République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 25 octobre 2002 à 17h10
55e législature - 1re année - 12e session - 65e séance
R 465 et objet(s) lié(s)
Débat
M. Pierre Schifferli (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, contrairement à ce qu'on nous dit sur les bancs d'en face, la question du secret bancaire ne peut pas être reléguée au rang des farces et attrapes. La preuve en est que plusieurs groupes politiques se sont préoccupés de ce problème, qui fait d'ailleurs toujours l'actualité de la presse. Nous avons déposé le 8 octobre une proposition de résolution, quinze jours plus tard les partis de l'Entente ont déposé à leur tour une proposition de motion, et les deux textes visent la défense du secret bancaire.
Nous allons bien entendu appuyer la motion des partis de l'Entente, mais nous considérons qu'elle n'est pas tout à fait suffisante, ni adéquate. La proposition de motion des partis de l'Entente se contente en réalité de demander que le canton de Genève envoie un message au Conseil fédéral. C'est bien, mais c'est manifestement insuffisant pour le moment et inadéquat. Ce dont nous avons besoin, c'est que Genève et la Suisse envoient un message à l'étranger, et particulièrement à l'Union européenne et à ses commissaires ou Gauleiter, notamment à M. Frits Bolkestein qui veut nous faire la leçon.
Le meilleur moyen de faire comprendre à ces gens-là que la Suisse est prête à défendre ses intérêts nationaux, c'est d'ancrer ce principe du secret bancaire dans la Constitution fédérale. Il s'agit d'une question de principe; d'autres droits privés protégeant la personnalité sont également ancrés dans notre Constitution, tels que le droit de propriété, le droit de la libre expression, etc.
Ce sujet est actuel. J'en veux pour preuve une déclaration du président du parti radical suisse, qui dit aujourd'hui que la Suisse doit rompre immédiatement les négociations bilatérales avec l'Union européenne, en cas de sanction ou de menace sérieuse sur le secret bancaire. C'est la déclaration de M. Gerold Bührer. Il explique que les propos de certains responsables de l'Union européenne qui annoncent des mesures de rétorsion ne sont pas compatibles avec la dignité d'un Etat souverain.
Ce que nous demandons n'est finalement en rien contraire à la situation actuelle. De par ma profession, je vois tous les jours le secret bancaire levé dans les cas de procédure pénale. Dans tous les cantons suisses, la procédure pénale permet de lever le secret bancaire. La Suisse a signé la convention européenne d'entraide judiciaire en 1957 déjà, elle a élaboré une loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale en 1983, qui était à l'époque une des lois les plus modernes et qui a d'ailleurs servi de modèle à la loi anglaise en la même matière, adoptée un peu plus tard. La Suisse a, dans les différentes révisions du Code pénal suisse, inclus les délits économiques tels que le insider trading, soit le délit d'initié, l'organisation criminelle et le blanchiment d'argent, et nous voyons tous les jours dans des procédures pénales que ce travail est fait de façon parfaitement satisfaisante par des juges d'instruction.
Le secret bancaire est là pour protéger la sphère privée des citoyens. Nous pouvons l'aménager mais de façon interne, et nous n'avons pas à subir les pressions d'Etats étrangers. C'est la raison pour laquelle je vous demande d'approuver cette proposition de résolution, mais je dois dire que j'ai tout de même été étonné à la lecture de certains propos qui ont été tenus par mes collègues de l'Entente. Je ne sais pas si le journal «Le Temps» a reproduit ces propos de manière fidèle, mais quand je lis qu'un député libéral aurait dit: «D'ici à dix ans la place financière genevoise devra faire sans le secret bancaire», je me dis qu'il y a un esprit de défaitisme curieux qui règne dans les rangs de la prétendue droite. C'est un peu étonnant, mais ce que je peux vous garantir, c'est que, dans dix ans, le secret bancaire existera encore, parce que le peuple suisse n'acceptera pas de plier sous l'influence et sous les pressions de l'étranger.
J'ai aussi été étonné en lisant les propos d'un autre député, du PDC, expliquant que cette proposition de résolution d'inclure la protection du secret bancaire dans notre Constitution serait dangereuse ou contre-productive, parce qu'elle aurait pour conséquence que le Conseil fédéral se retrouverait les mains liées dans ses négociations bilatérales avec l'Union européenne. L'UDC et apparemment, maintenant, le parti radical ne tiennent pas véritablement à ce que ces négociations bilatérales bis se poursuivent... Ce n'est pas sérieux de poursuivre des négociations alors qu'on fait l'objet de sanctions ou de menaces de sanctions ! En tout cas, l'idée que le Conseil fédéral se retrouverait les mains liées ne nous inquiète pas spécialement, car cela l'empêcherait certainement de se déculotter. Je souhaite donc, Mesdames et Messieurs les députés, que vous fassiez un bon accueil à cette proposition de résolution qui, finalement, ne fait que consacrer un état de fait qui correspond à ce que nous croyons et pensons aujourd'hui en Suisse.
Le président. Nous ne réussirons pas, Mesdames et Messieurs les députés, à terminer pour 19 h, car il y a dix orateurs inscrits. Je propose de donner la parole à M. Halpérin pour présenter le projet de motion, puis à M. le député Albert Rodrik, puis nous entendrons une déclaration du Conseil d'Etat, par la bouche de Mme Calmy-Rey, à ce sujet. Monsieur Halpérin, je vous cède la parole.
M. Michel Halpérin (L). Mesdames et Messieurs les députés, depuis très longtemps, je suis confronté, comme probablement chacun d'entre vous, à ce problème formidable qui devrait nous empêcher de dormir, nous autres politiques, parce que c'est celui du sens de l'action politique. Quand j'étais très petit garçon, j'ai lu quelque part - et je l'ai cru très longtemps, je me demande même s'il ne m'arrive pas de le croire encore aujourd'hui - que gouverner, c'était prévoir. Et depuis que je fais de la politique, je m'aperçois que c'est exactement l'inverse: dans notre système politique, parce que c'est un système démocratique sans doute, nous attendons généralement d'être en plein milieu des tourmentes et des catastrophes pour commencer à nous demander comment en sortir, alors même que nous savons longtemps à l'avance qu'elles vont avoir lieu, et que souvent nous le savons si longtemps à l'avance que nous les provoquons. En ce qui concerne par exemple le secret bancaire, je suis sidéré de voir depuis quinze ou vingt ans la gauche monter inlassablement à l'assaut de cette institution - typiquement suisse, croit-on, mais qui n'est pas si suisse que cela - puis découvrir avec étonnement aujourd'hui et s'émouvoir de l'impact de la situation économique multiplié par un certain nombre de menaces pesant sur le secret bancaire, sur la place financière en tant que lieu majeur de notre économie tertiaire, et venir nous proposer aujourd'hui, demain, après-demain des partages du travail - parce que c'est tout ce qui nous reste à faire: partager du travail au lieu d'en créer.
Mais je ne suis pas beaucoup plus indulgent envers la droite qui, mue par un de ces complexes de culpabilité qui lui sont propres sans être toujours bien fondés - il lui arrive d'avoir des complexes de culpabilité bien fondés, mais ils ne le sont pas toujours - se tait misérablement depuis quinze ans, se protège la tête contre les attaques de la gauche qu'elle croit fondées, et se réveille trop tard pour défendre ce qui aurait dû être défendu depuis quinze ans.
Par conséquent, nous ne sommes ni à gauche, ni à droite un modèle politique avouable, puisque nous sommes incapables de prévoir, donc incapables de gouverner. Nous sommes à la traîne des événements et j'en ai honte pour chacun d'entre nous...
M. John Dupraz. Démissionne !
M. Michel Halpérin. Oui, ce serait probablement une solution. J'y songe de plus en plus souvent quand je vois la manière dont Dupraz, parmi d'autres, se contente de ce qu'il est... (Rires et applaudissements.)
Le moralisme ambiant, véhiculé à l'occasion des débats sur le secret bancaire, est une autre source d'inquiétude pour moi, parce que je ne supporte pas ni les amalgames, ni les pseudo bonnes consciences. Je ne les ai jamais supportées, je les supporte de moins en moins, même quand elles ne sont pas véhiculées par le même Dupraz. Je trouve que les campagnes de dénigrement dont le secret bancaire a fait l'objet, qu'elles aient été signées par Jean Ziegler ou par Christian Grobet ou par d'autres, nous ont fait du tort. Et je le dis depuis longtemps. Je dis que ce moralisme est instrumentalisé par l'étranger pour nous conduire là où nous devrions ne pas aller, parce que nous avons au moins deux motifs de ne pas vouloir y aller: il y a un motif de principe, qui est celui de la défense de la dignité personnelle, et qui fait qu'il n'y a pas tellement d'hésitation à avoir lorsque nous analysons nos institutions, notamment en matière de secret bancaire et notamment en rapport avec le secret fiscal. Moi, je n'ai pas honte de dire que nous sommes ici dans un pays que je crois plus démocratique que beaucoup d'autres, parce que, dans les rapports entre les citoyens et l'administration, il privilégie souvent les citoyens sur l'administration. Et je ne crois pas que les pays dans lesquels l'administration se privilégie toujours sur les citoyens - notamment en matière fiscale et notamment en taxant de vol ceux qui n'accomplissent pas tous leurs devoirs civiques - soient plus démocratiques que le nôtre. Et je ne crois pas que ces pays-là aient des leçons de démocratie à nous donner. Cela explique d'ailleurs probablement pourquoi ce pays-ci, contrairement à bien des pays qui l'entourent, a une relativement faible propension à l'évasion fiscale. Par conséquent, lorsque nous avons des institutions qui traitent avec une certaine délicatesse des fragilités individuelles, ces institutions rendent de meilleurs services à la collectivité publique que celles qui recourent à la répression pour la répression.
Mais il y a un deuxième argument pour lequel nous pouvons nous battre sans hésitation en faveur du secret bancaire. Cet argument-là primera aujourd'hui, puisque vous tous, en face de moi, qui avez l'habitude de vous battre pour des principes, n'avez jamais voulu vous battre à visage découvert pour le principe de la préséance de l'individu sur les exigences collectivistes. Ce deuxième principe est effectivement l'économie et le travail. Actuellement, parce que vous vous apercevez que nous sommes au bord du précipice - et peut-être avons-nous déjà commencé à y plonger - vous êtes en train de vous poser, tardivement, les douloureuses questions de la concurrence internationale. Est-ce que vous croyez vraiment que les Etats-Unis, qui ne connaissent pas le principe que nous avons imposé à nos banques du «connais ton client !» et qui ne l'appliquent pas chez eux car il est interdit, que l'Angleterre, qui a lancé le système en vertu duquel l'Europe unie nous demande aujourd'hui de renoncer au secret bancaire fiscal, alors qu'elle ne le pratique pas chez elle et ne le pratiquera pas parce qu'elle a trouvé le moyen de ne pas le pratiquer par de petites astuces, croyez-vous vraiment que ces gens-là font cela par amour de l'humanité et des principes, ou croyez-vous qu'ils essaient de prendre une place du marché qu'ils nous envient ? La réponse est dans la question. Et lorsqu'on pose des questions matérielles, pragmatiques, on est obligé d'y répondre, pour savoir si les autorités politiques de ce pays veulent défendre la population ou simplement se donner à bon compte une bonne conscience angélique et stupide, car malheureusement les deux vont de pair, et on le sait au moins depuis Blaise Pascal qui rappelait que qui veut faire l'ange, fait la bête.
Il n'y a qu'une seule solution pour sortir de cet angélisme bêtifiant, c'est aujourd'hui - bien qu'il soit trop tard - d'avoir le courage d'assumer ce que nous sommes, c'est-à-dire une société genevoise tertiaire, en défendant ce qui nous reste de travail et d'espérance de richesses encore, face à la Confédération, et face à ceux qui de l'extérieur essaient de nous arracher nos avantages. Pour cela, nous devons soutenir les deux textes qui nous sont présentés. (Applaudissements.)
M. Albert Rodrik (S). Je suis tout à fait ému de parler après Me Halpérin, ce «Jupiter tonans» qui nous est tombé dessus. Je vais essayer d'en être digne !
En tout état de cause, nous ne prendrons pas la motion de l'UDC, parce que ce n'est pas le secret bancaire qui est une farce et attrape, Monsieur Schifferli, mais c'est cette initiative qui consiste à vouloir inscrire cette affaire dans la Constitution fédérale. Ce n'est pas sérieux.
Deuxièmement, la motion de l'Entente. Je vais vous dire une chose très simple. Si vous voulez faire passer votre motion en votant Entente + UDC, vous n'allez pas faire un grand scoop. Qu'il y ait une bonne inconditionnalité de l'Entente et de l'UDC à l'égard d'un certain nombre d'intérêts, tout à fait légitimes d'ailleurs, ce n'est pas une découverte et je ne crois pas que vous allez apporter un grand appui à la cause que vous pensez défendre. Par contre, s'il était possible, en dehors de toute précipitation, tenant compte du fait que l'on va se voir, se revoir et se re-revoir d'ici la fin de l'année, de réfléchir ensemble à quelque chose qui pourrait être une forme d'appui qui vaille la peine... Mais c'est à vous de savoir ! (Brouhaha.)Pour notre part, nous ne sommes pas fondamentalement demandeurs. Mais si vous voulez que l'Entente dise, avec l'UDC, qu'elle aime le secret bancaire, c'est votre droit. Il n'y a pas de problème.
La banque a été mon premier métier, Mesdames et Messieurs. J'ai appris la pratique du droit et de l'éthique bancaire chez Maurice Aubert, à qui je dédie ce débat. Celui-ci a présidé ce Grand Conseil de façon remarquable. Ce n'est pas vaine admiration de ma part. Comme fonctionnaire, je le voyais présider depuis là. Et je le lisais pour ma pratique personnelle.
Secret bancaire, Mesdames et Messieurs, comme dirait le Larousse, c'est familier et populaire. C'est pourquoi je voudrais revenir au fond. Si ce dont nous parlons, c'est ce que fonde le fameux article 47 de la loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne - je ne sais pas s'il s'agit toujours du même numéro - cela ne pose pas de problème. Nous n'oublions pas que cette loi a été créée en 1934 pour combattre les menées nazies. Vous savez bien comment et pourquoi. Ce n'est donc pas nous qui allons l'oublier. Par contre, Mesdames et Messieurs, il en va différemment si nous sommes en train de parler de la boursouflure que représente cette notion depuis la fin de la Guerre jusqu'au milieu des années 90, date à laquelle la Suisse s'est dotée d'une nouvelle et exemplaire législation. Cette législation nous a fait prendre un autre chemin depuis lors, qui nécessite du temps pour passer dans les faits, bénéficier d'une jurisprudence et être consolidée.
Cet oedème, cette manière de magnifier ce secret bancaire, depuis son origine dans la loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne, qui est devenue une espèce de manteau d'indulgence et d'absolution d'un certain nombre de comportements que des régimes juridiques à peu près aussi civilisés que le nôtre considèrent comme des délits, c'est à cela que nous n'adhérons pas, Maître Halpérin.
Qu'est-ce que le métier de banque ? Il avait deux piliers à l'époque, il en a trois maintenant. C'est le devoir de diligence. Reconnaissons que c'est devenu aujourd'hui la quadrature du cercle que d'exercer le devoir de diligence, quelque part entre le championnat d'échecs, Madame Soleil et le sacerdoce. Le deuxième, c'est le devoir de discrétion. C'est cela le vrai terme. C'est le devoir de discrétion du banquier. Sans cela, il n'y a pas de métier de banque. Si c'est aussi de cela que vous parlez, il ne nous pose pas de problème. Enfin, depuis une dizaine d'années, il existe un troisième devoir, le devoir de vigilance. J'ai ouvert des centaines et des centaines de comptes dans les années 60 et 70. La consigne était alors de ne pas poser de questions. On remerciait Monsieur ou Madame d'avoir choisi tel ou tel établissement pour déposer leurs fonds. On m'a donné l'assurance que ce n'était plus le cas pour les jeunes générations et que ce n'était plus ainsi que cela fonctionnait. J'en accepte l'augure.
Je veux donc bien parler du métier de banque qui est devoir de diligence, devoir de discrétion et devoir de vigilance, mais pas de l'oedème, de la boursouflure que l'on a provoquée dans ces notions jusqu'au moment où la Suisse a emprunté le chemin de la vertu de façon exemplaire, vertu qui mérite encore d'être consolidée.
Il y a encore une petite chose, Monsieur Halpérin, c'est de savoir pourquoi diable certaines pratiques fiscales, que nous condamnons dans ce pays, ne seraient pas sujettes à condamnation si elles sont perpétrées ailleurs. Vous avez eu des paroles touchantes sur la fragilité humaine, que j'ai appréciées comme vocabulaire. Mais nous avons encore un peu de peine à dire que nous ne ferions pas ici ce que l'on fait ailleurs en matière d'évasion fiscale et qui pourrait être pardonné parce que commis ailleurs.
A partir de là, reconnaître que la place financière de Genève et de la Suisse est une partie importante de l'économie de ce canton et de ce pays, il n'y a aucune discussion. Il ne s'agit pas de cela. Il s'agit de se demander pourquoi, lorsqu'on négocie, l'on se voit tout d'un coup lié entre la fiscalité de l'épargne et le secret bancaire, et l'on se fait piéger dans des négociations. Mais cela arrive probablement.
Maintenant, c'est très simple. Si vous voulez clairement adopter votre motion ce soir, comme elle est, vous l'adopterez, c'est tout. Si vous voulez envoyer un message pour dire qu'il y a un entendement, un sens à vouloir défendre une place financière, vous vous prêterez alors à un travail de commission. C'est encore une fois à vous de savoir. Nous vous avons dit ce que nous pensions. Ne construisez donc pas une image de la gauche à partir de ceci et de cela. (Applaudissements.)
Mme Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la Suisse occupe une place de leader dans la gestion de fortune internationale. Compte tenu du fait que la majeure partie des patrimoines reste gérée de façon domestique, la part de marché globale de la Suisse, dans ce secteur à la fois très disputé et aussi fortement atomisé, atteint 5 à 6%, ce qui est considérable pour un aussi petit pays. Genève tient une part importante de ce marché. Les activités du secteur bancaire et financier induisent des effets bénéfiques pour l'ensemble des secteurs de notre tissu économique local, et les retombées fiscales qui en découlent contribuent fortement à la santé de nos finances publiques.
Un débat constitutionnel sur le secret bancaire a été lancé par l'Union démocratique du centre. Divers parlements cantonaux, dont ceux de Zurich et du Tessin, ont ouvertement affirmé leur volonté politique de défendre le secret bancaire. Même si cette démarche qui vise, d'une part, à protéger la sphère privée des citoyens et des citoyennes et, d'autre part, à renforcer la place financière helvétique est bien intentionnée, il est douteux qu'elle soit d'une grande utilité concrète dans la mesure où ce sont les exceptions aux principes qui comptent le plus dans la pratique. Précisément, en pratique, le secret bancaire ne peut pas être opposé à un juge pénal, mais il est opposable aux services de l'administration.
Mesdames et Messieurs les députés, l'impôt est un élément fondamental de la solidarité et de la démocratie. Le refus de payer l'impôt constitue une attitude profondément incivique, dont le résultat est contraire à l'équité et à l'éthique, mais aussi à l'efficacité économique. En Suisse comme à Genève, les autorités partagent cette vision. Aujourd'hui, la Suisse lutte pour sauver ce qui peut l'être, pour son secret bancaire. A l'idée d'échanges automatiques d'informations entre autorités fiscales, notre pays propose l'extension du principe de l'impôt anticipé aux ressortissants de l'Union européenne pour autant que leur épargne soit placée chez nous. Cette offre est objectivement réaliste et probablement plus efficace que celle pouvant ressortir du cadre de la directive européenne. En effet, aussi paradoxal que cela puisse paraître, cette dernière n'inclut dans sa démarche que les personnes physiques et exclut de nombreux véhicules de placements et instruments financiers. De fait, les propositions européennes sont empreintes d'une volonté de préserver la capacité concurrentielle de certains pays membres de l'Union. Il est pour autant évident que la querelle existant autour du secret bancaire a des impacts dans d'autres domaines. Alors que, dans le cadre des négociations bilatérales, la Suisse refuse de faire les concessions réclamées sur la libre-circulation des services ou sur Schengen-Dublin sans contrepartie, on s'aperçoit que seuls deux dossiers intéressent l'Union européenne: celui de la fiscalité de l'épargne et celui de la lutte contre la fraude douanière. Au-delà du problème technique, le dilemme pour notre pays est de faire des choix, des choix qui préservent l'avenir du secteur financier et des secteurs non financiers, sans pour autant renoncer au secret bancaire. De son côté, l'Union européenne a dû accepter de prendre en considération les réalités des places financières européennes. La commission ne réclame plus une information automatique à l'égard de la Suisse. Néanmoins, ces négociations restent difficiles et délicates et ne se mèneront certainement pas sur la place publique. Le gouvernement genevois soutient le gouvernement suisse dans les pourparlers à venir. Il voit dans la proposition de motion qui vous est transmise ce soir une occasion pour le parlement genevois d'exprimer le même soutien. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce débat est suspendu. Il sera repris après le débat sur le point 116 à 20 h 30.
Je rappelle, à la demande de M. Jean-Claude Egger, vice-président, que la commission de réexamen en matière de naturalisation est convoquée maintenant à la salle Nicolas-Bogueret.