut de sécurité ou de salubrité, vous n'auriez en revanche pas entendu des propos très courtois de ma part. Cependant, ayant compris que vous limitez l'action du département dans la première direction, je vous informe que nous serons en mesure, moyennant un certain nombre d'efforts, d'y répondre. Par la suite, il est évident que si l'on observe des défauts, ce n'est pas pour les garder pour notre propre édification personnelle, mais pour en faire profiter les personnes susceptibles de remédier à ces défauts en les informant, le cas échéant, des aides qui peuvent exister.

Il est vrai que l'unanimité de la commission représente une situation assez extraordinaire: les intérêts des propriétaires d'un côté, des locataires de l'autre, se sont accordés quant à une mise à contribution de l'Etat. Il s'agit d'une philosophie intéressante, qui peut avoir dans le cas présent des résultats positifs. Si cette philosophie était élevée à l'état de pure doctrine, l'on pourrait en revanche émettre quelques doutes.

Mise aux voix, la motion 1379 est adoptée.