République et canton de Genève

Grand Conseil

R 463
Proposition de résolution de Mmes et MM. Sylvia Leuenberger, Morgane Gauthier, Claude Blanc, Jacques Baudit, Hubert Dethurens, Luc Barthassat, Jean-Claude Egger, René Desbaillets, Pierre Vanek, Christian Brunier et Guy Mettan concernant la décision du Conseil fédéral sur l'essai de plantation à l'air libre de blé transgénique (initiative cantonale)

Débat

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). L'objectif de cette résolution est très clair: nous trouvons très regrettable que le Conseil fédéral ait donné son autorisation pour un essai de plantation de blé transgénique en plein air, alors que la loi Genlex est en révision. Or, cette nouvelle loi n'autoriserait visiblement plus ce genre d'essai. De plus, on ignore actuellement les conséquences d'un tel essai sur les autres plants non modifiés, de même que sur la résistance aux antibiotiques, alors que c'est justement là l'important.

L'Office fédéral de l'environnement avait vu juste l'an passé en refusant cette demande faite par l'EPFZ; il s'appuyait alors sur une étude approfondie de la question. Afin d'évaluer correctement les conséquences sur l'environnement, il faut connaître avec plus de précision ce qui a été modifié et, malgré les demandes d'informations complémentaires émanant notamment du canton de Zurich, la demande d'essai de l'EPFZ ne contenait même pas toutes les informations...

Le président. Excusez-moi deux minutes, Madame Leuenberger. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés, un peu de silence. J'attire votre attention sur le fait que nous avons encore une résolution et le point 84 à traiter ce soir. Je vous demande donc un peu de silence et de discipline pour qu'on puisse finir le plus rapidement possible. Vous pouvez poursuivre, Madame Leuenberger.

Mme Sylvia Leuenberger. Merci, Monsieur le président. Je disais donc que nous n'avions pas obtenu les informations requises par l'ordonnance sur la dissémination dans l'environnement et la directive européenne relative au même sujet. Le Conseil fédéral a donc tout faux en acceptant ce recours contre la décision d'interdire cette plantation en plein air. Il aurait suffi d'attendre l'entrée en vigueur de la nouvelle loi fédérale pour se prononcer. Par ailleurs, il n'y a aucune urgence pour la recherche sur la maladie de la carie du blé, qui est en cause: cette maladie n'est pas fréquente et peut être traitée de façon classique avec succès. Le fait que tous les agriculteurs aient cosigné cette résolution prouve qu'il y a bien un problème là-dessous et que des pressions économiques sont certainement exercées sur le Conseil fédéral. M. Leuenberger lui-même est d'accord sur le fond avec le directeur de l'Office fédéral de l'environnement. La révision de la loi n'a été qu'un prétexte.

Je vous demande simplement de renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat, pour que celui-ci l'achemine vers M. Moritz Leuenberger. Merci.

Le président. Avant de passer la parole à M. Dupraz, je salue la présence à la tribune de notre ancien collègue Michel Ducret. (Applaudissements.)

M. John Dupraz (R). Mesdames et Messieurs les députés, une fois de plus, Genève croit devoir donner des leçons au Conseil fédéral. Croyez-vous que le Conseil fédéral reçoit des instructions et des ordres d'un parlement d'une petite province comme Genève ? (Protestations.)C'est totalement ridicule, déplacé et inutile ! Quoi qu'en dise Mme Leuenberger, la procédure a été régulièrement suivie, et le Conseil fédéral a pris cette décision sur la base des lois en vigueur à l'heure actuelle. En effet, on ne gouverne pas un pays en attendant que le parlement vote des lois futures...

Je prierai ce parlement de ne pas voter cette résolution, qui ne fait que discréditer Genève auprès de l'autorité fédérale.

M. René Desbaillets (L). Concernant cette résolution que je soutiens, et par rapport aux propos de notre collègue John Dupraz vis-à-vis des décisions du Conseil fédéral, je pense que, lorsque le Conseil fédéral déraille, on est en droit de décrocher les wagons et de décider de ne pas le suivre. Faire des essais en serre avec des OGM, d'accord; travailler sur des OGM dans le domaine de la médecine, d'accord; mais faire des essais de plantes génétiquement modifiées en plein air, avec le risque de voir des pollens s'éparpiller dans la nature sans savoir ce qu'ils vont donner, c'est autre chose... On ne peut pas prouver par exemple que le fait qu'une abeille butine des pollens de blé génétiquement modifié, ou plutôt de colza, sera sans conséquence. Quel miel cela va-t-il donner ? On ne le sait pas ! On joue aux apprentis sorciers. Ce revirement du Conseil fédéral, comme par hasard, rappelle l'histoire du deuxième pilier: il y a de grosses pressions faites par des Novartis, des Sandoz, etc. dans le seul but de faire profiter leurs actionnaires. Puisqu'on a tous voté, John Dupraz y compris, pour le développement durable, il faut savoir raisonner. Certains disent qu'avec les manipulations génétiques on va pouvoir lutter contre la faim dans le monde. Ce n'est pas vrai ! Ce n'est pas la manipulation génétique qui va faire augmenter la production mondiale de céréales ou autre; il faut simplement partager un peu mieux les denrées alimentaires et tout le monde mangera à sa faim. Il faut donc soutenir cette proposition. (Applaudissements.)

Le président. Qui a dit qu'il n'y avait pas deux courants de pensée chez les libéraux ?... Je donne la parole à M. Dethurens.

M. Hubert Dethurens (PDC). Pour une fois, je ne suis pas tout à fait d'accord avec mon copain John Dupraz, John Dupraz qui, entre autres, est très ami avec M. Pascal Couchepin... Je pense que, si Genève peut amener quelque chose dans ce débat, il doit le faire et très vite. Personne ne veut des OGM. Les agriculteurs n'en veulent pas, les consommateurs n'en veulent pas. Pourquoi faire des OGM ? Il y a quelques années, une hormone a été découverte, c'était la somatotropine: on piquait les vaches avec cela et elles produisaient 20% de lait en plus. Or, on ne sait plus quoi faire du lait en Suisse. Que va-t-on faire d'OGM que personne ne mangera, qu'on va produire pour devoir les éliminer ensuite par divers procédés ? Je vous encourage donc à voter cette résolution et à l'envoyer à Berne. Peut-être bien que la petite voix de Genève ne sera pas significative à Berne, mais si tous les cantons faisaient cet exercice, je pense que la Suisse pourrait prendre une position significative dans ce domaine. C'est vrai qu'en Suisse, comme l'a relevé M. Desbaillets, on est peut-être soumis aux pressions de grandes firmes comme Novartis... Eh bien, on peut dire à ces firmes-là que nous ne voulons pas d'organismes génétiquement modifiés. Une fois de plus, je vous remercie de voter cette résolution.

Mise aux voix, la résolution 463 est adoptée. Elle est renvoyée au Conseil d'Etat.