République et canton de Genève

Grand Conseil

RD 463
Rapport de la commission de contrôle de gestion (années 2001-2002)
Rapport de M. Pierre Froidevaux (R)

Débat

M. Pierre Kunz (R), rapporteur ad interim. Je me fais le porte-parole de Pierre Froidevaux, auteur du rapport qui nous occupe. C'est un rapport qui est long, et il mérite de l'être; il est complexe, parce qu'il doit l'être. Permettez-moi donc de prendre dix minutes de votre temps pour vous le présenter et pour le présenter surtout à tous ceux qui n'ont pas eu le courage de le lire, car c'est un rapport important.

Conformément à la volonté de notre conseil, la commission de contrôle de gestion rend public, avec ce rapport, l'ensemble de ses activités de l'année écoulée. Ce rapport décrit la totalité des dossiers examinés. Il est exhaustif des sujets pris en considération. Cependant, la grande majorité de ceux-ci ne font pas l'objet d'un développement. Une publication ultérieure est à envisager selon leur importance qui dépend évidemment, essentiellement, de l'intérêt général. Il convient de rappeler ici la légitimité de cette commission, sa crédibilité et de terminer par quelques rappels et des recommandations.

La légitimité de la commission tout d'abord, Mesdames et Messieurs. Le contrôle de l'activité de l'Etat est le rôle essentiel du parlement et a fortiori de toutes ses commissions. Cependant, notre parlement a souhaité, en 1999, qu'une commission soit plus spécifiquement dédiée au contrôle de la gestion des affaires publiques.

Petit rappel de l'histoire genevoise récente. A partir des années 90, les collectivités publiques et surtout l'Etat de Genève ont accumulé des déficits abyssaux. En 1996, le souverain avait réagi en soutenant largement l'initiative du comité «Halte au déficit» qui réclamait un audit généralisé des finances publiques. Le Conseil d'Etat s'y était opposé, à l'image d'ailleurs de tous les partis représentés à l'époque dans cette enceinte. Mais le peuple a exigé ce contrôle malgré ce vent contraire. A la suite du vote, Arthur Andersen a fait son travail en rendant un audit qui a provoqué de multiples discussions sans déboucher sur du tangible.

Devant ce qu'il convient d'appeler, quoi que l'on en dise, une certaine inertie du Conseil d'Etat, du moins apparente, notre conseil, par respect de la volonté populaire, a mis en place une commission appelée «suivi de l'audit». Celle-ci s'est mise au travail en automne 1997 et a perçu des borborygmes de chaque département, mais n'a mis en évidence aucune réforme concrète.

Un parlement de milice n'a ni les moyens ni les compétences pour mettre en oeuvre les réformes de l'administration. Celles-ci sont de la compétence exclusive ou des moyens exclusifs de l'exécutif. Par contre, ce parlement a la tâche de les constater, de les discuter, de le rejeter ou de les soutenir. Comme cette commission n'avait strictement rien à soutenir, elle n'a pu que partiellement constater. Le constat le plus fondamental fut la mise en évidence d'un dysfonctionnement grave. Depuis quelques années, un contrôle transversal, interdépartemental, avait été mis en place, celui de l'Inspection cantonale des finances surnommée ICF. L'ICF rendait ses différents rapports exclusivement au Conseil d'Etat. Ce dernier les transmettait ou ne les transmettait pas, selon son bon vouloir, à la commission des finances. Le Conseil d'Etat faisait en l'occurrence preuve d'une curieuse opacité, opacité qu'avait pourtant déjà comprise toute la population en exigeant l'audit dont nous avons parlé. Il est alors apparu nécessaire de modifier cette étrangeté. La commission de contrôle de gestion est née ainsi.

Cette commission s'est donné les moyens nécessaires afin de pouvoir suivre la réforme de l'Etat et d'être le dépositaire privilégié des rapports des organes de surveillance de la gestion de l'Etat. Ainsi, la genèse de la commission de contrôle de gestion se résume par une légitimité issue de la volonté populaire afin d'assurer la transparence de la gestion publique et la mise en place d'une administration toujours adaptée à la marche du temps.

Si la légitimité de la commission ne peut être mise en doute, il reste à asseoir sa crédibilité.

Cette crédibilité dépend d'abord de sa méthode de travail. Aussi, ce premier rapport annuel décrit-il son fonctionnement tout en expliquant les quelques correctifs nécessaires pour en faire un instrument mieux adapté à sa tâche. Cette réflexion n'est d'ailleurs pas l'apanage de la seule commission de gestion genevoise. Son homologue fédérale s'est penchée sur son mode de fonctionnement, celui de la commission fédérale, pendant trois années. Ses conclusions, fort intéressantes, sont annexées au rapport. Le parlement fédéral s'est plus particulièrement astreint à définir le but d'une telle commission. Quel est-il ? Conformément à la constitution et à la loi, les commissions de contrôle de gestion sont chargées, nous dit-on, d'exercer un contrôle sur le gouvernement et l'administration. Elles doivent notamment faire ressortir la responsabilité démocratique de l'exécutif et de l'administration, évaluer, en deuxième lieu, les effets des activités de l'exécutif et de l'administration, et, en troisième lieu, engager avec l'exécutif et l'administration un processus d'apprentissage réciproque. On entend par «responsabilité démocratique» le devoir qui incombe à l'exécutif de justifier ses décisions devant le parlement. On entend par «évaluation des effets» l'appréciation portée par le parlement sur le but et les effets de l'exécution de la loi. On entend par «processus d'apprentissage» le fait de tirer les conséquences par la voie du dialogue, de l'appréciation portée.

Le président. Il faut vous acheminer vers votre conclusion, Monsieur le rapporteur, car vous avez épuisé votre temps de parole !

M. Pierre Kunz. Déjà ? Je suis très emprunté, Monsieur le président, car ce n'est pas mon rapport et je n'aimerais pas être un mauvais...

Le président. Le rapporteur dispose de 7 minutes, comme tout le monde. Allez-y, terminez !

M. Pierre Kunz. Merci !

Une voix. Quel président réducteur !

M. Pierre Kunz. Une commission de controle agit pour le bien général. Elle tient compte de la volonté populaire, des impératifs politiques et des tâches de l'administration. Elle perdrait donc tout son sens si elle s'opposait au souverain, si elle bloquait un processus politique ou si encore elle laminait l'administration. Ses délibérations tentent donc de se conformer à l'objectif du consensus. La commission doit s'efforcer de formuler les critiques et recommandations d'une manière qui soit acceptable pour tous ses membres et convaincantes vis-à-vis de l'extérieur.

La crédibilité de la commission de contrôle de gestion dépend aussi de sa force de persuasion. Lors de l'affaire des offices des poursuites et faillites, elle a su se constituer comme la plus haute autorité de la République afin d'imposer une réforme salutaire.

Quelles sont alors les recommandations de la commission ? L'examen des rapports des organes de surveillance de l'Etat montre que, globalement, les principes d'une comptabilité moderne ne sont toujours pas admis dans l'administration, qu'elle soit centralisée ou décentralisée. La diversité des plans comptables et leur changement parfois annuel, faute de directives imposées, ne permettent même pas de comparaisons entre les années.

Nous sommes donc très loin de l'objectif attendu par tous lors de la lecture des comptes, soit à connaître le coût réel d'une prestation servie par l'Etat de Genève. Aucun de ses services n'est capable de répondre à cette question pourtant élémentaire. Les normes que notre conseil a voulu imposer, appelées IAS, n'ont été adoptées jusqu'ici que par les Services industriels et l'Aéroport. Tous les autres organismes, l'Etat en particulier, ne sont pas en conformité, Mesdames et Messieurs, avec la loi. Il faut donc espérer que le successeur de Mme Calmy-Rey soit nettement plus... radical en la matière ! (Rires.)C'est ce que l'on appellerait la recommandation de principe. Cette action radicale doit aussi s'exercer sur la mise en oeuvre du processus de réforme de l'administration, appelé Service public ou SP 2005.

En guise de conclusion, Mesdames et Messieurs, le rapporteur tient à remercier tous ses collègues, le service du Grand Conseil et les différents organes de surveillance. En effet, cette commission est purement milicienne et ne s'appuie sur aucun département. Ce contexte rend difficile le devoir d'élu, alors que, par exemple, l'exécutif s'appuie sur une kyrielle de fonctionnaires prêts, je dirais même obligés de l'aider. Mais, Mesdames et Messieurs, nous avons au moins un de ces collaborateurs, notre secrétaire scientifique, M. Laurent Koelliker, chargé de la continuité de nos travaux et qui a été nommé voici quelques mois. Ce qui montre que nous, les députés, acceptons et sommes capables de réformer notre fonctionnement !

Enfin, une toute dernière remarque, Monsieur le président, qui nous rapprochera de la situation financière de l'Etat dont il a été question en début de soirée. En 1995, date du premier contrôle des comptes par l'ICF, les experts de cet inspectorat ont estimé que les comptes de l'Etat de Genève avaient été améliorés de près d'un demi-milliard vis-à-vis de la réalité. Cette manière de comprendre les chiffres a duré jusqu'en 1998, pour ensuite s'inverser. Dès 1999, les mêmes experts de l'ICF constatent une péjoration artificielle de ces mêmes comptes, par exemple de plus de 100 millions en 2001 en raison de provisions estimées exagérées. Depuis 1999, la présentation des comptes de l'Etat de Genève est devenue plus solide. Cette date coïncide - n'est-ce qu'un hasard ? - avec le début de l'activité de la commission de contrôle de gestion ! A l'image de son homologue fédérale, cette commission fait ressortir la responsabilité démocratique de l'exécutif et de l'administration et participe ainsi au changement. C'était son premier but. Il a été atteint, même si ce n'est que partiellement.

Le président. Je tiens à vous signaler, Monsieur le rapporteur que vous avez parlé 12 minutes et 45 secondes ! Je voulais exprès ne pas vous interrompre, mais l'on croit toujours que l'on parle brièvement, alors que l'on parle plus longuement. J'aimerais vraiment que le temps de parole inscrit dans notre règlement soit respecté par tout le monde. Je donne à présent la parole à Mme Gobet-Winiger qui, je le sais, sera brève !

Mme Alexandra Gobet Winiger (S). A l'occasion de ce premier rapport de la commission de contrôle de gestion, j'aimerais saluer l'important travail qui a été effectué par M. Pierre Froidevaux pour mettre en lumière tout le travail de la commission de contrôle de gestion, qui s'effectue à l'abri des regards des médias et même, souvent, de toute communication dans ce Grand Conseil.

J'aimerais dire ici combien cette voie, en quelque sorte souterraine mais constante, est importante, un peu avec les mêmes buts que les efforts de réflexion de la commission des finances, pour veiller à ce que les deniers publics atteignent la cible pour laquelle ils sont affectés ou alors, s'il y a des dysfonctionnements, pour que ceux-ci soient corrigés.

Mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres tant il est vrai que nous peinons à voir spontanément les rapports de surveillance suivis d'effets par les entités auxquelles ils sont adressés. C'est là qu'il est important qu'il y ait un regard des élus du peuple pour s'assurer que les entités, le gouvernement, donnent une suite, débordés qu'ils sont, aux observations qui leur sont adressées. La réponse est variable d'un département à l'autre. Il reste encore beaucoup de choses à modifier et à adapter.

Il est important de dire que s'il n'y a pas eu à ce jour beaucoup de rapports de la commission de contrôle de gestion, il se pourrait bien qu'il y en ait davantage en 2003. On ne nous en voudra pas si certaines choses ne restent finalement que des conversations entre le gouvernement et la commission. C'est aussi un moyen d'améliorer le fonctionnement de l'Etat. (Applaudissement.)

M. Christian Grobet (AdG). J'aimerais m'associer aux remerciements de Mme Gobet pour le rapport de M. Froidevaux qui a effectivement accompli un travail considérable, mais aussi remercier M. Kunz qui l'a remplacé au pied levé et qui, même s'il est membre de la commission et suit de près ses affaires, a parfaitement su prendre le relais de M. Froidevaux.

A la fin de son intervention, M. Kunz a mis en évidence le travail considérable que représentent les enquêtes menées par une commission formée de députés de milice et les problèmes que cela pouvait susciter. Ce qui m'amène d'abord à remercier les membres de cette commission, qui ont fait un travail énorme, dans l'ombre, comme Mme Gobet vient de le souligner, et un travail qui n'est peut-être pas aussi spectaculaire que celui d'autres commissions, mais combien utile !

On en revient là au problème posé, qui est de savoir de quelle manière on peut contrôler, de la façon la plus efficace possible la gestion de l'Etat, qui est évidemment un énorme mastodonte, comme M. Kunz l'a relevé tout à l'heure. Quel que soit l'organe de contrôle, il est difficile de tout contrôler. On est obligé de sélectionner. Je rappelle que l'Alliance de gauche avait déposé un projet de loi qui est à l'origine de ces mesures, quoique nous aurions voulu précisément que la commission de contrôle de gestion, élue par le Grand Conseil, puisse comporter des membres qui ne siègent pas forcément comme députés au Grand Conseil et qui auraient été rémunérés de manière qu'ils puissent consacrer un certain temps à cette tâche. Il est effectivement difficile pour les députés de milice d'assumer cette tâche importante. Nous avons déjà une commission très lourde, la commission des finances, sans parler de toutes les autres commissions où il faut siéger.

A mon avis, il est évident, et je crois que le travail de la commission le montre, que le contrôle parlementaire est quand même le meilleur des contrôles. Le rôle de l'Inspection cantonale des finances a été valorisé à partir du moment où l'on a prévu dans la loi que ses rapports ne seraient pas seulement remis au Conseil d'Etat. Lorsque nous étions dans la commission ad hoc en train d'élaborer la loi permettant à cette commission de contrôle de gestion de fonctionner, j'avais fait part de ma propre expérience au Conseil d'Etat, où les rapports de l'ICF finissaient dans un tiroir et dont personne ne s'occupait. Maintenant, le simple fait que ces rapports arrivent également à la commission de contrôle de gestion a certainement eu comme effet que les rapports de l'ICF sont beaucoup plus sérieusement pris en compte par le Conseil d'Etat. S'il ne devait pas le faire, la commission de contrôle de gestion ou la commission des finances pourraient évidemment demander des comptes sur le suivi de ces rapports.

J'aimerais quand même rappeler que c'est grâce à ce Grand Conseil que le dysfonctionnement d'un service particulièrement important de l'Etat, sur lequel planaient des soupçons depuis des années, mais où rien ne s'était passé - je parle de l'office des poursuites et faillites - a finalement été mis à jour et que des mesures de réorganisation ont pu être prises. On voit bien l'efficacité d'un organisme parlementaire qui a évidemment une résonnance toute autre qu'un service qui se borne à remettre des rapports au gouvernement! C'est pour cela, dans l'examen des moyens futurs, que l'on parle beaucoup de la cour des comptes, qui est un modèle français. Je ne doute pas que cette cour des comptes, avec des professionnels, pourra faire du bon travail, mais je ne suis pas encore certain que les rapports de la cour des comptes seront aussi percutants dans le suivi que les rapports de la commission de contrôle de gestion. Il faudra prendre garde, à un moment donné, que l'on ne se marche pas trop sur les pieds entre l'ICF, la commission de contrôle de gestion et une éventuelle cour des comptes. C'est un problème réel.

Les membres de la commission de contrôle de gestion, qui sont en train de faire l'apprentissage de ce nouvel organe de contrôle, devront effectivement réfléchir à un moment donné, comme M. Kunz l'a dit, aux moyens dont disposera cette commission. Vous avez souligné qu'un collaborateur scientifique, semble-t-il de haut niveau, avait été engagé. Mais peut-être faudra-t-il envisager d'en avoir quelques-uns de plus pour précisément, en collaboration avec l'ICF, assurer véritablement le suivi. Il ne sera pas possible que les députés de milice fassent cela eux-mêmes.

Je considère pour ma part, et c'est le point de vue de l'AdG, que nous devons privilégier le contrôle parlementaire parce que c'est celui qui a le plus de chances, à notre avis, de donner des résultats concrets. Je crois que vous êtes en train d'en fournir la preuve.

J'en terminerai simplement, on n'a pas encore eu l'occasion de l'évoquer, avec le projet de loi concernant cette institution sociale très intéressante qui s'appelle Trajet. Nous souhaiterions, Monsieur Kunz, que la commission de contrôle de gestion examine un dossier comme celui-là. Nous sommes saisis maintenant d'une demande de crédit supplémentaire très important. Or, cela fait trois ou quatre ans que l'on se rend compte qu'il y a de graves problèmes au sein de cette institution. Une première série de mesures de sauvetage a été prise. Voilà que le Conseil d'Etat nous demande de nouveau...

Le président. Il faut s'acheminer vers la conclusion !

M. Christian Grobet. J'en termine par là ! ...une contribution importante. Avec votre sagacité, voilà un dossier qui... Je m'excuse de parler d'un nouveau dossier, Monsieur Kunz, mais comme vous semblez assez friand en la matière, je voulais profiter de cette occasion pour en signaler un qui nous préoccupe, en tout cas dans notre groupe de députés.

M. Pascal Pétroz (PDC). J'aimerais m'associer aux louanges de mes préopinants à l'égard de M. Pierre Froidevaux, président de la commission de contrôle de gestion, ainsi qu'à M. Kunz qui vient de nous livrer un excellent rapport.

Il est vrai que la commission de contrôle de gestion a de nombreux avantages. Un des plus importants est le fait que cette commission soit capable de s'autosaisir. N'importe quel citoyen peut s'adresser à un député membre de la commission de contrôle de gestion. Si ce député estime qu'il y a lieu de mener une enquête, il peut alors soumettre le cas à la commission qui décide s'il y a lieu d'aller de l'avant ou pas. Du point de vue démocratique, il s'agit d'un instrument extrêmement important.

En pratique, ce qui est aussi extrêmement intéressant, c'est que les débats au sein de cette commission ne sont pas partisans. L'activité de cette commission est la plupart du temps consensuelle et constructive, ce qui est important.

Cela étant, Mesdames et Messieurs les députés, tout n'est pas rose et je n'aimerais pas que le débat qui a lieu à l'occasion de ce rapport se limite à un exercice d'autocongratulations. Il y a quand même un certain nombre de questions que nous devons nous poser au sujet du fonctionnement de cette commission de contrôle de gestion.

Je fais partie des nouveaux membres de cette dernière et je dois dire que j'ai été relativement frappé, c'est aussi le cas de M. Slatkine puisque nous nous sommes souvent exprimés à ce propos, par l'utilité du travail que nous pouvions avoir parfois. Il y a d'une part le manque de moyens, dont nous avons parlé tout à l'heure, qui devrait s'améliorer par l'engagement du collaborateur scientifique dont nous avons parlé, mais il y a un autre problème: la commission de contrôle de gestion peut confier des mandats à l'extérieur pour se livrer à des études particulières, mais le budget dévolu à la commission est limité à 100 000 F. C'est un budget qui peut être considéré comme très important dans certaines circonstances, mais, dans d'autres, ce n'est pas suffisant.

Cela étant, le problème des moyens n'est pas le seul. On constate tout de même qu'une bonne partie des débats de la commission de contrôle de gestion est éminemment utile, mais il faut aussi bien considérer qu'une autre partie du temps consacré à l'analyse des différents problèmes est l'occasion de réinventer la roue. Ce sont des discussions certes intéressantes, mais qui ne nous permettent pas d'avancer concrètement, qui relèvent plus de la discussion de comptoir que d'un travail constructif et utile.

Je vous livrerai, Mesdames et Messieurs les députés, un sentiment mitigé en tant que membre de cette commission de contrôle de gestion. Une envie de faire oeuvre utile, mais le sentiment que cette activité est insuffisante, notamment en ce qui concerne le manque de moyens que nous avons et le lien que notre commission peut avoir avec d'autres instances de contrôle de notre Etat. Je parle par exemple de l'ICF. Nous travaillons la plupart du temps de la manière suivante: nous prenons connaissance des rapports de l'ICF et nous nous répartissons, un député de l'Entente et un député de l'Alternative, un sujet particulier. Ces deux sous-commissaires sont chargés de rapporter à la commission de contrôle de gestion. C'est bien joli sur le papier, mais que se passe-t-il en pratique ? Nous avons un rapport de l'ICF, qui est un rapport fouillé. Les inspecteurs de l'ICF sont des professionnels, ils se sont rendus sur place, ont épluché les comptes, regardé comment les choses se passaient. Bref, ils ont effectué un travail de fond. Que faisons-nous ? Nous reprenons les rapports de l'ICF et nous refaisons exactement le même travail, avec beaucoup moins de moyens. J'estime que ce type de travail est très utile. Pour la culture générale des députés qui s'en occupent, c'est certainement très intéressant, mais il me semble que ce n'est pas particulièrement utile et toujours constructif. Ce que je souhaite pour l'année prochaine, c'est que cette commission, qui peut avoir un rôle majeur à jouer, s'attelle à réévaluer un peu son mode de fonctionnement, son mode de travail, de manière à être vraiment utile et de façon à pouvoir relever les défis qu'elle doit. (Applaudissements.)

M. Pierre Weiss (L). J'aimerais approuver les propos tenus par mon collègue, M.  Grobet, sur l'appréciation positive concernant le rapport qui nous a été soumis ce soir par le tandem - oserais-je l'appeler ainsi ? - des deux Pierre. Un troisième essayera d'apporter la sienne à ce propos ! Celle que j'aimerais apporter consiste à signaler qu'une réflexion est en train de s'instaurer au travers des discussions qui sont actuellement en cours à la commission des finances à propos d'un projet de loi concernant la création d'une cour des comptes. Il est procédé à des auditions qui nous permettent d'entendre ce qui se passe à Berne et, d'une certaine façon, en France et dans d'autres pays européens. A l'issue de ces travaux et de ces auditions, nous ne manquerons pas, par un rapport adéquat, de venir devant vous pour vous proposer une nouvelle articulation de la configuration qui existe à ce jour. L'on peut certainement se demander s'il ne serait pas exagéré d'ajouter une cour des comptes à ce qui existe aujourd'hui. Mais l'on peut tout aussi bien se dire le contraire, sans pour autant mettre en cause l'existence de la commission de contrôle de gestion. Même si certains doutent de sa réelle pertinence, on peut néanmoins penser qu'elle joue un rôle réel. Se pose encore la question de la place à accorder à l'ICF.

Lorsqu'on se penche sur certains rapports de l'ICF, concernant notamment des institutions ou des segments de l'Etat connaissant des passages douloureux, l'on peut penser qu'il serait préférable que cette ICF devienne le bras armé, en quelque sorte... (L'orateur est interpellé.)...qui est l'expression, je n'ose dire de mon alter ego, mais en tout cas de la version française de mon nom, à savoir M. Blanc, qu'elle devienne le bras armé de cette cour des comptes, laquelle, formée de magistrats, aurait une puissance bien autre et aussi une indépendance toute autre que celles dont jouit, ou plutôt dont ne jouit actuellement pas l'ICF du fait de son rattachement au département des finances.

C'est dans ce sens, Mesdames et Messieurs les députés, que j'aimerais conclure mon intervention. Si le rapport de ce soir concernant la commission de contrôle de gestion est important, il est aussi un propos d'étape et nous n'en avons pas fini d'en reparler. (Applaudissements.)

Mme Martine Brunschwig Graf. En présence de mes nombreux collègues, j'ai le plaisir de prendre brièvement la parole. Tout d'abord pour remercier la commission de contrôle de gestion. Il est vrai que le Conseil d'Etat, qui est en l'occurrence indépendant, comme l'est d'ailleurs la commission, si ce n'est qu'il est soumis à votre contrôle, a bénéficié d'un travail de qualité, de rapports transparents et de procédures permettant de respecter à la fois les personnes et les processus mis en cause.

J'aimerais ajouter une seconde chose - puisque vous avez évoqué tout à l'heure les rapports de l'ICF, les recommandations et leur suivi - qui était l'une des préoccupations de la commission de contrôle de gestion. Je rappelle que les directives ou plutôt les recommandations de l'ICF sont, de par la loi, à partir de 2002, contraignantes et que le Conseil d'Etat doit, s'il ne les suit pas, donner les explications nécessaires. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à l'ICF de procéder à l'évaluation des recommandations, d'envoyer la liste au Conseil d'Etat et de signaler au Conseil d'Etat les éléments pour lesquels il estime qu'il n'y a pas eu jusqu'ici de suivi et qui devraient donner lieu, pour le Conseil d'Etat, à une prise de position et à des décisions. Il en sera donc fait ainsi et les commissions concernées du Grand Conseil en seront informées.

Troisièmement, je relève, tout comme l'ont dit quelques préopinants, le fait qu'il sera nécessaire, dans les débats sur la cour des comptes, de prendre en considération les expériences que vous menez à l'heure actuelle avec la commission de contrôle de gestion. Quelle que soit la structure de contrôle choisie à l'issue des travaux de la commission des finances, il sera important à la fois de ne pas créer de doublons, c'est tout aussi dangereux dans le contrôle, et de ne pas engendrer de lacunes, ce qui serait tout aussi dommageable. C'est donc un travail minutieux qu'il s'agira de faire. En ce sens, l'expérience de la commission de contrôle de gestion se révélera très utile.

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.