République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 29 novembre 2002 à 20h30
55e législature - 2e année - 2e session - 10e séance
PL 8807
Préconsultation
M. Thierry Apothéloz (S). Monsieur le président, je vous propose que les motionnaires présentent d'abord leur projet de loi constitutionnelle. Je prendrai la parole ensuite.
Le président. Monsieur le député Büchi, vous avez la parole.
M. Thomas Büchi (R). Monsieur le président, je suis très content que vous me donniez la parole... Je n'étais pas le premier à appuyer sur cet honorable bouton, mais je veux bien entamer le débat.
Mesdames et Messieurs les députés, le droit de vivre en sécurité doit être garanti pour tous... (Brouhaha.)
Le président. Je vous écoute, Monsieur Büchi !
M. Thomas Büchi. Je ne suis pas sûr, Monsieur le président !
Le président. Je rappelle à tous ceux qui sont inscrits qu'il s'agit d'un débat de préconsultation, c'est-à-dire qu'une personne par groupe peut s'exprimer, et ce, pendant cinq minutes. Monsieur Büchi, allez-y !
M. Thomas Büchi. Monsieur le président, je poursuis.
Le droit de vivre en sécurité doit être garanti pour tous, parce que, sans sécurité, il n'y a pas de liberté. Nous pensons que ce projet de loi répond à une véritable préoccupation de la population à l'heure actuelle. Nous avons, en plus de l'article 1, ajouté un certain nombre d'articles ou d'alinéas pour étoffer ce projet de loi.
Ainsi, en nous penchant sur le problème relativement difficile et complexe de la sécurité, nous nous sommes par exemple rendu compte qu'il n'y a pas de concept cantonal de sécurité à Genève, et cela nous a surpris. Nous demandons alors, parallèlement à l'article 1, que cette notion de concept cantonal de sécurité soit à la fois planifiée et soumise au législatif pour qu'il puisse se prononcer au moins une fois par législature sur cette question.
Nous demandons également à ce qu'on donne les moyens au pouvoir judiciaire pour remplir sa tâche comme il se doit. En effet, selon nos sondages et les personnes que nous avons contactées, le Palais de justice est surchargé, les dossiers ne sont pas traités dans les délais impartis et le Palais de justice manque cruellement de moyens.
S'agissant des effectifs de la police, nous avons demandé aussi à ce que ces effectifs soient suffisants, ce qui ne veut pas forcément dire à nos yeux qu'il faille les augmenter. Mais un concept cantonal de sécurité permettrait au moins une meilleure planification des moyens à disposition et, surtout, d'éviter les doublons que l'on peut souvent constater entre la police cantonale et les polices municipales. Et cette planification devrait répondre à ce genre de problématique.
Ce projet devrait être soumis au peuple, mais, auparavant, il doit être débattu largement en commission, car le sujet est complexe, et il faut y répondre maintenant.
Je vous remercie de bien vouloir renvoyer ce projet à la commission judiciaire pour qu'elle puisse y travailler.
Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). Ce projet de loi veut inscrire dans la constitution genevoise le droit de vivre en sécurité, garanti à tous.
Il existe plusieurs définitions du mot «sécurité».
La première est une situation dans laquelle quelqu'un ou quelque chose n'est exposé à aucun danger, à aucun risque d'agression physique, d'accident, de vol, de détérioration: on parle alors de «sécurité totale».
Mais il y a aussi la «sécurité sociale». Une majorité politique de ce pays et de ce parlement aurait plutôt tendance à vouloir réduire cette sécurité sociale. Pour preuve, j'évoquerai la récente révision de la loi sur le chômage, qui va pénaliser et précariser de nombreux habitants de notre canton.
Il existe aussi la «sécurité routière». Pour l'Entente genevoise, la sécurité routière n'est même pas digne d'un débat en commission... Et je me permets de rappeler à ce sujet que, lors de notre dernière séance plénière, une majorité de ce parlement a dédaigneusement balayé toute réflexion en refusant purement et simplement l'entrée en matière de la motion «Vision zéro»... Ce texte proposait pourtant de prendre certaines mesures, afin de diminuer le nombre de morts et de blessés graves sur la route et de sécuriser la population face aux dangers de la route.
Une autre forme de sécurité a récemment occupé le devant de la scène... La «sécurité alimentaire», qui est très loin d'être assurée aujourd'hui.
Nous ne manquons pas d'être inquiets par les solutions proposées par le projet de loi de l'Entente, comme de faire régner la sécurité par la contrainte. Pourtant, les habitants de notre canton ne vivent pas dans l'insécurité.
Par contre, ils ressentent un sentiment d'insécurité surtout engendré par la peur du lendemain dans un monde toujours plus déshumanisé. C'est la peur de perdre de son emploi, parce que les entreprises restructurent, délocalisent, rentabilisent et licencient. C'est la peur de ne pas pouvoir payer son loyer, la peur de la maladie, la peur de la solitude, la peur liée à l'incertitude pour l'avenir des enfants dans un monde qui perd la boule...
Le discours sécuritaire de certains partis politiques sur fond de «peur des autres», des étrangers, des jeunes, soutenu par certains médias complaisants, a permis le triomphe de la droite chez nos amis... voisins français - amis, aussi, du reste.
A Genève, la droite est au pouvoir depuis des décennies... A-t-elle vraiment besoin de se focaliser sur ce sujet, en mettant l'accent sur une seule forme de sécurité ? Celle que l'on aurait en engageant un grand nombre de policiers - vous nous dites qu'il ne s'agit pas d'un grand nombre de policiers, mais rien n'est précisé à ce sujet dans votre projet... - en créant des prisons supplémentaires. Genève risquerait de devenir un Etat policier: une dérive que les Genevois n'ont jamais voulue !
Par contre, les Verts sont favorables à un véritable concept cantonal de sécurité avec une police de proximité dotée de moyens nécessaires pour accomplir ses missions de base. Mais pour nous, écologistes, la solution demeure avant tout préventive, en offrant à la population un cadre de vie agréable dans un environnement préservé, des emplois stables, une école égalitaire, un système de santé ouvert à tous, des lieux de rencontre et de convivialité.
Cette politique préventive s'appuie sur une répartition équitable des richesses. Elle nécessite également de travailler ensemble à une intégration qui passe par la tolérance.
Les Verts sont finalement d'avis qu'il faut développer une sécurité globale, et c'est dans cet esprit que nous militons pour une sécurité sociale, environnementale et économique, seule garante d'une société durable.
En conclusion, nous relevons le fait que l'arsenal juridique nécessaire au pur maintien de l'ordre existe déjà et qu'il ne paraît pas nécessaire d'inscrire la sécurité dans la constitution pour que les citoyens de ce canton se sentent en sécurité. (Applaudissements.)
M. Georges Letellier (UDC). Dans notre projet de loi 8721, annoncé en janvier 2002 et déposé en mars 2002, nous avions proposé la création d'une commission «insécurité», démocratique - un représentant par parti - chargée de faire l'interface entre le citoyen et le département de justice et police. Sans commentaire, notre projet fut rejeté à l'unanimité par la commission des droits politiques, démontrant l'antagonisme primaire de l'établissement vis-à-vis de notre mouvement ! Antagonisme confirmé, d'ailleurs, par le vote de la résolution contre notre initiative.
A juste titre, nous considérons votre projet de loi comme un plagiat de notre projet de loi 8721... (Exclamations.)Dans votre show médiatique du 3 septembre 2002, toujours dans la «Tribune de Genève» - soit cinq jours seulement avant le dépôt de votre projet de loi 8807 -, votre «Zorro» de service, qui venait de «barouder» dans les zones à risques au côté de la police, déclarait spontanément, je cite: «avoir découvert l'existence de l'insécurité et qu'il fallait changer la constitution»...
Sans être grand clerc - tout le monde l'aura compris - cette mise en scène précipitée et bien orchestrée avait surtout comme objectif de couper l'herbe sous les pieds de l'UDC...
M. John Dupraz. On a réussi, on est content ! (Rires.)
M. Georges Letellier. Parle pas trop vite, conard ! (Exclamations.)
En revanche, l'impact médiatique recherché fut un succès... pour l'UDC ! Le citoyen surpris par les tonitruantes déclarations d'un parti venant de faire ses preuves d'apathie en matière d'insécurité s'est logiquement demandé, après la mouche tsé-tsé, quelle mouche avait bien pu piquer le coche radical... Devinez ? Découvrir subitement l'évidence de l'insécurité et sortir le panneau: «Attention, danger !», après dix ans à la tête du département de justice et police, avec les résultats qu'on connaît, il ne fallait pas avoir peur du ridicule...
Pour conclure, votre délégué cite solennellement une maxime libérale devenue aussi célèbre qu'inefficace, mais sciemment rabâchée et claironnée par les médias inféodés au système afin de masquer l'impuissance des autorités face à la montée de l'insécurité, je cite: «Nous privilégions la prévention à la répression.»
En clair, vu le bilan de vos résultats sur dix ans, cela signifie que vous privilégiez l'inaction à la répression, tout en sachant que la conséquence de votre immobilisme est l'augmentation constante de l'insécurité et du mécontentement populaire, preuve en mains.
Corroborant mes propos, je terminerai par une autre maxime, prononcée ici même par un émule radical: «Les radicaux savent tirer les leçons de leurs erreurs»...
Restons sérieux, Mesdames et Messieurs de l'Entente ! Vous avez eu dix ans pour faire vos preuves et corriger vos erreurs... Au terme de ces dix ans, nous avons malheureusement dû constater qu'en matière d'insécurité vous avez surtout brillé par votre laxisme chronique !
M. John Dupraz. Bravo, Monsieur Letellier, vous êtes génial ! (Rires.)
M. Georges Letellier. Nous ne sommes pas là par hasard, Mesdames et Messieurs de l'Entente ! Vu votre immense expérience, votre entêtement et votre détermination à privilégier la prévention - donc, l'inaction - nous sommes convaincus que votre projet de loi 8807 n'est qu'une tentative d'enrayer l'action citoyenne que nous menons dans le domaine sécuritaire.
L'article 10B, nouveau, de votre projet correspond encore et toujours à votre philosophie préventive, et ne correspond pas à l'esprit de l'exposé des motifs qui parle de répression et qui s'inspire largement de notre projet de loi 8721 résumant clairement la situation à laquelle nous sommes aujourd'hui confrontés.
En l'état, vous persistez dans l'erreur préventive, et votre absence chronique de volonté politique ne permet pas d'assurer la sécurité du citoyen à long terme.
Nous refusons donc de soutenir ce projet. (Rires. Le président agite la cloche.)En revanche, comme nous l'avions proposé dans notre projet de loi 8721, nous sommes ouverts à un large débat démocratique.
La sécurité n'a jamais été l'exclusivité de l'Entente !
Mesdames et Messieurs, les premiers résultats sont tombés dimanche... Continuez comme cela ! Ce n'est pas le changement de la constitution qu'il nous faut, c'est un changement de volonté politique. J'ai dit: Georges Letellier. (Applaudissements.)
Le président. Monsieur Vanek, pour l'Alliance de gauche, vous avez la parole en tour de préconsultation: cinq minutes comme tout le monde.
M. Pierre Vanek (AdG). J'espère ne pas dépasser ce temps, Monsieur le président... Prévenez-moi quand j'arrive à quatre minutes !
Le porte-parole de l'UDC, en employant des termes que les connaisseurs auront reconnus, qui viennent de l'arsenal sémantique du Front national: «le système», «l'établissement», etc. - vous ne le nierez pas, Monsieur Letellier - a dit certaines choses qui sont finalement vraies. Par exemple, que ce projet de loi de l'Entente était un pur plagiat du projet de loi déposé par l'UDC et que celle-ci marchait sur ses plates-bandes... Et c'est en effet bien le cas ! C'est de cela qu'il s'agit !
Vous dites à la fin de votre exposé des motifs, je cite: «Nous sommes conscients que certains pourraient chercher à vouloir voir derrière l'introduction de ce texte de rang constitutionnel une prétendue dérive sécuritaire.» Bien sûr - bien sûr - qu'en filigrane il y a de la surenchère dans le sens de réprimer plutôt que de prévenir - comme vous l'avez expliqué, avec la franchise qui vous caractérise, Monsieur Letellier.
Maintenant, vous évoquez - Monsieur Büchi, je crois - le droit pour tous de vivre en sécurité, et vous voudriez que ce droit-là soit maintenant inscrit dans notre constitution cantonale.
A ce niveau - et ma préopinante Verte l'a évoqué - il y a bien d'autres droits qui ne sont pas inscrits dans la constitution et qui pourraient l'être... Des droits que l'on trouve dans la Déclaration universelle des droits de l'homme: le droit au travail, le droit au libre-choix de son travail, à des conditions satisfaisantes dans son travail, à la protection contre le chômage, à un salaire égal pour un même travail, et d'autres droits encore en matière de santé, etc. Mais vous avez choisi - et ce n'est pas par hasard - le problème de la sécurité vu sous un angle répressif. C'est une manoeuvre discutable et démagogique.
Nous ne vous avons évidemment pas attendus, pas plus que l'UDC, pour faire un certain nombre de propositions concrètes dans ce domaine et même pour la police - oui, Mesdames et Messieurs: la police ! - mais une police au service des habitants... Nous avons proposé que soient inscrits dans la loi les postes de police pour qu'ils ne puissent pas être fermés au bon vouloir du Conseil d'Etat ou du département de justice et police, et que les citoyens puissent s'y adresser en cas de besoin. Nous avons proposé d'aller dans le sens d'une police au service des habitants, que les effectifs soient limités, ainsi que les interventions, souvent disproportionnées et incongrues de la Brigade d'intervention dont les membres se prennent pour des petits CRS à l'échelle cantonale... Il vaudrait mieux les remplacer par des gendarmes à l'échelle des quartiers. Ce sont des propositions concrètes que nous avons faites il y a déjà un certain temps. Et de ce point de vue, nous refusons d'entrer en matière sur ces propositions, qui, effectivement, empiètent sur le terrain de l'UDC.
Vous invoquez, dans votre exposé des motifs, Mesdames et Messieurs, une recrudescence des délits violents, etc. Vous vous référez, par exemple, au rapport 2001 de l'Office fédéral de police sur la sécurité, qui est cité de manière éminemment tronquée... Je vous signale qu'en tête de ce rapport, sous «Vue d'ensemble», il est indiqué que la Suisse demeure et reste l'un des pays les plus sûrs d'Europe. Vous vous référez à la page 17 de ce rapport, pour évoquer l'augmentation des délits... Je vous signale qu'en page 16 on signale une légère baisse de la criminalité et, surtout, on explique que toutes ces statistiques policières doivent être prises avec circonspection, dans la mesure où les statistiques en la matière ne sont pas vraiment fiables, car les moyens utilisés ne sont pas scientifiques.
Mais nous discuterons de tout cela en commission, et je ne manquerai pas de revenir sur ces points.
Le président. Cela fait quatre minutes que vous parlez, Monsieur le député...
M. Pierre Vanek. Mais c'est merveilleux ! J'allais justement conclure, Monsieur le président !
Il est donc évident que ce projet de loi se fonde sur des données subjectives. Si on prenait les statistiques des délits fournies par la police genevoise, on verrait que certains délits augmentent et d'autres diminuent... Comme l'a dit ma préopinante Verte, il ne se base pas sur une réalité objective, et, même s'il le faisait, il est envisagé de les traiter uniquement sous l'angle de la répression.
Dernier point. Je conclus en trente secondes...
Vous dites aussi dans ce projet de loi que le pouvoir judiciaire doit être doté d'un budget suffisant pour accomplir sa mission, que la police doit avoir des effectifs et des moyens matériels suffisants pour accomplir sa mission... Mais, Mesdames et Messieurs, vous voulez inscrire cela dans la constitution ? C'est évidemment absurde ! Il s'agit là d'un débat budgétaire: il faut effectivement allouer aux services publics - et pas seulement à la police et à la justice - les moyens nécessaires à l'accomplissement de leur fonction... Mais s'il fallait inscrire ce genre de choses dans la constitution, eh bien, il faudrait aussi inscrire qu'en matière de santé le département en charge est doté des moyens nécessaires à l'accomplissement de sa fonction; idem pour l'école et pour tous les autres départements ! Croyez-vous, Mesdames et Messieurs, qu'on avancerait sérieusement du point de vue du débat budgétaire avec ce type de propositions ? Bien sûr que non !
Cela démontre le caractère creux et démagogique de ce projet de loi, qui n'a d'autre objectif que de brasser du vent en broutant sur les plates-bandes douteuses de l'UDC, comme l'a dit très justement M. Letellier tout à l'heure ! (Applaudissements.)
M. Christian Luscher (L). Comme vous avez pu le constater, les libéraux ont signé ce projet dans la mesure où il concrétise un souci déjà évoqué par le parti - en dehors de tout contexte de campagne électoral, d'ailleurs - souci dont Mme Spoerri a très bien pris la mesure dans son département, puisqu'elle a déjà mis en oeuvre les mesures pour que la population soit rassurée sur ce point.
Il s'agit effectivement d'un thème important - M. Büchi l'a dit tout à l'heure - qui doit être traité globalement, au niveau de la police - d'ailleurs la commission judiciaire de notre parlement est déjà saisie de divers projets qui touchent à la police - et nous avons tous à coeur, tous partis confondus, de tenter d'améliorer les attentes à la fois de la population et de la police.
Il faut également tenir compte dans cette approche, en matière de sécurité, du renforcement des moyens donnés à la justice, et, sur ce plan-là, ceux qui ont lu le budget 2003 auront constaté - sauf erreur de ma part - qu'il est prévu deux postes de plus pour des substituts, c'est-à-dire pour des magistrats de poursuites pénales, et, également, un poste pour un magistrat au Tribunal de police qui devra juger les infractions pénales. C'est donc un renforcement de la filière pénale.
Il ne faut pas oublier, dans ce vaste sujet, les garde-frontières, dans la mesure où la situation de notre canton est ce qu'elle est, à savoir que nous avons - sauf erreur - une quarantaine de kilomètres de frontières et plus de cent chemins carrossables... (L'orateur est interpellé.)Cent dix-sept, merci ! Cela implique une surveillance accrue, et, de ce point de vue également, il y a un besoin manifeste de moyens supplémentaires qui doivent être demandés à Berne.
Une coordination de ces divers corps constitués est indispensable. Et - mais on y reviendra peut-être plus tard à propos de la motion 1476 - il est important d'arrêter de démotiver systématiquement l'action policière. Nous avons besoin d'une police motivée, nous avons besoin de gens de qualité au sein de la police, et pour avoir un recrutement de gens de qualité, il faut arrêter, entre guillemets, de «casser du flic», comme certains s'évertuent à le faire ici !
M. Vanek a dit tout à l'heure que nous étions l'un des pays les plus sûrs d'Europe... (L'orateur est interpellé.)
M. Pierre Vanek. C'est le rapport qui le dit.
M. Christian Luscher. Vous l'avez cité à juste titre, et je vous en remercie, Monsieur Vanek: vous avez parfaitement raison ! Eh bien, je pense qu'il faut agir avant d'être relégué à un autre rang, car il vaut mieux prévenir que guérir ! (Exclamations.)
C'est la raison pour laquelle il faut absolument renvoyer ce projet de loi en commission.
M. Thierry Apothéloz (S). Le groupe socialiste - je vous le dis d'emblée - acceptera le renvoi en commission de ce projet de loi avec un intérêt tout particulier pour l'examen du volet sécurité.
En préambule, je ferai part de ma constatation. J'ai en effet remarqué que l'UDC se fâchait lorsqu'on parle de sécurité, surtout quand les partis de l'Entente font des projets, parce qu'ils ont l'impression qu'on leur coupe l'herbe sous les pieds...
De quelle sécurité parle-t-on ? Mme Wisard l'a dit dans l'introduction de son exposé. Il y a différentes définitions de la sécurité, et je crois qu'il est important que nous puissions travailler sur les différents aspects de la sécurité qui nous préoccupent en commission.
En effet, les différents éléments qui ont amené les gens sur le terrain de l'insécurité ou de la sécurité publique font que nous devons apporter des solutions multicausales, puisque les réponses que nous devons apporter le sont également. Ainsi, des franges entières de la population se retrouvent marginalisées, des acquis sociaux souvent vitaux sont bafoués, une partie de la jeunesse se retrouve sans projets et sans perspectives et, enfin, certaines personnes étrangères ne disposent d'aucun ancrage leur permettant de s'intégrer dans notre société.
On sait que les différents sentiments d'insécurité ne sont pas forcément dus au manque de policiers ou à l'augmentation de la criminalité. En effet, ma grand-mère, par exemple, éprouve un sentiment d'insécurité lorsqu'elle doit sortir de chez elle et traverser la rue simplement parce que son chemin n'est pas éclairé...
Au sein de la commission judiciaire, nous souhaiterions pouvoir étudier aussi ces aspects mais également les aspects liés à la prévention, qui sont aussi - je ne vous le cache pas - des éléments qui nous permettront de travailler sur la sécurité - ou sur le sentiment de sécurité, pour être plus précis.
On peut effectivement se réjouir qu'au sein de la FAS'e notamment, au sein des institutions, au sein des différents organismes qui s'occupent de jeunes et d'enfants, nous puissions mettre les moyens suffisants pour offrir à notre population une qualité de vie qui soit saine et qui permette de construire un certain nombre de choses d'une manière positive. En commission, nous pourrons aborder les problèmes de l'intégration sociale des jeunes, les problèmes de politique d'urbanisation dont je faisais état tout à l'heure, réfléchir sur le rôle des parents en matière d'éducation, les mesures de prévention par rapport aux violences conjugales.
En résumé, pour apporter à ce thème important des réponses multifactorielles, nous souhaiterions l'examiner sous cette forme au sein de la commission judiciaire.
M. Patrick Schmied (PDC). Le PDC est très attaché à la paix et à l'harmonie sociale, et c'est dans cet esprit, d'ailleurs, que nous avions fait de la sécurité un des thèmes principaux de notre campagne électorale. Le sentiment de sécurité est nécessaire à l'harmonie sociale. Or, actuellement, le sentiment d'insécurité, dû principalement à la croissance de ce qu'on nomme les «incivilités» par opposition à la criminalité que personne ne conteste, est un problème réel, nul ne le conteste, à part quelques traumatisés de mai 1968, dont nous avons eu quelques beaux exemples ce soir...
Ce phénomène est profond: il serait faux de croire qu'il ne s'agit que d'une poussée de fièvre passagère... Dans ces circonstances, les risques de «dérives sécuritaires» - c'est le grand mot que l'on entend sur les bancs d'en face - sont réels, et certains partis en ont d'ailleurs fait leur fonds de commerce, avec succès il faut le dire. Et j'aimerais bien que les tenants de la prévention à tout prix fassent leur examen de conscience, puisque 40% des Genevois ont voté pour l'initiative de l'UDC dimanche passé... C'est une chose qui devrait nous faire réfléchir.
L'Etat doit faire front à ce phénomène de sécurité en démontrant à la population qu'il veille à sa sécurité. L'Etat doit rassurer la population en prenant des mesures concrètes - et c'est le lieu ici de féliciter Mme Spoerri pour ses efforts dans ce domaine - mais il doit aussi avoir des actions symboliques fortes. Et, incontestablement, inscrire le droit de vivre en sécurité dans la constitution constitue un tel acte symbolique.
C'est la raison pour laquelle nous soutenons le renvoi de ce projet de loi à la commission judiciaire. (Applaudissements.)
Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire.
Mme Françoise Schenk-Gottret. Ce n'était pas à la législative?
Le président. Les intervenants, Madame la seconde vice-présidente, ont tous demandé que ce projet de loi soit renvoyé à la commission judiciaire... Je croyais comme vous qu'il devait être renvoyé à la commission législative, mais je me plie à la volonté du Grand Conseil qui a souhaité que ce soit la commission judiciaire qui s'occupe pour le moment des problèmes de sécurité et de police.
Madame Micheline Spoerri, vous voulez ajouter quelque chose ?
Excusez-moi, Madame la conseillère d'Etat, de ne pas vous avoir donné la parole plus tôt ! Je n'avais pas vu que vous aviez demandé la parole... Je vous en prie, Madame.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. A ce stade des choses et après avoir bien écouté tout ce qui s'est dit dans cet hémicycle, je dirai que le mérite de ce projet est effectivement d'ouvrir le débat sur un problème important. Mais, à mes yeux, son plus grand mérite serait que le peuple puisse dire son mot sur ce sujet.
C'est la raison pour laquelle, depuis que je suis arrivée au département, au-delà de la réflexion qui a été engagée au département, ce sont surtout les actions qui doivent être privilégiées, dont certaines seront inscrites, Monsieur le président, à l'étude de la commission judiciaire. J'aimerais juste dire à ce propos que le temps passe vite et qu'il est important d'agir. Je me réjouis d'ores et déjà de participer aux travaux de la commission judiciaire.