République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 29 novembre 2002 à 17h05
55e législature - 2e année - 2e session - 9e séance
PL 8552-A
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous informe que j'ai reçu un amendement signé par MM. Portier, Kunz, Pagan et Muller. Je n'ai pas les signatures de M. Blanc et de M. Weiss - elles seront rajoutées s'il le faut. Cet amendement propose de réduire la somme de 35,5 millions à 30 millions. Nous voterons donc d'abord sur le montant de 30 millions, puis sur celui de 35,5 millions, s'il y a lieu.
Monsieur le rapporteur, je vous donne la parole.
M. Jean-Marc Odier (R), rapporteur. Il s'agit d'un montant important - 35,5 millions...
Le président. Attendez, Monsieur le rapporteur, il y a un amas - un petit essaim - devant le Conseil d'Etat... Je vous prie, Mesdames et Messieurs, de ne pas discuter ici avec Mme la présidente du Conseil d'Etat, Mme la conseillère d'Etat chargée du département de l'instruction publique ou M. le conseiller d'Etat chargé de l'intérieur. Si vous le désirez, vous pouvez vous rendre à la salle des Pas-Perdus, et je vous remercie de laisser la séance plénière se dérouler tranquillement. Nous devons en effet voter 35,5 millions en urgence, à la demande de M. Moutinot, pour des achats de terrain.
Monsieur le rapporteur, je vous redonne la parole.
M. Jean-Marc Odier. Je veux juste préciser l'utilisation des 35,5 millions demandés par le Conseil d'Etat. Pour la part des 30 millions, il s'agit du financement permettant au Conseil d'Etat de mener une politique d'acquisition de terrains, répartie comme suit: un quart pour le logement, un quart pour la zone industrielle, un quart pour l'équipement public et le reste pour diverses organisations internationales, délassement, etc. Le deuxième volet de ce projet de loi, soit 5,5 millions, est prévu pour permettre d'acquérir la parcelle dite du site Artamis, sur laquelle pourrait être construit du logement.
Voilà, je voulais juste cadrer le débat.
M. Jacques Baud (UDC). J'aimerais juste poser une question...
Il s'agit de vendre des terrains qui ont appartenu aux Services industriels, et on sait que pas mal de ces terrains ont été pollués et qu'il est question d'y construire des logements - pour un quart de la somme... Mais s'est-on assuré que ces terrains ne sont pas pollués ? S'ils le sont, dans quelle mesure ? Combien cela va-t-il coûter pour les dépolluer et combien de temps cela prendra-t-il ?
M. Carlo Sommaruga (S). Le manque de terrains en main de l'Etat est une des pierres d'achoppement de la politique du logement et explique la crise actuelle. L'absence de maîtrise foncière en différents endroits de ce canton par l'Etat ne permet malheureusement pas de mener à bien une politique sociale du logement. Ainsi, lorsque l'Etat n'a pas les moyens d'acheter des parcelles dans le cadre de son droit de préemption en zone de développement, cela remet en cause le pilotage efficace de ces opérations. De même, l'absence de terrains propices à la construction de logements en mains de l'Etat de Genève n'a pas permis et met encore en difficulté la réalisation du plan d'urgence des trois mille HBM, et celui-ci ne peut pas mettre suffisamment de terrains à disposition des fondations immobilières de droit public pour construire ces logements.
De même, la carence de terrains en mains de l'Etat ne permet pas de poursuivre plus avant une politique en faveur des coopératives en octroyant des droits de superficie à ces institutions, qui permettent de garantir à long terme des logements bon marché.
Cette carence ne date pas d'aujourd'hui, et elle est, finalement, le résultat de l'absence de choix et de prévoyance du gouvernement qui depuis des décennies n'a pas su anticiper la raréfaction des terrains en zones de développement destinés à la construction de logements. C'est d'ailleurs pour cela que certains prônent aujourd'hui le déclassement immédiat de la zone agricole pour répondre à ce manque de terrains constructibles, alors même qu'il est possible, par le biais de l'Etat, notamment dans le cadre d'acquisition de terrains, d'accélérer un certain nombre de processus.
On peut se réjouir toutefois que, depuis au moins quatre ans, le Conseil d'Etat, et, par lui, le DAEL, ait modifié cette politique d'acquisition. En effet, le DAEL est intervenu, dans le cadre de la campagne Gardiol, pour acquérir ces terrains ainsi que les parcelles de Battelle. Il convient néanmoins de rappeler que la simple acquisition des terrains de la campagne Gardiol - sauf erreur de ma part - s'est élevée à un prix de 18 millions, ce qui montre bien que la somme de 30 millions prévue pour le programme d'acquisition de terrains semble relativement modeste pour mener une véritable politique d'acquisition active et surtout prospective.
Ce projet de loi avait été déposé il y a dix-huit mois, sauf erreur de ma part, et était destiné à permettre l'acquisition de différents terrains, notamment les terrains des Services industriels de Genève, à la Jonction, sur le lieu-dit Artamis. Il s'agit là d'une acquisition importante pour l'Etat dans la mesure où, avec la Ville de Genève, il est possible d'acquérir ces terrains à un prix qui a été renégocié - je vous le rappelle, à l'époque de M. Joye, le prix d'achat avait été négocié, par la Ville et pour l'Etat, à 15 millions environ. Or, aujourd'hui le prix a été réduit à environ 9 millions, qui se répartissent entre 5,5 millions pour l'Etat de Genève et 3,5 millions pour la Ville de Genève.
Cela permettrait, en l'état, de réaliser rapidement des logements, puisqu'il y a déjà un plan localisé de quartier en vigueur. Cent dix logements pourraient déjà être construits: il suffirait de libérer quelques baraques pour lancer un chantier, sans avoir à démolir les bâtiments en dur. Des contrats ont été négociés avec les gens d'Artamis, qui permettent effectivement des départs relativement rapides en vue de l'ouverture des chantiers.
Je rappelle encore que le plan localisé de quartier en vigueur sur ce site prévoit un taux de densité de 1,8 dont 60% sont destinés au logement et le reste à des activités. Il s'agit en effet d'un projet qui peut voir rapidement le jour, qui permet de fournir des logements à des fondations HBM, voire à des coopératives pour le projet de la ville, et de répondre à la crise actuelle. Ces terrains n'avaient intéressé qu'un seul partenaire privé, à savoir la Banque Pictet qui voulait à l'époque acheter ce terrain pour en faire un lieu d'activités exclusivement. Mais, malheureusement - ou, plutôt, heureusement - en raison du plan localisé de quartier en vigueur, il s'avérait impossible d'affecter ces surfaces exclusivement à des activités commerciales.
Dès lors, on ne peut pas maintenant scinder ce projet de loi en deux et empêcher l'acquisition qui a été négociée pendant plusieurs années avec les Services industriels de Genève d'entente avec la Ville, ce qui remettrait en question ces projets qui peuvent rapidement voir le jour.
Il faut donc voter ce projet de loi pour le montant intégral, soit 35,5 millions, pour permettre d'acquérir des terrains pour le logement en général et la réalisation rapide de logements en ce qui concerne Artamis, puisque tous les instruments ont été adoptés et que les chantiers peuvent être ouverts rapidement. Par ailleurs, ce projet de loi doit être également accepté, dans la mesure où il permet à l'Etat de Genève d'acquérir des terrains notamment pour les organisations internationales, qui, je le rappelle, sont des organisations qui permettent de promouvoir le rayonnement de Genève et l'économie locale.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous continuons. Il n'est pas nécessaire d'épuiser votre temps de parole - Monsieur Sommaruga, vous avez en effet parlé pendant 6 minutes 45 secondes - parce que nous devons voter avant la pause... Du moins, je l'espère !
Monsieur Muller, je suppose que vous avez demandé la parole pour présenter votre amendement. Je vous la donne.
M. Mark Muller (L). Oui, Monsieur le président. Notre groupe souhaite proposer un amendement à ce projet de loi, pour réduire la somme octroyée au Conseil d'Etat pour acquérir des terrains à 30 millions. Nous souhaitons en effet que le Conseil d'Etat dépose un projet de loi distinct pour l'acquisition d'une partie de la parcelle des Services industriels de Genève dans le quartier de la Jonction, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, nous souhaitons avoir des explications sur l'usage qui sera fait de cette parcelle par l'Etat, explications qui ne nous ont pas été fournies en commission.
Ensuite, il semble que le plan localisé de quartier actuellement en vigueur doit être modifié notamment pour répondre au projet dit «coquelicot», élaboré en commun par l'association Artamis, les occupants actuels de cette parcelle et la Ville de Genève. Dans tous les cas, cette parcelle n'est pas prête pour démarrer des travaux rapidement.
Troisième élément. Nous savons qu'un investisseur privé a offert un prix plus élevé aux Services industriels pour l'acquisition de cette parcelle, et nous nous demandons pour quelle raison les Services industriels acceptent un prix moins élevé pour permettre à l'Etat d'acquérir cette parcelle. Les Services industriels auraient tout simplement dû accepter l'offre la plus intéressante...
Nous souhaitons donc avoir plus d'explications sur les éléments exposés, et c'est pour cette raison que nous souhaitons pouvoir discuter en commission de ce dossier, en particulier sur la base de tous les éléments qui sont aujourd'hui à notre disposition.
M. Rémy Pagani (AdG). Je ne me prononcerai pas sur le fond du problème. J'aimerais juste apporter une précision par rapport à un point qui m'a fait bondir de mon siège... En effet, M. Mark Muller semble dire que les Services industriels vendraient aujourd'hui un terrain relativement bon marché à l'Etat de Genève et qu'il faudrait empêcher le Conseil d'Etat d'acheter dans ces conditions favorables pour laisser un promoteur privé - parce que j'imagine les choses comme cela - racheter ces terrains...
J'habite la Jonction, Monsieur Mark Muller, et j'ai eu le malheur - ou le bonheur - de participer au concours d'idées qui avait été lancé. Je vous rappelle que ce terrain valait plus de 1000 F le m2 quand les Services industriels de Genève voulaient le vendre 15 millions. A ce prix, il était impossible à la CIA, la CEH, ou n'importe quel promoteur, de construire des logements bon marché, et c'est pour cette raison que ce terrain est ce qu'il est aujourd'hui... En effet, au départ, le prix du terrain avait été forcé à la hausse par M. Ducor, directeur des Services industriels de Genève, suite à une opération un peu onéreuse qu'il avait faite à Châtelaine, et ce dernier ne pouvait pas supporter l'idée de perdre de l'argent dans cette transaction.
Pendant des années, ce terrain a été interdit de construction, tout cela parce qu'un directeur des Services industriels de Genève avait construit - si j'ose dire - un mausolée à Châtelaine, et qu'il voulait absolument rentabiliser son investissement en vendant à prix fort les terrains des Services industriels à la Jonction... Et aujourd'hui, vous osez nous dire que nous devons faire attention, qu'il y a quelque chose de bizarre ! Au contraire, nous devons absolument saisir cette occasion pour acheter ce terrain rapidement et y construire des logements bon marché, que ce soit le projet coquelicot ou un autre projet - peu importe - en Ville de Genève, ce que la population réclame à cor et à cri ! Je trouve, une fois de plus, Monsieur Muller, que vous êtes bien malvenu de nous demander d'attendre, parce que, sinon, un promoteur va se précipiter sur l'objet, il va le racheter bien évidemment à plus de 1000 F le m2, et nous n'aurons plus la possibilité de construire des logements bon marché au Centre-Ville à cause de vous !
Si vous voulez continuer à augmenter le déséquilibre flagrant, au niveau de la circulation et des problèmes liés à la zone urbaine, Mesdames et Messieurs les députés, soutenez M. Mark Muller !
Pour ma part, je pense qu'il faut voter ce projet de loi tout de suite pour donner les moyens au Conseil d'Etat de racheter ce terrain immédiatement, non pour faire une opération spéculative mais une opération qui corresponde aux besoins de la population en matière de logements bon marché, en achetant ces terrains moins de 1000 F le m2.
Le président. Je vous rappelle Mesdames et Messieurs les députés que vous devez vous adresser à l'assemblée ou à moi-même.
Se sont inscrits M. Grobet, Mme Künzler, M. Weiss, puis, M. Carlo Lamprecht. Ensuite, nous voterons. Vous avez la parole, Monsieur Grobet.
M. Christian Grobet (AdG). Je dois dire que le double langage de certains députés des bancs d'en face devient absolument insupportable ! (Exclamations.)
Vous êtes en train - à juste titre - de vous plaindre de la pénurie de logements à Genève... Et, en même temps, vous combattez toutes les propositions faites par le Conseil d'Etat pour réaliser le plus rapidement des logements répondant aux besoins de la population en vous opposant à des projets comme celui portant sur le déclassement de terrain à la Gradelle. J'ai appris - même si je ne fais pas partie, Monsieur Muller, de la commission de l'aménagement - que votre majorité de droite a décidé de bloquer jusqu'à fin février ce projet de loi du Conseil d'Etat qui permettrait de réaliser mille logements à la Gradelle. Nous avons du reste repris le projet de loi à notre compte et nous l'avons déposé, mais le président du Grand Conseil menace de ne pas le mettre à l'ordre du jour... En réalité, vous ne voulez pas voter sur ce projet de loi, vous la majorité de droite de ce Grand Conseil, qui permettrait de réaliser une opération d'envergure !
Le Conseil d'Etat propose à mon avis un crédit beaucoup trop modeste en matière d'acquisition de terrains pour la construction de logements. On voit, d'après les explications que M. Odier vient de nous donner, que ce crédit de 30 millions que vous avez réussi à bloquer pendant plus d'une année, parce que vous voulez freiner tous les projets de construction de logements sociaux, ne comporte en fait qu'une attribution de 25% du crédit pour la construction de logements, ce qui est insuffisant. Et de plus vous voudriez diminuer ce crédit pour que l'on supprime, par la bande, l'acquisition des terrains propriété des Services industriels à la Jonction.
J'aimerais tout d'abord remercier les Services industriels d'avoir finalement accepté - cela n'intéresse évidemment pas M. Muller, qui dit pourtant qu'il n'a pas bien compris de quoi il s'agissait...
Le président. Continuez votre diatribe et adressez-vous à moi, Monsieur Grobet ! Et arrêtez d'attaquer M. Muller !
M. Christian Grobet. Je n'attaque pas M. Muller. Je dis simplement que je réponds à sa prétendue interrogation, mais, évidemment, cela ne l'intéresse pas...
Si, aujourd'hui, on peut se féliciter que les Services industriels vendent le terrain en question à un prix compatible avec des logements sociaux, il n'y a rien de plus normal... En effet, les Services industriels ont été créés comme établissement autonome cantonal, il y a environ vingt-cinq ans, et faisaient partie du patrimoine de la Ville de Genève notamment, car, à l'époque, les Services industriels étaient une institution, dont faisait partie la Ville de Genève qui leur a finalement donné les terrains de la rue du Stand, comme capital de dotation. C'est un peu comme le capital de dotation que l'Etat avait créé pour le Palais des expositions à Plainpalais dans les années 1920...
Et puis, tout d'un coup, il y a quinze ans, on a voulu revendre à l'Etat le terrain en question à un prix astronomique. Eh bien, à mon avis, on ne peut pas accepter qu'entre collectivités publiques on procède de la sorte ! Il est normal que les Services industriels revendent à un prix normal ce terrain, qui était propriété de la Ville de Genève, qui est un bien public, à un prix normal aux pouvoirs publics pour pouvoir faire du logement social. M. Sommaruga a bien fait de rappeler qu'une initiative sur les HBM a été lancée il y environ dix ans et que l'on est incapable de répondre aux besoins de la population, qui connaît des difficultés financières, en construisant des logements HBM et, aujourd'hui, vous refusez de concrétiser ce projet. Je trouve cela absolument inadmissible !
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, bien que la liste ait été close avec le rapporteur et M. le conseiller d'Etat, et vu que nous siégeons depuis deux heures, nous avons droit à une pause. Nous allons donc interrompre le débat. (Exclamations.)Non, nous n'arriverons pas à finir !
Je tiens en tout cas à préciser que j'ai effectivement demandé, puisqu'il s'agissait d'une modification de zone, que l'Alliance de gauche présente son projet de loi conformément à l'article 15 A de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire. Cet article a été modifié sous l'ancienne législature, donc avec la majorité Alternative, et prévoit que, lorsque le Grand Conseil demande une modification de zone dans une commune, ce soit fait par voie de motion. Il n'était donc pas possible à l'Alliance de gauche de le faire sous forme de projet de loi. Je demande simplement à ce que la loi souhaitée et votée par M. Grobet lors de la précédente législature soit respectée, sinon nous soumettrons cette proposition, qui ne sera pas faite sous forme de motion, au Grand Conseil en plénum pour irrecevabilité. Il s'agit maintenant de respecter la loi et les règlements.
Bien, Mesdames et Messieurs les députés, puisque l'assemblée souhaite continuer... (Exclamations.)...ne souhaite pas continuer les travaux - c'est également mon avis - nous interrompons ici le débat et nous le reprendrons à 20h30.