République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 24 octobre 2002 à 20h45
55e législature - 1re année - 12e session - 63e séance
IU 1311
M. Pierre Vanek (AdG). Je ne reviendrai pas sur le point précédent. J'aimerais juste poser une question au Conseil d'Etat par rapport aux propos qu'a tenus à l'instant Mme Martine Brunschwig Graf, en répondant à notre collègue Charles Beer. Le problème soulevé est d'une réelle importance. Mme Brunschwig Graf a répondu avec beaucoup d'esprit...
Le président. J'aimerais savoir à qui votre interpellation est adressée...
M. Pierre Vanek. Elle est adressée au Conseil d'Etat, comme toutes les interpellations. C'est lui qui, en son sein, décide qui est appelé à y répondre. Il y a un volet financier qui pourrait concerner Mme Calmy-Rey et un volet sur les déclarations faites à l'instant même par Mme Brunschwig Graf. Je les laisse juges de savoir à qui cette question est le mieux destinée.
Madame Brunschwig Graf, en répondant à M. Charles Beer sur la question de la publicité des écoles privées dans une publication officielle, votre cri du coeur semblait relever du bon sens. Vous lui avez dit qu'il n'y avait pas, et en ce sens vous avez fait preuve de beaucoup d'esprit et d'agilité intellectuelle, de base légale interdisant au secteur privé de subventionner, en fait, le secteur public. C'est bien ce que vous avez dit !
Cependant, Madame Brunschwig Graf, quand on sait que dans un certain nombre de pays, notamment aux USA, dans toute une série de domaines, mais en particulier celui de l'école, on voit se développer une politique systématique de subventionnement de services publics, d'écoles, par des entreprises privées, par des multinationales, en échange de prestations diverses, cette déclaration ouvre, à mes yeux, la porte à une dérive malsaine.
Je ne dis pas que c'était ce que vous cherchiez à promouvoir ou à cautionner, mais il faut être tout à fait clair, car il y a, à mon sens, une base légale qui interdit le subventionnement sauvage par le secteur privé de telle ou telle activité de l'Etat. Ne serait-ce que dans la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, à l'article 18, dans lequel il est dit que l'intégralité des opérations financières de l'Etat sont soumises au processus budgétaire.
Cela signifie qu'elles sont soumises à ce parlement. Si, par exemple, une entreprise voulait subventionner telle activité de l'Etat, cela devrait figurer dans les recettes prévues, de sorte que ce parlement discuterait de l'opportunité d'accepter ou non le financement.
De ce point de vue, il y a eu un dérapage; petit, je le concède, parce que je ne prête aucune intention machiavélique à Mme Brunschwig Graf.
Cependant, j'aimerais que ce point soit précisé par le Conseil d'Etat, car ce «petit» dérapage ouvre potentiellement la porte à des dérives plus graves que l'objet précis, même s'il était sérieux et important, qu'a soulevé Charles Beer dans son interpellation.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. On peut vérifier dans le Mémorial les propos que j'ai tenus. Je n'ai pas parlé du secteur privé qui finance le secteur public. J'ai parlé des écoles privées qui subventionnent des projets du département, et ceci en ironisant quelque peu.
Je tiens à rappeler deux choses, car, tout de même, il y a neuf ans que je préside ce département et, à aucun moment, vous n'avez vu les groupes représentés dans ce Grand Conseil soutenir aucune démarche représentant un démantèlement des missions assumées par l'école publique sous prétexte que d'autres devraient les prendre en charge.
Je tiens à redire très clairement ce que j'ai déjà dit. L'interpellant a, à sa manière, proposé une formule que j'ai reprise pour faire un trait d'humour en renversant le propos, mais cela n'empêche pas que sur le fond, Monsieur le député, vous ne pouvez prendre en défaut ni l'Etat ni le département de l'instruction publique. Vous ne devez voir dans ces propos aucune intention cachée. En revanche, je ne peux pas non plus cautionner le fait que l'on présente les écoles privées comme des diables qui viennent grignoter le terrain de l'école publique.
Dans ce canton, nous avons besoin de l'existence d'écoles privées. Il y a des missions qui ne sont pas assumées par l'école publique, comme, par exemple, l'enseignement bilingue français-anglais dans toutes les classes. Lorsque nous nous targuons d'accueillir des entreprises, des organisations ou des institutions multinationales dans ce canton, l'offre d'accueil comprend aussi des écoles qui permettent aux enfants de ces fonctionnaires, de ces employés ou de ces collaborateurs de trouver de quoi satisfaire leurs besoins en termes d'enseignement.
Le jour où vous opposerez sottement les uns aux autres, vous causerez des dommages beaucoup plus importants que vous ne le pensez dans ce canton. La guerre n'a jamais été là. Elle ne doit pas l'être et nous avons veillé à ce qu'elle ne le soit pas.
Je propose de clore ce débat qui n'avait d'autre objectif que de justifier des recettes publicitaires pour la couverture partielle des frais d'un journal du département de l'instruction publique.
Encore une fois, il vaut mieux des publicités d'écoles privées que celles d'autres organisations ou entreprises, pour lesquelles certains d'entre vous se sont levés sur ces bancs. Quoi qu'il arrive, la seule décision que vous pourriez prendre, c'est de nous interdire de percevoir des recettes publicitaires. Pour l'instant, je n'ai entendu personne d'entre vous le proposer.
Cette interpellation urgente est close.