République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 25 octobre 2002 à 20h30
55e législature - 1re année - 12e session - 66e séance
PL 7889-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Suite aux travaux de la commission, le projet de loi 7985 qui figure à la page 60 du rapport est celui sur lequel nous allons travailler ce soir. La parole est à M. Lescaze, rapporteur de majorité.
M. Bernard Lescaze (R), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, nous arrivons presque à bout touchant de la réforme de la loi sur l'université, même si nous n'y arriverons jamais puisque - je me plais à le souligner - l'université est comme l'Eglise réformée: réformée mais toujours à réformer, reformata semper reformanda.Cependant, nous avons mis trois ans en commission pour aboutir à cette réforme, et nous étions effectivement à bout touchant il y a une année, à l'unanimité de la commission. Il y a eu des élections et un changement de majorité, qui ont amené non pas un changement de majorité dans la commission, mais, peut-être, des sensibilités quelque peu différentes. Et surtout, il y a eu une opposition au premier projet assez nette de la part de l'université. Je tiens ici à souligner que, contrairement à ce qu'on a pu souvent entendre de la part de l'université, les députés sont, d'une part, très soucieux de l'autonomie de l'université et, d'autre part, très attentifs à ce qu'elle peut dire. En conséquence, nous avons remis l'ouvrage sur le métier.
Il semble aujourd'hui que pour une bonne partie de la communauté universitaire - pas toute, évidemment - comme pour la majorité des députés de la commission de l'enseignement supérieur, ce projet de loi tel qu'il a été retravaillé correspond beaucoup mieux aux attentes des uns et des autres. Assurément, c'est un progrès. Cela n'est sans doute pas parfait, nous aurions encore d'autres domaines à étudier.
Je vous rappelle malgré tout les avancées de ce projet de loi: d'une part, il introduit une convention d'objectifs, négociée entre le Conseil d'Etat et l'université. Ceci est capital, non pas pour asservir l'université à on ne sait quelle machine économique, mais simplement parce que, dans le monde contemporain et avec les exigences notamment de la Confédération, les universités qui n'auront pas un programme financier quadriennal et une convention d'objectifs ne recevront plus ou pourront ne plus recevoir des subsides fédéraux. D'autre part, ce projet introduit pour la première fois d'une manière claire la notion d'évaluation de l'enseignement et de la recherche, telle qu'elle se fera notamment par l'organe d'accréditation fédéral qui a été introduit dans la nouvelle loi fédérale sur les universités, et qui est au fond un organisme d'assurance qualité. Nous avons décidé d'élargir cette évaluation de façon à permettre également le recours à des organismes internationaux. Le principe traditionnel d'autonomie de l'université est également souligné dans plusieurs dispositions de la loi. Enfin, nous nous sommes intéressés à ce qui semblait essentiellement préoccuper une partie de la communauté universitaire: ce qu'on appelle la gouvernance de l'université, pour laquelle nous avons trouvé des solutions nouvelles.
Bien entendu, le chantier - je le dis en conclusion de mon rapport - reste ouvert. D'autres sujets n'ont pas pu être abordés, notamment parce qu'ils nécessitent une meilleure coordination entre les universités romandes. C'est d'abord le statut du professeur. Vous vous souvenez, Mesdames et Messieurs, que ce Grand Conseil avait examiné il y a quelques années le statut des étudiants, et que nous avions eu beaucoup de peine à nous coordonner avec la seule université de Lausanne. Pour le statut des professeurs, il faudra évidemment se coordonner avec les quatre universités romandes. Second chantier, ou deuxième chantier devrais-je dire: celui des transferts de technologie. Une ou deux affaires récentes montrent que ce problème n'est pas réglé. Même l'un des amendements présentés par le rapport de minorité, précisément celui à l'article 7 alinéa 3, qui sera modifié avec un sous-amendement - et nous annonçons d'ores et déjà que nous allons l'accepter - ne réglera pas tout le problème des transferts de technologie. La coordination romande, suisse et internationale devra également se développer.
Enfin, un des problèmes principaux auxquels nous devrons nous atteler est celui des nouveaux cursus et de la réception, dans l'ordre académique genevois, du processus de Bologne. Vous vous souvenez qu'il y a déjà plusieurs années, j'avais interpellé le Conseil d'Etat à ce sujet. La réponse rédigée alors avec l'université n'était pas très encourageante, très enthousiasmante et très satisfaisante. Il semble là aussi que des évolutions se font jour, mais il faudra évidemment tenir compte des coûts de ce processus. Je le maintiens cependant, l'université de Genève ne peut pas être en Suisse un petit réduit allobroge, il faudra donc participer au processus de Bologne.
Comme je pense que nous avons beaucoup travaillé en commission, que les amendements déposés par le rapporteur de minorité sont simples, nous pourrons les étudier, et s'il y en avait d'autres qui revenaient sur certains points sans avoir forcément été déposés dans le rapport, nous serions obligés de les refuser.
Je tiens, avant de conclure, à dire deux choses: je me félicite de voir que le débat est ouvert également avec les étudiants - nous avons leur lettre, nous pouvons en prendre connaissance - et je ne ferai qu'une petite remarque. Nous avons accepté que, dans les conditions de renomination des enseignants, on tienne le plus grand compte des avis des étudiants; en revanche, nous sommes toujours de l'avis que dans les commissions de nomination, nous ne pouvons pas accepter la participation des étudiants. Je relève avec amusement que ceux-ci mentionnent - à juste titre - que cela se pratique dans d'autres universités suisses. Ce qui m'étonne, c'est que lorsque se posait le problème de la double candidature qui se pratique dans toutes les universités suisses à l'exception de Neuchâtel et Genève - et nous avons renoncé à ce principe de la double candidature - le rectorat et les étudiants étaient unis pour la refuser et ces derniers ne mentionnaient pas que cela se pratiquait dans les autres universités suisses. Enfin, voilà...
Je tiens encore à souligner une autre petite chose: le texte de la loi qui vous est soumis, à partir de la page 60, est le texte exact. L'article 7 alinéa 3 tel qu'il figure à la page 61 est le texte exact. En revanche, à la suite d'un fâcheux couper/coller, l'article 7 alinéa 3 du commentaire ne correspond pas à l'article sur la recherche. Donc, l'article 7 alinéa 3 de la page 8 est faux, en revanche il est juste dans le texte de la loi que vous devez voter, et le commentaire des pages 8 et 9 correspond au véritable texte de l'article 7 alinéa 3 que vous avez donc dans le projet de loi. Je tenais à le rectifier pour le Mémorial.
Le président. Je pars du principe que M. Mouhanna n'ayant pas demandé la parole, il ne veut rien rajouter à son rapport. Je passe la parole à... (Le président est interpellé.)Ah, Monsieur Mouhanna... Pourquoi devrais-je être attentif et pas vous ? Monsieur Mouhanna, vous avez la parole.
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. Monsieur le président, je vous croyais plus indulgent à l'égard d'un député qui...
Le président. Je le suis, je viens de vous donner la parole !
M. Souhail Mouhanna. Attendez, attendez ! ... à l'égard d'un député qui, pour la première fois, se met à cette table pour présenter un rapport de minorité.
Le président. Alors, bienvenue, Monsieur Mouhanna !
M. Souhail Mouhanna. Deuxièmement, je n'ai pas vu M. Lescaze demander la parole: vous la lui avez donnée directement, je suis désolé... Cela étant dit, allons dans le sens des choses sérieuses pour le moment - on aura peut-être tout à l'heure un certain nombre d'anecdotes, les uns et les autres, à raconter pour essayer de détendre l'atmosphère.
Tout d'abord, j'aimerais faire une remarque: comme le rapporteur de majorité vient de le dire, l'ancien projet, qui avait été examiné par la commission de l'enseignement supérieur de la législature précédente, avait été adopté à l'unanimité. Nous constatons aujourd'hui, dans les déclarations des uns et des autres, que tous s'accordent à dire que l'actuel projet, issu des travaux de la commission et voté par une majorité de cette commission de l'enseignement supérieur, représente un progrès par rapport à l'ancien projet. Ceci appelle de ma part une remarque simple, c'est que, finalement, l'unanimité ne fait pas la qualité. Je tenais à le dire. Il était donc possible effectivement d'améliorer quelque chose, même si ce quelque chose avait été adopté à l'unanimité. Nous avons également constaté que la communauté universitaire dans son ensemble était très fâchée du résultat issu des travaux de la commission de l'enseignement supérieur. Il a fallu par conséquent se battre assez fermement à l'intérieur de la commission pour que le dossier soit rouvert. Heureusement, le dossier a été rouvert et la communauté universitaire a été invitée à des discussions et à donner sa position sur les différents éléments de la révision. Je tiens à signaler que cette révision avait été voulue par une majorité de la commission comme étant une révision partielle. J'ai même le souvenir qu'à un moment donné, lorsqu'il s'agissait de discuter de la réouverture du dossier, certains disaient: «On ne changerait même pas une virgule !» Or je suis très content aujourd'hui de voir qu'on a changé bien plus qu'une virgule, et j'espère que ce soir nous allons pouvoir changer davantage encore, en adoptant les amendements que je vous ai proposés.
J'en viens donc à ces amendements. Pourquoi ces amendements ? Je crois que personne n'ignore l'importance de l'éducation, qui a une influence décisive sur les destins individuels et collectifs dans une société. Nous savons tous également quelle est l'importance du rôle de l'université dans ce système. L'université doit pouvoir jouer un rôle important vis-à-vis de la communauté, vis-à-vis de la société. Elle doit par conséquent pouvoir jouir d'un fonctionnement qui assure son indépendance, qui assure son autonomie, qui garantisse l'exercice de la pensée critique et qui permette de transmettre un certain nombre de valeurs à la jeunesse qui sera appelée à fréquenter cette université et à diffuser les valeurs humanistes, non seulement à l'intérieur de la cité, mais également au-delà de la cité. Comme son nom l'indique, l'université ne travaille pas seulement pour la cité, mais pour l'humanité tout entière. Nous savons tous que les connaissances ne s'arrêtent jamais aux frontières douanières ou aux frontières étatiques, mais qu'elles sont diffusées partout à travers le temps, à travers l'espace.
Ce que j'ai essayé de faire, ce n'est pas une refonte totale de la loi sur l'université - je suis réaliste, je sais qu'un tel exercice aurait davantage provoqué l'irritation que la volonté de trouver effectivement des réponses satisfaisantes. C'est la raison pour laquelle je suis parti de l'idée que certains amendements - que j'expliquerai tout à l'heure quand nous passerons en revue l'ensemble des articles - étaient susceptibles de répondre à un certain nombre de principes essentiels que je tiens à défendre, notamment la démocratisation des études, l'indépendance de l'université et également la qualité du contenu de la formation dans l'université. Il s'agit donc ici d'être fidèle à ces principes et, d'autre part, de faire des propositions susceptibles de réunir une majorité. Malgré la difficulté à obtenir une telle majorité, j'avais quand même cet espoir-là. C'est la raison pour laquelle je me suis contenté de quatre amendements que je tiens pour essentiels par rapport à ces principes. Ces amendements concernent donc la gratuité des études, l'indépendance de l'université et la convention d'objectifs. Evidemment, il y a d'autres amendements que je pourrais éventuellement être amené à faire, selon la discussion. Voilà où j'en suis, je me permettrai de développer ensuite les arguments qui soutiennent ces amendements.
Mme Janine Hagmann (L). Mesdames et Messieurs les députés, au début de ce débat qui, je pense, va être long et intéressant, il est peut-être utile que chaque groupe fasse quelques considérations générales.
Contrairement au tract distribué à l'entrée par les étudiants, ce n'est pas deux ans de gestation qui ont été nécessaires pour ce projet de loi, mais trois. Et je voudrais signaler, chose amusante, que trois présidentes se sont succédées à la tête de la commission de l'enseignement supérieur et se sont ingéniées, pendant trois ans, à trouver un consensus, ce qui n'a pas été facile. Mais je relève que les travaux se sont déroulés, pendant ces trois ans, dans une atmosphère d'intérêt digne, je pense, de l'intérêt que nous portons tous à l'université.
Avant de commencer, j'aimerais juste vous lire un petit texte de feu Olivier Reverdin que, je crois, nous apprécions tous: «Le renom de Genève n'est lié ni au Théâtre de Neuve, ni à l'aérodrome de Cointrin, ni à la patinoire des Vernets, ni au Jet d'eau de la Rade, mais bien à l'oeuvre de quinze générations de théologiens, de penseurs, de savants, qui ont fait d'elle un foyer de vie intellectuelle et spirituelle. Si la flamme intérieure venait à s'éteindre, il ne subsisterait qu'une ville sans âme, comme il en existe des centaines dans le monde.» Vous me direz: quand on se base sur ce texte, pourquoi nous, députés, essayons-nous de cadrer, de mettre en cage cette alma mater que nous respectons tous ? «Alma mater» est d'ailleurs un terme amusant car, comme vous le savez tous, cela veut dire mère nourricière. C'est un terme qui était utilisé dans l'antiquité par les poètes pour parler de la patrie, et de patrie ce terme a été appliqué à l'université. L'université la plus ancienne que nous connaissions dans nos régions est celle de Paris, qui a vraisemblablement influencé les autres universités. Fondée en 1150, elle a toujours possédé des privilèges. Elle avait seule le droit d'enseigner et avait sa propre juridiction. Elle a pris part aux affaires publiques, elle a défendu des libertés et a soutenu de longues luttes contre certains ordres religieux. Est-ce ce que nous avons voulu avec le projet de loi qui aboutit ce soir ? Non, pas tout à fait. Mais nous, dans cette enceinte, nous avons une responsabilité vis-à-vis de la cité. L'université doit en être consciente. M. Lescaze, à la commission des finances, sait assez répéter combien l'université coûte aux contribuables genevois. Il n'est donc pas possible de laisser cette université, malgré tout le respect que nous avons pour elle, totalement libre. Elle ne peut pas être un électron libre qui fait ce qu'il veut, il faut aussi lui donner quelques consignes politiques.
Ce soir, nous arriverons peut-être à un consensus. Nous n'avions pas vraiment prévu tous vos amendements, Monsieur Mouhanna - ils seront commentés dans quelques instants - mais peut-être allons-nous tout de même trouver un terrain d'entente qui plaira ou plaira un peu moins à toutes les parties concernées. Une chose est certaine: ce projet de loi ne peut pas laisser indifférent. C'est un trop gros enjeu.
Encore deux mots pour vous raconter tout de même toute son histoire: le groupe libéral ne voulait pas d'une refonte totale du projet de loi sur l'université; il aurait peut-être voulu une loi-cadre qui soit moins coercitive. Par contre, le groupe libéral a été le premier à proposer un contrat de prestation. Tel était même le titre de la loi proposée par les libéraux. Et chacun s'est rendu compte en travaillant que l'université n'était pas comparable aux TPG ou à d'autres institutions qui ont des contrats de prestation. C'est donc devenu une convention d'objectifs, que je ne vous décrirai pas puisque M. Lescaze l'a très bien fait dans son rapport et que ça ne vaut pas la peine de redire les choses ce soir. Je pense que c'est un plus que nous donnons à l'université qui, ainsi, tout en étant cadrée, pourra avoir une liberté académique, à laquelle nous sommes très, très attachés.
Le débat va vraisemblablement durer, je ne veux donc pas accaparer la parole. Mais, ce soir, essayons de montrer qu'à Genève nous voulons tous lutter pour que l'université reste un phare et que nous puissions en être fiers.
Le président. La parole est à Mme Fehlmann Rielle. Pas trop fort, certains de nos collègues dorment...
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Faut-il que je les réveille, Monsieur le président ?
Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord je souhaiterais rappeler que parmi les différents projets de loi qui sont soumis, chacun proposant une révision partielle, se trouvait quand même un projet de loi socialiste, qui prônait une refonte totale de la loi sur l'université et le remplacement de celle-ci précisément par une loi-cadre. Personne alors n'a voulu prendre le risque de se lancer dans une révision aussi profonde, bien que les différents débats qui ont eu lieu par la suite au sein de la communauté universitaire aient évoqué à plusieurs reprises la possibilité d'une loi-cadre. Le problème, c'est qu'on ne s'entend pas très bien sur la définition de loi-cadre parce que, finalement, chacun veut y mettre tout ce qui lui tient à coeur. Sans vouloir refaire l'histoire, j'aimerais relever aussi que l'avant-projet, ou plutôt le projet présenté en mai 2001 a quand même eu le mérite, malgré tous ses défauts, de montrer à la communauté universitaire qu'il y avait une volonté politique de réviser la loi sur l'université. Et je crois que les débats qui ont suivi ont montré que le message a été entendu.
Malgré une marge de manoeuvre qui était très étroite, compte tenu des éléments que j'ai évoqués, la commission de l'enseignement supérieur a néanmoins pris l'option de travailler d'une manière constructive, dans la perspective d'aboutir à un projet qui améliore la loi actuelle. Comme l'a relevé le rapporteur de majorité, la commission issue des élections de 2001 a rouvert le dossier en acceptant de se limiter à ces trois domaines qu'étaient la convention d'objectifs, ce qu'on a appelé la gouvernance et les procédures de nomination.
En ce qui concerne la convention d'objectifs, je ne m'étendrai pas longtemps, mais je voudrais quand même souligner le fait que les socialistes se sont toujours opposés à ce que l'on dissocie la convention d'objectifs du reste de la révision, puisque, pour nous, l'introduction d'une convention d'objectifs était liée aux mécanismes de la démocratie universitaire. De plus, nous avons défendu le point de vue selon lequel cette convention d'objectifs devait faire l'objet d'un projet de loi et non pas d'une résolution. Cela a été accepté.
Concernant les mécanismes liés à la gouvernance, les socialistes ont toujours voulu un véritable contre-pouvoir au rectorat qui avait été renforcé lors de la révision de la loi en 1994. Nous pensons que cette option peut se concrétiser avec la mise en place d'un organe unique - le conseil de l'université - qui disposera, si cette loi est acceptée, de pouvoirs étendus. La clé de répartition, prévoyant deux tiers de représentants de l'intérieur et un tiers de l'extérieur, s'est finalement imposée à une large majorité, même si nous sommes saisis d'un amendement qui nous ferait revenir en arrière. Concernant le nombre des membres du nouveau conseil, le parti socialiste aurait souhaité qu'il soit porté à vingt-quatre, de façon, d'une part, à permettre une représentation un peu plus équilibrée des différentes composantes de l'université - notamment les étudiants - et, d'autre part, à ne pas avoir un conseil pléthorique qui risquerait d'affaiblir cet organe. A cet égard, je souhaiterais aussi apporter une correction au rapport de majorité, qui indique que les socialistes auraient accepté le conseil à vingt et un, alors que nous l'avions refusé, lui préférant donc un conseil à vingt-quatre.
Parmi les propositions que nous avions soutenues mais qui ont été refusées par la majorité figure aussi la composition de l'organe de nomination du recteur. Nous estimons important d'avoir un représentant des étudiants.
Concernant le processus de nomination des professeurs, je signalerai que nous avions proposé d'intégrer des représentants non membres du corps professoral dans les commissions de structure et de nomination, que ceci a été refusé, mais fait l'objet d'une motion qui sera développée tout à l'heure par M. Rodrik.
Au moment du vote final en commission, les socialistes se sont abstenus puisque, comme expliqué précédemment, nous estimions que les résultats de ce projet étaient minimes par rapport à l'ambitieux projet que nous avions soutenu au départ. Pourtant, nous avons finalement pensé qu'il fallait être réaliste et avons reconnu qu'il y avait tout de même un certain nombre d'éléments positifs dans cette loi. Elle va dans la bonne direction, même si les résultats sont très modestes. Nous avons ainsi pris le parti de soutenir ce projet, pour autant que les débats dans la soirée ne modifient pas l'équilibre fragile de cette réforme. Nous pensons aussi que d'autres chantiers devront être ouverts dans l'avenir - je crois que cela a été mentionné par M. Lescaze - notamment tous les changements liés au processus de Bologne et tout ce qui a trait au règlement des contentieux, et il nous semble aussi qu'il faudra encore aller de l'avant, dans le sens d'une amélioration de la démocratie universitaire.
Mais je ne voudrais pas terminer sans remercier les deux présidentes qui se sont succédé à la commission, à savoir Mme de Haller et Mme de Tassigny, qui ont conduit les débats avec diligence, et remercier aussi M. Baier, pour le soutien qu'il nous a apporté au cours de nos travaux. Concernant les amendements de M. Mouhanna, mes deux collègues vont s'exprimer tout à l'heure à leur sujet.
M. Antonio Hodgers (Ve). Mesdames et Messieurs, il est clair que ce projet de loi n'est pas à la hauteur du psychodrame que nous avons vécu en commission de l'enseignement supérieur durant trois ans, encore moins à la hauteur de celui qu'a connu l'université elle-même entre ses différents acteurs, ni, évidemment, à la hauteur du psychodrame que nous, parlementaires, avons vécu avec les acteurs de cette université. A ce niveau-là, je rejoins les conclusions de Mme Fehlmann Rielle et je dirais que la montagne de travaux de cette commission a accouché d'une souris... (Commentaires et rires.)Ou d'un gros rat, effectivement, Monsieur Rodrik !
Néanmoins, ce projet de loi a, pour les Verts du moins, deux aspects positifs. Le premier est la convention d'objectifs. D'une manière générale, les Verts sont pour que les acteurs d'établissements publics autonomes aient une certaine indépendance, mais il est clair que la première des contreparties que ces établissements doivent fournir est une convention d'objectifs - un contrat de prestation dans le cas d'autres établissements - qui soit précise et qui, surtout, intègre des éléments qui permettent la vérification des procédures mises en place pour atteindre ces objectifs. Je crois que nous sommes assez satisfaits à ce niveau-là. Le deuxième point, qui figure dans la série des cinq projets de lois sur lesquels porte ce rapport, est lié au Conseil supérieur d'éthique. A ce niveau-là aussi, les Verts sont satisfaits que cette proposition ait été retenue par la commission. Sur ces deux points, nous apprécions de façon plutôt positive la loi qui nous est soumise ce soir.
En revanche, les membres de la commission le savent, les Verts sont très sceptiques par rapport à l'option retenue pour la gouvernance de l'établissement. Je ne m'étendrai pas là-dessus maintenant, mais j'y reviendrai bien évidemment au moment de présenter mon amendement.
M. Guy Mettan (PDC). Je tenterai d'être un peu plus bref que les préopinants...
Le président. M. Hodgers a été très bref !
M. Guy Mettan. Tout à fait, c'est vrai, je lui rends cet hommage, bravo Antonio ! Je dirai simplement que notre parti approuve cette loi, mais toute cette loi et rien que cette loi. C'est-à-dire que nous nous opposerons à toute tentative, venant en cours de route, de dénaturer le fond, le fondement, la nature propre de cette loi. Pourquoi ? Parce que nous estimons que la loi telle qu'elle vous est proposée ce soir amène des progrès significatifs dans trois domaines importants qui ont été mentionnés par le rapporteur, mais que je rappelle cependant.
C'est d'abord celui de la gouvernance qui, d'une part, renforce le pouvoir du rectorat et diminue le nombre de conseils - qui avaient tendance à court-circuiter les décisions au sein de l'université - et, d'autre part, tout en conservant à la communauté universitaire une majorité dans le conseil de l'université, amène une part appréciable de voix extérieures à l'université.
La convention d'objectifs est la deuxième percée décisive de cette loi, parce qu'elle permet à l'université de préserver son autonomie et de définir elle-même, largement, les objectifs qu'elle veut se fixer et les moyens de financement qui les accompagnent.
La troisième percée est également mentionnée, c'est celle de la procédure de nomination des professeurs - qui est le sujet le plus sensible au sein de la communauté universitaire - qui amène davantage d'ordre dans ce domaine.
Pour nous, ces trois percées sont très importantes et résolues de manière satisfaisante dans le projet qui vous est proposé. Bien sûr, nous sommes conscients que ce projet n'est pas parfait, qu'il y aurait mille et une améliorations à faire, mille et une virgules à changer ici ou là. Mais nous sommes d'avis que c'est un bon compromis. En effet, tant dans les travaux qui ont précédé notre arrivée, c'est-à-dire ceux de la précédente législature, qu'au cours de la nouvelle législature, soit depuis une année, nous avons tous ensemble, à l'intérieur de la commission, conduit une procédure de consultation en réécoutant toutes les parties de l'université d'une oreille attentive - du rectorat aux associations de professeurs, aux doyens, aux étudiants qui sont même venus manifester avec leurs pancartes et nous amener, lorsque nous nous étions mis au vert le 13 avril, leur déposition, jusqu'au personnel administratif et technique - et nous avons intégré les remarques, les suggestions qui nous ont été apportées. Evidemment, il a bien fallu faire des compromis, mais nous avons écouté tout le monde et ceci, je crois, à la grande satisfaction des parties, même si quelques-unes, comme les étudiants, sont moins satisfaites.
La deuxième chose, c'est qu'à l'intérieur de la commission nous nous sommes aussi écoutés entre nous, ce qui est important. Cela signifie que le compromis que nous vous proposons ce soir est un compromis positif. Ce n'est pas quelque chose de discuté sur un coin de table, cela a été fait avec des intentions honnêtes, correctes de part et d'autre, et je crois qu'il est important de le souligner aussi. C'est pourquoi nous nous opposerons à toute tentative, à tout amendement qui viserait à changer en profondeur un des trois aspects que j'ai mentionnés tout à l'heure. Je ferai une petite exception vis-à-vis du rapporteur de minorité, M. Mouhanna. Je souligne évidemment le travail du rapporteur de majorité, avec lequel je suis à 120% d'accord, mais je rends aussi un petit hommage à M. Mouhanna car, tout au long des travaux, il a fait preuve d'une constance dans l'opposition, d'un esprit de résistance positif, qui a aussi amené beaucoup de choses. Je tiens à remarquer qu'il va nous présenter quatre amendements: nous sommes pré-entrés en matière sur le premier, partiellement sur le deuxième, mais, cher Souhail, les deux autres - tu nous excuseras - nous les rejetterons avec la dernière énergie, ainsi que tous les autres, Monsieur Hodgers, que vous voudrez nous proposer pour modifier, justement, l'esprit de cette loi.
Mme Marie-Françoise De Tassigny (R). Ces projets, devenus un, font entrer l'université dans une nouvelle ère. Il est à relever que, pour arriver à cette nouvelle étape, de nombreuses heures de séances, d'auditions, de nombreux courriers, avis et contre-avis se sont empilés pour aboutir à un projet. Comme l'a dit le préopinant, nous nous sommes beaucoup écoutés en commission pour essayer de trouver quelque chose qui convienne à l'ensemble des partenaires, que ce soient les commissaires ou l'université.
La loi concilie l'université et son autonomie d'une part, et le parlement de l'autre, qui obtient une meilleure visibilité de la gestion de l'université, tant pour ses finances que pour l'application de sa mission. Cet équilibre a requis certaines concessions de part et d'autre. En ma qualité de présidente de la commission de l'enseignement supérieur pour la dernière année, je ne peux que me féliciter de l'état d'esprit qui a régné durant les travaux. Et je n'oublierai pas la séance conjointe où nous avons siégé en avril 2002, avec une très importante délégation de l'université: la séance fut digne de la réunion de Tilsit !
Pour rappel: les trois grands axes qui soutiennent ce projet - cela a été très bien expliqué par M. Bernard Lescaze, mais je pense qu'il n'est pas inutile de donner la position des radicaux - sont la gouvernance, la convention d'objectifs et les procédures de nomination.
L'axe de la gouvernance modifie sensiblement l'organigramme de l'université. Les commissaires auraient préféré aller plus loin dans cette modification de l'organigramme, aller vers une vision plus managériale. Mais le poids des habitudes et celui des ambitions de certains ont pondéré notre projet.
Le deuxième axe est celui de la convention d'objectifs, qui précise les relations de l'Etat avec l'université. Cette convention permet surtout de garantir la mission de service public de l'université, par la surveillance de la politique générale de l'alma mater, avec ses missions et ses grandes responsabilités dans le domaine de la recherche.
Le troisième axe est celui de la nomination des professeurs, du processus de nomination de l'ensemble des professeurs, et spécialement des professeurs de médecine qui travaillent aux hôpitaux universitaires. Le projet vise à supprimer le système actuel qui provoquait parfois des carences de postes pendant des mois dans les services hospitaliers, laissant les patients sans référent hospitalier.
Il y a encore beaucoup de mesures qui figurent dans cette loi et qui font partie du dispositif. Nous savons tous que c'est une première étape qui s'achève après trois ans. Le chantier de l'université sera à reprendre dans les meilleurs délais: il faudra nous pencher sur le statut des professeurs dans une perspective intercantonale, voire internationale, ainsi que sur le processus de Bologne avec ses nouvelles implications, si nous voulons éviter que l'université de Genève ne devienne un ghetto. Il faudra également définir de véritables règles en matière de technologie.
Considérant tous ces éléments, le groupe radical vous propose de voter ce projet de loi, mais dans son intégralité, en prenant en considération uniquement le premier amendement de M. Mouhanna, et partiellement le deuxième.
M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, je ne sais pas si ce soir, par le débat autour de ce projet de loi, est un grand soir pour l'université, mais apparemment c'est déjà une petite nuit, à entendre les propos de M. le président qui disait que certains d'entre nous somnolaient... Ce qui est certain, c'est que nous avons affaire avec ce projet de loi à des petits pas pour l'université. Or, comme nous le savons, les petits pas nous permettront d'aller plus loin, notamment le jour - proche ! - où nous débattrons, d'une part, de la structure du corps enseignant - à savoir de l'offre - et, d'autre part, de l'européanisation des cursus de formation à travers le processus de Bologne - à savoir de la demande.
Néanmoins, si le bilan que nous pouvons tirer ce soir est globalement positif - c'est un terme qui fera sourire notre collègue Mouhanna - et si le rapport de majorité rédigé par notre collègue Lescaze est particulièrement positif, je me permettrai, cher collègue Mouhanna, de vous faire part de quelques commentaires que me suggère la lecture de votre rapport.
Vous me permettrez, de professeur à professeur, de vous indiquer tout d'abord que votre premier paragraphe est hors sujet... Il est hors sujet en effet de relever ce qui se passe au niveau mondial en matière de libre marché, en matière de confiscation des ressources naturelles: je ne sais pas ce que l'Organisation mondiale du commerce a à faire avec ce projet de loi. Je dirais que le deuxième paragraphe et les suivants sont des paragraphes sans objet. Mais peu importe, car au fond, cher collègue, j'ai vu que vous aviez reconnu - et je vous en sais gré - les avancées positives que présente le projet tel qu'adopté par notre commission, tel qu'adopté par votre présence rafraîchissante, et tel qu'adopté par l'intrusion dans la commission de l'enseignement de nouveaux députés, dont j'ai eu aussi l'honneur de faire partie. Et c'est une chose pour laquelle je tiens à vous rendre hommage, puisque vous avez eu l'objectivité de le reconnaître.
Néanmoins, je crois que vos doigts ont fourché - si j'ose dire - lorsque vous avez écrit...
M. Claude Blanc. Il a les doigts fourchus, vous nous dites ?
M. Pierre Weiss. ...que le projet a été jugé inacceptable en l'état par les députés de l'Alliance de gauche. Pour être plus exact, vous auriez dû écrire, ainsi que le relève excellemment le rapport de majorité, qu'un des commissaires de l'Alliance de gauche a refusé les propositions telles qu'adoptées en commission, et que l'autre membre de l'Alliance de gauche s'est abstenu. Je ne sache pas que s'abstenir soit équivalent à refuser et, par conséquent, vous auriez dû être plus précis dans votre notation au bas de la page 144 du rapport.
J'ajouterai, cher collègue Mouhanna, qu'en ce qui concerne les quatre propositions d'amendements que vous nous faites, l'on peut effectivement entrer en matière. Je ne sais pas si nous entrerons en matière sur les quatre propositions d'amendements - je ne dis pas que nous le ferons, je dis «si nous le faisions» - en tout cas, en ce qui me concerne et en ce qui concerne certains autres députés, notamment des députés libéraux, nous pouvons entrer en matière, en partie, sur votre premier amendement. Je serai probablement moins généreux que notre collègue Mettan en ce qui concerne le deuxième et je le rejoindrai pour le troisième et le quatrième. Sur ce, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite remettre à plus tard mes observations de détail sur les différents articles de ce projet de loi, et notamment sur les propositions d'amendements de M. Mouhanna.
Le président. M. Pagan renonce à prendre la parole. La parole est à M. Iselin.
M. Robert Iselin (UDC). J'ai la chance de parler presque à la fin, et je n'aurai pas grand-chose à ajouter à ce qui a été dit. Premièrement, je voudrais simplement, pour simplifier mon intervention, dire que M. Mettan a bien résumé l'attitude à laquelle le groupe UDC peut souscrire. Deuxièmement - ceci est un commentaire un peu pittoresque pour le vieux bonhomme que je suis - cela a été fascinant d'observer comment une loi prend naissance et se définit. Et je voudrais dire que le travail de mes collègues - moi, j'ai débarqué là-dedans un peu par hasard... - a été tout à fait remarquable, et ceci grâce au fait qu'on a rencontré les représentants de l'université avec sérieux, que tout le monde s'est librement posé des questions, que les grandes barrières qui souvent me séparent des personnes qui me font face ici avaient presque complètement disparu, et que nous avons pu échanger des opinions. Je pense que cela est éminemment positif.
C'est vrai, cette loi est une étape et probablement, comme pour toutes les lois, il y aura une étape suivante, mais pour l'instant je ne peux que recommander d'accepter cette loi. Je n'ai pas réussi à trouver, mon cher Mouhanna, les quatre amendements que vous proposez, mais connaissant notre collègue Mouhanna, je suis certain qu'il les présente parce qu'il en est convaincu, et nous pourrons en discuter le moment venu.
M. Claude Aubert (L). Mesdames les députées et Messieurs les députés, juste quelques mots pour indiquer le contexte: en effet, on parle de la loi sur l'université, mais il faut aussi parler des lignes de force qui, dans le contexte, vont nous occuper certainement pour les cinq ou dix prochaines années.
D'abord, un contexte extrêmement important, même si totalement rasoir pour tout le monde, est lié au problème de la reconnaissance des diplômes. Ceux qui s'intéressent de près à cette question s'aperçoivent qu'il y a là énormément de mouvements, énormément de forces: c'est un peu comme les plaques tectoniques qui provoquent des tremblements de terre... La reconnaissance des diplômes - et ce seul problème-là ! - est d'importance absolue au niveau suisse comme au niveau européen.
Le deuxième point concerne - comme dirait Georges Marchais - «la rencontre du Grand Capital avec l'université», avec la recherche, et le problème de savoir comment introduire et comment moduler à ce niveau l'autonomie intellectuelle et le capital. De ce point de vue là, tout est encore, je crois, extrêmement problématique, rien n'est tout à fait fixé.
En ce qui concerne la Suisse, vous savez que la Suisse est une mosaïque et que nous sommes, au niveau des universités, dans des questions qui relèvent de la compétence de la Confédération et de la compétence des cantons. Là aussi, il y a beaucoup de choses à dire. Peut-être que beaucoup d'entre vous ignorent le fait que la Confédération s'est dotée - si vous me permettez cette expression - d'un organe d'accréditation, et on pourrait se trouver, une année ou l'autre, dans une situation où la Confédération refuserait d'accréditer une université. Tout ça doit donc nous faire réfléchir aussi.
Pour résumer, il y a donc énormément de forces autour de l'université qui sont en jeu. Les mots «mobilité des personnes», «mobilité des enseignants» sont à l'ordre du jour, et peut-être que quelques esprits facétieux demanderont à quoi cela sert de parler de mobilité des étudiants, alors qu'ils ne trouvent pas où loger...
Le président. Ont encore demandé la parole Mme de Haller, M. Mouhanna, M. Kanaan et le Conseil d'Etat par la voix de Mme Brunschwig Graf. Mesdames et Messieurs, le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants pour le premier débat.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
Mme Jeannine De Haller (AdG). Je voudrais commencer par me référer à ce qui a été dit hier par rapport à la commission des droits humains. On avait relevé la qualité du travail effectué, le sérieux et l'approfondissement que tous les membres de la commission avaient consacré au travail sur le Falun Gong: je trouve que nous pouvons reconnaître que le travail effectué depuis trois ans par la commission de l'enseignement supérieur est d'une qualité tout aussi remarquable. Vous remarquerez d'ailleurs que, pour chaque article, il y avait toujours quinze personnes présentes au moment du vote. Cela veut dire que, pendant près de trois ans, les membres de la commission ont assisté à chaque séance avec assiduité, et je trouve cela parfaitement remarquable. Je voudrais aussi rendre hommage à Mme Hagmann, qui a présidé les premiers travaux de la commission sur ce sujet, avant moi-même et Mme de Tassigny. L'écoute réciproque a pu se faire aussi grâce aux membres de l'université, que je tiens à remercier ici. Tous ont participé d'une façon...
Une voix. Remarquable !
Mme Jeannine de Haller. ...intense en tout cas, et passionnée, dès après la première mouture. Cette première mouture a servi effectivement à susciter le débat, ce qu'elle a fait de façon extraordinaire. Tout le monde y a participé, et cela était absolument... génial ! (Exclamations.)Pendant l'été 2001, l'université a travaillé sur ce projet de loi autant au niveau des étudiants que du rectorat, des divers conseils, des doyens et des professeurs; à tous les niveaux, tout le monde s'est penché sur ce projet de loi qui ne convenait effectivement à personne, ni aux députés, ni à l'université. Suite à ces travaux est sortie la deuxième mouture, celle qui a été votée à l'unanimité, tandis que - on est d'accord - la troisième mouture est nettement préférable.
Ce que je voulais dire, c'est qu'ayant moi-même participé en tant que membre de l'Alliance de gauche à tous ces travaux, il ne m'était tout simplement pas possible de voter non au résultat final. C'est la raison pour laquelle je me suis abstenue, même si, par ailleurs, je soutiens entièrement les amendements proposés par M. Mouhanna.
Dès le départ, l'Alliance de gauche n'était pas d'accord avec la convention d'objectifs, et elle l'a conditionnée au fait que s'établisse simultanément une loi sur la participation des étudiants et du corps intermédiaire aux conseils décisionnels, et sur la transparence financière. Pour notre groupe, l'université a effectivement un peu de peine à ouvrir ses dossiers de façon transparente. Pour le moment, ce sera tout.
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. Monsieur le président, je voudrais tout d'abord répondre à M. Weiss, Monsieur le député Weiss, mon collègue Monsieur Weiss, que puis-je rajouter encore ?
Des voix. L'ami !
M. Souhail Mouhanna. L'amitié, ça se mérite, mais on verra... (Exclamations.)Bien.
M. Claude Blanc. Au fait !
M. Souhail Mouhanna. Nous allons y arriver, Monsieur Blanc.
M. Weiss dit que mes doigts ont fourché lorsque j'ai écrit que l'Alliance de gauche refusait ce projet de loi. Monsieur Weiss, comme vous écrivez dans un journal, je pense que vous savez également lire ? Je tiens donc à vous inviter à lire ce que j'ai écrit: «Des problèmes de fond concernant notamment (...) la gouvernance ont été soit éludés soit traités de manière insatisfaisante, raisons pour lesquelles le projet de loi qui vous est soumis a été jugé inacceptable en l'état par les député-e-s de l'Alliance de gauche.» Ne pas accepter quelque chose, Monsieur le député, c'est soit s'abstenir, soit le refuser. Et c'est exactement ce qui s'est passé. Accepter, c'est voter oui; ne pas accepter, c'est ne pas voter oui. Et quelles sont les autres possibilités de ne pas voter oui ? S'abstenir ou voter non. Voilà ! La démonstration est faite. Je ne sais pas si M. Blanc a compris la démonstration, en tout cas je l'espère...
M. Claude Blanc. Pas la peine d'aller à l'université pour savoir cela !
Le président. Vous devriez terminer en disant: «cqfd».
M. Souhail Mouhanna. Tout à fait. Encore faut-il traduire: «ce qu'il fallait démontrer»... Bien !
Il y a une deuxième chose que j'aimerais dire à M. Weiss. Vous dites que vous ne voyez pas le rapport entre les considérations générales sur le projet de loi, la confiscation des ressources naturelles et la volonté de marchander l'enseignement et bien d'autres activités humaines. Mais je crois que votre collègue M. Aubert vous a répondu lorsque, en citant Georges Marchais, il a parlé de la recherche et de sa rencontre avec le «grand capital»... C'est de ça dont il vous a parlé ! Et vous savez très bien que l'Organisation mondiale du commerce a justement, à son ordre du jour, la privatisation non seulement des services publics, mais des activités de service, dont l'éducation. La Communauté européenne examine également la situation, les lobbies américains sont extrêmement actifs dans ce domaine-là - vous le savez - car c'est un marché de plusieurs centaines de milliards. Et cela intéresse beaucoup les prédateurs économiques et les profiteurs sur le dos des autres... Vous le savez très bien, vous êtes bien placé pour le savoir ! Je m'étonne d'ailleurs que vous feigniez d'ignorer qu'il y a effectivement un lien: c'est justement parce que ce lien existe que je fais un certain nombre de propositions, notamment la nécessité de garantir à l'université l'indépendance financière, la liberté académique et la pensée critique... (L'orateur est interpellé.)Je ne m'énerve pas, je parle avec conviction !
M. Sami Kanaan (S). Après la déclaration liminaire et générale de ma collègue Laurence Fehlmann Rielle, j'aimerais donner, puisque les amendements ont déjà été évoqués, un premier aperçu de la position du groupe socialiste à leur sujet. Cela commence à devenir difficile de suivre le fil, car il y a des sous-amendements aux amendements... J'espère avoir bien enregistré les différentes propositions.
J'aimerais juste faire une parenthèse pour remercier notre collègue Aubert, qui a reparlé du contexte. Finalement, c'est vrai qu'on ne fait pas de loi sur l'université sans tenir compte du contexte. Or, s'il y a un contexte qui évolue vite et est difficile à suivre, c'est bien celui des institutions de l'enseignement supérieur. Je le rejoins d'ailleurs sur les différents défis qu'il a relevés par rapport à l'université, et j'en rajouterai un, plus d'actualité que jamais: c'est la démocratisation des études, dans le sens où toutes ces évolutions - y compris par exemple celle de la mise en réseau des universités et le fait qu'on attende des étudiants qu'ils soient plus mobiles qu'avant - posent encore plus qu'avant le problème de l'accès aux études. L'exigence d'être mobile est forcément une barrière sociale pour ceux qui n'ont pas les moyens de l'être, cela augmente les problèmes de logement et toutes sortes d'autres problèmes. Par ailleurs, on dit de nos jours qu'il faut absolument faire plus qu'une simple licence, car une simple licence ne mène pas à grand-chose sur le marché du travail. Il faut entreprendre des formations continues, des masters et toutes sortes de choses qui coûtent souvent plus cher que les études de base dans la plupart des institutions, y compris publiques. Par conséquent, il y a là aussi une sélection sociale accrue pour l'accès à des qualifications qui devraient être accessibles à tout le monde. Nous savons qu'il y a des allocations d'études, mais nous savons aussi que même si, dans ce domaine, le canton de Genève est plutôt au-dessus de la moyenne suisse, tous les besoins sont loin d'être couverts, comme l'a d'ailleurs rappelé un rapport de la Commission d'évaluation des politiques publiques, il y a environ une année. Il y a de nombreuses imperfections, en particulier pour les gens qui veulent faire de la formation continue, ainsi que pour ceux qui reprendraient des études sur le tard. C'est donc un enjeu qui, pour nous, reste ouvert et qui n'est d'ailleurs pas couvert par cette révision de la loi. Nous y reviendrons d'une manière ou d'une autre à l'intérieur de ce parlement.
Pour en venir aux amendements, comme l'a dit ma collègue Fehlmann Rielle, ce projet en l'état ne nous satisfait pas entièrement, mais je dirais qu'il est le fruit d'une négociation ardue et donc d'un équilibre fragile. Nous n'étions pas, a priori, très enthousiastes pour soutenir des amendements en séance plénière, sur une matière aussi complexe. Ceci étant, nous les avons examinés avec attention.
Nous pouvons tout à fait rejoindre notre collègue Mouhanna sur le premier amendement, concernant l'article 7 alinéa 3, mais je dirais que nous sommes encore plus enclins à rejoindre - si j'ai bien compris sa teneur - le sous-amendement venu des bancs libéraux qui remplacerait les termes «indépendance financière» par «indépendance académique», ou éventuellement «intellectuelle», ce qui serait encore mieux, puisqu'en fait telle est la vraie indépendance de l'université qu'il faut préserver. De toute façon, l'université est dépendante financièrement en premier lieu de l'Etat - encore heureux ! - et éventuellement d'autres sources à venir, mais ce qui compte surtout, c'est que l'université, tout en dépendant financièrement de ses sources de financement, soit indépendante sur le plan académique et intellectuel.
Concernant l'article 13, soit la convention d'objectifs, l'amendement ne concerne en fait que la lettre d) de l'alinéa 2. Nous n'avons pas de problème particulier avec la proposition de notre collègue Mouhanna. Au contraire, je viens de dire que la démocratisation des études restait un enjeu majeur. D'ailleurs, en présentant cet amendement, notre collègue Mouhanna confirme à quel point la convention d'objectifs peut être un outil particulièrement intéressant, si bien utilisé, car il permet justement à cette enceinte, au parlement, d'exprimer un mandat très clair vis-à-vis de l'université, ce qui n'était pas forcément possible jusqu'à présent. Si on utilise la convention d'objectifs comme outil, nous, parlement de la République, pouvons ensuite faire des demandes précises à l'université, auxquelles elle aurait de la peine à ne pas répondre. Donc même si la lettre d) nouvelle version est un peu un mélange des genres entre les différents sujets, nous pouvons tout à fait y souscrire.
Concernant l'article 63, la gratuité des études: nous avions défendu la gratuité des études lors de la votation référendaire d'il y a quelques années, et nous n'avons pas changé d'avis depuis. D'ailleurs, dans le projet de loi socialiste déposé sur ce sujet, la loi-cadre, nous avions rappelé que nous étions pour la gratuité des études, mais nous avions laissé ouvert la possibilité que, pour certaines formations de troisième cycle, des écolages puissent être prélevés, à condition que ça ne devienne pas des barrières à l'accès aux études. Par contre, nous ne pouvons pas aujourd'hui, en dernière minute lors d'un débat de plénière, traiter ce problème particulièrement complexe, dans la mesure où cela est un peu improvisé. C'est pourquoi nous nous abstiendrons. J'aimerais en plus rappeler que nous avons un sérieux problème aujourd'hui déjà, puisque le rectorat ne fait pas l'usage légal, obligé, qu'il devrait faire des recettes actuelles liées aux taxes. Nous l'avons dit et redit en commission de l'enseignement supérieur et, je crois, en commission des finances: le recteur dit ouvertement qu'il ne peut pas, ou ne souhaite pas, ou que ce n'est pas possible - quelle qu'en soit la raison - d'en faire l'usage que la loi exige. Ce problème doit donc, selon nous, être repris de zéro. Nous sommes prêts à collaborer à un projet de loi à ce sujet.
Enfin, l'amendement concernant la composition du conseil de l'université. Il y a là deux amendements en quelque sorte opposés: celui de notre collègue Mouhanna et celui de M. Hodgers au nom des Verts. Nous ne soutiendrons ni l'un ni l'autre, parce que cette discussion a déjà eu lieu en long et en large à la commission de l'enseignement supérieur. Le groupe socialiste plaidait pour une solution à vingt-quatre membres, avec deux tiers de représentants de l'institution. Nous n'avons malheureusement pas obtenu ce chiffre, mais nous sommes arrivés à un compromis qui n'en est pas très éloigné. Notre position dans cette discussion était de dire qu'il fallait une claire majorité à l'université et un conseil qui ne soit pas pléthorique, car le but de la création de ce conseil était justement d'avoir un contre-pouvoir efficace, face au rectorat. Avec un conseil trop grand, les socialistes sont convaincus que ce but ne pourra être atteint. La formule proposée à l'article 77, telle que la commission l'a votée, est à notre avis meilleure que la loi actuelle en vigueur depuis 1994 et meilleure aussi que le premier projet de loi voté par la commission il y a une année qui, lui, prévoyait un conseil «moitié-moitié». Nous ne croyons pas à la solution des Verts, même si nous comprenons leurs motivations. Selon nous, un conseil composé pour moitié de membres de l'université et pour moitié de gens extérieurs à elle déresponsabiliserait l'université. Il serait en effet très facile à l'université de prendre pour excuse le fait que la moitié du conseil - voire la majorité, avec la voix du président du conseil - provient de l'extérieur, pour se démobiliser de sa propre prise en charge. Pour nous, l'instrument par lequel nous espérons influencer et mandater l'université, c'est la convention d'objectifs. C'est ensuite à l'université de se prendre en charge par le biais de son conseil.
Voilà la position du groupe socialiste sur les amendements.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais, pour commencer, vous faire part d'un événement qui a l'air de ne pas avoir grand-chose à voir avec notre sujet, et pourtant... L'autre jour, du côté de Versoix, il était 6 h 15 du matin et je voyais monter sur la colline toute sorte de gens, y compris des enfants. Tous ces gens allaient à Ecogia, sur le site où l'université de Genève a son laboratoire d'astrophysique, pour regarder partir un satellite d'observation des rayons gamma. Qu'est-ce que ceci a à faire, finalement, avec notre sujet ? Il se trouve que c'est l'université de Genève qui a été choisie pour gérer durant les trois à cinq prochaines années toutes les données qui vont être récoltées par ce satellite mis en place par l'ESA. Cela signifie que notre université est capable non seulement de collaborer, de participer à des projets de grande envergure, mais aussi d'intéresser les citoyens, prêts à se lever tôt pour participer à un événement dont on aurait pu penser qu'il leur était indifférent, pour avoir vu depuis bientôt trente ans partir des satellites dans l'espace. Et c'est là le lien que j'aimerais faire avec le sujet de ce soir, en rappelant que nous possédons ici une institution de qualité, de renommée internationale, qui mérite l'affection et l'intérêt des citoyennes et des citoyens qui acceptent, année après année, de contribuer à faire en sorte qu'elle vive. Et, au fond, ces trois années où les uns et les autres, sous la houlette des trois présidentes que je remercie ici, ont donné le meilleur d'eux-mêmes, parfois dans des débats acharnés, parfois dans la volonté d'aboutir et toujours dans l'idée qu'un jour il faudrait terminer pour que l'université puisse poursuivre son chemin, ont fait en sorte que ce soir nous ayons à voter une loi.
Vous l'avez raconté chacun à votre manière: cela n'a pas été sans mal, ni pour l'université, ni pour les députés de tous bords. Mais j'aimerais ici vous rendre hommage à tous, parce qu'en définitive, et même avec la présence d'un rapporteur de minorité qui ce soir encore défend sa position, vous avez eu, les uns et les autres, un souci constant de faire au mieux pour notre alma mater. Et même si l'université n'a parfois pas tout à fait perçu cette volonté des députés, je crois qu'elle a fini par la ressentir, ce fameux jour du mois d'avril où vous avez invité toute la communauté universitaire à s'exprimer.
Bien sûr, les étudiants nous diront aujourd'hui que c'est un verre à moitié vide. Le rectorat nous dira plutôt, avec ses doyens, que c'est un verre à moitié plein. Et les députés eux-mêmes sont conscients du fait qu'il y a du travail à faire, sans compter le Conseil d'Etat, que je représente ici, et qui vous a dit à plusieurs reprises qu'il aurait eu d'autres souhaits. Chacun a finalement fait des concessions, pour essayer de trouver ce qui sera valable dans les dix prochaines années, ou peut-être davantage. Nous savons, les uns et les autres, que nous n'avons pas réglé la question du statut des enseignants - vous l'avez dit. Nous savons que le processus de Bologne, qui ne doit pas devenir, Mesdames et Messieurs les étudiants, un supermarché - et vous savez que nous ne le souhaitons pas - doit encore faire l'objet d'un consensus et d'une mise en oeuvre. Nous savons qu'il y a encore d'autres questions à régler, et je partage avec vous le souci que l'université soit encore et toujours libre dans sa recherche, consciente que les transferts de technologie sont indispensables, mais soucieuse aussi de poser des règles qui soient conformes autant à l'éthique qu'à l'économie.
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, vous avez raison de vous préoccuper que ce soir le débat soit bien sûr serein, mais qu'il soit aussi l'expression d'une volonté d'aboutir. Il y a des amendements auxquels vous renoncerez. Il y en a auxquels moi-même j'aurais aimé participer ! Et parmi ceux qui sont proposés ce soir, certains peuvent être acceptés, d'autres ne sont pas souhaitables. Je dirais qu'il est important que vous vous mettiez d'accord pour soutenir l'indépendance académique plutôt que financière. Et si vous vous mettez d'accord sur ce point, l'amendement de M. Mouhanna à l'article 7 alinéa 3 est de nature à rassembler chacun.
Il est possible que vous ayez à coeur de signaler que les missions générales de l'université sont d'une certaine façon comprises dans la loi, et que la convention d'objectifs doit traduire davantage un programme que ces missions elles-mêmes. En ce sens-là, je ne crois pas qu'il y ait de combat justifié dans cette enceinte au sujet de cette proposition.
Mais d'autres amendements font double emploi avec d'autres lois et font partie non pas d'une convention d'objectifs mais d'obligations permanentes. Je rappelle ici qu'il y a une différence entre une convention d'objectifs qui se fixe des étapes et un programme pour quatre ans, et la démocratisation des études ou les conditions de travail qui sont régies par des lois. Je vous rends attentifs au fait qu'il s'agit de différencier les obligations légales permanentes des objectifs que vous souhaitez et que l'université se fixe. C'est la raison pour laquelle l'amendement à la lettre d) de l'article 13 n'est pas souhaitable, quand bien même chacun s'attachera à dire que la démocratisation des études fait partie, depuis plus de trente ans, des objectifs que le législateur a donnés à l'Etat de Genève.
Voilà la position que je défendrai au nom du Conseil d'Etat en vous demandant de faire en sorte que ce soir, dans le débat qui va se poursuivre autour des amendements, la cohérence que vous avez recherchée se retrouve au moment du vote et que vous ne trouviez pas soudainement, par le biais d'amendements et de contre-amendements, le mouton à cinq pattes que vous avez su éviter dans vos travaux de commission pendant trois ans.
J'aimerais, pour terminer, dire à l'université que nous avons tous été sensibles à ses préoccupations et à son besoin de quiétude pour pouvoir poursuivre ses travaux. Mais j'aimerais rappeler aussi que toute institution qui réclame de l'autonomie et de l'indépendance a évidemment une contrepartie à offrir et doit rendre des comptes à la cité; plus le contrat est clair, plus les indicateurs sont bien évidents pour chacun, et plus la confiance est grande. Et il ne peut y avoir d'institution indépendante qui ne jouisse de la confiance ni du parlement, ni du gouvernement, ni des citoyens. C'est là un contrat avec la cité qui doit être prolongé, qui doit être soigné, et qui doit être entretenu. C'est ce que j'ai retenu de plus essentiel, finalement, dans la loi telle qu'elle est maintenant élaborée et que je souhaite que vous votiez.
Mis aux voix, le projet de loi 7985 est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1, 1A et 3.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 7, alinéa 3: «L'université s'efforce, en veillant à préserver son indépendance financière,de développer les contacts...» et d'un sous-amendement visant à remplacer le mot «financière» par «académique». Monsieur Mouhanna, je vous cède la parole.
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. Tout d'abord, il va de soi que j'accepte le sous-amendement des libéraux visant à écrire «indépendance académique», mais il faut que j'explique pourquoi, dans mon amendement, j'ai parlé d'indépendance «financière». Dans le projet de convention d'objectifs, voilà notamment ce que je lis: sous «Services à la cité et expertises», les indicateurs sont «évolution du nombre d'accords de collaboration avec des entreprises et des institutions publiques; évolution du nombre de brevets déposés et de licences accordées; évolution du nombre de recherches sur mandat». Il y a d'autres choses encore: sous «Egalité des chances», on lit toujours «évolution du nombre de bourses, etc.» Tout cela est donc très quantifié !
Je crois être bien placé pour savoir que, lorsqu'on fait dépendre financièrement une institution telle que l'université ou les hautes écoles spécialisées d'un certain nombre d'entreprises qui sont, pour beaucoup d'entre elles, de plus en plus éphémères, on prend le risque de mettre en danger l'indépendance académiquedes universités. Que se passera-t-il par exemple dans le cas de projets de recherche très importants financés par une entreprise qui tombe en faillite ? Est-ce que l'université devra cesser ses recherches ? Moi je réponds: «Non !» Il faut donc que les mandats et la collaboration avec l'économie soient essentiellement dirigés dans l'intérêt de la formation, de l'enseignement et de la mission de l'université, et que cela ne mette pas en cause la nécessaire indépendance financièrede l'université. C'est la raison pour laquelle j'avais utilisé ce mot. Mais je suis tout à fait d'accord qu'on écrive «financière et académique», cela va de soi.
M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, je n'entrerai pas dans les détails, même si je comprends que pour sa part, M. Mouhanna ait voulu le faire. Toutefois, je crois que dire «indépendance académique», c'est par là se référer à une notion qui a une acception claire, qui peut en comprendre d'autres, y compris - peut-être - l'indépendance financière. Mais je soulèverai toutefois le point que l'indépendance financière doit néanmoins prévoir aussi le contrôle. C'est pour cette raison qu'en tout état de cause je préfère que l'on dise «indépendance académique».
M. Albert Rodrik (S). Nous pourrons dire, pour la postérité et le Mémorial, que l'adjectif «académique» implique l'aspect intellectuel et financier, afin que cela se sache dans l'avenir.
Le président. Dois-je comprendre qu'il y a un troisième amendement ? Monsieur Vanek, je vous en prie.
M. Pierre Vanek (AdG). Monsieur le président, il y a en effet un troisième amendement. J'ai entendu M. Mouhanna indiquer qu'il acceptait volontiers, de la part de M. Weiss et de ses collègues, qu'on parle d'indépendance académique, mais à condition de maintenir le mot «financière». Donc, M. Mouhanna - et je le suis volontiers sur ce chemin - ne maintient pas tel quel son amendement et est prêt à accepter, le cas échéant, un sous-amendement, mais qui ne correspond pas à la teneur de ce qu'a proposé M. Weiss.
Sur le fond, M. Weiss a répondu que, sans doute, l'indépendance académique pouvait aussi comprendre l'indépendance financière; M. Rodrik a indiqué que, sans aucun doute, l'indépendance académique comprenait cet élément-là, et M. Mouhanna est d'avis, comme moi, que ça va mieux en le disant. En conséquence, nous sommes en présence d'une proposition consistant à mentionner ces deux éléments à l'article 7, alinéa 3. Or, Monsieur le président, vous n'êtes pas formellement saisi d'un amendement comportant ces deux éléments. J'aimerais bien qu'en effet on vote là-dessus. Pour répondre à votre question, c'est donc bien un amendement, ou un sous-amendement supplémentaire.
Le président. Non, je ne crois pas... L'amendement le plus éloigné est celui de M. Mouhanna que je ferai voter en premier et, si cet amendement est accepté, celui de M. Weiss tombe, puisqu'il sera intégré au texte. Je vais vous lire, pour que ce soit plus clair, le nouvel amendement de M. Mouhanna, qui a la teneur suivante: «L'université s'efforce, en veillant à préserver son indépendance financière et académique, de développer les contacts...» Tel est l'amendement de M. Mouhanna. Celui qui est moins éloigné est celui de M. Weiss, qui dit: «...préserver son indépendance académique...» et c'est tout. Monsieur Mouhanna, est-ce bien cela ? Vous me dites que oui. La parole est à M. Guy Mettan.
M. Guy Mettan (PDC). Je voulais simplement dire que je me ralliais à l'idée émise par M. Rodrik, en ce sens que nous nous contenterons du texte proposé par M. Weiss, c'est-à-dire du mot «académique» seulement, sachant tous, dans notre esprit, que la notion d'indépendance académique comprend naturellement aussi une forme d'indépendance financière. C'est pourquoi nous nous rallierons à cette proposition uniquement.
M. Pierre Vanek (AdG). J'entends M. Mettan dire que l'indépendance financière est incluse dans le mot «académique», mais alors cela va mieux en l'écrivant. J'entends Mme la conseillère d'Etat indiquer sotto voceque cette indépendance financière ne veut rien dire, que cela n'a pas de sens et signifierait supprimer la subvention, etc. Elle va le dire à l'instant. Mais l'article 7, alinéa 3 est tout à fait clair ! Il faut quand même replacer ce qu'on vote et ce qu'on écrit dans son contexte. C'est un article sur la recherche, qui dit en l'état du projet: «L'université s'efforce de développer les contacts avec des secteurs non universitaires. A cet effet, elle peut accepter, sur une base contractuelle, d'entreprendre des recherches en liaison avec les différents secteurs d'activité économique.» C'est évidemment par rapport à ceci qu'il s'agit de maintenir une indépendance financière. Si ça n'est pas assez clair en étant lu dans le contexte - je crois pour ma part que ça l'est - on pourrait encore le préciser. Mais c'est bien de cela qu'il s'agit, c'est-à-dire du «grand capital» évoqué par mon «camarade» libéral tout à l'heure.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, à force de faire de l'idéologie, je pense qu'on en arrive à dire des sottises ! (Applaudissements.)Excusez-moi, Monsieur le député Vanek, mais de quoi parle-t-on en l'occurrence ? Comme vous l'avez rappelé, l'indépendance financière de l'université dans sa totalité est assurée par deux biais: d'une part par les subventions cantonales - et je rappelle que vous y êtes pour beaucoup, y compris quand parfois vous tranchez dedans, mais je passe sur cet épisode vieux de deux ans - et d'autre part par la subvention fédérale votée par les Chambres fédérales.
D'où viennent les fonds destinés à la recherche ? Ils viennent essentiellement du Fonds national de la recherche scientifique et de fondations privées. Ce dont on parle ici, ce n'est pas nécessairement ce que vous croyez, avec votre obsession du grand capital. Si vous lisez exactement ce qui est proposé ici sur une base contractuelle, vous comprendrez que cela signifie que l'université effectue des prestations, y compris d'ailleurs à l'égard de l'Etat de Genève ou d'autres institutions, voire même d'autres groupements. Et s'il se trouve que l'université effectue effectivement des prestations, des expertises et toutes sortes de recherches appliquées, elle devrait tout de même percevoir de la part des milieux pour lesquels elle le fait quelques moyens qui en couvrent au minimum les frais. A partir de là, tout ce beau discours sur l'indépendance financière n'a pas le moindre sens ! En revanche, le fait de parler d'indépendance académique, comme le rappelle fort pertinemment le député Rodrik, permet de rappeler que cette indépendance académique empêche de facto qu'on soit et à la solde et dépendant des milieux avec lesquels on a signé un contrat. Ce qui signifie que sans cracher aucunement sur un devoir - celui de faire couvrir ses frais pour des prestations offertes - il serait inadmissible que l'université offre gratuitement ses services à l'égard de tiers qui peuvent parfaitement les rétribuer. Cela n'est pas un état de dépendance, mais le juste moyen de financer des prestations à la cité que l'université est capable d'offrir. Je ne vois pas pourquoi elle ne pourrait pas percevoir une contrepartie pour un travail fourni. Pour le reste, si vous souhaitez augmenter la subvention de l'université, je me réjouis déjà de vous voir au moment du budget.
Le président. Monsieur Mouhanna, comme vous avez la parole, vous confirmerez que ma proposition était bien celle à laquelle vous pensiez.
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. Monsieur le président, c'est bien ce que je proposais comme nouvel amendement, mais vu la tournure des choses, je ne peux plus laisser passer ce qui vient d'être dit sans réagir. Il est inacceptable de parler de sottises, car ces amendements ont été réfléchis avec beaucoup de sérieux et de façon responsable... (Brouhaha.)Je vais vous en donner les raisons et les arguments, Mesdames et Messieurs les députés, si vous voulez bien me laisser parler.
Tout d'abord, je vous ai déjà lu un certain nombre d'indicateurs proposés dans la convention d'objectifs, qui parle du nombre de mandats, de la proportion du financement externe, etc., pour juger de la «qualité» de la formation universitaire dispensée. Or, je suis aussi bien placé pour savoir comment fonctionne la Confédération ! On prétend donner des subventions moyennant un certain nombre de conditions, ceci uniquement pour avoir le contrôle sur cette formation précisément, pour désaisir les cantons, et par conséquent la population, de leurs prérogatives dans le domaine de la formation. Nous le savons tous.
Je tiens quand même à expliquer ce que j'entends par «indépendance financière»: je n'ai pas dit que l'université ne doit pas accepter de l'argent de la part des entreprises lorsqu'il y a un mandat ou un projet; je dis simplement qu'il faut veiller à préserver l'indépendance financière. Comme la convention d'objectifs est une convention entre l'Etat et l'université, c'est-à-dire une convention signée et négociée par les deux parties et ratifiée par le Grand Conseil, sachant qu'il y a des projets de 2, 3 ou 4 millions de francs, il faut être clair par rapport au fait que, si la société ou l'entreprise en question venait à cesser son financement promis, il faut que l'Etat prenne le relais pour que les projets ne s'arrêtent pas ! C'est dans ce sens-là que je veux «garantir l'indépendance financière», et ce n'est nullement, comme l'a dit Mme Brunschwig Graf, une proposition du style: l'université va faire le travail gratuitement. Ce n'est pas cela du tout ! Il faut que l'Etat garantisse la continuité des projets lorsque l'entreprise en question cesse de les financer ou de répondre à ses obligations.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous faire voter sur ces amendements et, comme dit tout à l'heure, je vais d'abord vous faire voter sur l'amendement le plus éloigné, celui de M. Mouhanna, qui consiste à ajouter à l'article 7, alinéa 3: «L'université s'efforce, en veillant à préserver son indépendance financière et académique,de développer...».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Le président. Nous avons un deuxième amendement, celui de M. Weiss, qui parle d'indépendance académiqueseulement.
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 7, alinéa 3 ainsi amendé est adopté, de même que les articles 7A, 9, 10 et 11.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Mouhanna à l'article 13. Monsieur Mouhanna, vous avez la parole.
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. A l'article 13, je propose deux changements par rapport à la version du rapport de majorité. Comme vous le savez, il y a un article dans la loi sur l'université - le premier, je crois - qui parle des missions générales de l'université. A partir de là, le rôle de la convention d'objectifs - renouvelée, elle, tous les quatre ans en principe - est de concrétiser ces missions générales de l'université, et non pas de les définir, comme cela est écrit dans le projet de la majorité. Il faut absolument, par conséquent, clarifier la situation et dire qu'il s'agit bien d'une convention qui établit le programme visant à concrétiserles missions générales de l'université. Ce que j'ai entendu tout à l'heure me permet de penser qu'une majorité, voire le Grand Conseil dans son ensemble serait d'accord sur ce point.
Par ailleurs, je propose une autre modification à la lettre d) de l'alinéa 2, qui deviendrait: « à la démocratisation des études,à la promotion de l'égalité des sexes et aux conditions de travail des étudiants et du personnel». Puisque cela a été relevé tout à l'heure par Mme la présidente du département de l'instruction publique, j'aimerais tout de même dire que la démocratisation des études est permanente dans la mesure où elle se trouve dans une loi. Bien sûr, je suis pour la défense de la démocratisation des études, mais il faut dire comment celle-ci se concrétise au niveau de l'université ! On a bien vu tous les problèmes liés au logement, il y a aussi les problèmes des bourses, ceux des conditions de travail des étudiants et du personnel. Par conséquent, je ne vois pas pourquoi la convention d'objectifs, qui décrit le programme de concrétisation des missions générales de l'université et de l'ensemble des lois de la République quand elles touchent l'université, ne s'intéresserait pas aux problèmes liés à la démocratisation des études. Je précise d'ailleurs que le projet adopté par la majorité parle de la «promotion du principe de l'égalité des sexes», et pourtant cela existe aussi dans la loi. C'est de même nature que de parler de démocratisation des études et des conditions de travail. C'est la raison pour laquelle j'estime - puisque c'est dans la loi - qu'il n'y a pas de raison de ne pas dire que cette convention d'objectifs établit le programme visant à la concrétisation de ce qu'il y a dans la loi, soit la démocratisation des études.
Je ne vois pas ce qu'il y a d'inacceptable dans ce genre de proposition. Si vous l'acceptez dans la loi, acceptez également que la convention d'objectifs essaie de concrétiser ce qu'il y a dans la loi.
Le président. Vous trouvez l'amendement de M. Mouhanna à la page 145 du rapport. Ce n'est du reste pas un amendement, mais le remplacement pur et simple de l'article 13 que vous avez dans la loi par l'article 13 proposé par M. Mouhanna.
M. Antonio Hodgers (Ve). Monsieur le président, bien que vous ayez formellement raison, il me semble qu'il faudrait subdiviser cet amendement, car les oppositions ne sont pas les mêmes selon la partie de l'article 13 qui est modifiée. Pour notre part - mais je sais que ce n'est pas le cas de tout le monde - nous rejoignons l'ensemble des amendements proposés par l'Alliance de gauche. Concernant la lettre d) qui semble prêter à discussion, je dois tout de même préciser que nous avions refusé cet amendement en commission, car il avait été mal développé ou du moins nous étions-nous mal compris avec M. Mouhanna. Effectivement, si par démocratisation des études on entend les allocations aux études, l'accès au logement, il est évident que ce sont là des rôles dévolus à l'Etat, et que ce n'est pas à l'université de s'en occuper de manière spécifique.
Par contre, dans le terme générique de démocratisation des études, nous pouvons aussi comprendre l'admission d'étudiants sans maturité, les problèmes évoqués tout à l'heure liés à la mobilité des étudiants, que ce soit à l'intérieur du pays ou vers des universités européennes. Dans ce cadre-là, il serait peut-être intéressant que cette convention d'objectifs intègre certains aspects de la démocratisation des études tels que ceux que je viens d'évoquer, plutôt que les premiers cités qui répondent à la logique de l'Etat social que nous connaissons à Genève. Pour ces raisons, nous voterons l'ensemble des amendements proposés à l'article 13.
M. Sami Kanaan (S). De ce que j'ai pu lire - mais peut-être est-il tard et ai-je mal lu - le seul changement substantiel proposé par M. Mouhanna concerne la lettre d) de l'alinéa 2, où il propose d'ajouter la démocratisation des études et les conditions de travail des étudiants et du personnel. J'ai déjà dit, au nom du groupe socialiste, que cet amendement nous convenait, même s'il y a un petit mélange des genres dans cette lettre, qui devient un peu polymorphe. Comme je l'ai rappelé tout à l'heure, la démocratisation des études nous tient effectivement très à coeur, et j'aimerais ici nuancer ce qu'a dit Mme la conseillère d'Etat: la convention proprement dite dure quatre ans, la loi par contre est faite pour durer - on l'espère - un certain moment, et il n'est pas mauvais de rappeler à l'université que chaque convention qu'elle proposera à la signature doit aussi proposer des mesures concrètes, favorisant la démocratisation des études. Traditionnellement, l'université a quand même tendance à estimer que tout ce qui concerne le volet social au sens large, le volet de l'accès aux études, ne la concerne pas ou en tout cas moins que le volet académique et scientifique. Et de découvrir après coup qu'il faut peut-être aussi s'occuper de logements... Il vaut donc mieux le lui rappeler d'emblée: elle pourra ainsi planifier et contribuer, par exemple, à trouver des solutions au problème du logement ou à celui des taxes universitaires pour ceux qui ne peuvent pas les payer. Par conséquent, nous soutiendrons l'amendement de M. Mouhanna, qui, je le répète, selon moi ne change que la lettre d), alinéa 2 de l'article 13.
Mme Janine Hagmann (L). Il faudra vraiment scinder cet amendement, car le groupe libéral s'abstiendra sur la première partie de l'amendement qui demande que la convention établisse un programme. Nous avons expliqué que nous tenions beaucoup à l'autonomie de l'université - nous avons parlé tout à l'heure de liberté académique - or, avec une notion de programme, nous donnons une notion de calendrier. Cela gêne le groupe libéral, car une notion de calendrier est beaucoup plus contraignante pour l'université que ce que nous avions écrit nous-mêmes. Nous nous abstiendrons donc sur cet amendement-là. Quant aux suivants, M. Weiss a déjà annoncé que nous les refusions.
M. Guy Mettan (PDC). Monsieur le président, je crois qu'il faut effectivement scinder cet amendement en deux parties, car nous, les démocrates-chrétiens, acceptons les modifications suggérées par M. Mouhanna à l'alinéa 1, mais nous nous opposons en revanche fermement à la modification de la lettre d), alinéa 2, concernant la démocratisation des études et la mention relative aux conditions de travail des étudiants et du personnel. Il va de soi que nous sommes favorables au principe de la démocratisation des études. C'est grâce à ce principe que j'ai moi-même pu fréquenter l'université, et je suis sensible aux conditions de travail du personnel et des étudiants, mais ça n'est pas le lieu ici, dans la loi universitaire, de mentionner ces éléments. Il existe notamment une loi sur les allocations d'études qui paraît beaucoup plus idoine, et l'on peut essayer de travailler de ce côté-là. C'est pourquoi nous nous limiterons à ce que je viens de dire.
M. Bernard Lescaze (R), rapporteur de majorité. Je tiens d'abord à préciser que M. Mouhanna ne propose que deux petites modifications. A l'alinéa 1, il propose: «Cette convention établit le programme visant à concrétiser les missions...», au lieu de: «...établit les missions...» Les radicaux sont d'accord d'accepter cet amendement, car il nous paraît plus précis. En revanche, en ce qui concerne la lettre d), les radicaux n'oublient certainement pas qu'ils ont été les initiateurs, il y a plus de quarante ans, de la démocratisation des études. Ce qui, d'ailleurs, signifie la démocratisation de l'accès aux études. Il s'agit là d'un principe général, commun à tous les ordres d'enseignement et qui n'a pas à figurer au détail du programme d'une convention d'objectifs quadriennale. En conséquence, la lettre d) doit rester telle qu'elle est à l'article 13 de la page 61 du rapport de majorité. Nous nous opposons donc à cette seconde partie de l'amendement. Il est clair par conséquent, Monsieur le président, que nous demandons deux votes: un vote sur l'alinéa 1 et un vote sur l'alinéa 2, lettre d).
Le président. En fait, il y a quelques autres modifications, mais ce n'est pas grave... Monsieur Kanaan, vous avez la parole.
M. Sami Kanaan (S). Je n'ai effectivement pas été précis tout à l'heure: il y a plusieurs modifications dans l'article 13. Je vous recommanderai à l'avenir, Monsieur Mouhanna, de mieux mettre en évidence les changements par rapport à l'article d'origine.
Il y a trois changements, si j'ai bien compté cette fois-ci: le premier concerne l'alinéa 1...
Le président. Excusez-moi de vous interrompre, mais tant que je n'ai pas d'autres propositions, je devrai faire voter sur l'ensemble de l'article. Mais comme il ne faut pas non plus être buté, je peux changer: il peut y avoir, si cela convient à ce parlement, un vote sur l'alinéa 1 et un vote sur l'alinéa 2, mais dans leur ensemble. Que ceux qui veulent autre chose m'amènent un amendement par écrit, s'il vous plaît. Vous pouvez continuer, Monsieur Kanaan.
M. Sami Kanaan. Merci, Monsieur le président, vous m'ôtez les mots de la bouche, puisque j'allais faire la même proposition. J'allais dire que le groupe socialiste acceptait tous les changements proposés par M. Mouhanna à l'article 13. Ainsi, c'est clair.
M. Pierre Vanek (AdG). Monsieur le président, j'allais bien entendu faire la même proposition. Si je ne m'abuse, il y a aussi une petite modification à l'alinéa 4 qui mériterait d'être soumise au vote, puisque vous procédez à un vote par alinéa. Il semble qu'il y ait un ajout dans la proposition de M. Mouhanna sur la convention d'objectifs, qui dit être approuvée par le conseil de l'université. M. Mouhanna confirmera que c'est aussi une modification qu'il propose et qui demande un vote à part entière.
Par ailleurs, je veux rompre une lance en réponse à M. Lescaze par rapport à l'indication de la lettre d) à l'alinéa 2. M. Lescaze indique que la démocratisation des études ou l'accès aux études étant un principe général qui concerne tous les autres ordres d'enseignement - ce que je concède bien volontiers - il n'y a pas lieu d'en parler ici. Pour moi, c'est une évidence que si ce principe concerne tous les ordres d'enseignements, il concerne toutefois particulièrement l'accès à l'université, puisque, a priori, l'accès démocratisé à l'école enfantine et à l'école primaire pose moins de barrières... Et il est peut-être utile, au niveau des principes généraux listés ici, de citer ce principe général à propos duquel vous avez dit, Monsieur Lescaze, tant votre attachement que votre sentiment de paternité en tant que radical.
Par ailleurs, en centrant votre intervention autour de ce point, vous avez occulté l'autre modification que propose M. Souhail Mouhanna à cette lettre d), en sus de la promotion de l'égalité des sexes qui est évidemment maintenue. Il s'agit de la question des conditions de travail tant des étudiants que du personnel. Il me semble parfaitement légitime qu'elle soit citée ici, cela figure dans l'amendement proposé, et je ne vois pas pourquoi vous vous y refuseriez.
Le président. Très bien, je prends acte et continue d'improviser, en disant que je vais faire voter le premier alinéa, tandis que je vous demande de comparer un texte par rapport à l'autre pour les alinéas 2 et 3. Madame de Haller, vous avez la parole.
Mme Jeannine De Haller (AdG). Il y a une erreur de lecture de la part de mon collègue: les alinéas 3 et 4 restent tels quels. Il n'y a absolument pas de modification, puisque la ratification de la convention passe de toute façon par le conseil de l'université.
Le président. Je fais voter l'amendement à l'article 13, alinéa 1, consistant à remplacer: «...établit les missions générales...» par «...établit le programme visant à concrétiser les missions générales...» Nous procédons par vote électronique.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 40 oui contre 18 non et 11 abstentions.
Le président. Je vous fais maintenant voter l'amendement de M. Mouhanna à l'alinéa 2, lettre d) qui deviendrait: «à la démocratisation des études, à la promotion de l'égalité des sexes et aux conditions de travail des étudiants et du personnel».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Le président. Je vous fais maintenant voter l'ensemble de cet article 13 ainsi modifié... (Protestations.)On vient de nous dire, Monsieur Mouhanna, qu'à l'alinéa 4 c'est le même texte !
Une voix. Ce n'est pas le même, Jeannine s'est trompée...
Le président. Dans ce cas, je fais voter l'alinéa 4 proposé par M. Mouhanna, que je lis: «Le Conseil d'Etat dépose un projet de loi en vue de la ratification de la convention d'objectifs approuvée par le conseil de l'université.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Mis aux voix, l'article 13 ainsi amendé est adopté, de même que les articles 25A à 53.
Le président. Je vous renvoie à nouveau à la page 146 pour un amendement qui consiste à introduire un article 63: «Les études universitaires sont gratuites.» Monsieur Mouhanna, vous avez la parole.
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. Tout à l'heure, Mme Janine Hagmann a cité Olivier Reverdin, M. Claude Aubert a cité Georges Marchais, moi je vais citer la jeunesse progressiste radicale. En 1961, la jeunesse radicale progressiste... (Exclamations et rires. Le président agite la cloche.)
Il est clair que les radicaux d'antan ne reconnaissent plus les leurs aujourd'hui... En 1961 donc, les jeunes radicaux ont lancé une initiative populaire cantonale non formulée qui annonçait deux principes: 1. l'instruction secondaire supérieure et l'enseignement supérieur universitaire sont gratuits pour les élèves genevois et confédérés dont les parents sont domiciliés depuis plus de cinq ans dans le canton de Genève; 2. il est créé dès la première année d'enseignement secondaire supérieur un système de présalaire durant tout le cycle secondaire supérieur universitaire, et dont bénéficient les élèves capables, genevois et confédérés, dont les parents domiciliés depuis plus de cinq ans dans le canton de Genève ont des revenus modestes ou moyens ne leur permettant pas d'assumer la charge d'études complètes.
Voilà ce que préconisait la jeunesse progressiste radicale à l'époque. Comme l'a dit M. Lescaze, rapporteur de majorité, c'était la base de ce qu'on a appelé la démocratisation des études. Les uns la défendent aujourd'hui, d'autres sont contre. Devinez qui a trahi ? Certainement pas l'Alliance de gauche !
Mesdames et Messieurs les députés, ce parlement a introduit les taxes universitaires, prétextant qu'il n'y avait rien à craindre, que ceux qui n'en auraient pas les moyens seraient remboursés. Ce système-là a véritablement quelque chose d'extrêmement pervers, et je vais vous dire pourquoi. Comme tout le monde s'accorde à le dire, le système éducatif est quelque chose d'essentiel pour toute société. Or, si le niveau de formation et d'instruction, le niveau civique des jeunes est quelque chose d'essentiel et d'utile à l'ensemble de la collectivité, si tel est le cas, il est évident que c'est l'ensemble de la collectivité qui doit financer ces formations, financer cette éducation. Mais si ces jeunes ne sont utiles qu'à leurs parents - mais je crois que très peu de gens pourraient dire cela - il faudrait alors fermer toutes les écoles et dire aux parents d'éduquer eux-mêmes leurs enfants. Je crois que c'est la première version qui est la bonne, puisque - tout le monde s'accorde à le dire - le système éducatif est très important pour l'ensemble de la collectivité. Dès lors, il appartient à la collectivité de financer cette formation. Quel est le moyen le plus juste pour financer cela ? C'est justement l'impôt, l'impôt sur le revenu. Je suis contre toute discrimination à l'université, je ne suis pas pour que certains paient, tandis que d'autres non. Je suis pour que l'enseignement, la formation, l'éducation soient gratuits pour tous les jeunes, et que leur financement soit effectué selon la capacité de chacun des contribuables. Voilà ce qu'est un système juste, un système véritablement démocratique !
Par ailleurs, je voudrais vous dire quelques mots concernant ce système des taxes universitaires, qui a été introduit soi-disant pour permettre d'améliorer l'encadrement des étudiants. Selon un rapport que vous avez certainement dû voir, puisqu'il s'agit d'un rapport de la Commission externe d'évaluation des politiques publiques, déposé le 5 novembre 2001 - donc très récent - le montant des taxes prélevées à l'université est de l'ordre de 5 millions et quelques. Le budget total de l'université, dont il est question dans ce rapport, est de 571 millions. Les taxes constituent donc 1% du budget, Mesdames et Messieurs, et elles concernent environ 42% des étudiants. Pour savoir comment cela se passe au niveau du taux d'encadrement, il suffit de lire le rapport de l'université pour constater que la situation ne s'est nullement améliorée, qu'elle s'est au contraire dégradée. Par conséquent, ce système n'est nullement la réponse qu'il fallait donner pour améliorer l'encadrement, pour améliorer les conditions de travail des étudiants à l'université. Enfin, comme vous le savez certainement, l'une des trois cents propositions d' économiesuisse- l'ancien Vorort - c'est justement, par exemple, d'augmenter les taxes pour faire diminuer le nombre d'immatriculations à l'université, pour diminuer le nombre d'étudiants. C'est écrit noir sur blanc ! Monsieur Weiss, vous devez l'avoir lu, ce rapport d' économiesuisseavec ses trois cents propositions ?
A l'Alliance de gauche, nous voulons la démocratisation des études. Et si introduire des taxes et les augmenter a pour conséquence de réduire l'accès à l'université aux jeunes et même à ceux qui en ont les capacités, nous disons qu'il faut supprimer ces taxes. Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, la proposition que nous vous faisons, et j'espère que vous allez approuver cet amendement.
Enfin, une dernière chose: on va me dire que le peuple s'est déjà prononcé. C'est vrai, mais, heureusement, la position de la population évolue sur bien des sujets et vous le savez. Je rappelle ici le vote sur l'initiative fiscale 113... En outre, je signale que le vote sur les taxes a eu lieu en 1994 et que le 8 juin 1997 la population genevoise était appelée à se prononcer sur l'initiative 106 sur les hautes écoles spécialisées et sur un contre-projet. L'initiative parlait de la gratuité de la formation professionnelle dans les HES, considérées comme les universités des métiers, le contre-projet reprenait la même idée: l'initiative a récolté 47,5% des voix, le contre-projet 62,5%, ce qui fait quasiment 110% - si j'additionne les deux chiffres - de la population qui veut la gratuité. Il y a donc eu une évolution: le peuple s'est prononcé pour la gratuité et, par conséquent, il y a eu changement !
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je dois dire en préambule que je regrette tout de même que l'argumentation de M. Souhail Mouhanna dans son rapport de minorité soit si faible, puisqu'elle ne comporte qu'une seule phrase disant qu'il n'y a aucun commentaire à faire... J'ai effectivement trouvé cela un peu léger. Je voudrais rappeler ensuite qu'en 1995, pour des raisons de démocratisation des études, les Verts étaient contre l'augmentation des taxes universitaires, mais c'est vrai qu'entre-temps le peuple a accepté cette hausse. Par ailleurs, si l'on se réfère au rapport de la CEPP - et j'ai participé à ce rapport - il faut signaler que 40% des étudiants sont actuellement exonérés des taxes car ils sont allocataires, ce qui signifie que les plus pauvres ne paient aucune taxe à l'université. De plus, le bureau d'aide sociale de l'université mène une politique souple face aux étudiants qui n'arrivent pas à payer et l'incapacité à payer n'est en tout cas jamais une cause d'exclusion de l'université. Enfin, dans le budget 2003 de l'université, on voit que ces taxes ont été budgétisées à 9 millions et que 6 millions environ seront destinés à l'amélioration des conditions d'encadrement des étudiants. C'est vrai que, jusqu'à présent, cet encadrement n'a pas été bien fait, mais cela va sans doute s'améliorer, sachant qu'on a souvent émis des reproches à ce sujet et qu'on va régulièrement demander des comptes rendus sur cet encadrement, sur la destination et l'attribution de cet argent.
Ce qui est donc regrettable, dans l'amendement du rapporteur de minorité, c'est le manque d'arguments développés, c'est le fait qu'aucun débat n'ait eu lieu en commission - puisque tel n'était pas l'objet de la révision de cette loi - et que cette proposition soit trop brutale, car elle supprimerait un encadrement nécessaire aux étudiants. Nous nous abstiendrons donc sur cet amendement en l'état.
M. Pierre Vanek (AdG). J'allais renoncer à prendre la parole, tellement les explications de mon collègue Souhail Mouhanna ont été éloquentes, pertinentes et complètes, notamment sa référence aux positions des jeunesses radicales progressistes en 1961. J'ai été enthousiasmé par les propositions faites dans leur projet d'initiative ! Si un tel groupement existait encore, je me battrais pour y participer, mais il semble que les radicaux se soient reniés depuis lors: tout à l'heure M. Lescaze ne voulait pas qu'on inscrive la démocratisation des études à la lettre d) de l'article 13, parce que c'est selon lui un principe trop général et qui participe tellement de l'atmosphère qu'on respire dans tous les ordres d'enseignement et dans tous les domaines qu'il ne serait pas nécessaire de le remettre dans la loi. Lorsqu'il s'agit concrètement - de manière modeste, effectivement - de faire un pas sur un objet où on a le choix entre une mesure qui est une mesure de démocratisation des études et une mesure qui n'en est pas, je vois que M. Lescaze choisit son camp et que ses principes s'évaporent subitement, comme les bonnes intentions de 1961...
Je suis plus surpris de voir que la position des Verts concernant la gratuité des études aurait aujourd'hui changé, alors que - Mme Leuenberger nous l'a dit - ce parti y était, paraît-il, favorable au moment où, pour la dernière fois, cette question a été soulevée dans cette enceinte et soumise en votation populaire. Je ne vois pas pourquoi les Verts commenceraient eux aussi, avec des échéances bien plus brèves que les quarante ans écoulés pour le reniement des radicaux, à renier leur position sur cette question, ni pourquoi ils auraient besoin, de la part du rapporteur de l'Alliance de gauche, d'explications infiniment plus abondantes que celles données. C'est une question de principe élémentaire. Je crois que Souhail Mouhanna a parfaitement raison de poser la question dans toute sa simplicité: il s'agit juste de savoir si on est pour la gratuité des études, ou contre. Cette question est toute simple ! Et je crois que ce soir, dans cette enceinte, les député-e-s qui sont vraiment pour la démocratisation des études pourront se compter au moment du vote sur l'amendement de notre collègue Mouhanna.
Mme Leuenberger nous dit que toutes sortes d'étudiant-e-s sont aujourd'hui exonérés. Raison de plus pour voter cet amendement, soit la gratuité intégrale, puisque la réintroduction de ce principe éminemment démocratique coûtera d'autant moins cher en termes de perte de recettes pour notre collectivité. Voilà ce que j'avais à dire et je vous invite les un-e-s et les autres à appuyer cette proposition. Mon collègue Rémy Pagani me souffle d'ailleurs une idée tout à fait juste: nous demandons le vote nominal sur cet amendement qui, comme je l'ai dit, est une question de principe.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, juste avant que vous ne votiez et pour mettre tout le monde à l'aise dans ce débat, j'aimerais vous dire ceci. Vous pouvez être pour ou contre la gratuité des études, mais le peuple a tranché en 1995. En outre, le montant des taxes affectées dépasse de loin les 5 millions évoqués tout à l'heure. On peut continuer, comme vous l'avez fait, à être malgré tout pour cette gratuité telle que vous la préconisez. Mais il y a un lien que, à votre place, j'éviterais de faire: c'est celui entre la démocratisation des études et la gratuité des études. Je me souviens en effet fort bien du débat de 1995 et du constat que nous avions fait au département: toutes ces années où seuls les Genevois, contrairement aux confédérés et aux étrangers, bénéficiaient de la gratuité à l'université nous ont démontré que la démocratisation des études n'avait pas progressé sous prétexte qu'on avait ce régime-là.
Au fond, ce qui m'a beaucoup étonnée dans la précédente législature, c'est que vous n'ayez pas mieux vu le lien qu'il y avait entre la démocratisation des études et les lois sur l'encouragement aux études et sur les allocations d'études. Certains d'entre vous avaient souhaité les modifier et ils avaient d'ailleurs déposé un projet de loi à leur sujet, projet qui est fort malencontreusement resté pendant pratiquement quatre ans en commission. Je rappelle que c'est le Conseil d'Etat qui a déposé lui-même un projet de loi pour demander qu'on reprenne l'indexation, ce qui a permis ensuite, avec - je dois le dire - la contribution de l'ensemble de la commission des finances, de faire redémarrer le mécanisme des indexations des barèmes. C'est la raison pour laquelle si, dans le futur, vous vous souciez vraiment de démocratisation des études, j'espère que vous serez actifs à nos côtés lorsque, suite au rapport de la Commission d'évaluation des politiques publiques, nous reviendrons avec des propositions de modifications de la loi sur l'encouragement aux études. Celles-ci devront véritablement prendre en compte les nouvelles problématiques concernant la situation des étudiants - pas seulement à l'université, mais dans la plupart des endroits de formation - et être plus adaptées à leur condition d'adultes, plus adaptées à leurs conditions de vie et à ce à quoi ils doivent faire face.
Aussi, je tiens à dire ici que ceux qui s'opposeront ce soir à une modification de l'article tel qu'il a été ratifié en votation populaire ne seront pas contre la démocratisation des études. Ce débat-là, vous pourrez le reprendre ultérieurement, et vous pouvez dire ce que vous voulez, ce n'est pas là qu'est la vraie question du débat de ce soir.
M. Rémy Pagani (AdG). Je me permets d'intervenir, parce que je ne peux pas laisser Mme la présidente dire n'importe quoi. A l'Alliance de gauche, nous avons effectivement été les premiers, dès le début de la législature précédente, à déposer un projet de loi pour faire en sorte de rénover le système d'allocations d'études. Il y en avait même plusieurs et, pendant quatre ans, je me suis battu personnellement pour changer les choses, car j'estimais et je continue à estimer que si nous voulons favoriser l'accès aux études et démocratiser véritablement les études, nous devons modifier radicalement - si j'ose dire - le régime d'allocations d'études. Or, cela n'est malheureusement toujours pas fait, alors qu'il y a déjà une année vous nous promettez de rectifier les choses. Je trouve donc un peu fort de café que vous nous fassiez aujourd'hui des reproches, à nous Alliance de gauche, qui de tout temps avons défendu la démocratisation des études et un de ses éléments fondamentaux, soit l'accès aux études et la revalorisation des bourses d'études.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Juste un mot, Monsieur le député, pour vous préciser que votre projet est à l'étude, avec une motion issue de votre parlement pour la refonte complète du système des allocations familiales et des allocations d'études. Le groupe de travail est mené par Mme Sayegh, ancienne présidente du Grand Conseil, et ses conclusions vous parviendront à la fin du prochain semestre.
Le président. Mesdames et Messieurs, la parole n'étant plus demandée, je vous fais voter sur l'amendement présenté par M. Mouhanna à l'article 63, concernant la gratuité des études. Vous le trouvez à la page 146 du rapport. L'appel nominal est-il soutenu ? Oui, nous allons y procéder.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 41 non contre 8 oui et 19 abstentions.
Mis aux voix, l'article 72 est adopté.
Le président. La parole est demandée par Mme Janine Hagmann concernant l'article 73. Je vous donne la parole, Madame Hagmann.
Mme Janine Hagmann (L). La commission a donc voté la deuxième partie de l'alinéa 5, décidant de mettre dans la loi que le rectorat devait comprendre des personnes des deux sexes, dont acte. Selon moi, cette adjonction est humiliante pour les femmes professeures de l'université, dont je reconnais l'excellence. Leur mérite est suffisant pour leur permettre d'accéder aux postes de recteur ou de vice-recteur, sans qu'on ait à l'imposer dans la loi.
Le président. Vous n'avez pas de proposition d'amendement, n'est-ce pas ?
Mis aux voix, l'article 73 est adopté, de même que les articles 74 à 76.
Le président. Nous sommes saisis de deux amendements à l'article 77, l'un proposé par M. Mouhanna pour que le conseil de l'université soit composé de trente membres au lieu de vingt et un, et l'autre de M. Hodgers qui propose vingt membres au lieu de vingt et un.
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. Quand nous avions discuté de la composition du conseil de l'université - c'était l'un des volets de discussion ouverts sous le titre «gouvernance» - un certain nombre d'arguments avaient été avancés, consistant à dire que l'efficacité d'un tel conseil nécessitait notamment un nombre restreint de personnes. (Brouhaha.)Dans un premier temps, je laisserai de côté la question de la répartition un tiers/deux tiers ou moitié/moitié, telle que proposée par les Verts. Je tiens à rappeler que lorsque nous nous référons, par exemple, aux compétences du recteur et du rectorat, nous constatons que l'essentiel du pouvoir exécutif est entre les mains du rectorat, tandis que le conseil de l'université est un contre-pouvoir. Ce dernier est censé se réunir au moins six fois par an, aussi bien dans la proposition d'amendement que dans le texte de la majorité de la commission, alors que le rectorat, lui, considère que plusieurs séances hebdomadaires sont nécessaires à la gestion des affaires universitaires. Cela montre que le problème du nombre se pose essentiellement au niveau du rectorat, soit quatre personnes, le recteur et trois vice-recteurs. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)S'il s'agit d'une efficacité au niveau de la gestion quotidienne, je ne crois pas que quatre soit un nombre excessif en ce qui concerne le rectorat. En revanche, lorsqu'il s'agit d'un contre-pouvoir, censé représenter démocratiquement les différentes composantes de l'université, dire qu'il faut un nombre restreint de personnes parce que ce serait plus efficace, est absurde. J'ai en mémoire un certain nombre de conseils d'administration qui ne sont pas extrêmement fournis en nombre, tels que ceux de Swissair, de la Banque cantonale ou d'autres, et dont l'efficacité s'exprime surtout dans la dilapidation des fonds publics et également des fonds privés... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, laissez parler l'orateur, y compris l'Alliance de gauche qui n'écoute même pas son collègue faire son rapport ! Continuez, Monsieur Mouhanna.
M. Souhail Mouhanna. Merci, Monsieur le président. Le peu de sérieux avec lequel certains écoutent une argumentation qui se tient, et le fait que visiblement certains votent uniquement comme on leur a dit de le faire, me paraît indigne de ce parlement ! Je continue néanmoins cette argumentation, en espérant que beaucoup de citoyennes et de citoyens nous écoutent et feront la réflexion qui doit être faite... (L'orateur est interpellé.)Bien sûr, c'est vous qui m'incitez à dire ce genre de choses !
Le président. Mesdames et Messieurs, si le silence ne se fait pas, j'interromps la séance et nous poursuivrons dans un quart d'heure.
M. Souhail Mouhanna. Je crois que perturber des séances du Grand Conseil, c'est très facile...
Le président. Arrêtez cela, Monsieur Mouhanna, et reprenez votre argumentation. Ne relancez pas la polémique.
M. Souhail Mouhanna. Bien. Parler des représentants de la cité tel que cela a été fait dans les séances de la commission de l'enseignement supérieur et tel que cela apparaît dans le rapport de majorité, c'est-à-dire sans préciser comment ceux-ci vont rendre compte à cette cité de leurs activités dans un conseil tel que celui de l'université, je trouve que ce n'est pas tout à fait correct. Ceux qui représentent la cité, ce sont justement les députés, c'est le Grand Conseil, et il faut par conséquent que toutes les composantes du Grand Conseil siègent au conseil de l'université. Il faut donc au minimum un représentant par groupe politique, ce qui fait déjà sept personnes. Et comme on fait une loi pour un certain nombre d'années et qu'on ne peut garantir le nombre de groupes politiques dans le futur, il faut laisser au Conseil d'Etat la possibilité de nommer des représentants supplémentaires. C'est la raison pour laquelle je propose le nombre de dix personnes externes à l'université.
Par ailleurs, pourquoi faut-il un minimum de vingt personnes internes à l'université, comme je le propose dans mon amendement ? Il faut d'abord se dire qu'il y a un certain nombre de facultés, d'écoles et d'instituts, et qu'il est tout à fait normal de veiller à ce que le corps professoral de chacune de ces facultés soit représenté et qu'un certain nombre de professeurs représentent également les écoles et instituts. Deuxièmement, j'aurais aimé faire une proposition où il y aurait eu une représentation paritaire de l'ensemble des groupes constitutifs de la communauté universitaire, mais je savais très bien que cela n'avait aucune chance de passer.
Je pensais sincèrement que ma proposition était de nature à récolter une majorité, mais il semble que non. Eh bien, tant pis ! Je défends fermement l'amendement contenu dans ce rapport de minorité, parce qu'il est plus démocratique, parce qu'il est plus conforme au principe élémentaire de représentation du Grand Conseil et par conséquent de la population.
M. Antonio Hodgers (Ve). En préambule, je tiens quand même à dire que si notre amendement porte également sur l'article 77, il n'a rien à voir sur le fond avec celui de M. Mouhanna, puisque notre proposition vise à défendre, plus qu'un changement dans la taille de ce conseil, un changement dans la répartition entre les représentants de l'université et les représentants extérieurs. Je l'ai dit tout à l'heure, notre parti est favorable à l'autonomisation de certaines prestations de l'Etat, c'est pourquoi nous soutenons cette façon de faire qui consiste à créer des établissements autonomes publics. Cependant, quand un établissement qui a une mission publique devient autonome, il doit accepter qu'il y ait des contreparties. La première de celles-ci, Mesdames et Messieurs, est que, dans le conseil qui dirige cet établissement, il n'y ait pas une majorité d'employés de cet établissement. Ceci est tellement normal que partout dans la République - que ce soit aux TPG, aux SIG et dans bien d'autres conseils - la majorité des membres du conseil vient de l'extérieur de l'établissement.
Il semble qu'une large majorité de ce parlement pense que tel ne doit pas être le cas ici, et que la majorité des membres du conseil de l'université doit venir de l'intérieur. Je me suis demandé pourquoi et j'ai posé la question autour de moi. J'ai obtenu deux sortes de réponses. Il y a ceux qui me disent que l'université a une mission particulière, celle de la critique du pouvoir, et qu'elle est donc essentiellement un contre-pouvoir au pouvoir politique; la nécessité de la liberté académique y est associée. Mais, Mesdames et Messieurs qui m'avez avancé ces arguments, ce conseil de l'université n'aura pas pour mission de fixer le niveau de liberté académique des acteurs universitaires ! La liberté académique existe de par la loi. Et ce conseil, qu'il soit composé à cinquante/cinquante ou à deux tiers/un tiers, n'y changera rien. Cet argument de la liberté académique ne me semble donc pas pertinent.
Le deuxième type de réponse, qui est notamment celle des étudiants ainsi que du rapporteur de minorité, consiste à relever l'indépendance de l'université vis-à-vis de ce qu'on a appelé ce soir «le grand capital». Je suis un peu surpris de la naïveté de ces personnes ! Elles pensent que l'université pourra, seule, s'opposer aux pressions incessantes - que vous avez décrites, Monsieur Mouhanna, à juste titre - des milieux économiques sur les aspects académiques. Mais non ! Il n'y a pas trente-six mille voies pour financer une université, c'est soit le privé, soit le public. Dans ce sens-là, il faut choisir. Les Verts le disent clairement: ils choisissent le public. Or, en mettant une majorité d'acteurs universitaires au sein du conseil de l'université, vous affaiblissez évidemment l'université face aux milieux économiques et vous leur ouvrez, malgré vous, la porte.
Pour ceux qui ne sont pas membres de la commission de l'enseignement supérieur, il faut savoir que la première mouture qu'avait adoptée la commission proposait un conseil équilibré, à cinquante/cinquante. Ce qui s'est passé, c'est que la majorité de la commission a cédé soit aux larmes soit aux menaces des acteurs universitaires qui - je tiens à le dire - sont unanimes sur ce point, du rectorat aux étudiants. Ceci seul démontre que le politique ne veut pas instaurer un rapport de force avec les acteurs universitaires. Ces gens-là méritent toute notre estime et toute notre considération. Il n'empêche qu'ils restent des employés de l'Etat comme les autres, avec les défauts qu'ils peuvent avoir. C'est pourquoi il est peu imaginable, pour les Verts, de leur laisser une majorité au sein du conseil universitaire. Sur mon amendement - vous l'avez compris - ce conseil est composé de vingt membres, dont la moitié vient de l'extérieur, avec cinq personnes nommées par le Conseil d'Etat et cinq élues par le Grand Conseil, et l'autre moitié de l'intérieur. J'ai néanmoins pris en compte un argument qu'avait avancé mon collègue Kanaan, concernant l'indépendance de l'université vis-à-vis des aléas de la politique conjoncturelle, c'est pourquoi je précise que les membres extérieurs ne peuvent avoir aucun mandat électif cantonal ou national.
M. Patrick Schmied (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, cette discussion sur la définition du conseil de l'université a occupé pas mal de temps de la commission, puisqu'il s'agit d'une chose qui nous intéresse beaucoup, nous autres politiciens, à savoir le partage du pouvoir. Le groupe démocrate-chrétien est très satisfait de la solution qui a été retenue, autant en ce qui concerne la taille du conseil que la répartition entre membres extérieurs et intérieurs.
La taille est exactement la bonne, car le conseil est ainsi suffisamment compact pour constituer un partenaire efficace vis-à-vis du rectorat, tandis que la proposition de M. Mouhanna de l'étendre à trente personnes nous paraît de nature à affaiblir ce conseil. Quant à la répartition de deux-tiers de personnes intérieures à l'université et un tiers d'externes, elle nous paraît légitime, dans la mesure où il est important que les membres de l'université puissent prendre en charge et s'approprier ce qui se fait.
Pour ces raisons, nous nous opposerons à tout amendement qui tendrait à modifier ce qui a été décidé par la commission et vous prions de faire de même.
M. Bernard Lescaze (R), rapporteur de majorité. Pour que les choses soient claires: la majorité de la commission souhaite, bien évidemment, que nous en restions au projet de loi tel qu'il a été voté en commission. La solution défendue par le rapporteur de minorité introduit en réalité une politisation inacceptable à l'intérieur de ce conseil, notamment du fait que les représentants dits extérieurs seraient désignés par le Grand Conseil d'après le nombre de partis. Au contraire, le système proposé par la commission nécessite un accord, pour que les personnalités choisies le soient en fonction de leurs compétences et non de leur étiquette. C'est là le point fondamental sur lequel on a glissé. D'autre part, il faut que ce nouveau conseil de l'université soit efficace, or le nombre de vingt et un est déjà un compromis, puisque - je vous le rappelle - le premier projet parlait de quinze personnes.
En ce qui concerne l'amendement présenté par les Verts, je regrette évidemment que notre assemblée ne puisse voter l'affichage public du discours de M. Antonio Hodgers, notamment à l'université ! A titre personnel, le rapporteur de majorité serait assez proche de ces idées, même si le député vert ne va pas assez loin. Je pense cependant que l'avenir est là, c'est-à-dire qu'un jour il faudra qu'il y ait un conseil d'administration - osons le mot - comme il y en a dans d'autres organes, un conseil de nombre restreint et formé de gens extérieurs... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Mais ce n'est même pas ce que nous propose M. Hodgers, et ce n'est en tout cas pas une solution acceptable par l'université, ni même par nous. Je regrette, d'ailleurs, qu'il ne l'ait pas défendue davantage en commission, à un moment où il aurait pu trouver une majorité. Et pour lui expliquer pourquoi je ne voterai pas cet amendement même s'il peut avoir un côté séducteur, j'aimerais citer Disraeli, un grand Premier ministre anglais du siècle dernier: «Il vaut mieux voter avec ses amis comme un gentleman, que selon ses convictions comme un aventurier.» (Applaudissements.)Et c'est bien de cela dont l'université n'a pas besoin !
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, comme la parole n'est plus demandée, je vais vous faire voter sur les deux amendements. Je pars du principe qu'il s'agit de commencer par l'amendement le plus éloigné: c'est celui de M. Mouhanna qui propose que le conseil de l'université soit composé de trente membres. Vous en avez la composition aux pages 146 et 147 du rapport.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Le président. Nous passons au deuxième amendement, celui de M. Hodgers, qui propose un conseil de vingt membres.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Mis aux voix, les articles 77 à 99 sont adoptés, de même que les articles 1, 2 et 3 soulignés.
Troisième débat
Le président. Nous procédons au vote d'ensemble de la loi. L'appel nominal est demandé et soutenu... Le vote est lancé.
La loi 7985 est adoptée en troisième débat par 64 oui et 8 abstentions.
(Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le Grand Conseil prend acte du retrait des projets de lois 7889, 8032, 8067 et 8357.
Le président. Nous passons à la motion 1484. Monsieur Rodrik, vous avez la parole.
M. Albert Rodrik (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, en dépit de trois années de travail, il y a un sujet que nous n'avons pas réussi à creuser suffisamment et qui est probablement encore controversé puisque, et dans cette salle et dans le monde universitaire, il y a encore des divergences d'opinion à son sujet. Il a semblé à un grand nombre de membres de la commission - j'aurais espéré un plus grand soutien... - que nous pouvions confier au Conseil d'Etat le mandat d'évaluer l'évolution des esprits pour déterminer si le processus de désignation de nouveaux professeurs doit, comme par le passé, continuer à être l'apanage des seuls professeurs, ou si d'autres composantes de la communauté universitaire peuvent y participer. Je rappelle que ceci est déjà le cas pour la médecine clinique, qui reçoit pas mal de personnes dans ses commissions de structure et de nomination qui ne viennent même pas de l'intérieur de la communauté universitaire. Nous demandons donc au Conseil d'Etat d'examiner et de voir s'il est temps de faire des propositions à ce sujet. C'est ce en quoi consiste cette motion, et je vous demande de lui faire un accueil favorable.
M. Guy Mettan (PDC). Le groupe démocrate-chrétien est très satisfait de l'issue du vote de la loi de tout à l'heure et s'associe à la démarche de M. Rodrik présentée dans cette motion. Nous sommes effectivement d'accord de voir dans quelle mesure les étudiants pourraient, eux aussi, être associés au processus de nomination des professeurs, dans l'esprit de la loi que nous venons de voter.
Mise aux voix, la motion 1484 est adoptée.